Entretien E67 Pascaline

Age : 40 ans

Profession : Institutrice en CP (24 élèves)

Diplômes : Licence d'Anglais, CAP d'instituteur

Pascaline : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Pascaline : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : salle de photocopieuse et de travaux manuels

Durée : 40 minutes

Note : Cette enseignante est chargée de la surveillance de la cantine et ne peut m'accorder beaucoup de temps.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous l'expression "enfant en difficulté" ?

Difficulté, ça vient tout de suite, décalage, découragement, problèmes et en dernier, aides.

Je vais vous demander maintenant d'expliciter le choix de chaque terme…Vous avez commencé par difficulté…

Difficulté, c'est celle de l'enfant par rapport à la lecture ou aux mathématiques. Décalage, c'est par rapport au reste de la classe. Si l'enfant est en difficulté, il ne va pas suivre la même progression que les autres donc il est en décalage. Découragement parce que si on laisse l'enfant avec sa difficulté on le voit découragé. Et problème pour moi parce qu'il faut trouver des solutions, c'est-à-dire toutes les aides possibles pour l'enfant en difficulté. Si ses difficultés se traduisent par des comportements nuisibles pour lui ou les autres, il faut que je trouve une attitude qui le contienne ou, au niveau de l'école, il faut mettre en place des garde fous comme le permis à points. Mais c'est le plus souvent des blocages en lecture. Ça, c'est l'échec par excellence au niveau du CP. Alors, il faut inventer le "truc" qui l'accroche, qui lui permette de s'investir. Et quand c'est trop dur, il faut faire appel au réseau.

Pouvez-vous évoquer un enseignant face à un enfant en difficulté dans sa classe ? Quels sentiments s'éveillaient-ils en lui ? Comment réagissait-il ?

(Ne souhaite pas être enregistrée pour cette question)

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous le sigle RASED en dehors de la signification stricte des lettres ?

Equipe, soutien, aide par rapport aux enfants… aide par rapport à moi… extérieur à la classe, solutions.

Je vais vous demander la même chose que tout à l'heure c'est-à-dire d'expliciter chaque terme…

Equipe parce que le RASED c'est plusieurs personnes qui travaillent en équipe, ce n'est pas une seule personne. Soutien parce que c'est à eux qu'on fait appel quand on veut faire un programme de soutien pour les enfants en difficulté. Aide parce qu'ils nous apportent une aide à nous. On se voit, on explique les difficultés qu'on rencontre avec certains élèves et ils apportent des éléments nouveaux, supplémentaires pour résoudre les problèmes des enfants en difficulté.

Extérieur à la classe ?

Parce qu'ils sortent les enfants de la classe.

C'est toujours le cas ?

Oui.

Solutions ?

Parce que c'est souvent par eux qu'on a trouvé des solutions pour les enfants en difficulté.

Je vais vous demander maintenant les cinq mots qui vous viennent à l'esprit quand je dis maître E…

Petit groupe, lecture et maths, c'est dur de trouver des mots… différent au niveau des méthodes aussi… contact, et échanges.

Pouvez-vous préciser ?

Le maître E prend toujours les enfants en petits groupes.

De combien généralement ?

Cinq maximum… Lecture et maths parce qu'ils travaillent essentiellement sur des difficultés en lecture et en maths. Différence parce que c'est une approche différente de la mienne parce que c'est un maître différent de la maîtresse qu'ils sont en classe, les exercices sont différents donc ça change… Contact parce que les enfants ont un autre contact aussi avec une autre personne pour le même enseignement, ça peut aider l'enfant. Echanges, c'est surtout par rapport à moi parce qu'on échange nos avis sur les enfants en difficulté et ça il y en a beaucoup besoin…

A partir d'un cas d'enfant suivi dans votre classe, pouvez-vous définir le travail du maître E de façon très concrète ? Que dit-il ? Comment ça se passe ?…

J'ai trois enfants qui sont suivis cette année par la maîtresse E. Ce sont des enfants qui ont des difficultés en lecture essentiellement. Ce que fait la maîtresse E, elle reprend des exercices différents des miens, elle essaie de les faire rattraper la progression de la classe. Concrètement les exercices – je n'ai pas d'exemple en tête, je sais qu'elle a fait des exercices de lecture silencieuse – ça correspond quand même au type d'exercice qu'on fait en classe mais sur des supports différents.

Comment se fait le lien entre le travail fait avec le maître E et le vôtre en classe ?

On se rencontre, elle les prend deux fois par semaine, on se rencontre à chaque fin de séance, très rapidement. On se rencontre régulièrement pour refaire le point. Il est arrivé qu'elle prenne des enfants qu'elle ne prend plus etc… donc on décide de l'arrêt, de la poursuite et du soutien.

Avez-vous établi un projet commun ? Comment cela se passe-t-il ?

Non, disons qu'elle suit la progression. En lecture on a essentiellement une progression sur les sons. Là elle est obligée de suivre la progression mais en ce qui concerne les exercices, c'est elle qui choisit, c'est elle qui décide du matériel qu'elle utilise.

Pouvez-vous caractériser ce qui diffère entre votre travail et le sien ?

Je dirais que l'essentiel de la différence c'est qu'elle est beaucoup plus proche de l'élève. C'est un échange beaucoup plus individualisé. Plus individualisé qu'avec moi.

A l'inverse y a-t-il des ressemblances ?

Je ne sais pas. En fait, je n'y assiste pas, donc la façon dont elle procède, je ne sais pas puisque je ne suis jamais avec elle.

Pouvez-vous imaginer de faire son métier facilement ?

Non, au niveau de la formation, il faudrait faire un gros travail pour cibler la difficulté, pour choisir l'exercice... c'est faisable, mais ça demanderait au moins une formation d'un an...

Quels sont les référents théoriques justement qui permettent aux maîtres E d'être plus armés face à ces enfants-là ?

Je ne sais pas du tout.

Je vais vous demander maintenant cinq mots pour les maîtres G...

Maître G c'est ?

On les appelle aussi les rééducateurs.

Psychomotricité, évolution, comportement... physique, affectivité.

Pouvez-vous préciser ?

Ça se recoupe... psychomotricité évolution c'est parce que la rééducatrice travaille plus dans le domaine du corporel. Comportement, quand on a un enfant qui est en difficulté du côté comportemental, un enfant trop expansif ou trop renfermé, c'est au maître G qu'on fera appel. Physique, parce qu'elle fait beaucoup d'exercices qui ont un rapport avec le corps, et puis affectivité, on en a souvent discuté, elle me disait qu'elle avait souvent des rapports très proche avec l'enfant. Il faut que ça accroche, il faut que l'enfant soit bien avec elle pour qu'elle puisse travailler.

À partir d'un cas d'enfant suivi par le maître G. pouvez-vous décrire le travail effectué?

Cette année je n'en ai pas.

Et antérieurement ?

Antérieurement, oui, mais je ne peux pas décrire le travail effectué, je ne sais pas ce qu'elle a fait comme travail avec cet enfant. C'était un enfant très, très renfermé, qui ne parlait pas, qui ne bougeait pas dans la cour, qui restait complètement statique. Elle le prenait individuellement, ensuite elle l'a pris avec un autre enfant. Elle essayait de le faire sortir de lui-même, de le faire parler. Elle l'a pris, je crois bien, pendant trois ans, maternelle plus C.P. et à la fin du C.P. le progrès était vraiment fulgurant. Oui, oui... le travail, c'était essentiellement du travail de toucher, du travail d'approche, ce qu'elle m'avait expliqué. Mais, je ne l'ai pas vu faire. Je ne sais pas quels matériaux elle utilisait...

Et comment s'articulait son travail avec le vôtre ?

Là, au niveau des échanges, on essayait de voir surtout au niveau du comportement ce qui se passait. On essayait de voir, pas à chaque séance, mais au bout d'un mois ou deux, de voir comment était le comportement de l'enfant dans la classe. Moi, je voyais l'évolution du comportement au niveau de la participation en classe. Tout à coup, il s'est mis à lever le doigt, à parler, à réciter sa poésie etc.

(Interruption momentanée à cause d'une collègue) Savez-vous comment s'articule le travail entre E et G ?

Je sais qu'elles ont souvent des réunions, c'est tout. Je crois qu'elles ne voient pas forcément les mêmes enfants... je ne sais pas du tout comment ça se passe.

Savez-vous comment les enfants sont répartis entre les deux types d'aide ?

Souvent ce sont déjà des enfants qui sont suivis en maternelle. Soit ils continuent travail, soit c'est une difficulté que j'ai observée et c'est moi qui demande soit au maître E, soit au maître G ce qu'il en pense.

Et quels sont vos critères pour demander à l'un plutôt qu'à l'autre ?

Pour moi le maître G, c'est essentiellement le comportement et le maître E, c'est la difficulté en lecture et en maths.

Y a-t-il des ressemblances de pratiques entre maître E et maître G ?

Je ne crois pas, pas dans cette école. Le maître G ne travaille pas du tout de façon écrite, à moins que ce soit des dessins. Maître E, c'est essentiellement du travail très scolaire, lecture et maths.

Est-ce que la différenciation entre les deux aides vous semble pertinente ?

Oui, ça couvre bien toutes les difficultés que l'on peut rencontrer.

Y a-t-il une fonction qui joue un plus grand rôle ?

Je ne pense pas que le rôle soit plus grand. Disons qu'ici, par rapport à ma classe, j'ai moins souvent des problèmes de comportement que des difficultés en lecture et en maths. Mais ce n'est pas pour autant que je pense que l'un a un plus grand rôle que l'autre.

On parle d'une réforme prochaine, au sujet des réseaux. Quelle position soutenez-vous par rapport à ça ?

Je n'en ai jamais entendu parler. Je ne m'y suis pas intéressée.

L'une des perspectives possibles est de réunir la fonction E avec la fonction G pour répondre à toutes les demandes. Une autre est d'apporter une aide directement dans les classes. Quelle est votre réaction par rapport à ça ?

Je préférerais que ça soit complètement dissocié parce que tout ce que j'ai expliqué jusqu'à maintenant, tout ce que j'ai décrit, c'était bien différent, et on fait appel à l'un ou à l'autre pour des raisons bien différentes. Maintenant, il faut résoudre les problèmes d'emploi du temps, des problèmes pratiques. Un maître E intervient toute la semaine pour des problèmes de difficulté scolaire. Est-ce qu'il aura aussi le temps de couvrir matériellement les problèmes de comportement ? (…)

Voyez-vous encore d'autres inconvénients ?

La formation devrait être beaucoup plus importante mais la durée risque de ne pas changer n'est-ce pas ? La formation risque d'être impossible et puis... mettre tous ces problèmes sur les épaules d'une seule personne, ça me semble difficile. Je vois mieux des spécialités séparées. Quant à venir aider dans la classe, le maître E le fait déjà. Par exemple, quand il vient observer un élève, c'est une aide pour nous. Mais, s'il était toujours dans l'espace classe, je crois que ce serait très bruyant… et très pesant. Ce n'est déjà pas facile de travailler en présence d'un autre enseignant. Mais tout le temps... et partager les responsabilités sur un même lieu... Il y aurait à mon avis des risques de rivalité, de jugement, des conflits dans l'air... Chacun a tendance à marquer son territoire. Le partage communautaire total, je n'y crois pas.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

Bonheur, encouragement pour la suite, facilités, progrès... et en plusieurs mots, bien dans sa peau.

Pouvez-vous préciser davantage ?

Bonheur, parce qu'un enfant en situation de réussite, est heureux. Il n'a pas sans faire ni à la maison, ni dans la classe, ça rejoint bien dans sa peau. Encouragements, parce que s'il était un peu moyen et qu'on arrive à une réussite, c'est encourageant pour la suite, pour les années suivantes. (...) facilités, il y a des enfants qui réussissent tout simplement parce que pour eux c'est facile et puis progrès, c'est plutôt pour les enfants qui sont en échec au départ. Réussite, pour eux ça signifie un énorme progrès du début à la fin. Bien dans sa peau, ça c'est pour tout le monde, si on a atteint les objectifs, les enfants démarrent l'année suivante avec beaucoup plus de bien-être et d'envie de travailler.

Je vais revenir au travail du réseau dans son ensemble. Quelles sont les grandes tâches effectuées par un réseau au cours de l'année ?

Je n'ai pas encore parlé du psychologue scolaire. On demande souvent de faire appel psychologue scolaire quand on a des doutes, des inquiétudes par rapport à un gamin, son travail, son comportement. Là aussi, ça peut nous éclairer au niveau de la situation de l'enfant. C'est une partie... ensuite, prendre des mesures adéquates pour chaque difficulté, d'après ce que nous aura dit le psychologue scolaire. Et puis, pouvoir faire un travail au niveau des parents parce que souvent on ne dit peut-être pas les bonnes choses aux parents. Le psychologue, c'est arrivé année dernière, le psychologue scolaire pouvait mettre les points sur les i. Le maître E et le maître G rencontrent eux aussi régulièrement les parents. On leur demande. (...) Il faut que les parents connaissent les différents intervenants qui travaillent avec leurs enfants, et puis souvent... quand je rencontre les parents d'un enfant qui travaille avec le maître E ou le maître G, je leur demande d'être présent quand moi je rencontre les parents. Je veux qu'ils entendent les différents sons de cloches. Des avis différents, ce n'est jamais inutile.

Est-ce qu'il y a des évaluations systématiques qui sont pratiquées dans l'école ?

Oui, les évaluations, on en fait régulièrement une fois par trimestre. On essaie de décaler ça sur plusieurs semaines. L'intérêt, c'est surtout pour l'échange avec les parents, parce que nous, on les évalue à longueur de journée... l'évaluation finale, pour moi, ça ne me parle pas tellement. C'est surtout pour les parents, pour voir où leur enfant en est... (...) les évaluations sont toujours faites par les enseignants.

De façon plus générale, comment considérez-vous la place le rôle des aides à l'école?

J'ai une très grande considération pour les aides (rires). Pour nous, c'est une mine. On peut faire appel à eux quand on est vraiment déboussolé par un gamin ou quand on sent qu'on n'y arrive plus, quand on sent un enfant a besoin d'un coup de pouce et que nous au point de vue de temps, au point de vue espace, on n'y arrive pas dans la classe. C'est une aide pour nous essentielle. Et puis, pour l'échange. Je pense qu'il y a beaucoup... je compte beaucoup sur l'avis du maître E ou du maître G, les échanges que l'on a entre nous pour avoir un autre avis. Souvent, on n'est pas objectif par rapport à un enfant. On a des idées toutes faites par rapport à ce qu'on nous a dit en maternelle par exemple. L'avis de quelqu'un d'autre, ça permet d'avancer et de s'ouvrir sur autre chose.

Avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école ?

Je dirais qu'un réseau par école ce ne serait pas inutile... que des gens soient attachés complètement à l'école, au moins sur un village comme le nôtre, avec 17 classes... on les sent tiraillés, à droite, à gauche sur plusieurs écoles. Souvent, ils ont des difficultés au niveau des noms des gamins. C'est difficile finalement de bien rester sur un dossier, de bien se mettre en tête toutes les situations, tous les cas de figure. S'ils étaient sur un secteur plus restreint, ce serait quand même plus utile.

Comment voyez-vous l'avenir des réseaux ?

(...) il y a des risques de restrictions. Ce serait complètement contraire à ce que je pense pour l'instant. (...) Je vois le secteur du psychologue scolaire, c'est impossible... il fait des heures après 20 heures le soir, il a des rendez-vous, c'est infernal.

Peut-être avez-vous encore d'autres remarques...

(...) Je ne me vois pas travailler dans une école sans réseau d'aides. On fait appel psychologue, au maître G au maître E sans arrêt... je ne vois pas comment travailler sans eux. C'est l'avenir... (…)