Entretien E46 Olga

Age : 50 ans

Profession : Maître G

Diplômes : DUEL de psychologie, CAEI option E (86), CAPSAIS option G (94)

Olga : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Olga : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : salle de réseau

Durée : 1 heure

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté" ?

Inadaptation, mutisme, instabilité, agressivité, passivité

Pouvez-vous préciser davantage chaque mot ?

L'inadaptation, c'est l'inadaptation à la société scolaire, mutisme, c'est l'enfant qui n'arrive pas du tout à communiquer, en présence de l'enseignant ou en présence des enfants, je pense à un cas, l'enfant ne s'autorise pas à parler en classe alors qu'il parle très bien, j'en ai eu la preuve, en moyenne section, il s'exprimait très bien, instabilité, c'est le gamin qui papillonne de partout, qui ne sait pas où se placer, qui est toujours en mouvement, l'agressivité, c'est celui qui ne sait communiquer que par les coups, et puis passivité, c'est un peu la potiche qui ne bouge pas au fond de la classe et que je trouve plus angoissant que celui qui est agressif, qui m'interpelle beaucoup plus (rires)…

Je vais vous demander maintenant de retrouver un enfant en difficulté scolaire que vous avez eu l'occasion de rencontrer. Pouvez-vous présenter la situation et parler des actions conduites pour cet enfant ?

… C'est un enfant, Damien, que je revois au CE1 cette année, que j'ai eu en grande section il y a deux ans. Les parents étaient totalement opposés à la rééducation - c'est un enfant excessivement agressif -. L'institutrice était aussi agressée par le père qui était anti-école, anti-rééducation. On a essayé de l'amener à accepter une rééducation par rapport à son enfant et on est passé par le biais du médecin scolaire. Il a écouté le médecin scolaire mais, bon, il n'était pas tout à fait partant. Il s'est avéré que la maman était plus partante que le papa. C'était un peu le fait que la maman travaille en intérim, donc changement de nounou parce que quelquefois les nounous n'apprécient pas d'avoir le gamin à cinq heures du matin, ce qui fait qu'il avait changé de nounou neuf fois depuis qu'il était tout petit. On a trouvé un statut quo avec la maman. Au départ, elle n'avait pas osé demander du travail à l'ANPE. Elle y est allée. Elle a trouvé un boulot bien plus stable. Le gamin s'est aussi stabilisé, il a pris ses repères à l'école, dans le cadre familial. Le papa a trouvé des biais, il a pu s'occuper un peu plus de son fils et le gamin a trouvé une certaine stabilité. Hélas, ça repique parce que la maman vient de reprendre un boulot en intérim… Ce n'est pas catastrophique comme il y a deux ans mais il redevient agressif… donc la rééducation avait bien marché parce qu'on s'était tous entendu entre nous, l'instit aussi, et dès qu'il y a un pied qui casse, le gamin est mal assis et il montre à nouveau qu'il est mal.

Et comment réagissez-vous personnellement face à cette situation ?

J'essaie de… Il faut que le gamin essaie de s'armer lui-même, j'ai envie qu'il s'arme… Je trouve que c'est très dur pour lui et moi je le ressens… c'est vrai que j'ai eu une vie un peu déséquilibrée aussi et je me dis que si ce gamin est toujours aussi sensible, il sera toujours un écorché vif. Dès qu'il y aura un coup de couteau, son équilibre, ça y est…

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

Déjà je n'aime pas les sigles, ça se rapproche trop de RAS, ça m'agace un peu, travail en équipe essentiellement, avec les trois pôles, psychologues maîtres E et maîtres G et bien sûr les partenaires extérieurs et l'équipe pédagogique, dont on fait partie finalement… l'écoute et la distance par rapport à la classe, avoir une distance pour pouvoir voir les choses autrement, pour que les enseignants aient une vue un peu autre de l'enfant.

Pouvez-vous préciser également le terme d'écoute ?

C'est-à-dire qu'il faut qu'on entende ce que les instits disent quand on les écoute, qu'on ait un moment pour faire attention à ce qu'elles disent et bien penser qu'on a été instits nous… et c'est normal, on a des réactions violentes mais, bon, elles sont dans leur classe et les réactions ne sont pas les mêmes, donc je crois qu'il faut avoir une part d'écoute.

Si je vous dis maintenant "maître E", quels sont les cinq mots qui vous viennent à l'esprit ?

Médiation, surtout pas soutien, techniques, méthodologies… aide.

Est-ce que vous pouvez développer davantage chacun des termes ?

Médiation, c'est-à-dire trouver d'autres moyens, d'autres formes pour arriver à ce que l'enfant rentre dans les apprentissages. Donc comprendre pourquoi il ne réussit pas et trouver un autre chemin pour qu'il arrive à refaire surface.

Vous avez dit aussi surtout pas soutien…

Parce que le soutien, c'est refaire ce que l'enfant a fait en classe, donc surtout pas. Techniques, c'est apporter à l'enfant des techniques qui puissent l'aider en fonction de ses difficultés, par exemple pour l'addition : "puisque tu fonctionnes comme ça, tu vois…" et méthodologies, c'est plus une façon de penser, c'est plus dans le travail : "comment tu travailles, comment tu fais", c'est plus global.

Vous avez parlé d'aide aussi…

Ça englobe un peu tout, c'est pour faire opposition à soutien, c'est plus une aide à l'enfant, enfin à l'élève, qu'un soutien. C'est l'enfant qui agit, ce n'est pas vous qui soutenez le gamin. L'enfant est acteur.

A partir d'un cas d'enfant, soit suivi par un maître E, soit que vous avez eu l'occasion de suivre en tant que maître E, comment pouvez-vous définir le travail du maître E ?

Il y a d'abord une observation de l'enfant de là où il en est, après c'est voir un petit peu comment il procède. Par exemple, un enfant qui n'arrive pas à apprendre à lire, comment il procède, comment il fait et après essayer de trouver des moyens pour améliorer les points où ça pêche. Je pense à des enfants qui n'arrivaient pas à copier un texte. Je m'apercevais qu'ils copiaient lettre par lettre. Alors on a essayé de travailler la copie, savoir qu'une lettre ça ne veut rien dire, donc il fallait photographier le mot, après regarder chaque syllabe, essayer de les lire, écrire chaque syllabe plutôt que d'écrire lettre par lettre. Je pense à d'autres enfants, on avait fait un travail sur les consignes. On s'était rendu compte que tous les manuels français/ maths n'avaient pas qu'une consigne dans chaque question mais en avaient parfois trois. Et on avait réussi à décortiquer les consignes. On avait compris pourquoi ils n'arrivaient pas au bout de l'exercice.

Comment s'articule le travail du maître E avec celui de l'enseignant dans sa classe ?

Le maître E prend souvent des enfants qui sont signalés par l'instit... ça part des évaluations, et ensuite ça dépend beaucoup du niveau où vous êtes… Par d'autres biais, vous essayez que l'enfant rentre dans l'apprentissage. Donc l'objectif se rapproche de celui de l'instit – par exemple la combinatoire au CP, il faut qu'elle soit acquise – mais comment avec un petit groupe d'enfants en difficulté leur faire comprendre la combinatoire sans reprendre ce qui se fait en classe, il y a d'autres méthodes, surtout par le jeu, par la manipulation, parce que ce sont souvent des enfants qui en sont encore à la manipulation, qui ont du mal à rentrer dans l'abstrait.

Concrètement, comment cela se passe-t-il entre le maître E et l'enseignant ? Quelle est la part des rencontres ? du travail en commun ?

Les rencontres sont essentielles. D'une part parce que ça permet de viser des objectifs semblables avec des façons de faire différentes et d'autre part parce que c'est en parlant quelquefois qu'il y a des choses qui s'éclairent. L'instit explique ce qu'il fait et ce qui se passe dans la classe, le maître E, c'est pareil, il explique ce qui se passe avec lui. C'est la confrontation qui est intéressante. Alors les supports peuvent être très divers, ça peut être un cahier, tout à fait autre chose qu'un cahier, beaucoup de choses différentes de ce qui se fait en classe, ce ne sera jamais un cahier de copie... ça sera plutôt de petites actions, surtout pour voir si l'enfant est plus acteur de son projet dans le respect du cheminement de chacun à sa vitesse.

Le maître E fait-il un projet pour chaque enfant ? Ce projet est-il discuté avec l'enseignant ? Comment cela se passe-t-il entre le maître E et l'enseignant ?

Après les tests, enfin les évaluations collectives qui sont conduites par le maître E, il voit pour qui ça pêche, où ça pêche et par exemple pour la combinatoire, il va travailler sur la combinatoire donc, il y a un projet qui est mené par le maître E mais qui est soumis au maître de la classe qui lui aussi a un projet. Les séances avec l'enfant, pour le maître E, c'est deux fois par semaine.

Que pouvez-vous dire de la fréquence des rencontres entre le maître E et le maître de la classe ?

Je ne sais pas, ça dépend des périodes et des situations. Il y a des rencontres informelles pour discuter de l'évolution de l'enfantcomme il y a des rencontres formelles qui sont décidées à l'avance pour faire le point. En plus il y a des rencontres maître E seul avec l'instit à certains moments et des rencontres réseau et instit pour certains projets de groupe, quand il faut modifier les groupes.

Quelles différences voyez-vous entre le travail du maître de la classe et celui du maître E ?

C'est un travail individualisé. Même s'il y a un groupe de trois, quatre, chaque gamin a son programme et avance à son rythme tout en essayant de faire un groupe à peu près "homogène" entre guillemets.

Est-ce qu'un maître généraliste pourrait facilement faire le travail du maître E ?

Facilement, non, parce qu'il y a toute une part de théorie qui est importante.

Vous pouvez préciser quelles en sont les grandes lignes ?

Tout ce qui est arrêt sur la psychologie de l'enfant, tout ce qui est hors pédagogie, comment un enfant progresse et tout, ce qui ne se fait pas assez pour un instit dit "ordinaire" alors que ça devrait être fait.

Si je dis "maître G", quels sont les cinq mots qui vous viennent spontanément ?

L'écoute, la distance, le jeu, la créativité et la communication.

Pouvez-vous préciser davantage ?

Ecoute parce que l'écoute de tous les partenaires est très importante, tout en restant à distance de chacun, le jeu parce que si l'enfant ne passe pas par le jeu, il n'arrivera pas à élaborer des stratégies, à se créer, à se former et à entrer dans les apprentissages. La créativité, parce que l'être, il faut qu'il crée, qu'il voie ce qu'il est capable de faire pour pouvoir apprendre. Je pense que si l'enfant n'est pas capable de créer, il stagnera. La communication, parce que les apprentissages passent par la communication. Si l'enfant n'a pas envie de communiquer, il ne rentrera pas dans les apprentissages non plus.

Pouvez-vous à partir d'un cas d'enfant présenter le travail du maître G ?

On commence par le signalement de l'institutrice, en grande section par exemple il y a une base de bilan, ce qui permet une articulation entre ce que le réseau a vu et ce que l'instit a vu. Les bilans servent aussi de base de discussion avec les parents, quand nous, on prend l'enfant. Quand les parents voient quelque chose d'écrit c'est pour eux plus rassurant, enfin… ils visualisent plus. Ensuite l'instit indique bien aux parents que l'enfant a été signalé au réseau. On convoque les parents, par le biais de l'instit, je trouve que c'est très important, il ne faut que ce soit nous qui allions chercher les parents – ça peut-être les parents qui viennent directement nous demander, c'est rare mais ça arrive -. Après l'accord des parents et de l'enfant, l'enfant est pris en observation. Au bout de quelques séances, on fait le point. On voit comment l'enfant s'est comporté face à la difficulté, face à l'adulte etc… Et puis on en reparle avec les parents, on voit ce qui se passe dans la famille, ce qui s'est passé à l'école et on monte un projet. Alors on en parle en synthèse avec le réseau ensuite avec l'instit et puis après on en parle aux parents et on engage la rééducation si tous les partenaires sont d'accord.

Pouvez-vous présenter de façon concrète une prise en charge et son projet ?

En partant d'un cas précis ?

Oui…

Fabien, un gamin de moyenne section, qui vient d'être récupéré par la maman. Il était chez les grands-parents, il y avait une mesure d'AEMO. On a eu une réunion avec la Sauvegarde, les instits, la maman et le nouveau compagnon et en commun on a pris une décision de rééducation G. Je l'ai pris en observation. C'est un gamin qui explose de tous les côtés comme un gamin de moyenne section qui commence à se poser à l'école et dans sa famille… Au bout des observations, on a conclu que je le prendrais en rééducation.

En quoi consistent ces observations ?

L'enfant arrive dans la salle. Il fait les jeux qu'il veut, avec les règles rééducatives normales qui devraient être les règles communes partout "tu ranges, tu ne casses pas, tu ne fais pas mal", avec le cadre horaire et l'enfant peut m'appeler s'il veut, s'il ne veut pas, il joue tout seul. En fin de séance, on se pose, on fait le dessin, s'il a envie de raconter ce qu'il a fait, il raconte et on repart en classe. On essaie de repartir tranquillement en classe. Je trouve qu'il se passe beaucoup de choses entre la salle et la classe et puis après, suivant ce que l'enfant a fait, je remplis une grille, je regarde pour toutes les séances comment il s'est comporté. Après, il y a un projet qui est établi avec pour objectifs "trouver ses repères, trouver son cadre" mais tout en lui laissant une part pour exploser un petit peu parce que la salle c'est quand même fait pour… avant de retourner trouver le groupe qu'il ne supporte pas encore.

Comment est fait le projet ?

Je le fais, ensuite j'en discute en réseau avec le maître E et le psychologue, je l'écris, ensuite je vois l'instit, je lui propose, elle dit oui ou non ou précise certaines choses, ensuite le directeur le signe et ensuite je vois les parents en disant : "voilà ce qui a été décidé et les parents disent oui ou non".

Est-ce qu'il y a des liens entre ce qui se fait en classe et ce qui se fait en rééducation?

Pas forcément. L'instit me demande des fois comment ça s'est passé, bon je dis un petit mot ou "il a explosé" ou… mais je ne m'étale pas sur la séance. Si l'enfant a envie de raconter, il raconte et puis après l'instit me dit ça va mieux, ça ne va pas mieux", c'est plutôt de manière informelle. Sinon, on fait le point régulièrement toutes les 5/ 6 séances, pour se dire mutuellement où en est l'enfant.

Comment vous répartissez-vous les enfants entre maître E et maître G ?

Souvent c'est déjà d'après l'âge, maternelle c'est plus le maître G et c'est suivant si l'indication est comportementale ou d'apprentissage. L'instit remplit une feuille de signalement. On dépouille les feuilles de signalement et avec le psychologue on décide si c'est pour une observation E ou une observation G ce qui ne veut pas dire que ce sera une rééducation en G ou une rééducation en E.

Vous qui avez été E et G, quelle différence faites-vous entre ces deux fonctions ?

Déjà, je me sens moins instit, je suis moins dans la pédagogie puisqu'on y passe toujours un petit peu, on ne peut pas le renier – quand on fait le calendrier, ils ont des repères qui font partie de la pédagogie qu'il ne faut pas oublier – mais je me sens plus disponible vis à vis de l'enfant. Avant, c'était ce qui me gênait. Je voulais comprendre pourquoi un élève n'arrivait pas à apprendre et c'est pour ça que j'ai fait le stage. Je voyais que je bloquais en tant que maître E avec certains gamins et je me suis rendu compte qu'il fallait aller plus loin pour voir pourquoi un gamin n'arrivait pas à apprendre, c'est qu'il y avait d'autres choses derrière. Il y a des différences aussi par rapport à l'écoute et la patience. Il faut savoir attendre que l'enfant fasse son chemin, c'est-à-dire qu'on est plus en retrait, on n'a pas les barrières enfin… les buts pédagogiques en bout d'année. Je trouve qu'on apprend beaucoup plus la patience, attendre que l'enfant se développe, en soit à tel stade dans ses apprentissages…

Vous arrive-t-il de faire des glissements de pratique, à certains moments de faire ce que vous auriez été susceptible de faire comme maître E ?

Ça m'arrive, oui.

Pouvez-vous en donner un exemple ?

Surtout en maths. Par exemple quand un enfant n'arrive pas à dénombrer. On reprend, on recompte, on rejoue avec un dé, le gros dé en mousse par exemple, on refait des petits jeux que je glisse dans le jeu, quand on fait un jeu de société par exemple. J'essaie d'introduire des éléments qui vont accélérer une acquisition... Je pense que c'est un plus d'avoir été maître E avant.

En quoi la différenciation E / G vous semble-t-elle pertinente ?

D'abord parce qu'elles sont complémentaires, elles apportent deux regards différents, éclairent deux facettes de l'enfant qui, comme on travaille en équipe, sont importantes, pour l'enfant, pour nous, pour l'instit…

Est-ce qu'il existe des limites claires entre les aides à dominante rééducative et à dominante pédagogique ?

Les limites sont un peu… il n'y a pas de limites très, très nettes. Le maître E peut aider l'enfant dans son comportement ne serait-ce que de le faire travailler en petit groupe. Le fait du petit groupe c'est déjà, ça peut être considéré comme… même si le gamin fait de la pédagogie, il fait de l'apprentissage, il y aura quand même un changement au niveau de son comportement en classe. Ce ne sont pas des limites bien fixes, enfin pour moi…

Est-ce qu'il existe une fonction qui joue un plus grand rôle ?

Je ne pense pas, non.

On parle d'une réforme prochaine. Quelle position soutenez-vous par rapport aux perspectives de changement ?

Par rapport au travail dans les classes ?

On peut commencer par-là…

Justement, en ce moment, quand je ramène un enfant dans la classe – par exemple aujourd'hui j'avais deux absents. Je ramène un enfant dans sa classe. Ils étaient en salle de psychomotricité donc j'ai laissé faire. Donc je m'arrête beaucoup plus pour essayer de voir comment je pourrais travailler avec un enfant pris actuellement en rééducation, comment je pourrais faire dans la classe … Je pense que ce ne sera plus de la rééducation. Ce sera un genre de tutorat, de guide et je trouve que le gamin y perdra beaucoup, parce qu'il ne sera pas acteur en fait. Il perdra son statut de sujet, qu'on essaie de lui redonner, ce qui n'empêche pas d'être dans la classe à regarder ce qu'il fait, à lui donner un petit truc : "regarde si tu te mets comme ça, tu es mieux assis" mais travailler dans la classe, ce ne sera plus de la rééducation comme on l'entend maintenant.

Et par rapport aux perspectives de fusion entre E et G, comme les laissaient entendre les rapports Gossot et Ferrier ?

Je suis un peu contre. Comme j'ai fait les deux, je n'ai pas fait le deuxième pour redevenir le premier et je trouve que c'est… perdre un côté de l'enfant. C'est deux côtés complètement différents. Le gamin qui a un comportement difficile si on mélange la pédagogie avec…

L'idée, ce n'est pas tout à fait ça, c'est de pouvoir fonctionner tantôt comme des G, tantôt comme des E selon les besoins d'un enfant…

Non, ce n'est pas possible parce que je ne suis capable que de faire une chose à la fois... Soit je suis dans une activité, soit dans une autre mais je ne peux pas être dans deux. Soit je suis maître E, soit je suis maître G, mais je ne pourrais pas faire un mi-temps E, un mi-temps G... Ça je ne pourrais pas, soit je retombe dans le E, soit je reste G mais je suis trop… je suis incapable de mener deux choses à la fois. Quand je suis dans une activité, je m'y mets à plein et donc il ne faut pas me parler d'autre chose.

Brièvement, pourriez-vous présenter les grandes tâches effectuées par votre réseau ?

Les aides rééducatives ou pédagogiques, les examens psychologiques, tout ce qui est travail d'équipe avec les équipes pédagogiques, le travail de coordination entre les parents, les enseignants, les services sociaux, le CMP, on a un rôle d'intermédiaire…

Quelle importance accordez-vous à l'évaluation du réseau ?

Je trouve que c'est important parce que sinon, on ne sait pas bien où on va. Chaque action doit être évaluée, que ce soit une action rééducative ou un travail de réseau pour qu'il y ait… - je n'aime pas le mot de rendement – (rires)… les meilleures réussites dans les écoles. Comme personne ne nous évalue et que l'inspecteur nous fait confiance, c'est nous qui nous évaluons (rires) en montant nos propres évaluations. (me montre le projet de RASED où sont présentées et expliquées les diverses évaluations mises en œuvre. L'évaluation qualitative commune aux maîtres E et G est en particulier très élaborée, avec des indicateurs concernant les acquisitions scolaires (maîtrise de la langue orale, structuration spatio-temporelle et motricité, lecture, production d'écrits, mathématiques) et les compétences comportementales à être écolier. De plus, la cohorte des enfants aidés est suivie tout au long de leur scolarité.L'évaluation externe, outre des indicateurs classiques, évoque une enquête de satisfaction auprès des enseignants, encore à l'état d'ébauche au moment de l'entretien).

Pouvez-vous citer les trois livres ou auteurs principaux étudiés lors de la formation E?

Oh là, là ! je ne me rappelle plus… Meirieu, un peu Foucambert, Bentolila, c'était surtout sur la lecture, très peu en maths, des trucs sur la pédagogie différenciée… Mais c'est tellement vieux… Si Wallon un peu aussi…

Je vais vous poser la même question pour la formation G…

Alors Winnicott, tout Winnicott, Bettelheim… j'ai un trou de mémoire, je ne me rappelle plus…

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

L'insertion, l'épanouissement, la liberté, le savoir, la communicabilité.

Est-ce que vous pouvez préciser davantage ?

L'insertion, c'est l'insertion dans le monde social ou le monde familial… L'épanouissement, c'est l'épanouissement du sujet personnel, la liberté c'est la liberté de pouvoir agir, de pouvoir penser, par le savoir justement être capable de penser… pas pouvoir faire ce qu'il veut mais pas se sentir dans des contraintes sociales trop pesantes. Et communicabilité, pouvoir entrer en relation avec les autres, enfin ça fait un tout…

On dit que l'enseignant est le premier acteur de la mise en place d'une aide en direction de l'enfant en difficulté. Comment constatez-vous la concrétisation de cette affirmation ?

Souvent il y a beaucoup d'aides – des ateliers, des échanges entre classe, les aides éducateurs - mais elles sont mal articulées, elles partent trop tous les sens. Il y a une mauvaise coordination, je pense que c'est dû aussi au manque de temps pour se concerter, un manque de temps disponible, un temps qui n'est pas donné par l'administration et que les gens ne prennent pas forcément, donc je trouve que les aides ne sont pas assez ciblées. Il y a beaucoup de personnes qui interviennent et parfois c'est peut-être au détriment d'une qualité.

Comment voyez-vous l'avenir des réseaux d'aide ?

Aïe ! … J'aimerais bien qu'ils durent mais si on n'a pas une bonne équipe dans chaque réseau, je pense que ça va être très dur de résister.

Qu'entendez vous par "bonne équipe" ?

C'est-à-dire que tout le monde ait envie de travailler en réseau et qu'il y ait le personnel nécessaire pour couvrir une zone… C'est vrai que s'il y a un rééducateur et un maître E par zone et qu'il y a trente kilomètres qui les séparent, les réseaux vont mourir de leurs propres conditions matérielles. Je ne suis pas très optimiste… je voudrais l'être.

Peut-être avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école ?

Non, non…

Une dernière question facultative : en quoi votre fonction de maître G est-elle importante pour vous ?

Elle est importante parce que je trouve qu'elle m'apporte beaucoup personnellement, pouvoir m'arrêter pour observer un enfant, pouvoir prendre le temps avec un enfant de faire quelque chose… ce que je n'aurais pas fait il y a quelques années quand j'étais instit, je n'avais pas le temps… Et je trouve que le temps, plus il passe, plus il faut le prendre tranquillement… sans courir.