Entretien E39 Monique

Age : 51 ans

Profession : Maître E

Diplômes : CAP d'instituteur, CAEI option E

Monique : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Monique : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : Salle du réseau d'aides

Durée : 1 heure 30

A noter : L'entretien a eu lieu après une journée de travail. Difficilement audible, il a été malaisé à retranscrire et a nécessité quelques omissions afin d'en permettre une lecture plus facile. Il a été relu et corrigé par l'intéressée, à sa demande expresse. En effet Monique a eu une aphasie il y a 6 ans. Elle a été rééduquée mais présente encore quelques troubles d'élocution qui m'ont parfois empêchée de saisir le sens de ses propos.

Pour quelles raisons êtes-vous devenue enseignante ?

C'était une vocation... j'aimais beaucoup les enfants... j'ai présenté l'Ecole Normale pour cette raison là.

Quels ont été les faits marquants qui vous ont disposé(e) à vous spécialiser ?

Ah, ça tombe bien parce que je viens juste de l'expliquer à une remplaçante... Quand j'étais adjointe de l'école et en plus quand je suis passée directrice, j'ai fait toutes les sections et bon... j'ai été directrice d'une école à deux classes, la section des moyens était partagée en deux... j'ai dû faire beaucoup d'essais... parce qu'il n'y avait que moi qui était fixe dans le poste et l'autre enseignante changeait chaque année et chaque année, j'avais la section de grands et je ne voulais pas laisser ma section de grands... mais je suis tombée avec des instits qui auraient préféré avoir la section de grands alors du coup on a fait des essais de décloisonnements, de tutorat grand/tout-petits, et alors la maîtresse des petits prenait mes grands et ses petits pour faire le tutorat et moi je prenais tout le groupe des moyens et puis je leur faisais faire de la motricité suivie de graphisme... Alors ça a continué comme ça et ensuite on a fait aussi des décloisonnements avec l'école primaire, les CP, les CE1... On a fait aussi des décloisonnements avec les parents sous forme d'ateliers, d'ateliers de lecture, de gym, de sucreries, de couture, de jeux... Déjà je savais que j'envoyais au CP des enfants pour lesquels on ne pouvait rien malgré tout ce qu'on avait fait pour eux...Alors j'ai décidé de... faire maîtresse de classe d'adaptation, c'est pour ça que j'ai choisi l'option E pour avoir un CP.

Avez-vous suivi une année de formation ?

Non, non... j'ai passé le CAEI en candidat libre... Mon mari était en stage de psychologue pour deux ans et à son retour je n'aurais pas pu partir en stage à cause de la limite d'âge.

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

... Déjà je n'aime pas ça... Alors je pense que ce qu'on leur demande dans les classes, ça va trop vite...

Est-ce qu'on pourrait retenir "je n'aime pas ça", "ça va trop vite pour eux" ?

Oui...

Et puis ?

Quand les enfants viennent, je dis : "Pourquoi venez-vous me voir ?" Ils me disent tous : "C'est parce qu'on a des difficultés" - "Quel genre de difficultés ?" Ils ne savent pas répondre. J'ai l'impression que pour eux c'est une tare ... C'est pour ça que je n'aime pas ça. S'ils viennent pour que je les aide, c'est dans l'espoir qu'on pourra les sortir de là... Mais ce n'est pas encore passé dans les moeurs...

Si on résume, est-ce qu'on peut dire "tare", "espoir" ?

Oui...

Et, en essayant d'être synthétique, y a-t-il encore d'autres mots qui vous viennent à l'esprit quand je dis "enfants en difficulté" ?

Le manque de motivation, la lenteur, le manque de confiance en soi et puis il y a beaucoup de problèmes de langue. Ici, on est dans un quartier à la limite de la ZEP.

Cherchez le visage d'un enfant en grave difficulté scolaire que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle. Citez les émotions qui vous animaient face à lui

Au départ, j'étais très triste et je ne savais pas, j'avais l'impression... Il arrivait à l'école, il avait changé d'école et on n'avait pas pu prendre contact avec son école d'origine qui pourtant était dans le coin et j'avais une impression de malaise... Du coup par rapport à lui, j'étais très triste parce que je ne pouvais pas l'interroger et il n'avait pas de passé... Alors j'ai tout de suite rencontré la maman et la maman était vraiment sur la défensive... Le premier contact avec la maman... Hou là là... Elle m'a agressée...

C'est la première tentative d'action que vous avez eue avec lui, rencontrer la maman?

Oh, mais chaque fois... je rencontre les parents. J'assure une permanence pour rencontrer tous les parents des enfants que je prends, quand les parents souhaitent me voir. Je me suis aperçue que sans les parents, on ne peut rien faire... Je vais continuer avec cet enfant. La mère était très agressive... Très doucement j'essaie de lui parler de psy, de CMP... En plus, on c'était aperçu avec son maître qu'il avait des problèmes d'articulation. J'essaie de lui parler d'orthophonie... parce qu'au départ je propose le CMP. Elle a refusé. Après je parle de psy. Elle a refusé. Après je descends... Quand-même il a des problèmes d'articulation, si vous pouviez l'emmener en orthophonie, faire faire un bilan chez l'orthophoniste… Après, à force de parlementer - ça a duré une année - à la fin de l'année, elle a cédé. L'enfant allait de mieux en mieux, plus à l'aise, il arrivait à sourire... Il était en CE1 par rapport à sa taille... Il avait fait deux CP, selon les dire de la mère, il était mal aimé dans son école d'origine. Après, on s'est aperçu qu'il ne savait pas lire ni écrire. Une réunion a eu lieu avec l'élève, sa maman, le maître, la directrice et moi. (...) Ce gamin ne pouvait pas lire les livres de CE1 alors... on a décidé que Laurent irait travailler les "croque-livre" avec la collègue du CP. C'était un travail de lecture mais ce n'était pas apprendre à lire pour le gamin et la maman... Le 15 janvier je suis allée en maison de rééducation, je suis rentrée le 22 janvier. Ce jour-là, il est arrivé à l'école très sale, mal coiffé, ça me gênait un peu mais bon c'était comme ça, c'était un élève parmi les autres... Il a vomi. C'était le premier jour où il allait travailler sur les "croq'livres" avec les CP.

Qu'est-ce que c'est que les "croq'livres" ?

C'est le projet de l'école. Toutes les classe maternelles et élémentaires lisent au moins huit livres dans l'année. Pendant une journée de juin, il y a un concours. Les équipes d'élèves, par exemple deux moyennes sections, deux grandes sections, deux CP etc., répondent à des questions qui sont notées. L'équipe qui a le plus a gagné.

Et le travail avec les croq'livres en CP a été profitable pour Laurent ?

Bien sûr... (...)

Quels sont les 5 mots qu'évoque pour vous le sigle RASED en dehors de la signification exacte des lettres ?

Je n'aime pas ça...

Pour quelles raisons ?

Parce que ce n'est pas très joli.. Il me semble qu'il y a des gens qui réfléchissent beaucoup et qui auraient pu trouver d'autres mots... Et puis il me semble que les mots "spécialisées" et "difficulté" doivent affoler les parents.

Et qu'est-ce que ça vous évoque encore ?

Rien.

Rien à signaler ?(rires)

Non, non, en fait, je ne me pose pas vraiment la question...

Mais moi je les pose pour savoir comment on peut réagir...

Souvenez-vous d'un enseignant (d'un collègue) en difficulté face à un enfant difficile dans sa classe. Quels sentiments s'éveillaient en lui ? Et comment réagissait-il ?

Je suis obligée de parler du même enfant...

Oui, alors avec un collègue... Quels sentiments s'éveillaient chez votre collègue ? Qu'est-ce que ça lui faisait ?

Si on s'est mis trois pour aider ce gamin, c'est bien que le collègue ne savait pas quoi en faire... il se sentait démuni.

Alors comment réagissait-il ?

-Il disait qu'il ne pouvait rien faire pour lui...

Et quelle attitude adoptait-il face à cet enfant ?

Eh bien il était vraiment... Il me l'avait confié : "Fais en ce que tu en veux, moi, j'abandonne". C'est pour ça qu'on avait décidé de les aider, et le collègue et l'élève.

Il s'en déchargeait ?

... parce qu'en fait... c'est pas vraiment ça, en fait ce gamin était... avait été dans l'école avant... mais sans pouvoir créer un lien avec l'école d'origine, sans pouvoir créer le lien avec la famille, il était débordé...

Et l'enseignant arrivait à créer un lien avec l'enfant ?

-... Avant qu'on soit trois à s'en occuper, non. Mais l'élève n'était pas en échec avec moi, ni au CP. Il arrivait à sourire. Et on allait montrer à son maître ce qu'il avait produit.

Quand je dis maître E, quels sont les 5 mots qui vous viennent à l'esprit ?

...

Qu'est-ce qui particularise le maître E ?... avec quelques expressions, avec des flashes...

Non, je ne peux pas y mettre des flashes parce que c'est trop important pour être flashé (rires)...

(rires)... Mais si on résume, si on retient l'essentiel ?

Maître E, il y a un mot qui ne me plaît pas bien mais il sert de tampon entre les parents, les enseignants, l'élève, la psy... Non, tampon, c'est pessimiste, lien plutôt. Bon, c'est... le CMP... les intervenants extérieurs, le médecin scolaire... Je pense qu'on s'occupe de trop de choses... mais comment faire autrement ?

Et qu'est-ce qui vous vient encore à l'idée ? Donc tampon, lien, trop d'activités... Et qu'est-ce que vous pourriez dire encore ?

...Je crois que je pourrais dire aussi coup de pouce et motivation parce que c'est un plus qu'on apporte à l'enfant et ça lui redonne de la motivation.

En vous appuyant sur votre expérience professionnelle, comment définissez-vous le travail de maître E ?

Alors là c'est vraiment... Moi, j'ai ma méthode particulière, je travaille avec beaucoup d'enseignants, je suis obligée... de ne pas choquer les enseignants parce qu'en fait je songe à l'élève que je prends et qui retourne dans sa classe. Déjà je demande à l'enseignant quelle est sa méthode de lecture... Et j'essaie de m'arranger pour ne pas trop dépayser l'enfant, sans faire la méthode de lecture de la classe...mais j'utilise seulement les mots clés du maître et avec ça, je fais un projet. Si l'enseignant a bien compris quel est mon rôle, on le fait ensemble... C'est pour ça que je vous ai apporté le projet que je fais avec l'école Delaune parce qu'avec eux, ça marche... super bien.... Heureusement que ça ne marche pas dans toutes les écoles comme ça parce que... j'y passe un temps fou... Alors après... Donc avec chaque groupe d'enfants je fais un projet, soit avec l'enseignant, soit je propose le projet à l'enseignant... Et après, ça se complique... parce que soit il oublie - les enfants que je prends le débarrassent -, soit... ici j'ai une instit de CP... elle est toute nouvelle elle veut travailler à un projet avec moi, mais elle est tellement débordée, elle veut faire tellement de choses dans sa classe... que ... elle oublie le contenu du projet. Alors cette fois je dis "je vais leur faire faire un jeu parce que... on va faire un jeu de cartes : il y a le sujet, le verbe et le complément"...

Alors ça consiste en quoi votre travail précisément ?

Eh bien, à leur apprendre à sourire, à avoir confiance en soi, à parler, à apprendre à lire sans savoir qu'ils apprennent à lire.

Mais par exemple pour le jeu de cartes ?

Avec moi, ils fabriquent le jeu. Et les élèves que je prends ramènent le jeu dans la classe… ils doivent expliquer aux autres et toute la classe joue.

Et avec quels enfants travaillez-vous ?

Ah là là... En principe je dois travailler avec ceux qui ont seulement besoin d'un coup de pouce. Mais dans... Au début c'était comme ça. Mais plus ça va... plus les enseignants grignotent... et cette année, j'ai beaucoup d'enfants qui ont de gros problèmes. Si bien qu'à un moment avant les vacances de février, j'en ai marre... parce que j'en ai un tas qui sont proposés pour la CLIS, si j'avais une CLIS, au moins je n'aurais pas tous les autres...

Vous en prenez beaucoup ?

Oui, au début de l'année j'en prenais 46 et maintenant j'en suis à quarante. Je trouve que c'est un peu trop.

Et comment les caractérisez-vous ces enfants là ? Est-ce qu'ils présentent des points communs ?

En principe, ils doivent avoir des points communs mais... chaque enfant, chaque élève est différent... C'est pour ça que je suis vraiment débordée, surtout à ce moment de l'année parce que y'en a qui commencent à lire... et les autres qui sont ... comment aider... lâcher ceux qui commencent à lire, c'est pas une bonne solution parce que dans la classe, ils seraient à nouveau perdus et laisser les autres ? Alors bon...

Vous travaillez avec des enfants de quel âge ?

Je prends des enfants du cycle 2

Pas de cycle 1 ?

Non, non, parce que j'en prends mais je les prends en CRI, des turcs, parce que ça m'aide après quand je les suis en CP, au moins ils connaissent un peu de vocabulaire... si j'ai un peu de temps devant moi, alors y'a si j'ai du temps ! si j'en n'ai pas, je le trouve... (rires)...

Quelles sont les différences entre le travail du maître généraliste et celui du maître E?

Eh oui, ça... le maître généraliste, il prétend que j'ai moins d'élèves que lui et moi je prétends que je n'ai que des enfants qui me posent des problèmes... alors je ne sais pas...

Et au niveau de la méthode de travail est-ce qu'il y a des différences ?

Ah oui, bien sûr... C'est ce que je vous disais en début de séance, les maîtres, ils font la classe à tout un groupe, ils ont un programme, peu importe celui qui suit ou celui qui ne suit pas. Il suffit qu'ils ne fassent pas de bruit du tout... Et puis ça passe... Alors j'ai l'impression que parfois ils oublient ceux qui ne font pas de bruit du tout... Ceux qui les font suer, ils nous les signalent mais ceux qui ne font pas de bruit du tout, ils oublient de les signaler... Avant on pouvait tester les enfants , les maîtres remplissaient une demande et on faisait un bilan, tout le réseau d'aides avec le maître... Et cette année on n'a pas pu le faire parce que notre inspecteur nous a dit non... J'ai bien regretté... parce que nous déjà, on avait une idée du niveau de tous les enfants... Alors par rapport aux enfants qui ont des problèmes (incompréhensible) et on pouvait détecter ceux qui ne faisaient pas de bruit du tout, ceux qui se faisaient oublier... On verra ce que ça va donner...

Quelles sont les ressemblances entre le travail du maître généraliste et le travail du maître E ?

On peut parler de pédagogie quand-même... (rires) et puis ce qui m'ennuie un peu... quand je leur montre des bouquins, quand on fait les bilans des enfants, je leur montre ce que j'ai fait, je leur montre mes bouquins et après ils les achètent et après je ne peux plus travailler sur ces livres... Alors j'essaie chaque fois de trouver autre chose...

A votre avis quels sont les aspects les plus importants à maîtriser pour pouvoir exercer la fonction de maître E ?

La patience, être calme... C'est tout.

Quand je dis maître G, quels sont les mots qui vous viennent spontanément ?

... Je ne sais pas... parce que je ne connais pas leur travail... Je pense qu'ils s'attachent plus au comportement de l'élève que moi... Moi, franchement, je ne pourrais pas être maître G...(rires)...

J'ai noté "connais pas" et "comportement". Est-ce qu'il y a autre chose qui vous vient?

...

En vous appuyant sur votre expérience en synthèse, est-ce que vous pouvez définir le travail du maître G ?

Y'en a deux dans le réseau...

Est-ce que vous savez ce qu'ils font en rééducation ?

Non, non... Au cours des synthèses, on a tellement peu de temps, et tellement peu d'heures, on ne peut pas parler de notre métier, on ne parle que des élèves et encore ça suffit pas...

Quels sont les aspects les plus importants à maîtriser pour pouvoir exercer la fonction de maître G ?

Je ne peux pas vous répondre.

Quelles sont les différences de pratiques entre maîtres E et maîtres G ? (critères de prise en charge, prise en charges, lien avec la classe, rencontres avec les parents etc...)

Je sais que j'ai une classe qui à l'air d'une classe plus scolaire que les maîtres G... C'est tout.

Par rapport aux prises en charge, quels sont les enfants qui vont vers les E et quels sont ceux qui vont vers les G ?

... Alors déjà je prends... j'interviens dans une école à F. Dolto où je suis la seule à intervenir, alors je prends tous les enfants, tous, y compris ceux qui devraient relever de G. Par contre à A. Delaune, on intervient à deux, à J. Ferry... alors ça dépend des demandes des enseignants... (sort un classeur où sont répertoriées les demandes d'aide adressées au réseau). Par exemple Elise présente un retard global dans toutes les manières mais elle n'a pas de problème de comportement, c'est moi qui la prend... Jeremy aussi, très bébé, pas autonome, très lent partout, un peu étourdi, quelques difficultés à se repérer dans l'espace, c'est moi qui le prend aussi.

Est-ce que vous avez des signalements qui correspondent à une prise en charge G ?

Oui, j'en cherchais mais je n'en trouve pas... C'est surtout des problèmes de comportement, d'inhibition, de graphisme, de graphie...

Mais par exemple, dans le cas de Jéremy, très bébé, pas autonome, on aurait pu imaginer que ce soit une orientation G...

Oui , mais il était pris par une G l'an dernier et elle n'a pas voulu le reprendre... Alors bon, je l'ai pris...

En quoi la différenciation E/G vous semble-t-elle pertinente ? Pourquoi faut-il des maîtres E et des maîtres G dans les réseaux ?

Ah, c'est une bonne question... Mais on ne fait pas du tout le même travail... Parce qu'il y a une petite gamine qui est malienne, mais ce n'est pas parce qu'elle est malienne qu'elle a des problèmes, si elle venait avec moi, je ne sais pas ce que j'en ferais... Elle est prise par Michel le maître G, je sais qu'elle fait des progrès, mais je ne sais pas ce qu'il lui fait faire...

Vous n'en avez pas une petite idée ?

Non.

Y a-t-il une fonction qui joue un plus grand rôle à votre avis ? Pourquoi ?

Non, je pense que les deux sont utiles.

Est-ce qu'il faut maintenir les deux types d'aide et pourquoi ?

Parce que... quelquefois avec Michel, il prend des gamins... et après... comme il n'y a plus de problème de comportement il me les passe et après je peux travailler avec eux.

Et alors, est-ce qu'il faut maintenir les deux types d'aide à travers deux fonctions différentes ?

...

On pourrait imaginer que vous soyez formée pour faire le travail de Michel et lui le vôtre ...

Non parce que les enfants... déjà les maîtres, les enfants, les parents, personne ne s'y retrouverait... Je ne dis pas... moi... Je... Il faut dire que j'imagine mal G... (rires)... Alors je ne suis peut-être pas objective.

Est-ce que vous pourriez concevoir qund-même une fonction unique pour les futurs maîtres chargés d'aide spécialisée ?

Non.

Si un jeune collègue intéressé par les RASED vous demandait de parler des métiers de maître E et G, que lui diriez-vous ?

Je veux bien le renseigner pour le métier de E, mais qu'il aille trouver une collègue G pour savoir quel est son travail.

Est-ce que vous lui conseilleriez de devenir maître E ?

Ah mais bien sûr... (avec une conviction venant du fond du coeur) même avec tout le travail... parce que je pense que... si on est débordé de travail, il y a peut-être des choses à faire pour arranger ça, je ne sais pas...

Quelle est la typologie des tâches effectuées par le RASED en dehors des prises en charge ?

Au début de l'année, on fait des bilans, on va observer des élèves dans leur classe... Après on fait un bilan entre nous, tous les membres du RASED et après on fait un bilan avec l'enseignant. A ce moment là... en fait quand on va observer les élèves dans les classes, on amène la fiche de signalement et on la laisse remplir au maître. Il la retourne avec nos observations. On fait un bilan très complet... ça nous permet de faire un bilan rapide avec l'enseignant...

A part ces bilans, ce travail avec l'enseignant, y a-t-il des tâches encore qui vous semblent importantes ?

...

Vous m'aviez dit la rencontre avec les parents tout à l'heure, est-ce qu'il y a encore des choses importantes ?

Oui, ça, c'est en cours d'année... Parce qu'en fait on fait passer des tests, on a réussi à les maintenir cette année... dans la section des grands en début d'année... Alors ça, ça met très longtemps, il faut les corriger et cette année on a réussi à faire passer, bien que ce soit défendu, certains test au CE1 et après on fait des projets, on prend les enfants et après on fait des synthèses une ou deux fois par semaine.

Comment et par qui ces projets sont-ils élaborés ?

Oh, c'est simple. Pour les enfants que je vais prendre… je regarde les bilans, j'écris les objectifs et ce que je pense faire et puis je le montre à l'enseignant pour savoir s'il est d'accord.

Est-ce que vous avez du travail avec les équipes enseignantes hormis le projet et le suivi pour chaque enfant ?

Mais bien sûr... parce que je suis tenue d'assister à toutes les réunions de conseil de cycle ou de maître, partout où il y a un projet pour un élève. Je suis tenue également d'aller aux conseils d'école. Il y a une école qui oublie chaque fois de m'inviter. Je ne dis... rien (rires)...

Y a-t-il des évaluations de résultats pour le maître E ou G à rendre à l'inspecteur ?

Oui, on doit remettre un compte rendu d'activités.

Et ces évaluations s'effectuent sur quels critères ?

...

Est-ce que c'est quantitatif, qualitatif ?

C'est seulement quantitatif... Mais chacun... En fait, on fait un compte rendu d'activités... Quand on a décidé des prises en charges, l'inspecteur vient à une synthèse qui se prolonge dans l'après-midi où il approuve ou n'approuve pas ce qu'on a décidé... C'est à lui d'approuver... Et après on peut prendre les groupes... Moi, en milieu d'année, je fais des bilans pour moi, pour savoir où les élèves en sont, pour voir ce qu'on n'a pas réussi à mettre en place. Et puis quand on doit aller parler d'un enfant aux réunions de CCPE, je me sers de ça, parce que sinon je n'ai aucun document.

Quels sont vos critères d'évaluation quand vous faites vos bilans ?

Le premier, c'est d'abord savoir s'ils peuvent apprendre en classe tout seuls. Oui, oui... Le reste ça depend du signalement, de ce qu'il fallait travailler… où ils en sont et ce qui reste à faire… ça change pour chaque élève alors ce n'est pas simple à dire.

Pouvez-vous présenter une action exemplaire positive ou négative conduite par le réseau ?

Non.

Comment concevez-vous le rôle du RASED ?

... Oui, ça devrait être un travail en commun, mais on n'a jamais le temps... On se voit qu'en début d'année ou en fin d'année. Et en début d'année c'est un peu tôt, on est plein de projets et en fin d'année... en cours d'année on est débordé parce que... au début d'année c'est des bilans, c'est des projets, quand on a fini un projet, il faut faire le bilan à propos de ce projet, après il faut... il faut...

Et les heures de synthèses vous les utilisez à quoi ?

On parle des enfants... des parents, quand on a rencontré des parents...

A votre avis, quand une prise en charge est efficace, quels sont les éléments qui permettent une évolution favorable ?

... Quand un enfant arrive à parler en classe... moi mon travail il est presque terminé.

Et alors qu'est-ce qui permet le fait qu'il se mette à parler ?

Parce que quand on est en petit groupe, chacun parle, écoute les autres... Ils essaient de lire un livre et... après je leur propose déjà qu'ils lisent devant tout le groupe et après je leur propose d'aller le lire dans leur classe...

Et quand les prises en charge se révèlent inefficaces, qu'est-ce qui est à l'origine de ce ratage ?

Vous touchez un point sensible!... (rires)... Alors, je ne sais pas... On essaie de... faire intervenir la psy, de faire intervenir la famille... on essaie de faire... Je parle en connaissance de cause, parce que j'ai un enfant dans ce cas là... et il va au CMP, et j'ai demandé à la maman de prévoir une réunion avec le CMP et on attend... Je ne sais pas...

Dans votre pratique, avez-vous des moments difficiles ? Si oui, que faites-vous ? De quoi auriez-vous besoin ?

L'hiver, le mois de janvier... Chaque année, je déprime... Je trouve que le travail... je suis débordée de travail, c'est le moment des bilans, c'est le moment où j'ai l'impression qu'il ne reste plus assez de temps... J'ai l'impression qu'au début de l'année on a tout son temps... Et après, à ce moment là, fin janvier, je m'aperçois que je n'ai plus beaucoup de temps et je me demande si je vais sortir certains enfants de leurs difficultés...

Comment vivez-vous le regard des autres enseignants sur votre travail ?

Moi, je suis très à l'aise.

Pouvez-vous citer les 3 livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E ?

Piaget, mais j'ai oublié le titre... Rien d'autre, si... (se lève pour aller chercher un ouvrage dans sa bibliothèque) Evelyne Charmeux et puis je devrais parler plutôt de Jean-Marie Besse (rires)...

Vous travaillez avec lui ?

Oui, ça fait neuf ans...

Est-ce que vous pouvez dire ce que ça vous apporte ?

...ça a changé mon regard sur l'enfant... Je les prends où ils en sont... C'est pour ça que ça passe bien avec Delaune, parce que la collègue travaille avec Besse aussi... On travaille de la même façon...

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

... Aimer venir à l'école, sourire... lire, écrire... et jouer (…)

Quelles sont les raisons principales de la réussite scolaire ?

-... Je pense que ça dépend des parents qu'on a... pas des parents qui soient turcs, français... des parents qui s'occupent des gamins, qui viennent voir le maître ou la maîtresse, c'est très important, c'est pour ça que j'assure des permanences et quand les enfants demandent à venir avec leurs parents, je suis ravie...

Est-ce qu'il y a encore d'autres facteurs ?

Qu'ils soient motivés, qu'ils aiment bien venir à l'école...

Comment voyez-vous l'avenir des RASED ?

Noir, noir (rires)...

Est-ce que vous pouvez préciser ?

Franchement, je pense qu'on va petit à petit nous remplacer par les emplois jeunes... Bon, je n'oserais quand même pas... Déjà, ils ne sont pas instituteurs et en plus non spécialisés...

Je voudrais revenir sur votre choix de ne pas avoir fait de formation. Est-ce que vous le regrettez ?

Non, non... Au début je l'ai regretté parce que je rencontrais mes collègues, quand j'allais aux journées de psy, j'étais isolée... Maintenant qu'on a créé une association des maîtres E, je ne regrette plus rien... A ACLE (Apprentissages de la Communication de la Lecture et de l'Ecriture) aussi, le travail qu'on a fait avec J.M. Besse...

Comment considérez-vous la place et le rôle des aides à l'école ?

Quand les enfants sont avec moi, ils travaillent... Alors j'aimerais bien que l'enseignant ne croit pas qu'ils ne font rien et qu'il ne donne pas le travail qu'il a fait faire aux autres à récupérer à la maison... parce que j'ai ce cas là.

Donc les aides sont mal considérées ?

Oui... mettez-vous à la place des parents... Leurs enfants ont déjà des problèmes et en plus le maître donne du travail à faire en plus... Alors les parents quand ils ont déjà un enfant qui a des problèmes, c'est déjà très lourd, vraiment très lourd pour le faire apprendre à lire... Déjà le travail tout simple... Alors si le maître les surcharge de travail...

On pourrait revenir sur le cas de l'enfant que vous évoquiez au début... La situation initiale, vous en aviez bien parlé et puis pour le déroulement des actions conduites, vous aviez déjà évoqué la rencontre avec les parents, la mise en place du travail avec les trois enseignants... Est-ce que vous pourriez expliquer la suite...

Les parents, j'avais rencontré que la maman... On a mis en place un travail tout au long de l'année et à la fin de l'année, il est allé chez l'orthophoniste, c'est l'enfant qui a dit à sa maman qu'il voulait aller chez l'orthophoniste parce qu'en fait, j'y allais aussi... Parce que comme j'étais aphasique... Il s'était aperçu que j'avais des problèmes d'articulation, quelquefois, je n'arrivais pas prononcer un mot et je lui avais dit que j'allais chez l'orthophoniste pour qu'elle m'aide... Et c'était super parce que les enfants, quand il y avait un mot que je n'arrivais pas à prononcer, y'avait toujours un enfant qui arrivait à le prononcer... et qui le faisait répéter aux autres... Comme quoi être aphasique, ça peut servir... (rires)... Du coup, il a voulu aller chez l'orthophoniste, sa maman lui a fait passer un bilan en juin et il a eu trente séances chez la même orthophoniste et du coup on a travaillé ensemble... (...) Et on a encore travaillé une année...

Et alors vous avez fait quel type de travail avec lui pendant cette année ?

.... Qu'est-ce que j'ai fait ? Il était au CE1... Le projet de l'instit du CE1... Il n'était pas tout à fait d'accord il voulait me donner des enfants qui avaient des problèmes de lecture et de compréhension de lecture... Alors j'avais un (incompréhensible)...

C'était essentiellement de la lecture ?

Y'avait une petite histoire, (incompréhensible) et des questions. Alors pour lui, c'était très dur, mais il voulait faire comme les autres, alors il a fait comme les autres et petit à petit il s'est fait des copains et il s'en est sorti...

A quel moment avez-vous décidé d'arrêter ?

Quand il a su lire... parce qu'il a appris au croque livre... il a su lire, c'était à la fin de l'année; Mais après je l'ai repris en CE1, il a refait un CE1 et à ce moment je l'ai pris comme les autres, il a fait le même type de travail que les autres.

Parce qu'au début vous le preniez tout seul ?

Non, non, je l'ai toujours pris en groupe et au début je lui faisais lire une histoire : il fallait apprendre à se repérer, voir la mise en page, le titre de l'histoire, les paragraphes... et après je lui faisais souligner les mots qu'il ne connaissait pas... Au début, il y avait beaucoup de mots à souligner et après de moins en moins, c'est là qu'on voit les progrès que font les enfants... C'est eux qui mesurent leurs progrès.

Est-ce que vous travaillez dans d'autres domaines que celui de la lecture ?

Non.

Pas de mathématiques par exemple ?

Non, j'en ai fait à Paul Langevin au CE1 mais en fait la première année j'avais un inspecteur qui m'interdisait de faire des maths. Il disait : "Quand un enfant est incapable de lire un énoncé de maths à quoi servirait... de faire des maths..."

Et vous qu'est-ce que vous en pensiez ?

J'étais un peu d'accord avec lui, d'autant plus que j'ai pas assez de temps pour en faire...

Comment considérez-vous la place et le rôle de l'école dans la société ?

Je pense que c'est très important parce que de l'école dépend toute la société... Déjà l'école maternelle, l'école primaire et ensuite...

Avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école ?

... Non, parce que nous en fait, on est assez nombreux, on couvre tout le secteur... (incompréhensible) par rapport aux autres RASED qui ont bien moins de chance que nous... alors moi je n'ai rien à dire...