Entretien E41 Yvette

Age : 47 ans

Profession : Maître E

Diplômes : Licence de lettres modernes, CAP d'instituteur, CAPSAIS option E

Yvette : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Yvette : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : salle de réseau

Durée : 1 heure

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté" ?

… Je n'aime pas ce genre de question. C'est la notion d'enfants en difficulté…

Oui, qu'est-ce que ça évoque pour vous ?

Ça vous fait penser à quoi, par rapport à l'enfant, par rapport au contexte, par rapport aux parents, par rapport à l'école ? …

J'aimerais mieux répondre par écrit, je n'aime pas par oral…

Alors je vais commencer autrement. Je vais vous demander de retrouver un enfant en difficulté, un seul, que vous eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle. Pouvez-vous présenter la situation ?

Qui était l'enfant ? Comment ça se présentait en classe ?…

Par exemple, cette année un enfant qui était en difficulté qui avait été pris l'année dernière par la maîtresse G au niveau du comportement et qui pensait avoir fini avec lui, avec la rééducation donc je l'ai pris. Cet enfant n'écoutait pas du tout en classe. Il se levait, faisait des boules de papier avec les étiquettes, il embêtait les autres. Au départ en petit groupe, il ne s'intéressait pas beaucoup. Petit à petit il est rentré dans l'écrit, il a compris la combinatoire, il peut lire. Pour le moment, je le suis jusqu'au mois de mars parce qu'il a besoin d'être soutenu dans son activité mais c'est un gamin qui a démarré en lecture.

Pouvez-vous retracer son cheminement et parallèlement vos réactions ?

Au début, je le trouvais très instable, il avait envie de faire mais c'était très fugitif. Il fallait sans cesse le re-motiver, sans cesse lui apporter une aide, de la confiance en lui. Quand je l'ai vu démarrer, comme l'autre jour, il avait envie de lire des livres, ça c'est super… En classe la maîtresse a vu qu'il avait progressé et mieux que certains enfants que je n'ai pas pris.

Est-ce que la maîtresse a fait, de son côté, quelque chose de particulier en classe avec cet enfant ?

Non, parce que c'était une maîtresse qui débutait au CP et en fait, elle n'a pas mis en place des groupes de lecture. On savait qu'il était intelligent ce gamin, qu'il avait des possibilités mais comme il avait des problèmes de comportement, on se demandait s'il allait apprendre à lire ou pas. En fait, il a pris ce qu'il fallait. Mais, maintenant, la maîtresse va mettre des groupes de lecture en place.

Si je reprends ma première question, à partir de cette situation, que peut-on retenir comme mots évoqués par l'expression enfants en difficulté ?

Manque de concentration, malaise pour l'enfant… je sais que je devrais trouver plein de choses mais… On passera et puis j'y reviendrais.

Alors, si je vous dis "maître E", quels sont les cinq mots qui vous viennent à l'esprit ?

La spécialisation, une écoute, une disponibilité, pédagogie, remédiation.

Pouvez-vous préciser davantage ? Par exemple que recouvre le terme spécialisation?

Aider justement ces enfants en difficulté et n'avoir qu'eux comme élèves… et donc travailler uniquement dans le sens de les faire progresser.

Ecoute ?

…Sentir leurs besoins, être là parce qu'ils ont besoin d'être aidés et pouvoir les aider au fur et à mesure.

Disponibilité ?

Pareil, dans une classe l'instit donne le travail à tout le monde, passe de l'un à l'autre mais ne peut pas être à l'écoute de chacun, ni disponible pour chacun parce qu'il y a un grand nombre d'enfants. Tandis qu'en prenant des petits groupes, on est là pour les aider mais pas pour faire à leur place, mais pour les aider à se construire et à progresser.

Pédagogie ?

Pédagogie parce que mon travail tourne essentiellement autour de la pédagogie, pas de la psychologie, pas de la rééducation.

Qui peut s'appuyer sur quels supports par exemple ?

Les supports de l'école mais aussi les supports des jeux, beaucoup. Les jeux, renouveler l'approche, je fais aussi pas mal de gestion mentale, apprendre à écouter, à voir, tout ça. Ça les intéresse beaucoup, mais ils ne savent pas du tout s'en servir. Ils ne savent pas au départ qu'ils ont des yeux, qu'ils ont des oreilles et que c'est comme ça que ça marche. Ils disent : "pour travailler, il faut réfléchir". C'est magique pour eux. Ils ne savent pas. Je fais prendre conscience à partir… je compare avec le magnétoscope par exemple. Le magnétoscope, ils comprennent qu'il faut le brancher, qu'il faut appuyer sur des boutons etc… C'est la même chose pour eux. "Qu'avez-vous à votre disposition ?" Ils me disent, des cahiers, des livres, des crayons. Je leur dis : "Et vous ?". Là, il faut attendre et puis donc il y en a toujours un qui dit les yeux etc… Donc je leur dis que ce sont les boutons qui leur permettent de rentrer des choses, comme la cassette qui va dans le magnétoscope, on a un moteur, on ne voit plus ce qui se passe, mais c'est le moteur qui va enregistrer, eux c'est le cerveau etc…Il faut par contre qu'ils soient à l'écoute. Si on leur dit ça, c'est vrai qu'ils y pensent mieux. Alors que si on leur dit : "restez sages" ou des choses comme ça, ils le font deux minutes mais c'est une contrainte alors que là, ils comprennent le cheminement.

Et remédiation ?

Remédiation parce que par rapport à ce qui savent faire, il faut apporter l'aide dont ils ont besoin et s'appuyer sur ce qu'ils savent faire…

A partir d'un cas d'enfant suivi cette année, pouvez-vous décrire votre travail ? Que faites-vous en début d'année ? Comment arrive-t-il avec vous ? Que mettez-vous en place etc ?

Au départ, mettons pour le CP, parce que c'est la classe ou la partie de cycle sur laquelle on travaille le plus. Au départ, ce que je veux, c'est qu'ils aient un contact avec la lecture. Donc je leur lis des livres, on raconte des livres, j'écris ce qu'ils me racontent, on fait des petits livres à partir d'images qu'ils remettent en ordre pour qu'ils aient envie de lire, qu'ils aient envie d'entendre des histoires. C'est vrai qu'au départ, les livres… Il y en a même certains qui ne les manipulent pas du tout, même s'ils sont passés en maternelle. Si ça ne les intéresse pas, ils arrivent toujours à glisser pour ne pas être concernés. Au départ je fais ça et en même temps j'aborde la lecture par des jeux, pour que ça les intéresse, pour qu'ils jouent… Et puis cette année, un gros travail sur la phonologie. On est entré dans la lecture par l'intermédiaire de la phonologie avec un support d'images. On a fait tout ce travail de phonologie et on s'aperçoit maintenant que c'est le moment de la combinatoire pour ces élèves en difficulté, que ça leur apporte beaucoup d'aide… parce qu'ils savent écouter, ils savent décomposer des sons. Et donc maintenant, ils comprennent qu'un son correspond à une lettre donc ils peuvent décomposer et ils peuvent écrire. Donc beaucoup de supports, les jeux… par exemple avant le mois de mars, il faut qu'ils aient quand même acquis cette combinatoire, qu'ils aient compris, qu'ils soient rentrés dedans donc beaucoup de jeux avec les lettres, les syllabes, les lire les écrire à partir de dessins, de tas de choses…

Et au niveau de l'indication, que se passe-t-il ? Comment un enfant arrive-t-il par exemple dans votre salle ?

Dans ce réseau, ce qu'il faut, c'est que les instits signalent les enfants avant le 28 septembre, qu'il y ait deux, trois semaines de battement… Elles font un signalement écrit. A partir de ces signalements écrits, on se concerte entre maître E, maître G et psychologue. Pour moi, c'est ma première année ici, donc je ne connaissais pas le passé des élèves et donc avec le maître G et le psychologue on a déterminé les élèves qui relevaient vraiment de l'aide E ou de l'aide G ou qui n'en avaient pas besoin tout de suite… à partir de là, les groupes ont été faits par rapport aux signalements. Ensuite on a bien dit aux instits qu'elles pouvaient continuer de signaler des élèves s'il fallait.

Et avant le 28 septembre, durant la toute première partie de l'année, comment employez-vous votre temps ?

Nous, on est en réunion de réseau. On détermine les actions qu'on va faire dans l'année et puis on commence à voir les élèves signalés dans la classe. J'ai dit : "Si vous voulez, je leur fais passer des petits tests, des petites épreuves pour déjà voir un petit peu… Et puis on avait le travail d'évaluation des grandes sections. On les fait ensemble, maîtresses E et maîtresses G. Il y en a une qui fait la passation et l'autre qui marque le comportement des élèves. Là on a mis en place aussi la phonologie. Donc on est occupé, même sans élèves signalés… (rires) Le temps est passé vite…

Quels sont les critères pour qu'un élève soit aidé soit en E soit en G ?

Les G, c'est essentiellement un problème de comportement, plutôt ciblé sur le cycle 2, GS, et aussi le cycle 1, MS. Les E, c'est plus un problème spécifique d'écoute, d'attention, de travail, de rentrer dans la lecture. Les enfants qui sont en E normalement ont le désir de lire alors que ceux qui sont avec les G n'ont pas le désir de lire encore. Ils les amènent à ce désir et nous, on peut commencer à travailler.

Maintenant quand je dis maître G quels sont les cinq mots qui vous viennent à l'esprit?

Spécialisation, observation, suivi, personnalisation… construction.

Pouvez-vous expliquer ?

Observation, comme j'ai compris, l'enfant dans la salle agit et la maîtresse G l'observe. Suivi, parce que l'enfant est bien suivi par rapport aux parents, par rapport à ce qui se passe dans la classe, par rapport au fait qu'il est seul dans la salle – des fois ils sont à deux, mais ça reste très personnel, ce n'est plus le groupe - donc personnalisation. Nous, ce n'est pas pareil, c'est que des groupes.

De combien ?

De quatre en général. Quatre/ cinq… ça dépend mais jamais d'enfant tout seul. Sauf, sauf si c'est un enfant signalé mais qui n'a pas pu être placé – en CLIS par exemple – alors on me demandait de le prendre seul pour faire un travail spécifique, pour qu'il ne perde pas son temps complètement. Normalement c'est toujours en groupe.

Et construction ?

Pour aider l'enfant à se construire.

En vous appuyant sur un cas d'enfant, qui a été présenté en synthèse par exemple, pouvez-vous décrire précisément le travail du maître G en séance ?

… Vous le savez mieux que moi !

Mais je fais comme si je ne savais rien (rires)…

J'ai approché ce type de travail seulement cette année parce que quand j'étais maître E à Beaunes, on se connaissait dans le réseau mais on ne travaillait pas en réseau en fait. Quand il y avait des synthèses, c'était uniquement entre le psychologue et le maître G et jamais avec le E (rires) même si les liens étaient sympa…

Il n'y avait pas de travail en commun ?

Non, je voyais la psychologue quand j'avais des élèves dont il fallait que je lui parle mais sinon, je ne la voyais pas (rires). Ici, ce n'est pas pareil. Caroline, (la rééducatrice) cette année, essaie dans la séance… Des fois c'est l'enfant qui fait lui-même – il faut qu'il prenne de l'autonomie – donc c'est lui qui agit et puis des fois, ce sont des enfants qu'il faut remettre dans la loi, donc c'est elle qui dit des choses et qui interagit pour qu'il ne se sente pas le maître mais accepte la loi. A ce moment-là c'est elle qui introduit des choses… il y a toujours un moment de réflexion sur la fin de la séance, sur ce qu'ils ont fait, le mettre en dessin, pour qu'ils s'approprient la séance et qu'ils disent la fois d'après ce qu'ils veulent faire pour qu'il y ait un projet… Il me semble qu'il y a des choses comme ça. Après c'est tout bien écrit, et elle en parle avec le psychologue. Quand il n'y a pas de psychologue, c'est déjà plus difficile.

Je vais vous questionner sur les différences de pratiques entre maître E et maître G ? Comment les voyez-vous ?

Disons que les G, c'est plus psychologique. Ce n'est pas à elles de tirer les leçons psychologiques puisqu'il y a un psychologue mais c'est sur le comportement, ce n'est pas dans la relation avec le pédagogique. Il n'y a pas d'apprentissage avec le maître G.

Jamais ?

Je ne pense pas. Enfin… ou alors par le biais du jeu mais ce n'est pas systématique comme avec le E. Nous, on n'agit pas sur le comportement, on ne fait que des apprentissages.

Quelles ont les ressemblances entre les deux métiers ?

Le fait d'être spécialisé, de prendre des enfants, de les suivre… si elles abordent le côté pédagogique, ça fait aussi une ressemblance mais sinon… je pense que c'est quand même différent.

Existe-t-il des glissements de pratique entre E et G ? Des E qui feraient comme des G et des G qui feraient comme des E ?

Ça s'est beaucoup fait… Mais pas ici. Je pense que normalement, il faudrait dissocier, ce n'est pas la même chose. J'ai vu, ça s'est fait à certains endroits avec des maîtresses qui avaient fait le CAEI ou dans des classes de transition. Après elles avaient le droit de faire E ou G, elles faisaient G en général mais s'il n'y avait pas de E, elles faisaient aussi le travail du E. Elles ne faisaient pas le même travail mais c'était quand même la même personne. Elles faisaient les deux fonctions et ça créait une confusion.

Mais c'était en raison d'un manque de poste alors ?

Oui, mais en même temps, elles aimaient bien… parce que ça les embêtait d'avoir perdu le côté E…

Est-ce que cette séparation entre E et G vous semble pertinente ?

Pour moi, oui.

Pour quelles raisons ?

Parce qu'on ne voit pas la même chose. Les G ont des enfants qui ne sont pas du tout dans l'apprentissage, qui 'ont pas envie de lire… tandis que le E le sont. De temps en temps, on a des élèves qui ont des problèmes de comportement. Mais on n'a pas à les garder s'ils ne rentrent pas dans les apprentissages.

A votre avis y a-t-il une fonction qui joue un plus grand rôle ?

Non, non, chacun correspond à un besoin.

On parle d'une réforme prochaine concernant les réseaux. Quelle position soutenez-vous par rapport à ça ?

Je pense qu'il faut continuer à avoir des maîtres spécialisés pour apporter une aide par rapport aux enfants. C'est un problème politique… La solution dépendra de ceux qui ont le pouvoir (rires)… quant aux rapports Gossot et Ferrier, je pense que non, ce n'est pas le même travail, on ne peut pas les fusionner, on ne peut pas faire pareil. Moi actuellement, je ne ferais pas le travail de Caroline, je ne suis pas formée pour, je ne sais pas comment il faut faire. Elle pourrait faire le mien parce qu'elle l'a fait (rires)… Je pense qu'il faut continuer. Il me semble que ce serait revenir en arrière que de tout confondre…

Est-ce que dans l'absolu, il serait possible de former des gens à ces deux types d'action ?

Oui, sûrement… Une seule personne pourrait faire tout dans une seule école mais après il y a une confusion des rôles et c'est ce qui a été reproché – on nous en parlait beaucoup quand on était en formation, on nous disait : "il ne faut pas prêter à cette confusion parce que personne ne s'y reconnaît, l'enfant qui peut être pris en maternelle par le côté G, s'il est repris après par le côté E, ce n'est pas la même chose, ce n'est pas les mêmes rapports, les instits ne savent plus trop – déjà elles ne font pas la différence parce qu'entre les lettres E et G, ce n'est pas évident, il faut déjà bien leur expliquer ou leur ré-expliquer… Moi, j'aime mieux comme maintenant mais tout évolue…

Pouvez-vous définir les grandes tâches effectuées par un réseau au cours de l'année ?

Répondre à la demande des instits, arriver à suivre les élèves selon l'aide dont ils ont besoin ou au contraire arriver à faire passer le message qu'ils n'ont plus besoin d'une aide du réseau… On essaie aussi – mais sans remplacer les conseillers pédagogiques – de dynamiser, de voir comment ça peut se mettre en place pour que l'aide continue dans la classe même quand on n'est pas là. Par exemple, là on finit les trois ans. Il va falloir que les écoles de nouveau fassent appel au réseau. Il va y avoir des choix à faire. Il va falloir qu'on détermine les critères, ce qui va encore bien nous agiter… et puis répondre aux besoins des écoles et comme on ne pourra pas tout couvrir de toute façon…

Quels sont ces critères d'après vous ?

Il y en a qui ne posent pas de problèmes : les résultats de l'évaluation CE2 et l'évaluation 6ème… et nosévaluations GS; ça donne une idée du niveau de l'école et ça permet de relativiser, parce que des fois, quand les maîtresses insistent beaucoup on aurait tendance à leur répondre oui tout de suite. Un autre critère, mais on n'est pas tous d'accord, c'est l'investissement des écoles parce qu'on trouve que c'est un critère qui augmente l'efficacité de notre travail… Il vaut mieux que les instits soient demandeurs, qu'ils nous invitent à leurs conseils, qu'ils discutent quoi… c'est bon signe quand ils nous associent à leurs projets. Un autre critère c'est les priorités, qu'est-ce qu'on privilégie ? La prévention ? La remédiation ? Est-ce qu'on va au cycle 3 ? Enfin tout ça, ça brasse jusqu'à ce qu'on tombe d'accord… (rires)

Et l'Inspecteur par rapport à ces choix ?

Si j'ai bien compris, il nous suit toujours, à condition que le projet soit bien argumenté, c'est ce qu'il demande.

Dans vos activités, quelle est la place du travail avec les familles ?

Les familles…On doit les rencontrer, je vois les parents de tous les enfants et puis quand il y a des besoins, je les convoque à nouveau.

Et quel est le contenu de ces rencontres ?

La première fois, j'explique mon travail, je dis qui je suis, pourquoi je suis là, je dis que c'est plutôt un coup de pouce que pointer l'enfant en difficulté, que ça peut l'aider, que c'est une chance, que ce n'est pas pour montrer qu'il est en difficulté. Je pars toujours de petites évaluations que je fais, par exemple le médial pour les CP, donc je peux partir d'un constat, je dis aux parents : "Voilà la maîtresse pense que dans la classe, il a de petites difficultés donc ce serait bien qu'il soit suivi". Je dis qu'elle l'a signalé et je montre ce que moi j'ai trouvé. A partir de là, on part sur des bases. Ils comprennent pourquoi je le prends, quel travail je vais faire avec et puis 'il y a besoin, on les revoit.

Est-ce qu'ils ont quelque chose à faire eux de leur côté à la maison ?

Par rapport à moi ?

Oui. Est-ce qu'il y a un contrat qui se met en place avec eux ?

Non, on discute, c'est tout.

Je voulais savoir quels liens il existe entre votre travail et celui du maître de la classe où est inscrit l'enfant ?

Là, ça dépend des instits, ça dépend aussi depuis combien de temps on est dans l'école… La première année, c'est entrer en contact avec l'instit, lui faire comprendre que c'est important, qu'elle peut lâcher ses élèves pour qu'ils viennent en petit groupe. Ça en général elles le comprennent mais elles ont toujours l'impression que si l'enfant n'est pas dans la classe, il va perdre quelque chose. Il faut quand même qu'elles arrivent à voir que l'enfant progresse même s'il n'est pas tout le temps dans la classe. Ensuite il y a des choses que les enfants font et qu'ils refont en classe – par exemple créer des devinettes, après ils les disent à leurs camarades, ça fait un lien, il y a des échanges dans la mesure du possible.

Des échanges au niveau du savoir ?

Oui…

Les rencontres avec les enseignants se font à quelle fréquence ?

Déjà chaque fois que je suis dans l'école et puis après ça dépend, il y en a au moins au minimum une officiellement avec le réseau par trimestre – pour parler des dossiers, faire le point sur chaque enfant, tout ça.

Est-ce que les enseignants sont invités aux synthèses ?

Non, les synthèses sont internes au réseau. Par contre quand on a fait une synthèse après on les voit en conseil de cycle.

Est-ce qu'il y a des documents écrits en commun avec l'enseignant sous forme de projet, de contrat etc. ?

Non. Quand ils font un signalement, moi, je fais un contrat de prise en charge où j'explique ce que je vais faire. Après ils le lisent et ils le signent.

C'est vous qui élaborez ce contrat-là ?

Oui, enfin c'est une feuille que je remplis. Je pars du signalement de l'instit et puis après je marque ce que le réseau peut faire, la fréquence, les matières, le contenu pédagogique et puis c'est signé, par le directeur aussi.

Comment est conçue l'évaluation de votre RASED ?

Comment ça ?

Avez-vous construit une feuille d'évaluation du travail du réseau ou votre IEN vous en impose-t-il une ?

Alors ça, je ne sais pas trop comment elles évaluent… comme c'est la première année. L'évaluation de mon travail, il y a des choses qui se mettent en place pour les enfants, ça se connaît quand même… par exemple la phonologie on a fait des évaluations. Les enfants ont été pris, non, on ne les a pas réévalués ensuite… Je ne vois pas… mais il y a peut-être quelque chose qui est mis en place et que je n'ai pas vu… l'année passée, l'inspecteur nous donnait des grilles à remplir. On remplissait des grilles pour chaque enfant à chaque trimestre mais je ne sais pas…

Si on aborde le point formation, pouvez-vous citer les trois livres ou auteurs principaux étudiés lors de la formation E ?

C'était très confus, je ne sais pas si c'est le propre d'une formation, vu que je n'étais pas passée par l'EN mais la référente principale, c'était sa première année et elle avait fait classe de transition. Elle voulait tout nous faire découvrir mais par nous-mêmes. Il fallait vraiment… Elle était vraiment sympa mais elle ne connaissait pas bien, elle ne savait pas comment marchait l'IUFM alors elle avait aussi des surprises du côté de l'administration… Alors vous faites un groupe, puis un sous-groupe, puis vous mettez en commun, alors c'est vrai qu'il n'y a pas de choses marquantes.

Avez-vous eu une formation au travail d'équipe par exemple ?

Dans le fait qu'on était obligé de travailler en équipe, oui, mais ce n'était pas construit. Mais c'est peut-être le propre d'une formation, on prend ce qu'on veut…

Je vais vous demander la même chose pour la formation G. Que leur demande-t-on d'étudier ?

Le comportement des enfants, je suppose… Je sais qu'ils avaient mieux étudié la législation que nous cette année-là (…). C'était plus structuré ce qu'ils avaient à faire. (…) J'aurais souhaité que ce soit plus construit, qu'on comprenne mieux les problèmes des enfants en difficulté. On avait compris une chose, c'est qu'on ne devait pas être là pour faire du soutien, pour faire ce que les instits nous demandaient de faire. C'est important. C'est nous qui décidions ce que l'on devait faire quand on les avait avec nous, ce qui était important parce que j'ai vu des collègues qui n'ont pas été formés et qui ont abandonné pour ça, parce qu'elles ne savaient pas où se situer, donc ça nous aidait à prendre conscience de comment il fallait se situer par rapport aux enseignants et à notre travail. Mais, j'aurais aimé des choses plus construites… qu'on nous explique les grands courants de pensée sur les difficultés d'apprentissages. Là il a fallu le découvrir par nous-mêmes. Peut-être plus de conférences, des choses comme ça…

Je vais encore vous poser une question que vous n'aimez pas. Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

Réseau, encore cinq mots, c'est trop… les membres du réseau… ça paraît toujours un mot un peu barbare pour les instits, mystérieux, étranger… un outil

Est-ce que vous pouvez expliquer davantage ?

Réseau, c'est l'image des ordinateurs connectés ensemble en réseau. Ils communiquent tous ensemble, les informations sont accessibles à tous et on peut faire un travail contrôlé. Alors les membres du réseau, ça devrait être un peu les ordinateurs reliés entre eux et les instits devraient pouvoir les utiliser comme un outil…

Et mot barbare ?

RASED, c'est barbare, je n'aime pas ce mot, ça fait ésotérique, secret, c'est un sigle barbare…

Je vais vous poser la dernière question désagréable, avec cinq mots. Qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

Déjà des possibilités, concentration, ne pas être préoccupé par des problèmes personnels, ouvert…

Est-ce que vous pouvez expliquer davantage ?

Ouvert, parce que si l'enfant ne s'intéresse à rien ça va être difficile de lui faire passer des choses. Possibilités, qu'il y ait quand même au départ une intelligence – je ne sais pas si c'est social, héréditaire ou n'importe… c'est le gros problème si l'enfant a un handicap intellectuel de naissance ça va être difficile…

Une question un peu plus générale, comment considérez–vous la place et le rôle des aides à l'école ?

Plus il y en a mieux ça vaut, sauf si ça se disperse… Sinon, un maître aujourd'hui ne peut plus être seul dans sa classe et tout gérer. Les aides, surtout si elles sont bien utilisées, sont les bienvenues.

Comment voyez-vous l'avenir des réseaux d'aide ?

Je ne sais pas, ça dépend de ce qu'on lit.

Etes-vous plutôt optimiste ou plutôt pessimiste ?

Plutôt optimiste, ils disent qu'il faut aller vers le bien de l'enfant. Je ne pense pas qu'ils puissent dire tout d'un coup : "Non, on a besoin de personne, tout va bien…Le maître gère tout…"

Peut-être avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école?

Non, quand c'est fini (rires)…

Une dernière question "facultative" : en quoi votre fonction de maître E est-elle importante pour vous ?

Elle est importante pour moi parce que j'avais enseigné pendant pas mal de temps, j'avais changé plusieurs fois de classe et que j'avais un peu fait le tour… là c'est une nouvelle façon et comme c'est plus spécialisé, je trouve que c'est encore plus intéressant. On est plus proche des élèves… Je ne regrette pas…