Entretien E71 Bérangère

Age : 47 ans

Profession : Institutrice en classe de CE1/CE2 (19 élèves, ZEP)

Diplômes : CAP d'instituteur

Bérangère : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Bérangère : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : salle de classe

Durée : 1 heure

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté" ?

Retard scolaire, comportement, échec, difficultés de compréhension… et puis difficultés familiales.

Pouvez-vous développer préciser ce que vous entendez par retard scolaire, comportement, échec etc… ?

Le retard scolaire, ce sont les enfants qui ont un ou deux années de retard. Echec, ce n'est pas forcément lié à un retard scolaire, c'est lié aux résultats en classe… Il y a des enfants qui sont en échec en classe mais qui n'ont pas forcément du retard scolaire… On arrive à compenser l'échec par une aide et à les faire réussir. Comportement, ce sont les troubles du comportement, soit de l'agressivité, soit au contraire de l'apathie, les enfants qui sont entre guillemets "légumes", qui ne réagissent pas, qui n'ont aucune réaction. On dit toujours le comportement dans le sens agressivité ou agitation mais il faut penser à l'autre côté de la chose.

Vous avez dit aussi difficultés de compréhension et difficultés familiales…

Alors difficultés de compréhension, c'est la difficulté à assimiler une consigne, de comprendre un texte. Ce sont des difficultés qui sont souvent liées à des problèmes de vocabulaire dans le milieu qu'on a… C'est souvent le vocabulaire qui coince, le vocabulaire qui n'est pas repris à la maison et que les enfants n'arrivent pas à intégrer. Et les difficultés familiales, ce sont soit des enfants qui sont en situation familiale très difficile – c'est tout ce qui peut se passer à la maison, je ne veux pas entrer dans les détails – soit la famille qui n'adhère pas à l'école.

Je vais vous demander maintenant de choisir d'un enfant en difficulté scolaire, un seul, que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre classe. Pouvez-vous présenter la situation et citer les actions conduites pour cet enfant ?

Je vais prendre le grand Nordine. Les cinq éléments ne se s'appliquent pas tous pour lui. Il a un retard scolaire… c'était un enfant complètement apathique. On se demandait ce qu'il faisait en classe. Au niveau de la compréhension, il n'avait pas acquis la lecture donc tout ce qu'on pouvait lui présenter ce n'était pas… il n'y avait pas de possibilité de travail en autonomie avec lui. Par contre les difficultés familiales… j'allais dire non, mais si, il y en a eu. C'est un enfant qui a été mal accueilli à la naissance, rejeté et laissé de côté. Je l'ai eu deux années en classe avec moi et je n'ai pas voulu m'adresser à sa mère pour lui parler de ses difficultés donc j'ai fait appel au père… pour remettre un peu du père à Nordine… je ne sais pas comment dire ça, parce que je sentais que le père était complètement laissé de côté concernant cet enfant. Je me suis adressée uniquement au père et il a suivi tout ce que je lui disais, on prenait régulièrement rendez-vous. Cette année, il est en CE2 et il a réussi à apprendre à lire. Depuis trois mois, il lit et il est très, très content de lire.

Les difficultés se sont levées alors…

Non pas toutes, les difficultés de lecture se sont levées. C'est un enfant qui au niveau du comportement s'est complètement épanoui, ça a été extraordinaire de voir… ça se portait sur lui. Quand on le voyait on disait : "il est complètement idiot !". Et au fur et à mesure de ses progrès, il s'est épanoui, il s'est éveillé, il avait des yeux qui brillaient, beaucoup de présence en classe alors qu'avant il était complètement éteint.

Comment réagissiez-vous au début face à cet enfant ?

Au début la réaction c'était… un petit peu désorientée, pas savoir comment faire et puis… au fur et à mesure qu'il fait des progrès, on est de plus en plus à l'aise, on sait où on va. Le fait de le garder deux années de suite, l'an dernier il était au CE1 – parce que j'avais un CP/CE1 – et donc je savais exactement où il en était, où est-ce que j'en étais avec la famille et donc ça a permis de démarrer tout de suite sur des bases… Quand on connaît l'enfant on peut aller facilement dans certaines directions et laisser tomber tout ce qui peut parasiter autour.

Dans cette histoire, quelle a été la place du réseau ?

Le réseau m'a aidée – je ne me rappelle plus si l'an dernier il était pris… non l'an dernier il n'était pas pris, il a été suivi en maternelle et au CP, c'est un enfant qui a fait deux CP. Au cours de ses deux CP, il n'a pas réussi à apprendre à lire, ni au cours du CE1. Le réseau ne l'a pas suivi cette année-là parce que justement ils voulaient souffler concernant cet enfant et puis voyant qu'en cours d'année il faisait des progrès j'ai un peu rouspété en début d'année, j'ai insisté pour que cet enfant soit repris et re-suivi par le réseau, ce qui a été fait.

Et de quelle manière travaillez-vous avec le réseau au sujet de Nordine ?

On fait des rencontres régulièrement pour faire un point sur chaque enfant qui est suivi par le réseau.

Sur la base d'un projet commun ?

Pas spécialement, mais de temps en temps… Pour Nordine, c'est par objectifs. J'ai dit : "cette année, il faut qu'il apprenne à lire parce que c'est vraiment la dernière limite. De temps en temps quand il y a vraiment de grosses difficultés en mathématiques, je dis : "là il faudrait l'aider en mathématiques. Donc ce n'est pas un projet commun, c'est plutôt des directives… je ne sais pas comment dire… on ne fait pas un projet en fait, un projet typique pour chaque enfant.

Et vous, au niveau de votre travail en classe, qu'est-ce que ça vous apporte ?

Ça apporte quand même une aide du point de vue pédagogique. Déjà ça permet de souffler un petit peu, de savoir que tel point sera repris avec le réseau, ça permet de se dire : "là, je peux… souffler et puis voir autre chose, pas m'acharner sur quelque chose… sur un point de grammaire ou de mathématiques.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

Aide, en trouver cinq ça va être difficile, conflit, je pense à un cas particulier… Je ne vais pas en trouver cinq…

On peut s'arrêter là… Qu'entendez-vous précisément par le mot aide ?

Une aide au niveau… pas de la classe mais des enfants qui nous posent des problèmes. De pouvoir parler de ces enfants, sans que l'institutrice soit mise en cause… Par exemple ce que j'ai vécu moi, une année dans une école précédente, quand on parlait d'un enfant en difficulté, c'était quelque chose qui était nié et on rejetait la responsabilité sur l'institutrice, on disait : "tu fais mal ton travail", on culpabilisait l'institutrice. Alors que là absolument pas. On peut parler de ces enfants en difficulté sans qu'il y ait une remise en cause de notre travail. Il y a un contact agréable de ce côté-là. On peut parler d'enfants en difficulté simplement…

Vous avez dit aussi conflit ?

Oui, conflit, ça m'est venu aussi à l'esprit parce que j'ai vécu cette situation-là l'an dernier avec une enfant qui avait de gros troubles de comportement et avec laquelle je ne pouvais pas travailler en classe. C'était une enfant qui perturbait la classe, qui empêchait les autres de travailler. Elle était signalée depuis la maternelle, il y a eu aussi des problèmes à la maternelle concernant cette enfant-là. L'an dernier j'avais un CP /CE1 et cette enfant a été accueillie en CP. Je savais que je risquais d'avoir de gros problèmes. J'ai accepté de la prendre parce que j'avais déjà eu la sœur les années précédentes, qui était aussi en difficulté – mais pas de comportement, c'était des difficultés scolaires -. J'avais réussi à lui apprendre à lire et c'est une gamine qui s'en sort très bien maintenant. J'avais aussi un bon contact avec la maman. Je me suis dit : "Pourquoi pas ?" Et en fait ça s'est très, très mal passé parce que dans la classe je n'ai pas su gérer ça. C'est une enfant qui relevait pour moi d'enseignement spécialisé, style classe thérapeutique mais, bon, il paraît qu'elle ne relève pas de classe thérapeutique d'après la psychologue. Cette enfant ça été la catastrophe, en classe, c'était épouvantable… Je pense que j'arrive à encaisser beaucoup de choses mais là elle m'a fait disjoncter, je ne savais plus quoi faire avec elle… (rires) et là le réseau ne m'a pas aidé du tout. Pas du tout du tout…

Et quelles raisons vous ont-ils données ?

Je ne sais pas parce que je n'ai jamais pu en discuter avec elles. C'était juste : "elle ne relève pas de classe thérapeutique", "elle ne relève pas d'enseignement spécialisé", "c'est une enfant intelligente"… Je disais oui : "elle est très intelligente mais seulement elle a des troubles de comportement tels qu'elle ne peut pas être dans un groupe classe… Elle n'acceptait que des relations duelles. Si je m'occupais d'autres enfants, c'était la pagaille, il y avait même des bagarres en classe, quand elle embêtait quelqu'un dans la classe – on est quand même dans un milieu violent -, les autres se levaient et lui tapaient dessus. Je n'avais jamais vu ça… J'ai eu de grosses difficultés à gérer ça et pas d'aide du réseau. Ça a été "non". La seule personne qui m'ait soutenue dans l'école c'est le directeur d'école qui lui a tenu à ce qu'elle passe en CCPE. Le résultat de la CCPE : "il faut qu'elle change de CP". C'est passé devant l'inspectrice et elle a changé de classe fin février. Moi, ça m'a soulagée au niveau de ma classe mais l'autre collègue de CP l'a récupérée dans la même école… ça s'est passé comme ça. Cette année elle est en CE1 et finalement cette fois le réseau va faire un dossier pour une demande d'établissement spécialisé. Quand même.

Il n'y a pas eu d'observation en classe par exemple ou d'autres démarches de leur part pour essayer de comprendre ce qui se passait ?

Non, non, pas du tout. Ça a été… même à la fin les derniers mois, de toute façon comme on a tenu bon pour qu'elle passe en CCPE, donc le réseau… chaque fois qu'il y avait un problème dans la classe concernant cet enfant, on disait : "Ah de toute façon elle passe en CCPE. Donc (fait la moue) on me faisait comme ça… Il ne fallait pas en parler. J'ai très, très mal vécu ça, c'était vraiment… les autres enseignants m'ont soutenue parce que justement, c'est quand même une gamine qui posait aussi des problèmes dans la cour. Les enseignants voyaient bien… Le directeur me soutenait parce qu'en plus on faisait des échanges de service dans la classe, il voyait bien que ce n'était pas tenable, ce n'était pas gérable en classe.

Avez-vous essayé de mettre en place entre vous des dispositifs particuliers du genre ateliers dans d'autres classes, décloisonnement..

Non.

Vous êtes quand même restée très seule…

Ah oui, oui, oui, tout à fait oui.

Et avec l'autre maîtresse de CP, comment cela se passait-il ?

Plutôt mal mais elle ne pouvait rien dire… C'est cette année seulement qu'on a pu faire bouger le réseau.

Je vais vous demander cinq mots pour maître E.

Maître E qu'est-ce que c'est ?

Ce sont les maîtres dans le réseau qui sont chargés d'aide à dominante pédagogique. Eventuellement ils peuvent aussi être titulaires d'une classe d'adaptation.

Ici on n'en a pas. Donc c'est un peu difficile de répondre quand on n'a pas cette expérience-là. Pour moi, c'est aide, travail en petit groupe

Avez-vous eu l'occasion d'en rencontrer au cours de votre carrière dans d'autres écoles ?

Ah oui, là où j'étais sur St Etienne, oui.

Pourriez-vous présenter un cas d'enfant de votre classe suivi par un maître E, exposer la situation initiale et puis décrire le travail de ce maître ?

J'avais une enfant qui était trisomique. Il y a eu un contrat d'intégration et la maîtresse E venait travailler dans la classe avec un petit groupe d'enfant. Ici, elles fonctionnent en tête à tête avec les enfants, elles fonctionnent en duo, elles viennent chercher les enfants, elles les sortent de la classe. Sur St Etienne, elle travaillait dans la classe. C'était en maternelle, c'était peut-être plus facile… elle venait trois fois par semaine et elle prenait quatre enfants qui n'étaient pas forcément en difficulté. Souvent elle ne voulait pas d'enfants en difficulté, elle voulait des enfants qui réussissaient bien et elle intégrait cette enfant trisomique dans le groupe. L'avantage, je trouvais déjà pour l'enfant, c'est qu'elle n'était pas extraite de la classe, qu'elle restait intégrée dans la classe. Tandis qu'ici, parfois "Oui, toi, tu t'en vas parce que tu as…" les enfants ont des fois ce genre de réflexion, il faut leur apprendre aussi à respecter pourquoi certains enfants de la classe quittent la classe et vont travailler avec un maître…

Les prises en charge extérieures sont une étiquette de discrimination négative ?

Oui, au départ mais après ils comprennent bien. Quand ils voient que les enfants font des progrès… mais au départ, c'est vrai que… Il y en a qui se disent : "moi je suis bien content parce que je n'y vais pas, c'est donc que tout va bien"…

Maintenant si je dis maître G ou rééducateur, quels sont les cinq mots qui vous viennent à l'esprit ?

… (rires)… réseau, suivi de l'enfant, il faut vraiment en trouver cinq ? C'est difficile… ça se voit d'ailleurs… (+bilan)

On peut s'arrêter là… Qu'entendez-vous par réseau quand vous pensez au rééducateur ?

Réseau, parce que souvent la rééducatrice on la voit avec la psychologue. Elles travaillent bien ensemble j'ai l'impression. Avant de prendre un enfant, de suivre un enfant, elles font tester d'abord par la psychologue. Elles ne prennent pas un enfant si la psychologue ne l'a pas vu. Et puis suivi de l'enfant, c'est le travail qu'elles font tout au long de l'année en collaboration avec la maîtresse.

Pouvez-vous présenter un cas d'enfant, en dehors de ceux dont vous avez déjà parlé qui est suivi par un rééducateur, raconter ce qu'il présentait comme difficultés initialement et puis ce qui s'est mis en place ?

Oui, le petit Mohamed par exemple. C'est un enfant qui avait des difficultés comportementales et puis un gros retard scolaire aussi. Ce qui a été mis en place, c'est l'enfant qui a été signalé, qui a été testé et puis après le travail ça rejoint ce qu'on a fait avec Nordine. C'est le même style.

Est-ce que vous savez ce qui se passe pendant les séances ?

Non, pas du tout.

Vous n'avez pas de compte rendu, de retours (me coupe)…

Non, jamais.

Par contre, êtes-vous sollicitée pour dire ce qui se passe en classe ?

Pas trop. On en parle quand il y a une difficulté, on raconte ce qu'il fait en classe, sa difficulté dans tel ou tel exercice mais… il n'y a pas de… il n'y a rien de… Par contre si en fin d'année, on a un compte rendu. En début d'année, on a un bilan et en fin d'année aussi. On peut rajouter le mot bilan.

Est-ce qu'elles participent aux conseils de maîtres ou aux conseils de cycle ?

Oui, elles assistent aux conseils de maîtres, mais elles donnent leur avis en général quand on parle des enfants en difficulté, ça se passe au niveau de l'école donc on connaît les enfants qui sont en difficulté du CP jusqu'au CM2 mais ça ne va pas plus loin.

Existe-t-il des liens pour un enfant entre le travail de rééducation et votre travail dans la classe ?

Les liens ?…Il y a des traces, oui. Par exemple les enfants qui ont de grosses difficultés de comportement, il y a des choses qu'on dit, des choses qui sont redites par le réseau et redites en classe aussi. Je pense que là, ça a une influence sur l'enfant. A force d'entendre plusieurs personnes qui répètent la même chose, soit concernant le règlement de l'école, soit concernant la classe et tout, je pense que ça a une portée.

Vous pouvez donner un exemple d'évolution pour Mohamed par exemple ?

Mohamed, oui. C'est pareil, c'est un enfant que j'ai eu deux ans aussi. La première année, il était complètement… il n'avait aucune structure au niveau de ses affaires, l'utilisation de ses cahiers, il prenait… il sautait trois quatre pages, il écrivait n'importe où et tout ça, ça s'est bien… grâce à l'aide du réseau, je pense qu'il y a des choses qui se sont débloquées, qui ont été redites avec le réseau et ça aide beaucoup.

Savez-vous comment s'articule le travail au sein du réseau ? Comment travaillent ensemble maître E, maître G et psychologue ?

Non.

Quelles différences avez-vous pu percevoir entre les fonctions de maître E et de maître G dans les diverses expériences que vous avez pu avoir ?

Dans l'expérience que j'ai eu, alors il ne faut pas que je fasse de confusion, une différence, c'est le travail de groupe. Le maître E prend les enfants en groupe et le maître G les prend individuellement, jamais en groupe. Je sais aussi que les rééducatrices, contrairement au maîtres E, prennent peu d'enfant au cycle 3. Elles restent au cycle 2. Au cycle 3 elles prennent des enfants qu'elles ne peuvent pas lâcher comme ça et là où il y a une demande importante de l'institutrice.

On parle d'une réforme prochaine au sujet du réseau. En avez-vous entendu parler ?

Non, je ne sais pas.

Suite aux rapports Gossot et Ferrier, plusieurs perspectives se dessinent, en particulier la réunification possible des E et des G, pour qu'il n'y ait plus qu'un seul type d'aide. Avez-vous un avis sur la question ?

Je pense que le fait de prendre les enfants en difficulté individuellement ça crée quand même des liens – par rapport à l'enfant avec qui j'ai eu des problèmes – ça crée des liens affectifs et là, je suis persuadée que les problèmes que j'ai eus avec cette enfant l'an dernier, c'était la maîtresse G qui s'occupait de cette enfant avant… elle avait une implication affective trop grande et donc… ce n'est pas quelque chose qui se fait quand on prend des enfants en groupe. Il y a une relation duelle qui s'établit et des fois ce n'est pas sain. Je pense que pour les enfants qui ont vraiment des troubles de comportement, travailler en tête à tête avec un enfant, je ne vois pas ce que ça peut… enfin ça lui apporte des choses mais pour le contact avec les autres enfants, j'émets des doutes, pour qu'il soit réintégré dans une classe… Les enfants qui ont vraiment des difficultés de relation, je crois que ça ne fait pas bien avancer les choses…

Etes-vous sollicitée pour participer à l'évaluation du travail du réseau ?

C'est-à-dire ?

Est-ce qu'il y a des rencontres où le réseau vous sollicite pour donner votre avis sur ce qui a marché, moins bien marché, ce que vous attendiez et qui n'a pas fonctionné etc… ou si ce n'est pas une rencontre, des documents dans lequel vous auriez un avis à émettre ?

En début d'année, elles nous donnent une feuille à remplir un questionnaire qui nous demande pourquoi, on présente cet enfant, quelles sont les difficultés de l'enfant, et puis elles nous donnent le bilan de l'année précédente et puis en fin d'année, elles nous donnent le bilan de l'année qui s'est écoulée.

Est-ce que vous y participez pour la partie "résultats en classe" ?

Non, on n'y participe pas du tout.

Connaissez-vous le rôle de l'IEN dans le réseau ?

Non.

Si on aborde le point formation, pouvez-vous citer les trois livres ou auteurs principaux recommandés lors de la formation E ?

Non.

Même chose pour la formation G ?

Non.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

C'est… les résultats scolaires, l'autonomie, je n'ai pas une réflexion très approfondie là-dessus... le goût de l'école pour l'enfant…

Est-ce que vous pouvez expliquer davantage ? Qu'est-ce que c'est que l'autonomie pour vous par exemple ?

L'autonomie, c'est un enfant qui est capable degérer ses petites affaires tout seul, de venir à l'école avec ses affaires… il y en a qui ont toujours leur crayon, leur livre… qui n'ont pas oublié leur livre à la maison, qui savent s'organiser dans leur travail, qui savent quand ils ont fini un travail… ils vont soit en bibliothèque, soit… ils ne restent pas sans rien faire, ils n'attendent pas qu'on leur dise : "change d'activité".

Une question un peu plus générale, comment considérez–vous la place et le rôle des aides à l'école ?

Quelles sont les aides que vous apportez vous-même ?

L'aide, ça a beaucoup d'importance…

Vous pouvez expliquer ?

Oui, oui, je cherche, ça me surprend… Ici dans l'école, dans le milieu où on est, on est pratiquement dans l'aide tout le temps. On est dans l'aide tout le temps. Il y a des enfants on est toujours derrière eux pour leur… pour les aider dans leur travail, dans les relations avec leurs camardes, dans les relations aussi avec la famille et tout… Je trouve que ça occupe vraiment trop, trop de place parce que même avec les familles, je reçois beaucoup les familles quand il y a des difficultés, donc des familles qui sont disons, qui coopèrent… Je ne sais pas, il faut leur faire comprendre, je ne sais pas – si on en revient à Nordine, ce que j'expliquais au papa que malgré ses résultats qui sont très, très faibles, c'est un enfant qui progresse et ça il faut le faire comprendre aux parents parce que les parents ont souvent le réflexe : "t'as eu une mauvaise note, c'est que tu travailles mal" et il y a des réflexions agressives vis à vis de ça, donc leur faire comprendre, leur dire : "mais attention, c'est un enfant qui en progrès", il faut les soutenir jusqu'au bout. L'aide elle est quotidienne autant dans les relations avec la famille que dans les relations avec l'enfant, avec le personnel de la cantine et tout… C'est des enfants qui ont du mal à avoir certaines relations avec les adultes et donc il faut… On est là pour leur dire comment il faut faire. Et l'aide du réseau, c'est un complément. C'est un complément... Elles sont là aussi pour accueillir les familles, pour parler des difficultés, pour voir l'enfant dans le groupe – des fois elles voient l'enfant dans le groupe quand on fait des sorties, elles nous accompagnent souvent pour les sorties. On préfère faire appel à elles pour des tas de raisons, elles connaissent les enfants et tout…

Comment voyez-vous l'avenir des réseaux d'aide ?

Il faudrait que ça change quand même un peu, qu'il soit plus présent à l'école parce que c'est vrai que là il y a beaucoup de présence mais je pense que l'aide, elle est d'abord apportée tardivement, parce qu'elle commence à la Toussaint et puis elle s'arrête fin mai parce qu'il y a des bilans à faire et tout ça. Mais la rentrée scolaire elle ne commence pas à la Toussaint mais en septembre et puis elle se termine le 30 juin comme tout le monde… Même si nous on a besoin de connaître l'enfant avant de le signaler, en général elles suivent des enfants qu'elles connaissent depuis la maternelle. J'ai rarement vu des cas d'enfants où pendant les deux mois de vacances, il y a eu un miracle qui s'est passé et tout va très bien. A chaque fois, on est obligé de refaire des bilans et je pense qu'on perd beaucoup de temps. On perd au moins deux mois en début d'année pour certains enfants.

J'en ai terminé avec mes questions mais peut-être avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école ?

Non.

Une dernière question "facultative" : en quoi votre fonction d'enseignante en ZEP est-elle importante pour vous ?

Je ne la vois pas importante, je pense que je fais mon travail c'est tout. Parfois, travailler avec des enfants en difficulté ça apporte une certaine satisfaction quand on les voit sortir de leurs difficultés mais je pense que même dans un autre milieu ça doit être pareil… Je ne me considère pas comme quelqu'un… pas indispensable mais je pense que n'importe quel instituteur peut faire sa place dans une ZEP.

(…) "Qu'est-ce que tu cherches ?" Il me dit "petit tas", il cherchait un petit tas de bois, un petit tas de terre et il a fallu reprendre que c'était les lettres de l'alphabet qu'on appelait comme ça a), b), c) etc… et quand elles étaient en grand, c'était A, B, C. Maintenant il est tout content quand il y a des exercices où c'est comme ça. Il me dit : "a), je l'ai trouvé maîtresse !"… ça dans un milieu normal, l'institutrice n'a pas besoin de travailler là-dessus, sur les mots les plus courants. Ils vont parfois trouver un sens, c'est affolant… Ce n'est rien de le dire, il faut le vivre. Il faudrait tenir un cahier et le marquer. Quand on fait des exercices, j'ai énormément de difficulté avec les livres parce quand je prends un texte, il faut que je reprenne tout parce que je me dis : "là, ils ne vont pas comprendre…" L'exercice, il faut que je le réécrive et même en le réécrivant et en leur faisant redire en plus, c'est la calamité. Ils en sont encore – là en géométrie – ils en sont encore à dire pour les droites "couchée, debout", je leur dis attention, là vous n'êtes plus en maternelle… "A l'école on apprend des mots, réutilisez-les…" (…) Des fois, on a l'impression qu'ils n'osent pas les prononcer ces mots-là. Ce n'est pas des mots à eux. Mais je leur dis : "si on te les donne à l'école, c'est pour que tu les apprennes et que tu t'en resserves. Ne dis plus penchée mais oblique, ne dis plus couchée mais horizontale". Ce genre de travail… je suis sûre que dans un milieu…(…) c'est dramatique, (rires) je ris mais ce n'est pas croyable. (…) Un jour je me rappelle une petite fille qui revenait du réseau avec son cahier. Je savais qu'elle devait avoir son cahier mais je ne le voyais pas. Alors je lui demande : "où as-tu mis ton cahier ?". Elle ne pouvait que dire : "Ah ben la pluie…". Elle avait mis le cahier sous son anorak et elle n'a pas été capable de le dire. Il a fallu que je lui fasse répéter trois fois : "j'ai mis mon cahier sous mon anorak", elle n'arrivait pas à le dire. Ça se comprend, on sait que les parents ne parlent pas français, on a beaucoup d'enfants qui sont d'un milieu asiatique et ils ont encore plus de difficulté pour parler le français que les enfants du milieu maghrébin…