Entretien E35 Sidonie

Age : 53 ans

Profession : Conseiller Technique AIS auprès de l'IEN, Secrétaire de CCPE

Diplômes : CAEI option Déficients Intellectuels

Sidonie : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Sidonie : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : bureau de l'inspection départementale

Durée : 30 minutes

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté" ?

Cursus scolaire différent, retard scolaire, problématique psychologique, soins, parents en difficulté.

Pouvez-vous développer chaque idée ?

Cursus scolaire différent, ça veut dire qu'un enfant en difficulté peut faire une classe en deux ans par exemple. Retard scolaire, un enfant en difficulté peut être en grande difficulté et auquel cas on met un PEI. Si l'enfant a un retard scolaire supérieur à deux ans, on lui fait un cursus scolaire très adapté, donc un PEI. Un enfant très en difficulté ça peut être aussi en difficulté psychologique, auquel cas là aussi, si la difficulté est très importante et si elle entraîne un retard, on fait un PEI et là, ce n'est plus une difficulté mais un handicap. Quand il y a PEI, il y a forcément handicap reconnu par la CDES, seule commission habilitée à poser le terme de handicap à partir d'un certain taux supérieur à 50 %.

Pouvez-vous expliquer la procédure de mise en place d'un PEI ?

Un PEI se met en place à la demande soit de la famille, soit de l'école. La demande m'arrive et à ce moment-là on traite cette demande avec l'aide des psychologues scolaires, on reçoit les familles, quelquefois les personnes qui interviennent au niveau des soins et on voit comment on peut adapter la scolarité de l'enfant avec ses difficultés. A ce moment-là, on fait une pré-convention, c'est-à-dire qu'on fait un essai à l'école et au bout d'un certain temps l'école nous renvoie si c'est possible ou pas et le dossier est traité en CCPE. Alors, il y a l'avis de la famille, l'avis de l'école et l'avis du psychologue scolaire. A partir de là, la CCPE se prononce pour l'élaboration d'un PEI ou pas.

Vous avez aussi parlé de la CDES…

Nous, nous sommes une émanation de la CDES. Au niveau des PEI, la CDES nous donne la possibilité de faire sans demander son avis. Mais effectivement quand on ne sait pas bien si un enfant est porteur d'un handicap ou pas, on interroge la CDES.

Vous avez dit aussi tout à l'heure soins et parents en difficulté…

Soins parce que souvent pour un enfant en difficulté l'école ne peut pas gérer elle-même le problème. Ça veut dire qu'on demande de l'aide qui peut être de l'orthophonie, de la psychomotricité, un soin psychologique… ces soins peuvent être pris sur le temps scolaire, il y a dons un aménagement du temps scolaire, ça peut être aussi l'hôpital de jour… Et parents en difficulté, parce que souvent quand un enfant est en difficulté scolaire, la famille est elle-même en difficulté. Il faut traiter non seulement l'enfant mais aussi la famille.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

Soutien à l'école d'un enfant qui a un retard scolaire.

Autre chose ?

Vous me posez une colle parce que pour moi, c'est principalement ça. C'est aider un enseignant lorsqu'il a un enfant qui est en retard et puis ça peut être aussi aider la famille. Pour moi, le réseau c'est une aide. Quand le réseau ne peut pas suffire, à ce moment-là on passe au-dessus. C'est une première étape au niveau d'un enfant à l'école pour éventuellement passer le relais.

Est-ce que ça vous convient si je garde comme expressions aider l'enfant, aider l'enseignant, aider les parents, première étape et passer le relais ?

Oui.

Que pouvez-vous dire à propos du travail du réseau d'aide pour un cas d'enfant qui est présenté en CCPE ?

D'abord, je vais vous dire que pour tous les enfants que je suis, qui sont sous PEI, le réseau n'intervient pas. Tout simplement parce que la difficulté est trop importante et que ce n'est pas le réseau qui peut résoudre le problème. Donc, l'enfant ayant à côté de l'orthophonie, de la psychomotricité, des soins psychologiques, ce n'est pas la peine de rajouter encore le réseau. Et le réseau donne la priorité aux enfants qui, eux, peuvent en bénéficier.

Je pensais à d'autres cas d'enfants, ceux qui relèvent d'une orientation à un moment de leur scolarité mais qui antérieurement ont pu bénéficier d'une aide du réseau…Pour eux, quelle a été la nature du travail effectué par le réseau dont vous avez eu connaissance ?

Peut-être n'en avez-vous aucun retour ?

Si, au début de la difficulté, souvent les enseignants font appel au réseau. Le réseau intervient en soutien, pas en soutien pédagogique dans les enfants que je connais en soutien plutôt rééducatif, avec le maître G. Mais je ne sais pas quoi dire…

Quelle est la nature des comptes rendus qui en sont faits par exemple ? Est-ce que quelqu'un se déplace pour en parler ? etc…

Ce que j'en sais, c'est que quand le dossier passe en CCPE, c'est très, très succinct. On dit seulement intervention du maître E ou du maître G c'est tout. Il n'y a pas de détail. Les détails ont été portés à la connaissance de l'école et des familles mais au sein de l'école. Moi, je n'ai pas de retour, je n'ai pas de compte rendu, je n'ai rien. Quelquefois, lorsque le dossier est traité, le maître E ou le maître G sont invités à la CCPE et disent oralement, c'est-à-dire qu'il n'y a jamais de papier de réseau dans les dossiers. Je suppose que les psychologues sont porteurs de renseignements mais ils sont à l'intérieur des dossiers personnels et la CCPE n'en a pas connaissance.

Est-ce que ce fonctionnement est intéressant ?

Oui, je pense que c'est intéressant parce que justement vous avez une action qui ne met pas le doigt dans un engrenage de handicap… parce que moi, quand le dossier est ouvert, c'est souvent pour dire handicap. Et l'intervention du réseau, ce n'est pas ça, ce n'est pas de traiter le handicap, c'est de traiter un retard scolaire qu'on peut combler. Je ne dois pas en avoir connaissance, c'est aussi bien. Ça prouve que s'il y a eu intervention du réseau et que le dossier passe en CCPE, c'est que votre action n'a pas été adéquate, que vos moyens n'ont pas répondu à la difficulté, ça passe au-dessus.

Avez-vous de votre place une visibilité du travail d'équipe du réseau, par l'intermédiaire du psychologue par exemple ?

Oui, moi je le sais parce que j'ai des rencontres avec les psychologues, mais mon travail n'a pas besoin de le savoir, ça… c'est-à-dire c'est parce que je fonctionne comme ça qu'à propos d'un enfant, on va me dire : "aujourd'hui, il y a eu une rencontre à propos de cet enfant et c'est tout". C'est seulement pour notre bon fonctionnement à tous, il faut que je sache que cet enfant-là a été suivi, les enseignants ont été mis au courant, ça me suffit. Je suis en dehors du réseau et on veut être comme ça. C'est notre désir. Les informations sont très personnelles et ne sont pas communiquées.

Si je vous dis "maître E", quels sont les cinq mots qui vous viennent à l'esprit ?

Aide à l'apprentissage de la lecture, remise sur les rails pour une scolarité après un CP, et puis évaluation du niveau de l'enfant après l'intervention. Pour moi, on prend l'enfant lorsque l'enfant est signalé au réseau, donc c'est fin de grande section, début CP, on le prend, on sait qu'il y a un retard et qu'on sait qu'on n'arrivera pas tout seul à lui apprendre à lire, donc on demande une aide supplémentaire, c'est une aide pour l'enfant parce qu'on le prend en séance mais c'est aussi une aide au niveau de l'enseignant, lui apporter des outils que lui n'a pas forcément. Le maître E, par rapport à la difficulté de l'enfant, va pouvoir donner l'outil nécessaire à l'enseignant pour pouvoir avancer. C'est comme je le vois, ce n'est peut-être pas forcément ça.

Pourriez-vous faire la même chose pour le maître G ? en cinq mots…

Aide corporelle pour un enfant qui a un retard moteur, aide au niveau de la motricité, aussi bien de la motricité globale que de la motricité fine… aide lorsqu'un enfant a des difficultés d'espace-temps et aussi je crois lui faire découvrir des possibilités de jeux, jeux en relation duelle mais aussi jeux collectifs. Je sais qu'on a une collègue qui participe bien aux séances d'éducation motrice à la maternelle pour aider et pour montrer à certains enfants tout ce qui est possible de faire parce que la relation passe mieux que quand l'enseignant est tout seul face au groupe. Donc ça aide un enfant qui a des appréhensions face à la motricité.

Quelles sont les différences que vous percevez entre maître E et maître G ?

Pour moi, ce n'est pas du tout la même chose. Le maître E est là pour apporter une aide pédagogique au niveau des apprentissages alors que le maître G, c'est plus corporel, plus moteur.

Et en comparant le maître E et l'enseignant dans sa classe, quelles sont les différences entre les deux ?

D'abord avec le maître E les enfants sont pris en petit groupe ou en relation duelle, donc je pense que pour un enfant en difficulté en lecture, je pense que ça passera beaucoup mieux, et puis, je pense que les maîtres spécialisés ont des outils et que les enseignants n'ont pas. Ou s'ils les ont, ils ne peuvent pas forcément les mettre à exécution à propos d'un seul enfant. Pour moi, vous avez des outils qui vont pouvoir pallier les difficultés de l'enfant en relation duelle ou en petit groupe, ce que les enseignants ne peuvent pas faire. Votre matériel, les enseignants ne l'ont pas.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

Bien-être de l'enfant et de sa famille, satisfaction, réussite dans le futur, ce qui n'est pas forcément exact mais c'est ce qu'on pourrait penser. Quatre c'est déjà pas mal…

Comment voyez-vous l'avenir des réseaux d'aide ?

C'est une structure qui me semble-t-il, n'est pas prise en compte par les hautes sphères, preuve en est que lorsqu'il manque des remplaçants, on demande au maître E d'effectuer les remplacements et j'estime que ce n'est pas du tout leur travail. S'ils veulent être remplaçants, ils le demandent.

C'est déjà arrivé dans la circonscription ?

Oui, la personne n'était pas titulaire maître E donc elle y est allée. Je pense que c'est un premier signe, ça ne s'était encore jamais fait avant cette année. Je n'ai pas l'impression que ce soit dans la politique actuelle de l'Education Nationale de vous prendre au sérieux peut-être parce que l'évaluation de votre travail n'a pas été suffisamment bien faite. Ce que vous faites, c'est connu au sein d'une circonscription mais ce n'est pas forcément reconnu en haut. Et puis vous êtes trop peu nombreux par rapport à la cohorte des enseignants.

Vous avez peut-être entendu parlé d'une réforme prochaine des réseaux…

Oui…

Pouvez-vous donner votre avis sur la question ?

Je suis trop amère, je ne veux pas donner d'avis. Trop amère parce qu'on parle souvent de réforme. Je veux qu'on mette le premier pas dans la réforme pour pouvoir en parler. Tant que c'est quelque chose dont on parle, je n'y crois pas.

J'en ai terminé avec mes questions mais peut-être avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école ?

Je trouve que vous n'êtes pas assez nombreux, qu'on a l'impression qu'au jour d'aujourd'hui les enfants ont de plus en plus de difficultés à bien appréhender la lecture, le français et je pense que c'est lié à des causes économiques, que les familles pour des raisons x, soit n'ont plus beaucoup de temps à consacrer à leurs enfants ou s'ils ont du temps ne savent pas le consacrer à bon escient. De ce fait la lecture pour les enfants ça ne devient pas forcément le but de la famille et entrer dans la lecture et dans une bonne compréhension du français aussi. De ce fait, en CP, on a de plus en plus de petits qui traînent les pieds. Si vous étiez un peu plus nombreux, on pourrait mieux pallier ces difficultés-là parce que moi, j'y crois à votre travail, j'y crois très, très fort. Mais nombre d'écoles crient au secours, on a besoin des rééducateurs et vous ne pouvez pas être partout… C'est très difficile de répondre à une école : "faites la demande auprès de l'inspection", on sait très bien que même si la demande est faite, vous ne pouvez pas y aller. Donc votre travail est très injustement fait parce que ce sont certaines écoles qui sont favorisées parce que vous y allez et que c'est normal mais d'autres écoles sont très rarement visitées, elles sont laissées de côté et ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de difficultés… ça fait partie de mon amertume…

Une dernière question "facultative" : en quoi votre fonction de formatrice a-t-elle été importante pour vous ?

Ça m'ennuie de répondre à cette question parce que ça voudrait dire que je suis indispensable. Et je ne veux pas que les gens croient que je le suis. Si tout le monde se prenait par la main, c'est-à-dire les directeurs d'école et les enseignants, ma fonction ne pourrait être qu'un travail de secrétariat et à ce moment-là, ce n'est pas très important. Je suis amenée à suivre tous les PEI et je trouve que c'est très important que j'y sois parce que j'ai un regard extérieur à l'école mais que si tout le monde se prenait en charge, ce ne serait pas utile que j'y sois. On ne peut pas non plus demander aux enseignants et aux directeurs d'école, en plus du travail qu'ils ont et qui est très lourd, très important de prendre ce travail en plus. Mais normalement ça devrait se gérer au sein de l'école. Le fait que je sois au niveau des PEI me permet de porter un regard extérieur, de faire le candide quelquefois et dédouaner les enseignants et les directeurs d'école face à des conflits qui existent forcément entre les parents et l'école. Donc, je prends moi le conflit à mon compte, j'essaie de le gérer de façon que l'école puisse repartir sur un pied beaucoup plus serein avec les familles. Mon travail, ce n'est pas que ça, mais c'est dommage que ce soit comme ça.