Entretien E 42 Paul

Age : 36 ans

Profession : Maître E

Diplômes : CAP d'instituteur, CAPSAIS option E

Paul : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Paul : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : chez l'interviewé

Durée : 1 heure

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté" ?

Echec, désintérêt, parents absents, immaturité. Je vais m'arrêter là.

Pouvez-vous préciser chaque terme ?

Echec vis à vis de l'école, enfant qui a un vécu de conflit avec l'école, qui n'arrive pas, qui ne s'épanouit pas à l'école, qui n'y trouve pas des choses pour continuer, pour faire mieux. Si, il y aurait peut-être aussi manque de volonté… Donc, désintérêt, manque de motivation pour l'école, parents absents, plutôt absents vis à vis de l'école, c'est-à-dire des parents qui ne sont pas dans le scolaire, qui n'ont pas de représentation positive de l'école, qui eux-mêmes ont dû avoir un vécu difficile vis à vis de l'école donc ils n'encouragent pas leur enfant et même ne s'intéressent pas à ce que fait leur enfant à l'école.

Vous avez dit aussi immaturité…

Immaturité parce que je pense que ça peut être aussi des enfants trop jeunes, qui n'ont pas encore conscience de ce que peut leur apporter l'école, de ce qu'ils peuvent y trouver, qui sont peut-être encore trop dans le jeu.

Et manque de volonté ?

Des enfants qui ne sont pas capables de surmonter une difficulté c'est-à-dire qu'ils n'arrivent pas, dès qu'ils sont face à problème, s'ils ne le résolvent pas tout de suite, ils ne vont pas plus loin. Ils ne peuvent pas affronter une difficulté.

Je vais vous demander maintenant de retrouver un enfant en difficulté scolaire, un seul, que vous avez eu l'occasion de rencontrer. Pouvez-vous présenter la situation et dire ce qui était fait pour cet enfant ?

On va parler de Hakan. C'était un enfant très, très lent, qui était en CE2 et qui avait des difficultés dans tous les apprentissages parce qu'il était souvent en retard par rapport au reste de la classe. La maîtresse ne pouvait pas constamment prendre du temps pour aller s'occuper de lui, donc il a été mis en place une aide uniquement à tendance pédagogique, pour le maître E, qui consistait à des prises en charge de trois fois quarante minutes par semaine. C'était essentiellement sur du scolaire, c'était des reprises d'apprentissages qui avaient été faits en classe, sur des choses comme des techniques opératoires, technique de la multiplication, technique de la soustraction, sur des points de grammaire dans l'apprentissage de la langue, recherche du sujet, recherche du verbe, des choses comme ça… C'était quand même très proche de ce qui se faisait en classe. Ce qu'on a pu constater au niveau de l'évolution de l'enfant, c'est qu'il y avait un progrès dans sa manière d'appréhender la classe. Au début de la prise en charge, il ne se rendait pas bien compte de ses difficultés et du pourquoi il venait avec le maître E et puis, petit à petit, il s'est rendu compte qu'il avait effectivement des problèmes et que vraiment de son côté il devait faire des efforts d'attention, de concentration. On a vu quelques progrès sur des choses assez simples, par exemple les techniques opératoires, surtout sur des choses qui ne demandent pas tellement de réflexion, sur des choses mécaniques. Mais sur des choses plus en profondeur, par exemple la connaissance de la langue, grammaire, orthographe, qui demandent vraiment une réflexion sur le sens, là on n'avait pas beaucoup de progrès. L'évolution, ça a été ça : l'enfant a un peu pris conscience de ses problèmes et a essayé de se concentrer un peu mieux, d'être plus attentif. Mais au-delà de ça, je pense – c'est un peu difficile de dire qu'il n'avait pas beaucoup de possibilités – mais il n'y avait quand même pas de réflexion très poussée dès qu'on abordait des problèmes linguistiques. On était vraiment obligé de rester à des choses très simples.

Hakan, avait-il été vu en bilan psychologique ?

Pas que je sache… Non, parce qu'hormis le fait qu'il était très, très lent, et puis qu'il avait ces quelques problèmes de langue, il n'avait pas de problèmes de comportement en classe. Il n'y avait pas de chose grave qui ressortait.

Comment s'est faite l'indication d'aide E ? Pourquoi E plutôt que G par exemple ?

Justement il n'avait pas de problèmes de comportement. La maîtresse s'est adressée à moi et il nous a semblé qu'une aide à dominante pédagogique pouvait l'aider techniquement, pour faciliter certains apprentissages.

Il était de quelle origine cet enfant ?

D'origine maghrébine. Mais il n'avait pas de difficultés particulières pour s'exprimer en français.

Que saviez-vous de son histoire ?

Rien de très précis. Justement, j'aurais souhaité rencontrer les parents pour discuter un peu mais il faut faire des choix, on ne peut pas voir tout le monde et pour lui ça ne s'est pas fait.

Et comment s'est organisé le travail pour lui ?

C'était dans un groupe de trois enfants, tous les trois de la même classe de CE2. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a essayé de reprendre les progressions de la maîtresse, autant en mathématiques qu'en français et après ils avaient chacun un livret d'évaluation pour voir ce qui était acquis ou non et en s'appuyant sur les quelques acquis qu'ils avaient, on a repris tous les points du programme où il semblait qu'il y avait problème.

Pouvez-vous donner un exemple de séance ?

En fait les séances, je faisais des choses simples comme la technique opératoire de la soustraction, je commençais par leur donner une soustraction à chacun qu'ils devaient faire au tableau. Ils expliquaient ce qu'ils avaient retenu, comment ils faisaient. A partir de là, on essayait de voir les erreurs qu'ils pouvaient commettre, ensuite, je leur montrais ma manière et puis c'est eux qui devaient refaire dans un cahier.

Quels étaient les liens avec la classe ?

Il n'y avait pas tellement d'échanges. Le cahier restait plutôt… C'est moi qui les gardais même s'ils restaient dans l'école. Ma salle en fait jouxtait leur salle de classe. Les cahiers restaient là mais la maîtresse les consultait rarement. Dans la mesure où on était assez proche du programme, c'était à dix jours près… on était assez près de ce qui se passait dans la classe… Mais c'est vrai qu'il n'y avait pas vraiment d'échanges. Ils n'emportaient pas leur cahier et la maîtresse ne venait pas voir ce qui se passait.

Est-ce qu'il y avait des activités de tutorat, par exemple les élèves du petit groupe expliquant quelque chose à ceux de la classe ?

Non, on en reparlera peut-être mais je pense qu'il n'y a pas assez de retours, quand les élèves viennent en adaptation, il n'y a souvent pas assez de retours vers la classe… C'est-à-dire que ce serait intéressant pour eux qu'ils montrent ce qu'ils ont fait ou qu'ils en parlent aux autres mais c'est vrai que ça ne se fait pas beaucoup…

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

Equipe, nouvelle dynamique, nouvelles méthodes, difficultés, pour l'instant c'est tout. (puis réussite)

Pouvez-vous préciser ?

D'abord équipe dans la mesure où ça doit être un travail d'équipe. Déjà, il y a un travail avec l'instituteur et puis il doit y avoir un travail avec le réseau qui doit fonctionner, soit avec le psychologue si on a besoin d'un éclairage sur l'enfant, sur des aspects de sa personnalité, soit avec le maître G si c'est enfant qui a besoin des deux aspects de l'aide, l'aspect plus rééducatif et l'aspect plus pédagogique. Nouvelle dynamique, pour essayer par rapport à l'enfant d'impulser un nouvel élan dans son travail, dans sa motivation vis à vis de l'école. Nouvelles méthodes, c'est un peu la même chose, c'est approcher les problèmes de façon différente, essayer de voir les apprentissages d'une autre façon. Ce sont des nouvelles méthodes par rapport à celles utilisées en classe, c'est essayer d'aborder les apprentissages sous un angle différent, pour capter l'attention de l'enfant. Mais c'est difficile. Et puis réussite dont je n'ai pas parlé. Souvent les enfants ne réussissent pas en classe, c'est pour ça qu'ils n'arrivent pas à entrer dans ce qu'on leur propose, ils sont tout le temps en échec. Dans le travail qui est fait en réseau, avec le maître E ou le maître G, il y a un aspect de réussite. On fait en sorte que l'enfant réussisse ce qu'il fait. Au départ, on va se placer plus bas que son niveau à lui pour être sûr qu'il réussisse et petit à petit on va augmenter la difficulté mais de façon graduelle pour qu'il se plaise dans ce qu'il fait avec nous… qu'il y ait un aspect de réussite, constant.

Tout à l'heure, en parlant d'équipe, vous avez parlé de ce que devait être un travail d'équipe. Est-ce que sur le terrain, ça fonctionnait comme ça ?

Nous, on avait des petits soucis dans notre réseau… En fait le réseau ne fonctionnait pas très bien. Il n'y avait pas vraiment de communication entre le psychologue et les rééducatrices. Il y avait des problèmes de personne et il y avait des problèmes de fonctionnement. C'est vrai que les psychologues ont de très gros secteurs, ils ont beaucoup d'enfants mais il y avait quand même un problème de communication dans la mesure où quand on lui demandait des analyses, de voir des enfants en examen psychologique, de pratiquer des tests, on n'avait pas de retour. Et quand on avait un retour, les éléments qu'il nous donnait ne pouvaient pas être utilisés. Ce n'était pas des éléments qui nous permettaient de préciser notre travail, nos méthodes. C'était trop général ou avec des aspects de psychiatrie…

Et entre maître E et maîtres G vous arriviez à travailler ensemble ?

Oui, là c'était plutôt bien. Enfin il y a toujours eu le problème de la frontière maître E / maître G… Le maître E est arrivé après dans le réseau et souvent on a eu des maîtres G qui faisaient du travail d'adaptation, c'est-à-dire qu'elles prenaient des petits groupes. Dans le réseau où j'étais, il y avait deux rééducatrices, une qui faisait ce que je pensais vraiment être de la rééducation, c'est-à-dire du travail à travers des jeux sur la loi, la règle avec de tous petits groupes, deux ou un seul enfant. Et l'autre rééducatrice qui faisait plutôt du travail d'adaptation c'est-à-dire qui prenait des groupes et travaillait sur des choses plus scolaires. Elle faisait par exemple du langage en maternelle, des choses comme ça. C'est vrai que d'un point de vue historique, ça se comprend, puisque autrefois il n'y avait que les rééducateurs donc c'est normal qu'ils aient couvert les deux aspects des aides à proposer. (…) La limite n'est pas toujours franche entre le travail du rééducateur et celui du maître E mais dans la mesure où on a un territoire suffisamment important, où on arrive à se répartir les écoles… je crois qu'il ne faut pas être jaloux de ses prérogatives et ce n'est pas dramatique si un maître G fait le travail du maître E, tant pis ou tant mieux… Dans la mesure où les enfants ne sont pas lésés et où tout le monde y trouve son compte… Moi, je n'ai rien contre… Mais je pense qu'il y a eu un certain nombre de rééducateurs qui ont suivi cette dérive…Dans la mesure où les maîtres E sont arrivés après, c'est un peu à eux de faire leur place. De toute manière, ça ne pose pas vraiment de problème parce qu'en général on a plutôt trop de travail que pas assez… on a suffisamment d'enfants en difficulté pour se répartir les élèves…

Si je vous dis "maître E", quels sont les cinq mots qui vous viennent à l'esprit ?

Spécialiste, c'est un grand mot mais… individualisé, nouveau contact, sauveur, relation, il faudra préciser, plutôt nouvelle connexion entre école /parents et enseignants, interconnexion. Je pense que les gens du réseau ont ce rôle – c'est vrai que dans le réseau où j'étais c'était un peu laissé à l'abandon parce qu'on avait affaire à des parents étrangers, on avait un gros problème de langue… Ce que je disais tout à l'heure, un élève en difficulté est un enfant dont les parents ont désinvesti l'école. La source des difficultés est aussi dans la famille et je pense que c'est aux gens du réseau à renouer le lien qui était rompu entre l'école, l'enseignant qui a en charge habituellement l'enfant en difficulté et le travail scolaire.

Vous avez parlé de spécialiste…

Spécialiste, je pense que si on n'est pas le superman de l'éducation, aux yeux de nos collègues – aux yeux des parents, je ne sais pas trop parce que je pense que les parents ne savent pas trop à quoi on sert – on est celui qui connaît mieux les problèmes et qui doit apporter les réponses qu'eux, les enseignants n'ont pas trouvées. Donc, on est le spécialiste de l'enfant en difficulté…ça c'est la vision que nos collègues ont de nous.

Travail individualisé ?

C'est ce qu'on ne peut pas faire en classe, souvent parce qu'il y a trop d'enfants. On essaie de mettre en place une pédagogie différenciée et même parfois individualisée, que chaque enfant ait une pédagogie qui lui soit propre.

Vous avez parlé aussi de nouveau contact…

Je pense qu'il y a aussi un aspect relationnel, qu'il peut y avoir parfois un problème entre l'enfant et le maître, ça ne fonctionne pas, donc là en mettant dans la situation une nouvelle personne, ça peut débloquer des choses.

Et sauveur ?

Ça c'est par rapport aux enseignants, ils ne savent pas quoi faire de certains enfants, ils sont vraiment perdus et nous, on va leur apporter les "remèdes miracles" entre guillemets… pour essayer de les sauver d'une situation difficile.

Je vais vous poser la même question pour maître G…

Psychologie, comportement, agressivité, spécialistes, expérience, c'est par rapport aux maîtres G que j'ai connus. J'ai trouvé qu'ils avaient une grande expérience des enfants en difficulté, plus que nous encore.

Je vais vous demander de préciser ce que vous entendez par psychologie, comportement, agressivité…

Psychologie, je pense qu'ils sont mieux au fait des problèmes psychologiques des enfants, ils sont plus à même de répondre à des problèmes comportementaux que nous, c'est surtout sur cet aspect là, sur la compréhension de l'enfant dans sa personnalité, sinon au niveau agressivité, les problèmes de comportement dans la classe c'est surtout des problèmes d'agressivité vis à vis des autres enfants, ils ont souvent à traiter des enfants agressifs, c'est un problème qui revient assez souvent… Et puis spécialiste, j'en ai déjà parlé pour les maîtres E.

Vous parliez tout à l'heure des maîtres G qui travaillaient comme des E… Quels avantages et quels inconvénients y voyez-vous ?

C'est plus un problème institutionnel, à mon avis. Cette dérive a lieu parce qu'il y a un manque de personnel d'une part et d'autre part historiquement il y avait deux formes, les RPP et les RPM. Il y avait une demande des enseignants de traiter certains enfants qui ne rentraient pas forcément dans les cadres prévus. Si ces gens étaient libres, ils ont accepté, ça s'est mis en place petit à petit. Ensuite on a créé les classes d'adaptation ouvertes, les regroupements d'adaptation et les maîtres E sont arrivés. (…) Ce que je trouve dommage, c'est que quand certains enfants ont vraiment besoin d'une rééducation individualisée, à tendance psychologique, sans parler d'analyse psychiatrique ou d'autre chose comme ça, si le maître G qui est disponible continue de faire un travail de maître E et qu'il y a des enfants qui ne sont pas pris en charge dans le domaine rééducatif, là je trouve que ça ne va pas. Le problème des réseaux, pour ce que j'en ai vu, c'est qu'il n'y a souvent pas d'autorité entre guillemets qui pourrait contrôler, voir qui fait quoi précisément et remettre de l'ordre quand il y a des dysfonctionnements…

On parle d'une réforme prochaine, quelle est votre position là-dessus ?

La possibilité d'une aide mixte ? Oui, pourquoi pas mais moi personnellement je ne me sens pas du tout capable de faire le travail que font certains rééducateurs et certaines rééducatrices… s'il y a une formation, oui… Mais, est-ce qu'une fois de plus on ne va pas en profiter pour supprimer quelques postes au passage ? Je crois que c'est ça le grand problème. J'ai l'impression que sur l'avenir de l'AIS, on est un peu dans le court terme, il n'y a pas de réflexion à long terme et je pense qu'on ne s'est pas assez rendu compte, que la population scolaire évoluant, on a de plus en plus d'enfants à "problèmes" et on n'a pas pour autant les moyens de les traiter. Même si les effectifs ont baissé, ils ne sont pas suffisamment bas pour qu'un maître arrive à gérer plusieurs enfants à problèmes dans une classe, il faudrait avoir des classes de moins d'élèves c'est tout. Une seule fonction pourquoi pas ? Mais à condition qu'il y ait plus de moyens… parce que si la même personne doit remplir le rôle de deux personnes, c'est déjà ce qui se passe souvent, je pense qu'on ne va pas y arriver. C'est toujours pareil, il y aura les parents pauvres et il y aura des écoles qui auront la "chance" d'avoir un personnel qui peut intervenir et puis les autres qui devront se débrouiller tout seul, c'est dommage. Ce qui existe en ce moment, c'est qu'on manque de moyens et de postes, on manque aussi de structure ou de personnel adapté à certains enfants. C'est-à-dire qu'entre les classes spécialisées et la classe d'adaptation, il y a des enfants qui n'ont pas leur place, qui ne sont pas assez en difficulté pour qu'on puisse les mettre dans les CLIS – puisque maintenant il n'y a plus de classe de perfectionnement - et qui d'un autre côté même avec un soutien en adaptation n'arrivent pas forcément à intégrer le système classique. Donc il y a un stade où il manque un personnel… Il y a une fonction à créer, je ne sais pas…

Quel intérêt voyez-vous à ce qu'il existe deux fonctions différentes ?

Elles me semblent bien différentes quand même. C'est vrai qu'on peut avoir des enfants qui ont des problèmes de comportement et dont le problème scolaire est un symptôme d'un problème psychologique profond… Et donc des enfants qui ont vraiment besoin d'une prise en charge individuelle, d'un travail de fond sur leur comportement, sur leur personnalité… alors que le maître E – il me semble que c'est en surface ce qu'il fait – on ne va pas toucher à la personnalité de l'enfant, on ne va pas aller creuser, savoir ce qui s'est passé dans sa prime enfance ou ce genre de choses, on va rester sur le volet scolaire. Il me semble que c'est bien différencié.

Quelles traces écrites officialisées, pour recueillir les signalements des enseignants, pour établir un contrat de prise en charge par exemple, utilisiez-vous l'an dernier ?

Je pense aux tableaux qu'on envoyait à l'inspecteur, dans lesquels on mettait les noms des enfants, le motif et la durée de la prise en charge. C'est les documents officiels qu'on utilisait. Pour nous, on avait ce qu'on appelait un cahier mémoire, on mettait les enfants qui étaient pris en charge par le réseau, pourquoi on avait décidé une prise en charge, la durée et qui allait travailler avec qui. On a fait ces cahiers mémoires pour qu'il y ait une trace, un historique des prises en charge pour un même enfant et que si les personnels changeaient, celui qui arrive dans le réseau puisse facilement retrouver ce qui avait été fait pour tel ou tel enfant.

Est-ce que les informations consignées dans ce cahier remontent jusqu'en CCPE pour un enfant de CM2 par exemple ?

Non. Je ne pense pas. Pas à ma connaissance.

Quel est le rôle de l'IEN dans votre réseau ?

Il y a un IEN dans le réseau ? Il est inexistant… j'ai envie de dire. Ne serait-ce que l'exemple de cette année, on a eu aucune réunion avec l'IEN, aucune directive, aucun retour de notre projet de RASED. (…) Je ne sais pas bien comment ça se passe dans d'autres circonscriptions où il y a des réseaux, ça dépend peut-être de la personnalité de l'IEN et de son intérêt pour le réseau, nous, il n'avait pas d'intérêt visible important. (…) Comme on avait des petits soucis de fonctionnement l'an dernier, on avait nous-mêmes provoqué des réunions mais c'est tout…

Pouvez-vous citer les trois livres ou auteurs principaux étudiés lors de la formation E?

On a parlé de monsieur Piaget, il y avait Philippe Meirieu et on avait beaucoup parlé de Winnicott… mais il y avait aussi Changeux. Ce sont les principaux qui me reviennent.

Je vais vous poser la même question pour la formation G…

Alors là je serais incapable de dire… A travers ce que j'ai vu de leur travail, il me semble qu'il y avait souvent un travail sur la règle – parce que souvent il y avait des débordements au niveau de la discipline, dans la classe – il me semble qu'il y avait cet aspect-là qui était souvent important… Et c'était souvent à travers des jeux, le scolaire venait ensuite, où il fallait apprendre à suivre un canevas bien précis. Il me semble que leur travail repose là-dessus.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

Un avenir tout court, un avenir professionnel c'est-à-dire un métier, un épanouissement personnel, la fierté des parentsintégration aussi. C'est vrai que si on réussit à l'école c'est déjà une façon de s'intégrer dans la société. On s'intègre dans l'école, si on ne réussit pas, on est déjà un peu marginalisé.

On dit que l'enseignant est le premier acteur de la mise en place d'une aide en direction de l'enfant en difficulté. Comment avez-vous perçu cet impératif sur le terrain ?

Dans la mesure de ses moyens… parce que ce n'est pas au réseau de le guider dans cette voie. On n'est pas conseiller pédagogique, il ne faut pas l'oublier… ce qui est central pour nous, c'est l'enfant, pas le collègue qui se trouve débordé. Pour lui, la première aide qu'il apporte, ça va être d'adapter sa pédagogie. Si l'enfant est en échec, s'il ne réussit pas, il doit se poser la question dans les deux sens, l'enfant n'est pas adapté mais c'est peut-être moi aussi qui ne suis pas adapté à l'enfant. Comme le médiateur, c'est la pédagogie, le vecteur de la communication, il doit essayer d'adapter sa pédagogie, c'est la première chose, peut-être ensuite passer du temps individuellement avec lui, ce qui va être difficile dans le cadre de la classe, au moins dans un cadre plus restreint, en petit groupe et puis peut-être s'appuyer davantage ce qui se passe avec les parents. Est-ce qu'ils ont un vécu de l'école positif, est-ce qu'ils s'intéressent à ce que fait leur enfant à l'école, est-ce qu'ils valorisent ce que fait l'enfant à l'école ?… C'est un peu pour ça que je voulais changer… les parents, on les a complètement abandonnés. Je pense qu'il faut toujours essayer de s'appuyer sur la famille… ça reste très important. De façon générale, les enseignants le font mais pour nous c'est moins facile parce qu'on n'est pas dans une école, on a plus d'enfants… Je pense qu'il faut essayer quand même de s'appuyer au maximum sur la famille.

Peut-être avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école?

Je réfléchis…

…Une dernière question "facultative" : en quoi votre fonction de maître E est-elle importante pour vous ?

Si on peut… l'intérêt c'est de ramener les enfants vers l'école, les enfants qui en sont un peu partis. Si on réussit à ramener quelques enfants chaque année c'est bien… Un enfant pour qui l'école ne signifie plus rien, a un avenir non pas compromis… mais plus difficile… C'est bien si on peut l'amener à s'investir dans l'école, à réussir à nouveau. Mais ce que je crains, parce que c'est ce que je constate souvent, c'est que l'aide de type E reste trop superficielle pour le type de population ici en ZEP. Elle fait fonction de pansement qui cache momentanément les difficultés, qui freine une sorte d'hémorragie d'intérêt scolaire… sans vraiment traiter les problèmes en profondeur. Je suis déçu… Je crois que je vais demander une formation G et m'orienter vers l'aide rééducative. Ça me semble plus pertinent vu les besoins. (…)