Entretien E52 Murielle

Age : 54 ans

Profession : Maître G

Diplômes : Propédeutique lettres (64), CAP Instituteur, CAEI E (86), CAPSAIS G (91)

Murielle : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Murielle : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : salle de rééducation

Durée : 1 heure

(…) On ne peut pas être efficace de toute façon. Dans les écoles où on intervient en nombre suffisant, ça passe mais il y en a combien sur la circonscription ? … On va quand même sur les écoles qui en ont le plus besoin. Mais il y a des écoles qui ont des besoins importants et qui ne sont pas couvertes… (…)

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté" ?

Mal à l'aise, pas motivé, peu communicatif, n'a pas le statut d'élève c'est-à-dire manque d'attention, de stabilité... souffrance, qui semble en souffrance.

Pouvez-vous développer chaque idée ?

Mal à l'aise, c'est par exemple sur le plan corporel, inhibé, gauche, maladroit, ce qui fait que l'enfant n'ose pas trop produire, n'ose pas trop s'exprimer.

Vous avez dit aussi "pas motivé"…

Pas motivé, c'est celui qui n'a pas envie d'apprendre, qui n'est pas rentré dans les apprentissages, pas motivé pour le scolaire. Pas communicatif, celui qui ne parle pas, à qui il faut arracher les réponses, celui qui ne s'adresse pas à l'adulte, qui détourne le regard.

Qui "n'a pas le statut d'élève" ?

Là c'est plutôt dans des capacités scolaires, c'est-à-dire qu'il manque d'attention, qu'il manque de stabilité, qu'il ne peut pas rester assis, qu'il coupe la parole aux autres, qu'il ne connaît pas les règles de vie…

Et puis vous avez dit "semble en souffrance"…

Là on va plutôt tabler sur la maltraitance. Il va falloir creuser parce que vraiment il y a quelque chose, ça peut être le physique, un enfant pâle, qui a l'air souvent malade, qui est renfermé… Lui aussi, il ne va pas communiquer bien souvent, il est triste…

Je vais vous demander maintenant de choisir un enfant en difficulté scolaire, un seul, que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle. Pouvez-vous présenter la situation et dire ce qui était fait pour lui ?

J'en ai tellement vu… J'en ai un qui m'a marqué. Il était arrivé en moyenne section en cours d'année. Il a été signalé rapidement parce qu'il était complètement inhibé, ne parlant jamais, ne jouant pas dans la cour, restant immobile, debout, poussé par les autres comme si c'était une statue, un peu comme si c'était un enfant autiste… Et puis j'avais été aussi contactée par la PMI qui décrivait sa famille comme une famille qui changeait souvent d'adresse et qui posait problème. On a mis une aide G en place. Je faisais des séances avec cet enfant, dernier trimestre de MS, j'ai continué toute la grande section. Il a été maintenu en grande section mais là ça allait déjà un peu mieux. Mais pendant toute la moyenne section et la première grande section, j'ai fais des séances sans qu'il parle. Il était d'accord, il venait volontiers, on jouait, il avait une manière de communiquer par les yeux ou des mouvements de tête mais je n'ai jamais entendu sa voix. Et puis on a patienté, je parlais, je faisais les deux rôles, je lui demandais si ce que je disais ça allait ou pas, il me faisait des signes et puis l'année de la deuxième grande section, j'ai eu droit à quelques mots et après ça a démarré, un langage tout à fait correct et normal alors qu'il n'avait jamais parlé à l'école. Mais la maman disait qu'il parlait à la maison quand même. Cette année il est suivi en CP par le maître E et il a appris à lire, à l'étonnement de tout le monde. C'est un enfant qui reste à surveiller. On n'a jamais bien su… la famille était très réticente pour toutes les aides, même pour avoir un examen psychologique pour le maintien en grande section… On voulait orienter au CMP mais on n'a jamais pu. C'était complètement verrouillé par le père surtout. La maman, je crois, avait des précédents psychiatriques. Entre temps, il faut dire, ce garçon a eu une sœur orientée en CLIS. Il a vu sa sœur orientée en CLIS. En séance quand il a commencé à parler, il avait l'air de vouloir éviter ça. Alors est-ce que c'est peut-être ne pas vouloir suivre le chemin de sa sœur qui a fait qu'il s'est mis au travail, qu'il a pris l'envie d'apprendre et de communiquer ? Mais pourquoi il était mutique pendant un an et demi, on n'a pas su ce qui se passait à la maison…

Quels étaient les liens entre votre travail et celui de l'enseignante – que ce soit en MS et en GS - ?

Il faut dire que ça a été des enseignantes qui ont beaucoup changé, à cause de congé maternité ou autre. Ça n'a jamais été la même. En général elles étaient patientes, elles l'acceptaient sans qu'il parle, elles faisaient un peu comme moi, elles lui donnaient du travail à son niveau, elles expliquaient aux autres : "il n'a pas envie de parler, on respecte son propre désir et puis peut-être qu'un jour il aura envie de parler". Voilà c'était ça… dans la classe comme avec moi.

Et au sujet du travail rééducatif, qu'en disiez-vous à l'enseignante ?

Je disais ce qui se passait en séance. Je disais l'essentiel, je disais ma manière de faire, dans quelle série de jeux il entrait… s'il changeait, s'il n'était pas trop dans la répétition… si, si on échangeait sur la pratique. Mais comme il ne parlait pas, je ne risquais pas d'avoir des secrets de famille (rires)…

Est-ce que vous teniez compte de ce qui se passait dans la classe ou si vous conduisiez votre travail d'une manière tout à fait indépendante ?

Indépendante. C'est-à-dire qu'on tient toujours compte de l'âge, de là où il en est, de ce qu'on peut lui demander. S'il fallait écrire le prénom en attaché, on le faisait en séance, si en numération on savait qu'en classe il faisait telle chose, mais enfin il était toujours en décalage par rapport au groupe… il fallait adapter les activités à son niveau. Dans mes séances je raccroche toujours du cognitif des objectifs de la classe, c'est-à-dire reconnaître des graphies, savoir dénombrer… à chaque occasion qui se présente, je le demande à l'enfant. C'est en lien, dans cette mesure-là, avec le travail de la classe.

Pour cet enfant-là, quelle a été votre participation aux conseils de cycle, aux conseils de maîtres ?

Il y a eu pas mal de réunions, il a fallu décider du maintien, convaincre les parents pour l'examen psychologique, pour une consultation au CMP, il y a eu pas mal de concertations. En règle générale on essaie de faire des conseils de cycle, trois fois dans l'année, le réseau plus un cycle, en début d'année, à mi-année en février et en fin d'année. Et à chaque réunion, on fait le point sur chaque enfant. On le fait systématiquement avec toutes les écoles où on intervient. C'est nous qui fixons les dates. Ils viennent ou ils ne viennent pas.

Est-ce qu'il y a des absences fréquentes, des réticences ?

Non, ça se passe bien.

Quels sont les facteurs qui font que ça se passe bien ?

En début d'année, elles ont déjà envie… Comment dire ? Elles sentent qu'elles ont des enfants en difficulté dans la classe. Alors elles sont présentes. Au premier conseil de cycle on commence à étudier les cas, oui, je pense qu'elles sont là parce qu'elles ont des enfants en difficulté, elles cherchent des soutiens… Elles ont besoin d'aide, les maîtresses aussi. En principe ça se passe bien. On n'a pas eu de conseil de cycle supprimé. Je pense que les maîtresses ont besoin de parler, déjà, et puis peut-être d'entendre aussi ce qu'on en pense, "un autre son de cloche" et puis peut-être aussi qu'il y ait des décisions de prises, des propositions, qu'elles ne soient pas seules à les prendre… Et il y a toujours la psychologue scolaire quand on fait nos réunions de cycle. Il y a tous les intervenants du réseau sur l'école, systématiquement. Là, on est deux maîtres G, un maître E et la psychologue. On est déjà quatre plus les maîtresses. Le dernier qu'on a fait en février, c'était savoir où en sont les aides, s'il y a de nouveaux signalements. En fin d'année, on fait un bilan pour chaque enfant et puis globalement on fait le point sur ce que pensent les enseignants du réseau. Et puis nous aussi, on dit ce qu'on pense des relations qu'il y a eu avec l'équipe. Les échanges sont assez toniques, on ne fait pas dans la flatterie... la parole va et vient. A l'école Pierre et Marie Curie, c'est bien, à Langevin, bien… c'est peut-être à Françoise Dolto que c'est plus difficile.

Pour quelles raisons à votre avis ?

J'analyse ça comme ça. Je trouve que le primaire a un regard un peu… péjoratif sur la maternelle, on va dire comme ça, un peu négatif, disant : "à la maternelle, elles ne font pas grand-chose, c'est facile"… L'élémentaire a l'impression d'être plus important que la maternelle. Comme nous, on travaille davantage en maternelle, notre travail n'est pas pris en considération par l'élémentaire, même ils n'arrivent pas à prendre conscience que le travail qu'on fait en amont peut servir à l'élémentaire. En plus, on a travaillé longtemps sans maître E. Ce qui fait que l'élémentaire ne percevait pas notre travail. Cette année, il y a eu un maître E, l'élémentaire l'a beaucoup accaparé mais cette idée dure parce qu'ils ont l'impression que le maître E suffirait. Ça ne circule pas déjà entre maternelle et élémentaire donc nous on est aussi pris dans cette situation de non circulation des échanges qui fait que… à Dolto, je dis qu'il ne faudrait pas qu'on y aille en fait… Mais le E n'irait pas tout seul… Non il y a des endroits où ça ne circule pas. Quand ça ne circule pas, c'est que ça circule déjà mal dans l'école, entre eux. On n'a pas réussi à… Je pense que c'est un problème de personnalité de directrice… deux directrices qui n'ont peut-être pas envie de travailler en équipe, je pense…

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous le sigle RASED, en dehors de la signification exacte des lettres ?

Aider, écouter, partager, je ne mets que des verbes… (rires)

C'est possible, on est dans l'action…

Proposer, pour les parents par exemple, lier, faire des liens entre la famille, l'enfant, l'école, l'enseignant.

Je vais vous demander d'expliquer… Qu'entendez-vous par aider ?

Aider, c'est déjà faire des séances, faire en sorte que ça change, que l'enfant ou l'institutrice en difficulté ne se sente pas seul, qu'elle sente qu'il y ait quelqu'un là pour soutenir, pour écouter, partager, pour aider.

Vous avez dit aussi lier, faire des liens. Pouvez-vous expliquer davantage en quoi consistent ces liens-là ?

C'est plus pour faire… pour être une sorte de médiateur entre la famille, entre la maîtresse, les enseignants, l'école, l'enfant… C'est faire la liaison, échanger ce qui peut être échangeable, c'est faire accepter ce qui n'est pas accepté d'un côté, c'est aplanir… Pour l'enfant c'est lui permettre de faire des liens plus personnels avec l'école, par rapport à son histoire, par rapport à ce que les parents ont dit dans l'entretien, et puis travailler la perception de l'école qui est faite par l'enfant à travers celle de la famille, peut-être valoriser davantage l'école, faire en sorte que l'école soit un lieu où on ait envie d'aller…

Si je vous dis "maître E", quels sont les cinq mots qui vous viennent à l'esprit ?

Pour moi, c'est aussi aider, plus guider, former, aider à prendre conscience, aider à voir clair, motiver pour l'apprentissage alors que ça peut être motiver pour produire, pour parler, pour s'exprimer…

Est-ce que vous pouvez décrire le travail du maître E à partir des cas d'enfant étudiés en synthèse ?

(…) Le maître E, formé, travaille avec des groupes. Il n'y a pas d'aide individuelle, c'est deux, trois, quatre. Il ne dépasse pas quatre en principe. Dans ce que j'en vois, il travaille dans une salle à lui, dans un cadre précis – durée de la séance, régularité –, pareil, avec beaucoup de synthèses avec les enseignants mais avec des objectifs plus ciblés que le maître G par rapport à une difficulté d'ordre de l'apprentissage... ça va être plus lecture, expression écrite, ce qui est en lien avec l'apprentissage mais sans vouloir forcément savoir ce qu'on est en train de faire en classe, sans refaire la classe, sans reprendre systématiquement ce qui est étudié au moment même en classe.

Si je vous dis "maître G", quels sont les cinq mots qui vous viennent à l'esprit ?

Je vais reprendre ceux du réseau parce que pour réseau, j'ai pris mon propre rôle. Aider, écouter, partager mais il faudrait peut-être que je change pour réseau.

Je vais inverser la question de réseau et celle de maître G. Alors pour réseau ?

C'est aussi aider…je vais reprendre les mêmes (rires)…

Mais c'est possible, ce n'est pas du tout ennuyeux…

… Proposer plus au niveau du réseau, communiquer, pour qu'il y ait un réseau, il faut communiquer, il faut qu'il y ait des échanges, il faut que ça circule… il faut donc échanger. C'est souvent quelque chose à travailler, je pense que c'est l'objet lui-même de la rencontre qui soulève des barrières. Ce n'est pas simple de se rencontrer pour analyser ce qui va mal… on se découvre un peu forcément, l'enseignant surtout et ça fait mal. Réfléchir aussi, construire des aides pour chaque enfant, évaluer.

Pouvez-vous préciser ?

Réfléchir, c'est un peu quand on se retrouve tous, sur le problème d'une école, voir ce qu'on peut proposer, ce qu'on peut faire et comment le faire pour ne pas heurter de front les sensibilités. Au niveau du réseau, c'est réfléchir sur des thèmes que certains souhaitent qu'on développe – ça peut être sur la pratique, sur la théorie pas trop, plutôt la pratique – et puis ça peut être l'ambiance. Il y a des réunions de réseau où on a réfléchi beaucoup sur le fonctionnement du réseau…

Vous avez parlé aussi d'évaluer ?

On réfléchit beaucoup sur comment évaluer. C'est un des soucis de notre réseau qui est devenu plus important, essayer de faire des fiches qu'on remplit, qu'on met dans les classeurs de synthèse. C'est pour avoir du concret quand on a le supérieur hiérarchique ou les enseignants qui se succèdent ou qui veulent savoir ce qui a été fait pour un enfant par le passé ou… et puis aussi peut-être pour montrer qu'on est utile…

Vous avez évoqué aussi construire des aides…

Oui, justement les documents qui restent au réseau en donnent une idée. Individuellement, on a tous une idée du projet d'aide à mettre en place pour un enfant. Mais le fait d'en discuter en synthèse, ça permet de préciser des aspects qu'on n'avait pas vu, ça peut permettre de réorienter une prise en charge qui ne bouge pas et à chaque fois quelqu'un résume par écrit ce qui s'est dit.

Quelles sont les traces qui restent ?

Ce sont des feuilles uniformisées pour tout le monde. Et ça reste dans les classeurs de synthèse.

C'est sous la forme d'une feuille de signalement réactualisée ?

Non, on résume la feuille de signalement, on a le projet, les ajustements et le bilan de l'aide. Vous voulez voir ? (me montre des formulaires remplis). L'inspecteur nous a demandé que l'école ait un exemplaire du projet d'aide pour chaque enfant. On est obligé de faire un projet pour chaque enfant suivi, E ou G, de noter l'évolution en classe avec une synthèse avec l'enseignant, la décision, si on arrête, si on oriente…

Est-ce que je pourrais en avoir un exemplaire ?

Je n'en ai pas de vierge… mais je vous l'enverrai (…). Ça par contre, on ne le donne pas à l'enseignant (les bilans périodiques des séances). On n'était pas pour… de donner le projet à l'enseignant, mais c'est l'inspecteur qui nous a obligés. On n'aime pas trop les papiers qui traînent. On a remarqué que parfois on leur donne le projet, elles ne le rangent pas, on voit ça sur le bureau de la directrice et n'importe quelle femme de ménage… Je l'ai vu souvent et je me suis fâchée : "Dites-nous où vous les rangez et on les range !" (…)

Est-ce que tout ce travail de dossiers représente un obstacle ou au contraire un élément facilitateur du travail d'équipe ?

De toute façon, il n'y a que le projet qui reste dans l'école. Le reste, c'est dans les classeurs de synthèse, propriété du réseau. Donc fermé à clef, personne n'y accède. Il n'y a que le projet – et on a bien dit que dans ce projet, il n'y avait rien de confidentiel ou de familial. Ça peut circuler parce que c'est des objectifs de rééducation. C'est vrai que ça peut donner certaines indications sur le passé d'un enfant difficile…

Par qui ces projets sont-ils conçus ?

Nous et l'enseignant. On les remplit avec l'enseignant. Nos objectifs, on les trace en gros en synthèse de réseau, on décide sur quoi on va travailler, parce que parfois on se sent très seul, après une observation, on a l'impression qu'on ne va rien pouvoir faire. En synthèse, on dit : "Si, tu peux travailler ça…" Les objectifs sont élaborés en synthèse. Ensuite on les propose à l'enseignant et on voit avec lui ce qu'il peut faire dans sa classe. Ce n'est pas toujours évident d'ailleurs … Et l'inspecteur voudrait qu'on prenne un enfant en aide seulement quand l'enseignant a, lui, mis des choses en place dans sa classe avant d'en venir à une aide E ou G.

Ah oui ! ... il donne priorité à l'aide de l'enseignant dans sa classe ?

Oui, il pousse à trouver des solutions en classe, pour que le réseau ne soit pas là pour tout faire… mais que l'enseignant prenne déjà en compte les difficultés…

Et qu'en pensez-vous ?

C'est une bonne chose, parce qu'il ne faut pas non plus : "prends, prends–le et puis moi je ne fais rien"…

Est-ce que ça fonctionne ?

Oui, il faut que ça fonctionne. Dans les écoles où il y a beaucoup d'enfants en difficulté ça fonctionne. Quand on arrive dans une école plus favorisée, comme à Saint Exupéry par exemple, où il n'y en a que quelques uns, ça fonctionne moins bien parce qu'elles ont moins une pédagogie… elles sont moins habituées aux enfants en difficulté, elles sont habituées à une pédagogie plus traditionnelle et puis l'enfant en difficulté elles le laissent dans son coin…

Comment s'articule le travail du maître E avec votre propre travail ?

En synthèse… Il arrive que le maître E commence une aide et qu'il s'aperçoive qu'il faille autre chose… Alors à ce moment-là on passe à une aide G. Mais bien souvent les aides G sont avant les aides E. Il arrive souvent qu'on aide un enfant sur le plan rééducatif et ensuite qu'il ait besoin d'être aidé sur le plan des apprentissages… Il y a d'abord une aide G prolongée quelquefois par une aide E… ça peut être dans la même année, ça peut être sur deux années. Ça peut être deux années G, une année E, ça peut être l'inverse une année G, deux années E, ça peut être simultané. On a eu quelques gamins où il y avait une séquence de E, une séance de G c'est-à-dire une aide G qui ne se terminait pas brusquement et l'aide E qui s'emboîtait dessus… Il ne faut pas multiplier mais quand on sent qu'un enfant commence à rentrer dans les apprentissages, qu'il est capable et que le maître E peut travailler avec lui, on commence à mettre en place l'aide E.

Est-ce qu'il y a des glissements de pratiques, par exemple un E qui ferait un peu de G ou inversement ?

Non. Au niveau du réseau, non. Je ne connais pas de E qui fasse de G et les G, on a peut-être quand même une dérive un peu vers… On est peut-être plus près… on considère aussi l'enfant comme élève, c'est-à-dire que si on peut guider son choix, si on peut essayer de le guider vers quelque chose où il y a carence en classe, on essaie. Mais en principe pas trop.

En quoi la séparation telle qu'elle existe actuellement vous semble-t-elle pertinente ? Quels sont les avantages de ce découpage des fonctions ?

Ce n'est pas du tout les mêmes difficultés, je pense. L'aide G va essayer de résoudre les problèmes d'enfant qui n'ont pas encore le statut d'élève. L'aide E s'adresse à des enfants qui ont déjà le statut d'élève… Ce n'est pas du tout le même type d'enfant. Je pense que le maître E ne peut pas travailler avec un enfant qui est trop instable ou qui n'est pas motivé du tout, qui n'a pas encore envie d'apprendre, qui n'a pas compris ce que c'était l'école… Ce n'est pas encore pour le maître E. Ce n'est pas les mêmes signalements.

Comment sont posées les indications ? Au niveau de la répartition du travail, ça se passe de quelle façon ?

On le fait en synthèse d'après le signalement de l'instit, plus l'observation en classe. Mais d'après le signalement de l'instit, avec éventuellement un entretien avec l'institutrice, au niveau du réseau, on décide si c'est E ou G. Il n'y a pas de difficulté particulière pour ça. Si on voit qu'il y a une instit qui semble demander les deux, on donne priorité à G qui semble être la phase précédant l'aide E.

Quel est le rôle de l'IEN dans votre réseau ?

Il est partie prenante, il vient à quelques réunions de réseau, en début d'année et en fin d'année. Il vient trois fois dans l'année à peu près, il nous dit les lignes principales qu'il voudrait qu'on suive, notamment, l'an prochain il aimerait qu'on intervienne moins systématiquement sur trois ans sur une école mais qu'on se laisse du temps disponible pour des missions, dans des groupes scolaires où on n'est pas forcément basé. Donc il donne des lignes générales de travail. Est-ce qu'il a compris les différents rôles de chacun ? Est-ce qu'il nous pense efficaces ? Je n'en sais rien… (rires)

Quels outils utilisez-vous pour l'évaluation du réseau ?

Je crois qu'on n'a pas bien évolué par rapport au début des réseaux… Non, on y a beaucoup réfléchi l'an passé. On a voulu essayer d'évaluer les enfants qui avaient été aidés et savoir ce qu'ils étaient devenus par la suite. On a fait des grilles pour ça…. Des enfants qui avaient été suivis telle année, l'année d'après on va voir ce qu'ils deviennent et encore l'année d'après. Sur deux, trois ans, on va voir si c'est les mêmes difficultés qui apparaissent, s'il y en a d'autres… on a fait une grille.

Avez-vous déjà dépouillé ces grilles ?

Non, ça ne fait pas assez longtemps. Il faut voir cette année et encore une.

Pouvez-vous citer les trois livres ou auteurs principaux étudiés lors de la formation E?

En E ? C'est vieux… il y avait de la Garanderie, on nous avait fait beaucoup du psy, même en E… mais j'ai dû occulter… On m'avait tellement dit lors de la formation G "il faut effacer la formation précédente !"…

Et si je vous pose la même question pour G ?

Il y avait Winnicott, tous les psychanalystes, Freud… Il y avait de la Monneraye, Guillarmé, j'ai surtout travaillé là-dessus…

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

(incompréhensible)… Arriver à suivre le cursus normal, la normalité qui est définie par d'autres… je ne sais pas, par l'Education Nationale, c'est trouver de quoi envisager son avenir

Comment voyez-vous l'avenir des réseaux d'aide ?

Je le vois de plus en plus nécessaire (rires)… de plus en plus nécessaire. On serait beaucoup plus… Comment dire ? Le fait qu'on soit peu nombreux fait en sorte qu'on minimise encore nos résultats. Si on était en nombre suffisant pour couvrir les difficultés, on ne remettrait plus du tout en question notre efficacité, il me semble. Mais étant donné qu'on est peu nombreux, qu'on ne couvre pas tous les besoins et je pense qu'on ne devient pas nécessaire. Si on se passe de nous dans beaucoup d'endroits, alors pourquoi pas partout ? Il faudrait soit multiplier les personnels du réseau ou alors on va disparaître. Surtout la complémentarité E et G est très intéressante. Mais elle est peu visible parce que peu fréquente… Ce n'est quand même pas une raison suffisante pour la suspecter… mais l'économie a ses raisons et la raison a fort à faire pour lutter contre. (interruption de l'entretien en raison d'une obligation professionnelle, annoncée, de l'interviewée)