Entretien E68 Anne

Age : 46 ans

Profession : Institutrice en classe de Cours Préparatoire (23 élèves)

Diplômes : CAP d'instituteur

Anne : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Anne : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : salle de la photocopieuse

Durée : 50 minutes

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté" ?

Difficultés de lecture, intégration dans un groupe pas au sens intégration au sens enfant en intégration, difficultés de socialisation, retard de langage et affectif, problèmes affectifs.

Pouvez-vous développer chaque idée ? Difficultés de lecture…

Oui, ça peut être aussi des difficultés liées à une mauvaise audition ou à une mauvaise vue. Ça peut être physique et ça se traite avec un médecin… Je pense surtout aux difficultés de lecture au CP, bien que certains aient des difficultés en maths, mais je trouve que ça se corrige plus facilement. Intégration, il y a des enfants qui n'arrivent pas à s'intégrer dans une classe, qui sont mal dans leur tête, qui n'ont pas de bonnes relations avec leurs camarades donc ils ne sont pas dans de bonnes conditions pour démarrer la lecture. Retard de langage, donc forcément retard de lecture. Et problèmes affectifs, si des enfants sont mal dans leur tête parce que chez eux il y a des problèmes, un couple qui ne s'entend pas, des problèmes financiers importants, l'élève a d'autres soucis en tête que l'apprentissage de la lecture. Et puis il faut qu'il soit bien dans la relation avec ses camarades et avec sa maîtresse. Je pense que l'affectif, c'est très important.

Je vais vous demander maintenant de choisir d'un enfant en difficulté scolaire que vous avez eu dans votre classe. Pouvez-vous présenter la situation, parler de ce qui se passait avec lui ?

Je pense à un que j'ai eu l'année où j'avais le CP /CE1. Il s'appelait Jérémy. Il était normalement en CE1, il avait déjà fait un CP dans une autre école. Cette année-là, ce n'est pas moi qui ai eu la classe à la rentrée parce que j'avais eu un accident, je suis arrivée début octobre. J'étais effarée parce qu'il ne connaissait ni le i ni le a. Et rien en maths. Il était officiellement en CE1 mais sans trop le lui dire, il a refait un CP avec beaucoup de difficultés. On a eu assez de mal à convaincre la maman de voir le psychologue scolaire, de faire du soutien parce que… d'après elle, la maîtresse précédente avait dit que comme il avait trop de difficultés, il fallait le laisser tranquille et lui ficher la paix. Ça paraît surprenant a priori. Nous, on ne pouvait pas se permettre de lui ficher la paix. Ça pouvait durer indéfiniment. On a essayé de mettre le paquet. Il a vu le psychologue scolaire, il est allé en orthophonie. Apparemment ça brassait beaucoup de choses chez les parents. On a réussi à comprendre en particulier que la maman était de quelqu'un d'assez cultivé, elle travaillait dans un centre culturel. D'après elle, le papa qui était artisan ne savait pratiquement pas lire ou du moins avait beaucoup de difficultés avec l'écrit. Plus ou moins consciemment, elle démolissait l'image de son mari – sans vraiment le dire mais ça se sentait – vis à vis du gamin et du coup… c'est le psychologue scolaire qui avait trouvé ça… le gamin s'était quelque part interdit de… il voulait ressembler à son père donc il s'était interdit de le dépasser dans sa tête… Evidemment ça a été assez long. Il a quitté son deuxième CP avec des bribes de lecture mais ce n'était pas vraiment de la lecture, le soutien, les séances avec la maîtresse E ont continué et il a réussi à maîtriser la lecture mais avec beaucoup, beaucoup de mal en orthographe.

Personnellement comment réagissiez-vous face à cet enfant ?

Au début, on est toujours très inquiet parce qu'on se demande pourquoi. Tant qu'on ne nous a pas donné quelques petites clés, on se sent… on se dit : "je n'arrive pas à lui apprendre à lire", "il ne comprend pas"… "S'il ne comprend pas c'est peut-être de sa faute mais c'est peut-être de la mienne aussi"… Après on a eu beaucoup de contacts avec la maman. Mais il était en grande souffrance ce gamin, ça se sentait bien. Il était vraiment en détresse. Il voulait faire et il y avait quelque chose qui le bloquait mais on ne savait pas quoi. On avait des relations très fortes d'ailleurs plus que des relations de maîtresse à enfant. Quelque part il compensait, je crois… sa maman qui était le chef de famille en fait, on sentait qu'elle… bon elle avait fait ce qu'il fallait mais elle ne lui donnait pas beaucoup d'attention, pas beaucoup d'affection. C'était des gens aisés a priori, il n'y avait pas de problèmes financiers, mais on sentait que le gamin, il lui manquait quelque chose. Il adorait être avec son père, bricoler avec lui… la maman préférait qu'il ait des activités plus intellectuelles. Il s'est bien arrangé. Je le revois quelques fois il vient manger à la cantine, je le trouve très épanoui maintenant. Ça fait très plaisir. Ce gamin n'a jamais été mal à l'aise dans le contact. Il parlait bien, il avait beaucoup de vocabulaire, il s'intéressait à plein de choses, ça paraissait vraiment incompréhensible… on ne comprenait pas pourquoi cet enfant qui paraissait normalement intelligent ne parvenait pas à accrocher la lecture. On se pose vraiment des questions : "je ne suis pas capable de lui apprendre à lire", on se sent toujours un peu coupable… surtout que c'était un second CP, donc il y avait de la maturité déjà.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

Aide, soutiendifficultés, maîtres spécialisés… travail en commun entre le réseau, la maîtresse et les parents, comment dire ? Collaboration au sens noble du terme, travail en réseau étendu, pas uniquement entre les gens du réseau.

Pouvez-vous développer ?

Des enfants en difficulté ont besoin d'aide mais ce n'est pas forcément une aide scolaire, c'est toutes les aides qu'on peut apporter par les encouragements, les rencontres avec les parents, tous les gens qui interviennent avec lui, même les gens extérieurs – psychologue en libéral, psychomotricienne ou orthophoniste… Il faut que tous ces gens s'entendent, travaillent dans le même sens, en commun avec les parents, il faut essayer de rencontrer les parents, de comprendre, de discuter pourquoi… je suis de plus en plus convaincue qu'il y a très peu d'enfants qui manquent d'intelligence. Il y en a sûrement mais c'est une très petite minorité. Dans la plupart des cas, les problèmes sont d'origine affective, psychologique... Pour comprendre, il ne suffit pas de prendre un gamin pendant un quart d'heure et de le faire lire. Ce n'est pas comme ça qu'on va résoudre les problèmes… Le mot réseau, c'est presque comme une toile d'araignée où tout le monde - les parents, le maître, le réseau, tous les gens qui gravitent autour – peut s'unir, collaborer pour aider l'enfant.

Vous avez dit aussi maîtres spécialisés…

Oui, nous on peut faire quelque chose mais il faut aussi des maîtres spécialisés qui voient les problèmes en tout petit groupe avec un autre regard que nous. On a besoin d'eux, on a absolument besoin d'eux, j'insiste. On ne pourrait pas, seuls, s'occuper de tout ça.

Vous avez dit aussi difficultés

Oui aussi bien difficultés de l'enfant que difficultés de l'enseignant à rencontrer, à faire passer le message avec les parents, les responsables de l'enfant… On a beaucoup de difficultés pour faire démarrer l'aide… parce que parfois on a à dire des choses aux parents qu'ils n'ont pas envie d'entendre, qui leur font mal… Pour nous c'est difficile aussi d'aller faire mal à des parents, c'est "difficultés" à plein de niveaux, pas uniquement les difficultés de l'enfant.

Si je vous dis maintenant "maître E", quels sont les cinq mots qui vous viennent à l'esprit ?

… Lecture, pédagogie, jeux, petits groupes, comprendre.

Est-ce que vous pouvez développer davantage ? Lecture…

Lecture, on envoie en soutien chez le maître E essentiellement les enfants qui ont des difficultés de lecture, c'est ce qui se discerne le mieux et c'est ce pour quoi ils ont le plus besoin d'aide.

Pédagogie…

Oui, les maîtres E peuvent pratiquer une pédagogie une pédagogie différente de celle qu'on pratique en classe parce qu'essentiellement ils pratiquent sous forme de jeux, toute sorte de jeux, en passant des fiches avec des mots, des jeux de cartes, des choses qui peuvent se faire beaucoup plus facilement en tout petit groupe qu'avec une classe entière. Et ça passe mieux avec les enfants parce que souvent ils arrivent en disant : "on a joué". Je sais bien qu'ils n'ont pas joué pour jouer. C'est jouer dans un but, avec une pédagogie adaptée aux difficultés.

Et comprendre ?

Comprendre, il faut aider les enfants à comprendre, il faut que nous, on comprenne.

A partir d'un cas d'enfant qui a été suivi dans votre classe par un maître E, pouvez-vous décrire le travail de ce maître ? Que fait-il, que dit-il etc…?

J'ai un enfant en tête. Il y a deux approches. Soit il y a un bilan de début d'année et c'est en fonction de ce bilan que les maîtres E prennent les enfants en soutien, soit c'est parce que nous on a constaté dans la classe qu'un enfant avait des difficultés et qu'il avait besoin de soutien ce qui n'apparaît pas forcément en début d'année. Lorsqu'on a décelé le besoin de soutien… Mais je vais redire ce que j'ai déjà dit…

Mais avec cet enfant précis, qu'a-t-il décidé de faire ? Qu'a-t-il organisé ? En séance par exemple…

Je ne sais pas trop… C'est un piège cette question… (rires) Rencontrer la famille, le maître E a rencontré la famille pour les convaincre d'aller voir l'orthophoniste … parce que les difficultés ne sont pas uniquement scolaires, très souvent… Si c'est le maître de la classe qui le dit, ça passe plus ou moins bien. Si c'est le maître E ou le psychologue scolaire, ça a un impact plus important. La réponse des parents vient plus facilement.

Comment s'est articulé le travail du maître E avec votre propre travail dans la classe?

On a un programme de lecture, régulièrement on se dit : "qu'est-ce qu'on a comme son ? Qu'est-ce qu'on a vu ? Quelles sont les difficultés que l'enfant a rencontrées pour travailler ? Par exemple, il confond tel son, il n'arrive pas à comprendre la combinatoire, le passage du global à la combinatoire…On se voit à chaque fois. Quand on est en récréation, on parle des enfants qu'il prend en soutien. On dit : "comment ça s'est passé parce que je trouve que cette semaine il est agité, il ne s'intéresse pas trop, il y a des phases où … je pense à celui que j'avais en tête tout à l'heure, il y avait des moments où il y avait plein d'élans et à d'autres où le stade du déchiffrage ne se faisait pas, des moments de découragement intense… ça se sentait aussi bien en réseau qu'avec moi, il avait l'impression que tout ça, ça ne servait à rien, il se laissait aller… Effectivement il a redoublé. Il fait un deuxième CP mais cette fois "les doigts dans le nez"… On peut dire peut-être que tout ce qu'on a fait l'an dernier ça n'a servi à rien. Mais il y a quand même eu la mise en place de séances d'orthophonie parce que le langage était très, très pauvre, très faible et puis des séances au CMP du secteur. Tout ça a fait qu'il s'est retrouvé la deuxième année dans de bien meilleures conditions pour aborder la lecture.

Avez-vous établi ensemble un projet écrit ?

Ecrit, non. Ça reste comme ça, on en parle et on voit au fur et à mesure comment l'enfant progresse.

Vous venez de dire que vous vous êtes vus en récréation ou entre deux portes. Existe-t-il d'autres temps de travail en commun avec le réseau ?

Oui… ça arrive. Par exemple, ils viennent aux conseils d'école pour se présenter et expliquer leur travail aux parents.

Existe-t-il des ressemblances entre le travail du maître E et votre travail ?

Ah oui ! On a le même objectif, le but c'est d'apprendre à lire à un enfant. On peut avec la même méthode travailler différemment, à partir de choses plus concrètes, des puzzles, des jeux, ce que je disais tout à l'heure… Nous on fait souvent la même chose en écrit, par exemple une phrase à remettre en ordre, nous on l'écrit et eux doivent placer des étiquettes, eux ils fabriquent eux-mêmes plein de petits jeux, les cartes existent, il faut les manipuler. L'idée est un peu la même.

Et quelles sont les différences ?

C'est que le maître E a une formation qui lui permet d'étudier l'enfant et de mieux interpréter ses difficultés ou ses résultats. On a une certaine expérience qui n'est pas équivalente. Ils comprennent mieux les enfants.

Maintenant quand je dis maître G quels sont les cinq mots que vous retenez ?

Psychomotricité, langage, connaissance du corps, évolution, à l'aise dans la communication.

Pouvez-vous développer ?

Je ne me suis pas trompée ? Le maître G c'est le psychomotricien ?… Un enfant qui est en difficulté scolaire ça peut être pour d'autres raisons qu'intellectuelles. Ça peut être parce qu'il est mal dans son corps, il le connaît mal, il sait mal s'en servir… il ne situe pas son corps par rapport au monde extérieur pour des choses toutes simples comme devant/ derrière, en haut/ en bas, en face etc… Eux même ne trouvent pas leur place dans le monde. La psychomotricienne aide déjà à cette connaissance-là qui est un pré-requis, c'est un mot qui est banni aujourd'hui mais je trouve qu'il dit très bien ce qu'il veut dire et que je trouve très bien… un pré-requis pour la lecture. Si je ne connais pas mon corps, je ne me situe pas par rapport à mon corps, je ne connais pas la droite/ la gauche, le haut/ le bas… comment je vais faire pour apprendre à lire?

Vous avez dit aussi langage et communication…

L'enfant dont je parlais tout à l'heure par exemple qui avait un langage extrêmement pauvre et déformé – sa maman le comprenait parce qu'il avait toujours parlé comme ça mais il était incapable de faire une phrase correcte, il oubliait tous les mots de liaison par exemple. Il n'a pas eu de séance avec la psychomotricienne puisqu'il allait au CMP mais lui apprendre à parler, à dire les choses, à s'exprimer… Ils disent peu de choses en fait quand ils savent qu'ils sont mal compris ou incompris et quand on arrive avec un enfant de six ans en grande difficulté il y a toujours le risque qu'on n'est pas compris et il y a toujours le danger que les autres se moquent…

Pourriez-vous présenter un enfant qui a été suivi par le maître G et préciser concrètement son travail ? Que saviez-vous de ce qui se passait en séance ? Que vous disait-il de cet enfant-là ? Que saviez-vous de ses progrès etc. ?

Ce qui se passait en séance, non pas trop. On ne parlait pas des différents exercices qu'il faisait mais on parlait des résultats par contre. Je ne peux pas dire que je connaisse bien le travail du maître G. Je connais moins bien le travail du maître G que du maître E. Disons que ça se passe plus au niveau des écoles maternelles que des écoles élémentaires. Cette année je n'en ai pas qui sont avec le maître G, l'année dernière non plus.

Si vous pensez à un enfant qui a été suivi, comment s'articulait votre travail et le sien?

…On se voit beaucoup, on se voit aux récréations quand elle est là donc on en parle comme ça.

Est-ce qu'il y a des projets communs, des choses écrites ?

Non.

Comment voyez-vous la différence de travail entre maître E et maître G ?

Le maître G, c'est davantage expression corporelle, physique alors que le maître E, c'est davantage des difficultés intellectuelles. Un enfant peut être intelligent et tellement mal dans son corps que finalement il est en difficulté scolaire. Le maître E travaille sur des problèmes plus intellectuels alors que le maître G sur des problèmes liés au physique, au mal-être.

Est-ce que cette différenciation E /G vous semble-t-elle pertinente par rapport aux élèves que vous avez dans votre classe ?

Oui. Le maître E ne peut pas tout faire. C'est deux choses différentes. Un enfant qui n'est pas à l'aise dans son corps, ce n'est pas parce qu'on va l'envoyer en soutien avec le maître E, c'est tout à fait autre chose. Il faut lui apprendre à bouger, à s'accepter, à accepter son corps, à le connaître. A priori, c'est très différent, très complémentaire mais très différent.

Savez-vous comment les professionnels du réseau travaillent ensemble ?

Je sais qu'ils ont des synthèses, ils travaillent en concertation permanente. Ils ont des réunions officielles mais en dehors de ces temps de concertation, ils sont parfois ensemble au bureau.

Etes-vous parfois invitée aux synthèses ?

Ça n'est jamais arrivé.

Savez-vous comment s'organise leur travail dans l'année ?

Non, pas dans le détail… Je ne sais pas trop.

Dans ce que vous avez vu faire, existe-t-il des glissements de pratique, un maître E qui pourrait travailler comme un maître G et inversement ?

Il faudrait qu'on connaisse un petit peu plus leur formation parce que je ne sais pas s'ils ont un tronc commun qui leur permettrait… Sûrement. Mais franchement je ne sais pas répondre.

A votre avis, y a-t-il une fonction qui joue un plus grand rôle ?

A notre niveau à nous en CP, on a surtout affaire au maître E. Mais si le maître G n'était pas intervenu en amont avec les grandes sections maternelles, comment ça se passerait ? On a beaucoup moins de problèmes parce qu'il y a eu des interventions du maître G avec les moyens et les grands de maternelle.

On parle d'une réforme prochaine pour les réseaux. Quelle position soutenez-vous par rapport aux perspectives qui s'annoncent ?

De ne plus distinguer les deux aides ? Je trouve que c'est dommage. C'est complémentaire. Est-ce que le même maître pourrait faire les deux ? Je ne sais pas finalement. Ils n'interviennent pas du tout au même niveau et le cumul me semble difficile. Je suis défavorable à ce changement en fait.

Si on aborde le point formation, pouvez-vous citer les trois livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E ?

Non, je ne sais pas.

Et pour G ?

Non.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

Bien-être dans le sens "être bien", bien plus que bien faire… la réussite à l'école, ce n'est pas ce qu'on attend des enfants, ce n'est pas des bonnes notes, ce n'est pas un bon classement non plus. Je vais répondre de façon plutôt négative… C'est ce qu'attendent la plupart des parents mais je pense qu'il faut qu'un enfant soit bien dans sa relation avec les autres, bien dans sa relation avec le maître et peu importe si en effectuant le classement – s'il est cinquième ou dixième – dans la mesure où il se sent à l'aise, qu'il se sent en confiance et qu'il maîtrise les apprentissages, maîtrise des apprentissages, même si ce n'est pas brillamment… C'est ça la réussite aussi pouvoir adapter… la non réussite ou l'échec, on a toujours tendance à dire : "cet enfant est en difficulté, il n'arrive pas à s'adapter", bon d'accord mais est-ce que nous sommes capables de nous adapter à eux ? Je pense que l'école ne sait pas s'adapter. Elle veut absolument faire entrer tous les enfants dans le même moule et ce n'est pas possible. Il faut accepter leur différence. La réussite ça peut être une réussite moins intellectuelle, ça peut être artistique ou sportif… mise en valeur de soi, je dirais, pas forcément par la lecture ou les maths…

Une question un peu plus générale, comment considérez–vous la place et le rôle des aides à l'école ?

… Je trouve que, des réseaux, il en faudrait plus, pratiquement il faudrait que le réseau de Noirétable ne s'occupe que des écoles de Noirétable par exemple, pour qu'il puisse intervenir plus souvent, plus régulièrement… Ils sont efficaces, s'ils peuvent être là plus souvent mais quand on fait du saupoudrage parce que les maîtres E et G du réseau ont un effectif d'enfants tellement important qu'ils ne peuvent venir qu'une heure par-ci, une heure par-là, bien sûr si on veut les démolir, c'est un bon moyen, bien sûr ça ne sera pas efficace… S'ils sont plus nombreux, plus proches des écoles… Il en faudrait un pour une quinzaine de classes, un réseau pour une quinzaine de classes ce serait très bien. Ils seraient tout le temps-là ou pas loin. On pourrait communiquer plus facilement sans avoir recours au répondeur et ils pourraient même participer en classe, pour observer les enfants. C'est ce qui manque aussi parce qu'ils ne voient les enfants en petits groupes alors que parfois ce serait intéressant de voir comment ils se comportent à l'intérieur de la classe. Si l'idée de la réforme c'est de supprimer les réseaux, je suis contre, contre, contre… Je dis qu'on n'en a pas assez.

Peut-être avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école ?

Oui, on en a besoin et on n'en a pas assez. Sauf à créer des postes pour quinze élèves où là le maître pourrait intervenir efficacement mais tant qu'on aura des classes à 20, 25… Non, de toute façon, on a besoin de réseau d'aides.

Il est néanmoins clairement dit que l'enseignant doit être le premier acteur de la mise en place de l'aide en direction des enfants en difficulté. Comment vivez-vous cette affirmation ?

Bien sûr l'enseignant doit être le premier acteur de l'aide mais quels moyens on donne? Quels effectifs ? ça pose une infinité de questions… Oui, comme dit la charte "l'école doit être son propre recours", oui forcément… ça devrait être ça… Si le réseau est intégré dans une école, alors oui, on peut espérer que l'enseignant aidé aide…

Comment voyez-vous l'avenir des réseaux d'aide ?

C'est bien ce qui nous inquiète. On ne sent pas bien les choses, on les sent mal… parce que le travail des réseaux est efficace quoique certains essaient de faire croire… S'il y a manque d'efficacité par endroits, c'est sûrement vrai mais c'est parce qu'ils ne sont pas assez nombreux. Alors on retourne le problème. On dit qu'il n'y a pas assez d'efficacité donc il faut les supprimer ou les transformer. Je suis convaincue que s'ils étaient plus nombreux, ils seraient plus efficaces.

J'ai épuisé mes questions mais peut-être voulez-vous ajouter quelque chose ?

Je pense qu'il est dommage de nommer sur des postes de réseau des gens qui n'ont pas demandé ces postes, qui n'ont pas la formation pour. Dans le cas de Mme Dupré, sortant de l'IUFM, sans expérience, nommée sur un poste de maître E par exemple alors qu'elle n'en voulait pas, ce n'est pas sérieux… (…) Le système est beaucoup trop rigide. (…) Après il sera facile de dire à son sujet : "son travail n'est pas efficace". Mais il ne faut pas que ce soit un argument en défaveur des réseaux. Si on nomme des gens formés pour et à des distances raisonnables de leur domicile, on obtiendra de meilleurs résultats…(…)