Entretien 59 Charlotte

Age : 44 ans

Profession : Psychologue scolaire

Diplômes : DESS de psychopathologie clinique, DUSPS (diplôme universitaire supérieur de psychologie scolaire)

Charlotte : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Charlotte : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : Bureau du psychologue

Durée : 1 heure 15 minutes

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté " ?

Entretien, échec, écoute, aide, mieux-vivre.

Pouvez-vous expliquer les termes que vous avez retenus ?

Entretien parce que pour moi, l'enfant en difficulté, on m'en parle, je suis là pour ça, aussi bien de la part des enseignants que des parents, c'est mon travail quotidien et je travaille d'abord à partir d'entretiens. Ecoute parce qu'aussi bien les parents que l'instit, que l'enfant ont besoin de raconter, de dire ce que c'est que cette difficulté, donc je suis là pour écouter, ça fait partie de mon travail de base. J'ai parlé d'échec, parce que quand un enfant est en difficulté au niveau de l'école, c'est qu'il y a un échec aussi bien scolaire que dans l'adaptation sociale ou l'adaptation à la place d'élève. C'est souvent le mot qui revient dans la bouche des enseignants : "c'est un enfant en échec" et il faut leur faire préciser ce qu'ils entendent par-là.

Vous avez aussi parlé d'aide…

Oui, parce qu'un enfant en difficulté, c'est un enfant qui a besoin qu'on l'aide d'une manière ou d'une autre. Il faut intervenir, il y a quelque chose à faire.

Comment pouvez-vous définir cette chose à faire ?

Justement, ça peut être une petite chose. Parfois en discutant avec un enseignant, je trouve que l'aide peut être simplement liée au fait que l'enseignant voie, perçoive l'enfant de manière différente, donc on va lui apporter un éclairage différent, ça c'est la petite aide légère jusqu'à l'aide institutionnalisée et importante du style aide au CMP, orientation spécialisée, qui prend en compte les difficultés majeures de l'enfant.

Et puis mieux vivre…

Oui, je trouve que c'est quand même le but de l'enseignement spécialisé, d'aider les enfants en tant qu'élèves à mieux vivre l'école et à trouver leur place. Et puis, je me rends compte en discutant avec les parents que, quand les parents cernent mieux l'explication des difficultés de leur enfant - pas forcément les causes parce qu'on n'arrive pas forcément à les trouver mais au moins cerner la difficulté de l'enfant précisément - ils peuvent mieux l'aider s'ils le souhaitent. Et, c'est pareil pour eux, ils ont un autre regard sur leur enfant et du coup les choses se vivent mieux parce que mieux connues… du coup les parents savent demander de l'aide ou même des conseils ou alors ils perçoivent mieux ce qu'il faut faire. Donc il y a un mieux vivre pour l'élève et pour l'enfant.

Je vais vous demander maintenant de retrouver un enfant en difficulté scolaire, un seul, que vous avez eu l'occasion de rencontrer. Pouvez-vous exposer le cas de cet enfant et dire ce qui a été fait pour lui etc… ?

C'est un enfant, Paul, que j'ai connu dans son école d'origine et que j'ai retrouvé dans la CLIS du secteur dont je m'occupe. Paul a été signalé lors de son premier CP comme étant en difficulté scolaire. Effectivement je l'avais vu en bilan. Il avait de gros troubles de langage et de compréhension. Comme c'était son premier CP, on avait dit avec l'enseignante qu'il fallait qu'il tire le maximum de son CP et qu'il fallait de toute façon une année en orthophonie. Les parents étaient réticents pour l'orthophonie parce que le frère aîné y était allé et qu'ils avaient trouvé que ça n'avait pas servi à grand-chose, donc ils ne souhaitaient pas reconduire ça. Mais ils étaient d'accord pour aller faire un bilan. L'année a passé, ils n'ont pas bougé. En fin d'année, l'équipe pédagogique décide le maintien en CP. L'année d'après, Paul est toujours en grande difficulté. Je le revois en bilan et le bilan complet montre que c'est un enfant qui relève de CLIS parce qu'il présente un retard mental. Je revois les parents dans ce sens-là. Je leur explique comment ça fonctionne, je leur conseille d'aller visiter, de prendre des renseignements et en parallèle d'aller au CMP pour qu'on ait l'avis d'un pédopsychiatre sur la situation de l'enfant. Je sentais Paul très immature et en plus il me semblait qu'il y avait des questions à se poser sur le plan de la personnalité. Ce n'était pas évident sur le plan scolaire, il se retrouvait avec un statut de mascotte de la classe, il était toujours content, toujours souriant, toujours prêt à jouer au foot, en classe, il ne suivait pas mais c'était accepté par tout le monde. Il avait son statut défini ainsi. Je sentais pourtant des angoisses chez cet enfant et ça me tracassait. Les parents ont accepté l'idée d'un rendez-vous au CMP, mais juste pour un bilan. Il y sont allés, ça c'est bien passé avec la pédopsychiatre. Je lui ai téléphoné, elle leur a dit qu'elle restait disponible pour une aide mais ils n'ont pas donné suite à sa proposition. On a passé cet enfant en commission, il s'est retrouvé en CLIS parce que les parents étaient d'accord. Ils voyaient bien que la deuxième année de CP n'apportait rien sur le plan scolaire en maths et en français et que l'enfant commençait à exprimer sa difficulté à ne pas suivre comme les autres, à ne jamais pouvoir faire le même travail que les autres, à se sentir différent. Il commençait à le dire, avec des moments où il pleurait à la maison. Donc il est en CLIS cette année. Il a pu se faire vite des copains, au niveau scolaire, il a un niveau de grande section et il fait ce qu'il peut. La maîtresse a pu lui faire admettre qu'il était en difficulté parce qu'avant il fuyait ça – avec ses airs toujours réjouis, ça ne me touche pas, je suis content, ça va bien -. Petit à petit il a pu se rendre compte qu'il était en difficulté et le dire. C'est là que les angoisses sont revenues de façon forte. Il est prêt à entrer dans la lecture mais il n'arrive pas à faire le pas de la syllabation, à comprendre comment on agence des lettres, des mots. Avec la maîtresse, on a vu de nombreuses fois les parents, notamment aux réunions de PEI pour qu'ils l'emmènent chez l'orthophoniste. Finalement sous la menace d'en référer à l'inspecteur, les parents ont pris un rendez-vous (…) et ont accepté l'idée d'un soin psychologique.

Pouvez-vous expliquer comment s'est mis en place le PEI ?

Tous les enfants de CLIS - parce qu'ils sont reconnus porteur de handicap mental c'est-à-dire qu'ils présentent un retard intellectuel évalué avec un test qui donne le QI - ont un PEI. C'est un texte de loi qui fixe le Projet Educatif Individualisé. Il institutionnalise trois réunions annuelles minimum. La première permet de mettre par écrit les objectifs scolaires que se fixe l'école, fait l'inventaire des difficultés de l'enfant aussi bien sur le plan comportemental que dans les apprentissages et fait l'inventaire de ses acquis. Ces réunions rassemblent les parents, l'enseignant, la secrétaire de CCPE quand elle peut venir, le psychologue scolaire qui s'occupe de l'école, théoriquement il y a le directeur d'école – mais dans toutes les réunions auxquelles j'ai participé, c'est lui qui doit organiser les réunions et les prendre en charge mais, quelques soient les PEI, je n'ai jamais vu un directeur d'école – et les personnels soignants invités par les parents – CMP, orthophoniste en libéral, psychomotricien en libéral, médecin, représentant d'une équipe hospitalière etc… - et le médecin scolaire qui ne vient pas non plus systématiquement. Au besoin s'il y a une mesure AEMO, si la famille le souhaite, l'éducateur ou l'assistante sociale peut aussi être présent. Il est fait un point rapide de la part de soignants ou des services sociaux sur ce qu'ils jugent utile pour la scolarité de l'enfant à dire. La réunion de milieu d'année fait le point sur les objectifs souhaités, les réactualise, modifie éventuellement l'emploi du temps de l'enfant en diminuant ou en augmentant le temps de scolarisation et demande si nécessaire d'autres aides. En fin d'année, le point est à nouveau fait sur l'année écoulée et les perspectives pour l'année suivante et une fiche récapitulative est envoyée à la CCPE puisque c'est l'instance qui gère les PEI, c'est-à-dire qui donne l'aval pour monter un PEI et qui vérifie chaque année en juin l'avancement des PEI et leur reconduction.

Dans l'histoire de ce cas d'enfants, est-ce que d'autres membres du réseau, autre que vous, sont intervenus à un moment ou à un autre dans sa scolarité ?

Pas pour lui, parce qu'il n'était pas sur le secteur quand il était en maternelle. Il n'avait jamais eu d'aide particulière. Quand il est arrivé au CP, il y avait de telles difficultés qui avant tout venaient de l'orthophonie qu'il avait été dit par la maîtresse et par moi que cet enfant avait avant tout besoin d'une aide orthophonique parce que là l'aide rééducative n'était pas la priorité. Et ce qu'on craignait, c'est que si une rééducation se mettait en place, d'une part ce ne serait pas suffisant et en plus ça dédouanerait les parents par rapport à une aide orthophonique dont il avait vraiment besoin.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

Equipe, explications, difficultés à se faire reconnaître, à trouver sa place, projet, aide.

Une fois encore, je vais vous demander d'expliquer… Equipe ?

Pour moi, un RASED, c'est avant tout une équipe qui fonctionne - rééducateurs, maîtres E et psychologues - et qui travaillent ensemble soit en mini RASED sur les mêmes écoles où interviennent rééducateur, maître E et psychologue et puis en RASED au sens large sur la circonscription, c'est-à-dire tous les rééducateurs, tous les maîtres E et tous les psychologues de la circonscription. C'est le fonctionnement qu'on a sur notre circonscription, avec des réunions mensuelles et un projet commun de fonctionnement. Ça c'est l'équipe elle-même et puis l'inspecteur nous demande un travail d'équipe avec l'équipe de circonscription, c'est-à-dire lui-même et les conseillers pédagogiques. Ça c'est dans les idées, mais sur le terrain on ne peut pas dire que ce soit vraiment vécu puisqu'on n'est pratiquement jamais réuni avec l'équipe de circonscription. Pour moi le travail en équipe se fait avec les collègues AIS et c'est très, très, très important. C'est la base du travail sur le terrain.

Votre équipe de réseau fonctionne-t-elle bien ?

Oui, en tout cas pour les équipes sur les écoles avec les synthèses régulières mises en place. Le fait que l'on se connaisse et qu'on travaille ensemble depuis longtemps favorise le bon fonctionnement de l'équipe. Chacun a bien sa place ce qui fait que quand les parents ont affaire à l'un ou à l'autre membre de l'équipe, ils savent quoi attendre et ils savent ce que chacun, avec sa spécificité, peut proposer – rééducateur, maître E, psychologue. C'est pour ça que le mot explications est très important au niveau du RASED. Vraiment, il ne faut jamais hésiter à redire comment fonctionne un RASED, ce que chacun peut faire et quel type de réponse on peut apporter. Là aussi, c'est la base. Si les gens n'ont pas compris à quoi on sert, ils vont être soit déçus par rapport à des demandes où ils n'auront pas ce qu'ils souhaitaient, soit seuls parce qu'ils ne vont pas forcément s'adresser à un membre du RASED dans l'école au moment où il se passe tel ou tel problème pour un enfant. Au fil des années, on se rend compte que, vraiment, les explications, c'est plus que nécessaire et il faut les reformuler chaque année.

Et comment procédez-vous pour donner ces explications ?

Il y a une réunion à la rentrée - ce qu'on appelle la réunion de rentrée - avec chaque école où les maîtres E et les maîtres G interviennent qui ré-explique le fonctionnement, qui présente aux nouveaux enseignants l'équipe du RASED déjà en place. Et il y a une réunion de fin d'année scolaire qui fait le point sur les attentes qu'avaient eu les collègues instituteurs, si le réseau a pu y répondre, si ça leur convient ou pas, et éventuellement les demandes qu'ils ont pour l'année suivante. Et puis il y a les réunions de cycles 1 et 2 qui sont régulières par trimestre, pour faire le point du suivi des enfants. Là, à travers des cas particuliers d'enfant, les enseignants cernent beaucoup mieux ce qu'on peut apporter comme réponses et puis aussi ce qu'on ne peut pas faire parce que ce n'est pas de notre ressort. Pour les écoles qui sont hors de la zone où interviennent les maîtres E et les maîtres G, j'envoie en début d'année scolaire une lettre qui re-précise très rapidement mes fonctions de psychologue au niveau de l'orientation et des bilans, des entretiens avec la famille… ça commence à être bien rôdé sur le secteur… ce sont des écoles où j'interviens depuis plusieurs années et je crois que maintenant les enseignants savent quand m'appeler et pourquoi. Le bouche à oreille fonctionne aussi entre les parents. Quelquefois j'ai des demandes qui viennent des parents parce que ça s'est dit entre eux, ce qui peut être proposé au niveau de l'école.

Pouvez-vous donner un exemple de ce que dit le réseau en conseil de cycle à partir d'un cas d'enfant ? Comment ça se passe ?

Au niveau du RASED ? On fait le point sur les objectifs qui avaient été proposés, au niveau de la rééducation par exemple, à partir de la demande des enseignants. Ces objectifs avaient été discutés entre le rééducateur ou le maître E et l'enseignant. On fait le point sur l'évolution de l'enfant pendant les séances d'aide rééducative ou pédagogique et dans la classe. On confronte les points de vue et ça permet de réajuster le projet d'aide ou des points particuliers en classe. Pour les enfants que je connais, que j'ai été amenée à voir en bilan ou pour d'autres, j'y participe au besoin, s'il y a des questions qui se posent. (…) J'ai un regard un peu extérieur et ça permet parfois de redémarrer sur une autre piste ou sur une autre façon de voir les choses. C'est à ça aussi que servent les synthèses. Certaines fois, les enseignants sont invités aux synthèses, surtout quand ils le demandent. D'autres fois, c'est nous qui les sollicitons quand il y a des choses qui nous paraissent importantes à être communiquées. Parfois les synthèses se font seulement entre nous. C'est à la carte, il n'y a rien de systématique.

Pouvez-vous décrire une synthèse ordinaire ?

Les maîtres E et maîtres G apportent les cas des enfants dont ils ont envie de parler, les enfants pour lesquels ça coince un peu ou les enfants pour lesquels il vient d'y avoir un entretien avec les parents. Le fait d'en reparler, ça permet de prendre un peu de recul et de se repositionner par rapport aux objectifs qui ont été définis quand ils discutaient avec les parents. Par synthèse, on arrive à voir entre trois ou quatre situations d'enfants et puis souvent on termine avec un point rapide sur ce qui avait été dit à la synthèse d'avant - que telle ou telle personne devait contacter l'orthophoniste ou le médecin ou autre. On le marque sur le classeur de synthèse, c'est moi qui le tiens en général. Il y a une fiche par enfant suivi au niveau du RASED, fiche qui est constituée de la feuille de signalement de l'enseignant et au dos je marque en condensé ce qui est dit à chaque réunion de synthèse, uniquement le RASED, RASED et enseignant et éventuellement quand il y a un bilan, je mets deux mots du bilan. Donc, il y a une trace écrite chaque fois.

Je voudrais revenir à ce que vous avez dit tout à l'heure à propos du RASED "difficultés à se faire reconnaître". Pouvez-vous préciser ?

C'est là que je rejoins les explications et j'ai associé là-dessus… Surtout quand on arrive dans une école, au niveau des maîtres E et des maîtres G, c'est la difficulté à faire comprendre aux enseignants le type d'aide qui peut être proposé. L'aide E en général, ils la cernent assez vite. Ils y voient un intérêt direct sur les résultats scolaires. L'aide G est souvent plus difficile à expliquer, à faire passer. Sur notre secteur, elle s'adresse plus souvent aux enfants de maternelle. Il y a tout un travail d'explications, à reprendre avec chaque enseignant, sur ce que peut être une rééducation et sur ce qu'elle apporte. Et difficulté à se faire reconnaître au niveau de la hiérarchie et de l'équipe d'animation pédagogique… puisque notre inspecteur par moment, passant dans une école et voyant un problème quel qu'il soit, dit : "mais le RASED va s'en occuper"… même si c'est un problème purement pédagogique ou d'entente entre les collègues ou d'équipe qui ne fonctionne pas bien. Il dit : "je vais envoyer le RASED et ça ira mieux". On lui ré-explique chaque fois que ce n'est pas directement notre travail, on fait une entière confiance à la conseillère pédagogique et on ne tient pas à faire son travail, et que, au niveau d'une équipe qui dysfonctionne – ce qu'il observe dans ses inspections d'école – on peut intervenir si une école le souhaite mais s'il n'y pas de demande des enseignants, on n'a pas à y aller… avec le gyrophare sur la voiture, en disant : "il y a le feu, il faut faire quelque chose"… Dans les faits, on ne le fait pas parce qu'on est une équipe relativement soudée et cohérente. On a une espèce de rapport de force qui fait que l'inspecteur pour l'instant n'a pas osé nous l'imposer. Mais l'an prochain, par exemple, on change de projet puisque cette année on termine nos trois années de projet de réseau. On a une réunion avec lui prochainement pour savoir ce qu'il attend du réseau et voir comment on pourra négocier les diverses interventions possibles d'un réseau d'aide. On a préparé un peu les choses en se mettant d'accord sur ce qu'on acceptera de faire ou de ne pas faire – justement dans les cas où il dit : "Vous allez voir, je vais envoyer le réseau…et tout va être résolu". Il y a vraiment un travail de reconnaissance de ce qu'on peut faire et un travail de reconnaissance de nos limites. A d'autres moments, aussi, quand il entend parler d'un enfant avec suspicion de maltraitance, il a dit plusieurs fois : "le rééducateur ou le psychologue n'a qu'à le prendre en entretien et le questionner". Il a fallu qu'on lui ré-explique que ce n'était pas notre travail, que la seule personne habilitée à ça, c'est le médecin scolaire, que nous nous ne pouvons intervenir qu'avec l'accord des parents… Chaque fois, il faut préciser.

Vous pensez qu'il s'agit d'un problème de personne avec l'inspecteur par exemple ? Où se situe le problème de reconnaissance dont vous parlez ?

Un peu des deux. Je crois qu'institutionnellement les inspecteurs aimeraient bien pouvoir gérer les membres des réseaux d'aide comme ils le souhaitent eux, en fonction des urgences qu'ils voient dans leur circonscription. On l'entend dire dans d'autres circonscriptions, ce n'est pas propre à notre circonscription. Au niveau de la personne, c'est quelqu'un qui en tant qu'inspecteur dans une situation compliquée ou conflictuelle qui lui est proposée ne peut pas quitter une école sans avoir proposé une solution. Et parmi les solutions, il y en a une qui est un peu magique pour lui, c'est : "le RASED va intervenir". Peut-être que par moment, il veut tellement réagir à chaud et rapidement qu'il ne prend peut-être pas le recul nécessaire pour évaluer quelle serait la meilleure intervention possible. Donc, il balance des réponses. En plus, c'est quelqu'un qui oublie beaucoup ce qu'il dit, donc ne nous en parle pas, ce qui fait qu'un rééducateur passe dans l'école et on lui dit : "Mais le RASED devait intervenir !" Alors on est complètement ahuri parce qu'on n'était pas au courant. Et on explique comment le réseau intervient. Oui, ça se mêle un peu, la personne et la position institutionnelle.

Vous avez parlé également de projet ? Pouvez-vous expliquer ?

Je pense à ça parce qu'on arrive au bout de nos trois ans de fonctionnement en projet. Donc il faut qu'on fasse une évaluation, ce qui est très, très difficile. On se casse les dents à évaluer les objectifs d'un réseau d'aide et puis il faudra qu'on réfléchisse à notre secteur d'intervention, ça va être négocié avec l'inspecteur puisque pratiquement toutes les écoles ont demandé qu'il y ait une intervention du réseau d'aide et puis après une fois que les écoles sont déterminées – il y a un nombre limité d'écoles où on peut intervenir de façon régulière et efficace - comment on va intervenir et éventuellement s'il y a des demandes sur d'autres écoles, est-ce qu'on pourra y intervenir, est-ce qu'on se garde du temps pour ça, sous quelle forme ? Il risque d'y avoir une modification des types d'intervention du réseau sous la pression de l'inspecteur et de certaines écoles.

Et pour le mot aide vous voulez ajouter quelque chose ?

On est payé pour ça, pour aider les enfants en difficulté… Moi, j'élargirais aux enseignants en difficulté parce que… souvent l'aide à un enfant se limite à l'écoute de l'enseignant, pour lui permettre de voir les choses différemment, quelquefois pas besoin d'un bilan ou pas besoin de voir les parents. C'est l'aide un peu à tout le monde, aussi aux parents quand ils sont prêts à entendre, quand ils le souhaitent ou qu'ils le demandent…

Je vais vous demander encore cinq mots pour maître E ?

Méthode, lecture, bien acceptés, cycle 2, complémentarité.

Est-ce que vous pouvez développer davantage ?

Méthode, parce qu'ils travaillent sur les méthodes. Chaque fois en synthèse qu'on parle de l'intervention du maître E auprès d'un enfant, on parle de méthode, méthode d'apprentissage, façon d'aborder la lecture ou les maths, c'est vraiment à travers le: "comment on s'y prend pour apprendre à lire, écrire, compter". Lecture parce que cette année sur la circonscription, il y a eu un gros travail sur la conscience phonologique, donc tout ce qui tourne autour de la lecture, la méthode syllabique, et un peu la compréhension… mais surtout sur les outils qui concernent la lecture. Les maîtres E y ont passé beaucoup de temps, ils s'y sont beaucoup intéressés et il semble qu'il y ait des résultats satisfaisants à ce niveau-là. Par moment cet investissement est peut-être un peu dommage par rapport aux maths, à mon avis… Mais la demande essentielle des enseignants en CP, CE1, c'est sur la lecture.

Vous avez dit aussi bien acceptés…

Oui, je trouve que par rapport au maître G ou même au bilan psychologique, le maître E passe mieux. Les enseignants demandent l'aide E alors que l'aide G ne va pas forcément être demandée. Quand on fait le point sur les demandes des enseignants à partir des feuilles de signalement – en bas de la feuille, on a marqué : "quelle aide attendez-vous du réseau ?"- on s'aperçoit que très souvent c'est marqué "aide E". J'ai l'impression que c'est une aide qu'ils cernent plus facilement et qu'ils sauront mieux demander des choses précises au maître E, par exemple telle chose en lecture qui n'a pas été comprise, ils peuvent l'expliquer clairement. Au niveau du comportement, souvent les choses sont plus floues, c'est marqué : "Enfant agressif, enfant instable" et puis c'est tout ce qu'on a. Il faut vraiment questionner l'enseignant pour avoir plus de précisions : "A quel moment ça se produit, les circonstances, avec qui etc…". Je trouve que les maîtres E sont vraiment réclamés dans les écoles et jusqu'à l'an dernier certaines écoles n'avaient pas l'intervention du maître E alors qu'il y avait des rééducateurs et chaque fois dans les demandes des enseignants pour l'année suivante, c'était : "On veut qu'un maître E intervienne".

Vous avez dit aussi complémentarité…

Alors la complémentarité ça rejoint le fait d'être bien acceptés. Vraiment, je trouve qu'au niveau d'un réseau sur une école, il faut les deux types d'aide, aide E et aide G, c'est vraiment complémentaire, c'est évident. Il faut que l'équipe soit au complet pour pouvoir répondre aux différentes difficultés signalées par les enseignants. Or l'an dernier dans les écoles où j'intervenais, il n'y avait pas de maître E. Cette année l'inspecteur a détaché un poste CRI qu'il a transformé en poste E provisoirement. Les collègues enseignants étaient ravis et puis au niveau du réseau d'aide, on vit la complémentarité, on a pu répondre à des demandes qu'on avait dû laisser de côté les autres années en disant que ça ne relevait pas d'une aide rééducative.

Dans ces cas-là, y a-t-il des tendances à un glissement de pratique de la part des maîtres G ?

Pour l'instant, non. Mais l'inspecteur le souhaite vivement, que les maîtres G puissent faire au besoin des rééducations de type E. Pour l'instant tout le monde s'en défend. On essaie de tenir le cap là-dessus, mais ce n'est pas évident.

Le maître E et le maître généraliste dans sa classe sont tous deux chargés de pédagogie. Quelles différences voyez-vous entre les deux ?

D'abord, le maître E n'intervient qu'avec les enfants en difficulté d'apprentissage. L'enseignant a tout le monde. Il travaille en tout petit groupe donc il a un regard plus pointu, une connaissance et une analyse beaucoup plus précises des difficultés d'un enfant. Il intervient sur un domaine précis, phonologie, orthographe, lecture et encore sur des choses particulières et un moment précis de l'apprentissage de la lecture donc c'est quand même un travail pointu, ciblé et une fois que c'est atteint, l'enfant retourne dans sa classe et ne sera plus aidé par le maître E. Le maître E essaie d'avoir des aides condensées, quitte à prendre l'enfant deux ou trois fois par semaine pour avoir une efficacité de l'aide pendant quelques mois pour qu'après l'enfant n'aie plus besoin du maître E.

Je vais vous demander encore cinq mots pour maître G…

Comportement, parents, lieu, émotions, synthèse.

Pouvez-vous préciser ?

Comportement parce que sur le secteur, ce sont les difficultés de comportement qui font que souvent, très, très souvent une rééducation est proposée. Il peut y avoir des difficultés de graphisme, des difficultés psychomotrices mais quand c'est que du graphisme ou que de la motricité, en général l'enseignant s'en débrouille. En fait se rajoutent souvent des problèmes de comportement, adaptation au groupe, adaptation aux consignes, tout ce qui permet d'être un élève socialisé, dans la relation, dans le langage et vivant de façon à peu près calme avec les autres. C'est vraiment le premier mot qui me vient à l'idée.

Parents ?

Parce que je trouve qu'il y a un gros travail de liens avec les parents de la part de maîtres G, rencontres au début, rencontres en cours de rééducation et rencontres à la fin et que ça me paraît vraiment nécessaire. Justement comme on touche au comportement, d'une part les parents ont des choses à dire là-dessus parce que le comportement qu'on observe à l'école, il a des antécédents, des choses qui se passent au niveau de la famille, un enfant n'a pas un comportement six heures par jour et puis rien à côté donc il y a des informations à recueillir de la part des parents, informations qu'ils donnent généralement et puis en retour informer les parents des objectifs fixés à la rééducation, les informer de ce qui se passe en séance… Je trouve que le travail de lien avec les parents, c'est vraiment important. Ce qui est essentiel aussi, c'est leur accord. A un moment donné l'inspecteur a imposé aux rééducateurs de prendre les enfants sans l'accord des parents. Là, c'était un tollé et on a tenu bon. Ça ne me paraît pas possible.

Vous avez parlé de lieu…

Oui parce que je me rends compte qu'au niveau des séances de rééducation, le lieu est très important pour les enfants parce que ce n'est pas la classe, donc il peut s'y passer autre chose. C'est un lieu spécifique avec ses règles spécifiques qui peuvent être moins contraignantes que celles de la classe – pour les enfants qui ont du mal à accepter les règles de la classe, il me semble que c'est un lieu intermédiaire, un lieu "transitionnel" entre guillemets qui permet justement de vivre autre chose pour accéder aux fameuses règles de vie de la classe, donc il faut un lieu particulier, un lieu bien délimité comme tel, où peuvent se vivre des choses particulières qui permettent après de retourner dans la classe. Mais ce n'est pas un lieu familial, ce n'est pas la cour de récréation, ce n'est pas la salle de psychomotricité, je trouve qu'il y a vraiment besoin d'un lieu spécifique.

Vous avez parlé aussi d'émotions..

Ça rejoint le mot synthèse. Quand on parle avec les rééducatrices - on n'a que des rééducatrices, c'est pour ça que je mets le mot au féminin - et qu'elles évoquent les cas d'enfants qui posent question, très souvent, on en arrive à tout ce qui est émotionnel et que l'enfant apporte en séance… Et comment gérer ça ? Et comment le renvoyer à l'enfant ? Quoi en faire ? C'est un peu le travail de synthèse d'aider la rééducatrice à gérer ça. Souvent dans les enfants qui posent question, c'est l'émotionnel, c'est l'affectif qui pose question. Le reste, ça se passe, il y a le matériel, les outils, elles sont rôdées pour, quand ça bute, c'est qu'il y a quelque chose de l'émotionnel qui tracasse, qui fait que des questions se posent sur la prise en charge.

Est-ce que les synthèses fonctionnent comme un groupe d'analyse de pratique ?

C'est un grand terme, mais il y a un peu de ça dans la mesure où les autres personnes qui assistent à la synthèse et entendent parler du cas de l'enfant donnent leur avis ou leur façon de voir les choses ou une explication possible ou une piste qui n'aurait pas été envisagée auparavant. Il y a un échange de pratiques, c'est sûr.

Quels sont les liens qui peuvent exister en dehors des synthèses entre maîtres E et maîtres G ?

Il s'est trouvé que certains enfants suivis par le maître G ont eu besoin d'une aide E ultérieurement. A ce moment-là comme il y des traces dans le classeur de synthèse, il est fait rapidement un historique de l'aide G - à quoi elle avait servi, les objectifs – donc l'aide E peut redémarrer de ça. Dans l'autre sens c'est très rare que des enfants aidés par le maître E aillent en rééducation. C'est vraiment dans l'autre sens que ça ce passe.

Est-ce qu'il existe parfois des séances communes, co-animées ?

Sur les écoles où je suis, ça n'arrive pas.

Comment s'articule le travail du maître G avec celui du maître de la classe ? Que pouvez-vous en voir à travers les synthèses par exemple ?

Si l'enseignant vient aux synthèses, le maître G re-précise les objectifs dont il avait parlé avec l'instituteur puisqu'il existe un contrat écrit sur la circonscription, le contrat d'aide rééducative qui précise les objectifs de l'aide et qui est signé par l'enseignant, le maître G et les parents. Il y a eu forcément discussion sur ces objectifs. Et puis, je sais que quand le rééducateur raccompagne l'enfant, deux, trois mots sont échangés avec l'enseignant. Certains enseignants demandent à nous voir au moment de la synthèse pour parler de certains enfants, surtout ceux qui sont très, très agités. Et généralement en fin de trimestre, on a une réunion au niveau du RASED sur une école, on reprend tous les dossiers suivis, on fait un point très rapide. Et là si le rééducateur n'est pas très sûr de ce qui se passe en classe, il va systématiquement voir l'enseignant pour savoir ce qu'il en est du comportement de l'enfant en classe, pour savoir s'il y a des progrès ou pas de progrès, pour savoir comment ça se passe. Donc, ils se voient souvent.

Est-ce que ça fonctionne toujours bien ?

Vu par qui ? Pour moi, je trouve que ça fonctionne bien. (…) Les désaccords qu'il y a pu y avoir au niveau du RASED au sens large, on a pris du temps sur les réunions de RASED pour les mettre à plat, en discuter, voter, discuter que c'était la loi de la majorité qui l'emportait. On a un fonctionnement dit démocratique, mais on a dû en arriver là parce qu'il y avait des couacs avec certaines personnes qui remettaient en cause les décisions de réseaux… ça ne remettait pas en cause le réseau lui-même mais, sur quelques petites choses qu'on avait à faire en commun, ça perturbait.

Pouvez-vous donner un exemple ?

Quelqu'un n'a pas voulu faire passer les bilans de grande section maternelle en début d'année alors que jusqu'à maintenant ça se faisait. Chaque instituteur de grande section le demande chaque année parce qu'ils trouvent ça très intéressant. Cette personne a refusé de les faire donc les maîtres E des autres écoles ont dû venir aider le collègue qui était sur l'école de base à faire passer ces bilans et on s'est dit après coup : "Ce n'est pas possible. Si une personne n'est pas d'accord avec quelque chose qui a été décidé en commun, où est-ce qu'on va aller ?". On a mis tout ça à plat et on a décidé que la loi de la majorité l'emportait au niveau des décisions de fonctionnement de RASED. C'est un exemple… C'est le gros truc qui a mobilisé les gens, qui ont eu des heures à faire en plus, sur leur temps à eux, sur leurs écoles pour aller faire ces passations qui sont toujours un peu longues.

Ma question tout à l'heure, c'était au niveau des enseignants entre eux, entre maître généraliste et maître E ou G. Est-ce qu'il peut y avoir des défauts de fonctionnement ponctuels dont vous avez pu être le témoin ?

Ce n'est pas vraiment des défauts de fonctionnement. Ce qui se passe quelque fois, c'est qu'il y a des personnalités qui ne s'accordent pas bien. Le maître E est seul, les rééducatrices sont deux. Si effectivement il y a des trucs qui n'ont pas super bien marché l'année précédente pour des histoires de personne souvent, c'est l'autre rééducatrice qui va intervenir l'année d'après. Ce n'est pas un dysfonctionnement… Dans les années antérieures, on a eu un problème avec une école qui n'a pas du tout voulu que le réseau intervienne comme nous on l'entendait, qui demandait en fait uniquement des maîtres supplémentaires pour animer des ateliers avec lesquels ils fonctionnaient, des ateliers purement pédagogiques, qui n'avaient rien à voir avec autre chose. Donc, ç'était très difficile de fonctionner avec eux, ce qui a fait que la dernière année des trois ans, les rééducateurs et maîtres E n'y sont plus allés sur cette école, d'un commun accord. On a mis à plat avec l'équipe des enseignants ce qui se passait et qui n'allait pas et du coup ça entraînait des dysfonctionnements graves. Chaque fois qu'un rééducateur ou un maître E allait chercher un enfant, c'était des soupirs de la part de l'enseignant ou "encore", "ça dérange, tu vois bien qu'on est en train de faire une activité"... Ce n'était plus possible de fonctionner comme ça. C'était un cas costaud, là…

En quoi la différenciation des aides en deux dominantes vous semble-t-elle pertinente?

Justement parce que je crois qu'un enfant a besoin de savoir ce qu'il vient faire avec la personne avec qui il va être. Avec le maître G, on vient apprendre à respecter les règles, à dire ce qu'on ressent sans forcément taper sur le copain d'à côté, à pouvoir accepter de rentrer dans les apprentissages même si c'est difficile, alors on va passer par les jeux. Il vient pour ça. Le maître E vient vraiment aider sur ce qui coince quand on apprend à lire, à écrire ou à compter. Je trouve que c'est une aide qui est différente et je trouve que c'est bien que l'enfant rencontre des personnes différentes pour des aides différentes. De même quand il vient avec le psychologue, il vient pour autre chose, pour faire un bilan et on fait le point à partir des questions qui sont posées à l'entretien avec les parents et l'instituteur. Donc je trouve que c'est complémentaire et bien que ce soit séparé en même temps.

On parle d'une réforme prochaine…

Il paraît oui…

Quel est votre avis sur la question ?

Tout le monde ferait tout, si j'ai bien compris… Moi, je trouve ça dommage. Je serais pour qu'il reste une différence entre les deux types d'aide. Nous, cette année, on a la chance d'avoir et des maîtres E et des maîtres G sur les mêmes écoles donc on bénéficie de cette complémentarité et on en constate les effets. Franchement je ne vois pas l'intérêt que tout le monde fasse tout.

Savez-vous quels sont les trois livres ou auteurs principaux étudiés lors de la formation E ?

Même question pour les G ?

J'avais entendu d'un travail sur la systémique qui avait été proposé, sur l'entretien – on en avait parlé avec les rééducatrices, je me souviens -, sur la psychomotricité. Mais pour les maîtres E, je connais très mal leur formation.

Je vais vous demander à nouveau cinq mots pour la réussite à l'école ?

La réussite à l'école !… Le plaisir, l'avenir, un avenir plus optimiste, l'investissement des familles, responsabilité du réseau, on est là pour ça au niveau du réseau… Et pour aller jusqu'au bout, pour permettre la réussite à l'école, il faudrait revoir les programmes.

Comment voyez-vous l'avenir des réseaux d'aide ?

Ce que j'en pense, c'est qu'il reste vraiment beaucoup de choses à faire, aussi bien au niveau des enfants et au niveau des équipes pédagogiques. Des enfants en difficulté il y en aura toujours et petit à petit il peut y avoir plus d'échanges avec les équipes d'enseignants. Il y a des choses qui apparaissent à droite ou à gauche, des instituteurs qui demandent à réfléchir sur leurs pratiques à l'école quand ils ont un enfant en difficulté, on commence à faire des groupes de réflexion là-dessus… Je pense que là on a une place à prendre d'une manière ou d'une autre. Il faudrait vraiment que les réseaux d'aide continuent… maintenant dans la réalité des choses et les bruits qu'on entend, il y a du souci à se faire parce qu'il semble que le ministère ait plus envie d'enseignants devant une classe que d'enseignants qui travaillent sans classe fixe, qui prennent des groupes d'enfants en rééducation de façon individuelle. Je voudrais être optimiste parce que je trouve qu'il y a un travail très, très intéressant à faire dans la prise en compte des difficultés de chaque enfant en tant qu'élève… on ne peut pas mettre tout le monde dans le même moule mais en même temps, je ne sais pas si on aura les moyens financiers et en personnel sur le terrain pour les faire durer… en tout cas les éléments qu'on a dans l'académie montrent que non. On n'a que des postes qui ferment ou des postes qui ne sont pas pourvus. Très peu de personnes partent en formation et ce sont des formations au rabais… L'avenir, vu sur le terrain, est noir.

Si maintenant on sort des aides spécialisées… On dit que l'enseignant est le premier acteur de la mise en place d'une aide en direction de l'enfant en difficulté. Comment dans votre travail voyez-vous la concrétisation de cette affirmation ?

La première chose qui me vient à l'idée, c'est que l'enseignant soit organisé dans sa classe, qu'il ait des exigences… adaptées bien sûr à l'âge des enfants et aux matières qu'il enseigne, qu'il ait un retour juste et bien évalué de ce que font les enfants par rapport aux exigences qu'il a, aussi bien au niveau des contenus et des savoirs que des comportements. Déjà, s'il y avait ça de solide et de fixe, je crois que dans certaines classes, on ferait beaucoup moins appel à nous, pour des enfants qu'on nous pointe comme des enfants agités, instables et n'apprenant rien. De façon générale, sur le secteur, les enseignants avec qui je discute, avec qui je travaille… il y a des enseignants qui ont les choses en main, leur classe en main et c'est vrai que je vais moins chez eux que chez qui ça va un peu dans tous les sens, il n'y a pas de règles bien précises, une chose est dite et pas forcément respectée aussi bien par le maître que par les enfants d'ailleurs… donc si déjà ça c'était fait, ce serait une aide énorme… Après ils ont quand même une heure de soutien à assurer auprès des enfants dits en difficulté. Je ne sais pas comment ils la gèrent, on ne m'en a jamais parlé par exemple. Dans les entretiens avec les enseignants, ce n'est jamais, jamais abordé… Je n'ai pas assez d'éléments pour savoir ce qui se passe sur ce point. Mais déjà, instaurer un cadre bien précis, un cadre d'apprentissage – on est à l'école pour ça – et un cadre de socialisation… Quand je vois comment peut tourner une CLIS quand elle fonctionne bien avec des enfants très en difficulté, je me dis que c'est vraiment la base pour toute classe, de la petite section au CM2.

Si j'entends bien vos propos, le réseau viendrait en quelque sorte pallier certaines défaillances d'enseignants…

A certains moments, oui. Pallier, pas toujours mais observer que, pointer que, donc essayer de conseiller pour que des choses plus fermes, plus tenues se mettent en place. Mais ce n'est pas toujours entendu parce qu'on n'a pas a priori ce rôle-là. On peut le suggérer, mais pas l'imposer. C'est vrai que dans certaines classes, certains enfants en bilan ont tout à fait les capacités d'apprendre et je pense que s'il y avait un enseignant qui tenait les enfants et qui ne laisse pas partir dans tous les sens, surtout en maternelle, j'aurais certainement moins besoin de les voir ces enfants-là.

J'ai terminé avec mes questions mais peut-être avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école ?

Je crois que ce qui compte, c'est de conjuguer toutes les aides selon leur juste nécessité… L'enseignant a un soutien dit pédagogique à faire, donc à lui de reprendre la notion de grammaire qui n'a pas été comprise suite à l'exercice qui a été fait le matin même – ça, c'est l'aide apportée par l'enseignant. L'aide apportée par les personnels du réseau s'applique plus sur… la façon dont l'enfant vit les choses, comment il les apprend – pour le maître E - ou comment il les ressent, comment il accepte ou non les groupes, le cadre scolaire ou l'institution – pour les maîtres G -. Je trouve que là aussi les choses se complètent. Si l'enseignant apporte des choses à un enfant à un moment où il perd les pédales, il n'aura peut-être pas besoin du maître E ou du maître G parce que justement il a observé que l'enfant n'était pas bien sur tel ou tel sujet. Il peut reprendre les choses derrière. Mais je ne sais pas si tous les enseignants ont ce regard individualisé sur chaque élève. Je me demande si certains ne sont pas devenus totalement étrangers à ce qui se passe parce qu'en entendant parler certains enseignants – moi je pose des questions très précises à propos de tel ou tel enfant dont il me parle – j'ai parfois des réponses tellement évasives que je me dis "il n'a pas fait attention, ce n'est pas possible !"… Mais ça se complète. Ce que j'espère aussi c'est que le travail des aides éducateurs ne va pas être une dérive. D'ailleurs le soutien aux élèves en difficulté, ce qu'on voit déjà dans certaines écoles, où en fait les enfants qui sont en panne de lecture au CP, c'est l'aide éducateur qui les prend en charge et non pas l'enseignant, ce qui est une aberration, ça devrait être fait dans l'autre sens… les enfants en difficulté avec l'enseignant et ceux qui se débrouillent avec l'aide éducateur qui surveille le travail proposé. J'espère que ça ne va pas être une dérive, là je suis inquiète…

Une dernière question "facultative" : en quoi votre fonction de psychologue est-elle importante pour vous ?

C'est un autre regard sur l'enfant et ses difficultés. Par exemple au niveau des aides E ou G, j'interviens quand l'une ou l'autre n'a pas porté ses fruits, (…) pour ce qu'on appelle les "cas lourds". Dans les autres écoles, où les collègues ne travaillent pas mon rôle est un peu différent. J'interviens pour tous les enfants en difficulté. C'est là que j'ai un travail d'écoute auprès des enseignants ce qui leur permet de plus accepter les difficultés de l'enfant, soit parce qu'à travers le bilan, je peux expliquer, mais même sans bilan, le fait d'en parler, il y a un autre regard qui se pose sur l'enfant. Et au niveau des parents, en tant que psychologue, j'ai un gros boulot, d'écoute, de prise en compte de leurs difficultés, la façon dont ils vivent l'échec de leur enfant, leur propre échec scolaire souvent, là il faut la disponibilité la plus grande possible de façon à pouvoir faire avancer la situation dans telle ou telle direction… Au niveau des enfants, je me rends compte que parce qu'on a bien précisé à quoi servirait le bilan – ça répond à telle ou telle question qui se pose -, ils font la différence entre les aides E ou G s'ils en ont eu une, ce qui se passe en classe et ce qui se passe avec moi. Pour certains enfants, je suis la personne à qui ils peuvent parler de certaines choses… Ils utilisent bien la fonction de psychologue (…).