Entretien E72 Rosalie

Age : 51 ans

Profession : Institutrice en classe de CE2/CM1 (21 élèves, ZEP)

Diplômes : CAP d'instituteur

Rosalie : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Rosalie : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : salle de réseau

Durée : 1 heure 30 minutes

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous l'expression "enfant en difficulté" ?

(…) Une question posée comme ça me pose problème... Je suis comme les enfants, c'est de vivre une situation qui m'amène à mieux les comprendre eux. Vous me mettez en difficulté. J'ai sans doute plein de réponses, mais je ne sais pas les donner. Donc déjà, un enfant difficulté, c'est un enfant qui manque de confiance en lui. Pourquoi je fais ça ? C'est parce que je doute de moi et ça me fait penser au cas d'un enfant que j'ai vu tout à l'heure. Parce qu'il manquait de confiance en lui, il n'arrivait pas à faire et il pleurnichait sur son travail. Je suis allée simplement m'asseoir à côté, le rassurer, il n'a pas de difficulté cet enfant mais on exige beaucoup de lui à la maison. Il a un an d'avance et les parents le poussent.

Dans ce que vous venez de dire pourrais-je garder rassurer et présence pour le fait de vous asseoir à côté de lui ?

Présence, voilà... ça me fait penser à une réunion pour mes filles... (...) je pense qu'en cas de difficulté notre rôle c'est de leur montrer le chemin.

J'ai retenu manque de confiance, doute, rassurer, présence et montrer le chemin. Cela vous convient-il ?

Oui.

Pouvez-vous présenter un enfant en difficulté, un seul, dans votre classe et puis raconter ce qui se passe et ce que vous faites pour cet enfant-là ?

(...) Je vais choisir Alexandre. (...) Il a déjà un passé... il y a eu la maternelle, les classes avant où il a déjà eu plus ou moins des échecs. Il se sent en échec. Il a déjà deux années de retard. Donc, le manque de confiance en lui, c'est sûr et certain... plus ou moins rebuté par le travail purement scolaire et il doute, de façon générale, de l'adulte. Il nous sonde, il nous teste, donc il craint l'adulte et l'enseignant. Ça y est, je me débloque, comme quoi on peut savoir des choses mais il faut se mettre en route... avec ces enfants en difficulté, je joue beaucoup là-dessus, je pense à mon propre vécu... à mes filles (...) Déjà, il change de classe et il faut qu'il s'adapte. Je travaille beaucoup sur le climat de classe, il y aura le relationnel avec la maîtresse directement mais aussi avec les camarades. Parce qu'en général l'enfant en difficulté doute de l'adulte, il est anxieux, il est angoissé... par exemple au carnaval Alexandre passait son temps à taquiner les autres parce qu'il est dans un espace nouveau. "On lui veut du bien ?", "on lui veut du mal ?"... Il faut pour l'enseignant avoir très, très confiance en nous. Il faut être sûr d'où on veut aller et il faut se dire : « tu vas y arriver avec ces enfants ». Il faut être sûr qu'on va les faire avancer, il faut en être persuadé (...). La plupart ont peur de ces enfants-là. (...) Si je suis comme ça c'est que j'ai un neveu caractériel, il a 33 ans, il ne parle pas, il ne parlera jamais. Je l'ai toujours intégré dans la vie de ma propre famille. Il fallait lui accorder confiance, il faut se dire : « ça va bien se passer ». Il ne faut pas angoisser soi-même parce qu'on leur transmet tout ce qu'on ressent. Ils ont des antennes... (...) Les temps ont changé, mais la maîtresse ou le maître a une place ! ... ils nous retrouvent le matin, mais ils nous attendent... surtout ces enfants qui ont besoin d'affection, de sentiments... (...) Il faut éviter que l'enfant décroche totalement parce qu'alors c'est tout perdu. Il se sent inutile, il se sent nul. Quand certains disent qu'il s'en fout parce qu'ils le voient sourire, c'est faux... tout enfant veut réussir, mais il ne sait pas comment... il faut lui donner les moyens, des stratégies particulières mais surtout une présence, qu'il sente qu'on l'aime, qu'on l'intègre. Je travaille sur l'intégration dans la classe en début d'année, faire naître un climat de classe pour qu'ils se supportent les uns les autres... dans le but de s'entraider, en petit groupe, pour que l'enseignant se libère soit pour aller avec le cas particulier, soit pour que l'enfant travaille avec un de ses copains... avoir un copain, c'est quelque chose de très, très important. Alexandre en a un, c'est Erbil et c'est un bon élève (...). Sur le plan pédagogique, je leur raconte des anecdotes, je trouve que ça passe mieux. Par exemple pour la multiplication, quand on multiplie par deux chiffres par-dessous avec trois chiffres en haut, je dis que c'est deux toboggans et qu'il y a trois enfants. On va me dire que c'est enfantin... il y a l'enfant unité l'enfant dizaine et l'enfant centaine. Ils ont des noms de famille différents. Je prends des exemples de famille dans la classe. Là, il y a Marc le plus petit, Élodie la cadette et Jacques le plus grand. Pour se rappeler de la numération, ça, ça marche facilement. Par exemple pour multiplier par 27, 7 c'est le toboggan rouge. Le petit fait son caprice, il veut passer d'abord. C'est l'unité qui passe d'abord, puis le moyen, puis le grand. Et ça fait un étage rouge... vous voyez, je fonctionne comme ça... C'est peut-être puéril mais ça marche...

Quels sont les cinq mots ou expressions qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

Je vois aide à l'enseignant et aide à l'enfant... collaboration, travail en collaboration, je vois un confort pour l'enfant comparativement à l'espace classe... et travail de spécialistes parce que vous êtes spécialisés.

Pouvez-vous détailler un peu plus ? Quand vous dites aide à l'enseignant et aide à l'enfant comment ça se concrétise ?

Aide à l'enseignant, du fait que je vous estime spécialisés, vous avez fait des études, des stages, donc une aide complémentaire... venir nous apporter, ça rejoint la collaboration, de par votre expérience sur le terrain ou de votre formation, nous apporter votre savoir, votre savoir faire de façon à ce qu'on en fasse une synthèse et puis une aide à partir du moment où vous nous prenez les enfants. C'est dans un autre contexte, avec une autre personne... Il y a rien à faire, un enfant pris individuellement ou en petit groupe, ça porte ses fruits. C'est une aide aussi parce que parfois vous nous les débloquez... l'enfant se débloque avec vous parce que vous avez des méthodes particulières, vous avez des façons de les prendre et elles doivent se compléter avec les nôtres... On échange nos procédés pour aller dans le même sens, sur le même chemin. Il y a le côté relationnel qui s'instaure avec vous et qui fait qu'un plus, plus un plus... je le vois comme ça.

Je vais vous demander maintenant cinq mots pour maître E...

Maître spécialisé... rééducation... c'est bien ça, c'est le maître G qui aborde la partie plus pédagogique ?

Non, c'est l'inverse c'est le maître G qui est chargé d'aide à dominante rééducative et le maître E qui est chargé d'aide à dominante pédagogique.

(...) donc pédagogie... travail de groupe... relationnel et psychologie.

Avez-vous eu l'occasion de travailler avec un maître E ?

Jamais.

Avez-vous eu l'occasion de participer à des conseils de cycle dans l'école ou intervenait le maître E ?

Jamais.

Savez-vous comment il procède ici dans l'école ?

Il me semble qu'il doit travailler en parallèle avec le maître de la classe, qu'il doit se tenir au courant du stade où en est le maître avec l'enfant et apporter les petits plus... les petites histoires que je vous racontais, je pense que ce serait tout à fait bien placé... à défaut de les avoir, c'est pour ça que dans des groupes à part j'essaie de trouver des petites stratégies comme ça...

Comment voyez-vous la différence entre sa fonction et la vôtre ?

Je la vois pareil, mis à part qu'ils prennent les enfants en petit groupe et dans un autre cadre, avec un autre bagage, plus d'études approfondies dans le domaine. Mais je pense qu'il fonctionne comme un enseignant qui doit miser sur... ça doit passer... dans un petit groupe, l'enfant en difficulté réagit différemment. D'une façon générale l'enfant a besoin d'une présence et plus l'enfant a des problèmes affectifs, des soucis familiaux ou autres, plus il recherche la présence de quelqu'un (...). Quand on change de classe, quand on va voir une cassette par exemple enregistrée à la télé pour leur faire cibler l'essentiel dans ce qu'on peut voir, ce n'est pas un moment de spectacle mais on en fait des résumés après mais on est dans un autre espace que celui de la classe... ces enfants me collent. Un jour, je pense à des petites filles, elles se bagarraient parce qu'elles n'étaient pas assez près... elles seraient allées jusqu'à me toucher (...). Vous avez des locaux à part et cet espace différent de la classe, ça joue beaucoup, le côté relationnel change du même coup, il y a un côté plus intime, plus chaleureux (...).

Maintenant si je dis maître G quels sont les cinq mots que vous viennent à l'esprit ?

(...) stratégies... je peux remettre les mêmes ?

Oui, oui...

Spécialiste, psychologue, travail du côté relationnel... grande disponibilité.

A partir d'un cas d'enfant de votre classe suivi en rééducation, pouvez-vous décrire le travail du maître G ?

… Je n'ai jamais travaillé avec un maître G. Je ne veux pas dire que j'en ai aucune idée parce que ça devrait faire partie des connaissances de base d'un enseignant... J'aurais pu m'en préoccuper un peu plus mais on nous demande tellement d'en faire... on rame comme on peut dans nos classes... mais c'est vrai que ça aurait été intéressant de savoir comment le réseau procède... (...) Quand un enfant est très fatigable, il faut savoir adapter ses exigences avec lui. J'ai donné à Michel l'autre jour par exemple une fiche où il avait à repérer des mots qui se ressemblent - Michel vient du CP/CE1 de Gilbert qui ne peut plus le supporter. Il reste pour l'instant deux après-midi par semaine dans cette classe -. On voit qu'il se fatigue. S'il fait sa fiche de but en blanc, jusqu'à la fin, comme pour la majorité des enfants... - Il faut bien cerner ce qu'on leur demande... - à la fin il n'en peut plus et il fait n'importe quoi. Sachant ça... il savait qu'il venait et qu'il avait une fiche à faire. Il s'est assis, il s'est mis à faire sa fiche tout de suite. « Je ferai mon jeu après ? » C'est un jeu éducatif d'attention. (...) Je débloquerai par la suite, de temps en temps, un grand pour venir avec lui faire du tutorat... Là, je viens voir s'il avait bien travaillé au bout d'un moment. Il avait fait un sans faute sur trois lignes. Je lui ai dit : « tu arrêtes un petit peu et tu fais un jeu ? ». « Oui ». Il n'en pouvait plus. « Mais tout à l'heure tu recommenceras. Tu vas faire ton jeu. Choisis un modèle». Il a pris un modèle de maison, c'est un jeu de legos techniques et il faut suivre la procédure indiquée sur les livrets. Je ne l'ai pas entendu. Je n'avais pas besoin de lui dire : « arrête, je fais la classe à côté ». Les autres ne le regardaient pas comme une bête curieuse. On est allé en récréation. On est revenu. Il s'est assis tout seul, il a pris sa fiche, il savait qu'il devait la continuer et qu'après il rejouerait. Après, je suis allée m'asseoir un petit moment à côté lui comme je fais avec beaucoup de ma classe. « Alors ? Tu en as oublié un là, regarde bien ». Il n'a pas rechigné. Il l'a trouvé. Après, c'était bien. Il n'en manquait plus. « Voilà, tu peux choisir un autre jeu... ». Il a choisi de faire une moto et il n'a pas fini. Il me dit toujours : « quand est-ce que je reviens finir la moto ? Je lui réponds : « tu sais, il faut attendre que le directeur revienne pour qu'on parle de toi et qu'on décide si tu continues à venir travailler régulièrement dans ma classe. Il reste encore trois nuits avant qu'on parle de toi - il est question d'une déscolarisation pour cet enfant - (...). Je parle avec lui, il ne faut pas les "tricher" non plus (...).

Vous avez dit tout à l'heure que pour vous une façon d'aider les enfants, c'était d'établir des contrats. Pouvez-vous dire en quoi ça consiste exactement ?

Je vais d'abord vous dire que les enfants me disent souvent : « maîtresse, tu es gentille, tu es la plus gentille des maîtresses ».(...) Je ne suis pas si gentille que ça. Mais, il y a des limites clairement posées, il y a un cadre et puis, je pense qu'ils disent "gentille" parce que je les comprends, du moins je les cerne bien... parce qu'ils se sentent compris dans leurs particularités... (...) Pour chacun, il y a une série d'exercices à faire dans la semaine, adaptés aux besoins de chaque élève. Le contrat c'est qu'ils les fassent chacun à leur rythme et qu'ils s'auto-évaluent à l'aide des grilles de correction et d'appréciation. Le scolaire est évalué, mais aussi tout ce qui relationnel (...).

Connaissez-vous les contrats et les projets qui sont mis en place par le réseau ?

Un peu, de loin... je sais que quand on signale un enfant au réseau, quelqu'un vient souvent dans les classes, le psychologue ou le maître E ou le maître G, il y a déjà une petite fiche concernant l'enfant... il peut y avoir aussi des tests, mais je n'aime pas trop, parce que je n'aime pas qu'on étiquette. L'enfant varie tellement... dans le but de savoir comment l'aborder dans les premières interventions. Mais, je ne sais pas bien comment le réseau fonctionne, comment il décide si l'élève sera pris en individuel ou en petit groupe... pour peut-être qu'il ne se sente pas isolé... et puis le réseau établit un projet pour chaque enfant en difficulté. (...)

D'après votre expérience existe-t-il une fonction, soit E, soit G, qui joue un plus grand rôle dans l'école ?

Je dirais que bien souvent, pour ces élèves en difficulté, il faut d'abord travailler beaucoup sur le comportement et sur le relationnel. C'est le gros travail du maître G. Après, la partie pédagogique et scolaire, ça se débloque. Je le vois comme ça.

On parle d'une réforme prochaine des réseaux. Quelle position soutenez-vous par rapport à ça ?

Je ne suis pas au courant. (...)

Les aides E et G pourraient être réunies en une seule fonction, avec une part importante d'intervention dans les classes... qu'en pensez-vous ?

(...) mine de rien, je pense qu'actuellement les maîtres E et les maîtres G travaillent en partie dans les classes et en corrélation. C'est inévitable. Dire qu'on va vous fusionner, ce n'est pas une nouveauté, vous fusionnez déjà, bien que prenant l'enfant à des moments différents. L'enjeu, alors, il est peut-être financier... qu'on vienne nous dire qu'on veut supprimer des postes et faire des économies, qu'on nous le présente comme ça, d'accord. Mais... que les maîtres E et les maîtres G fonctionnent comme actuellement, de toute façon ils fonctionnent ensemble... qu'on ne vienne pas nous dire que ce sera un mieux... de toute façon, le maître doit déjà aider les élèves dans sa classe. Le maître E ou le maître G, ce n'est pas une fée avec une baguette magique. C'est un complément au maître mais le maître doit apporter des arguments, il doit tâtonner... Il est plus longtemps avec l'enfant, les maîtres spécialisés ne sont qu'un complément. Il voit les fruits de leur travail, il les transmet pour les aiguiller davantage... On se complète. (...)

Quels sont les pôles importants, les grandes tâches effectuées par un réseau dans l'année ?

Il y a tout le travail de dépistage, même si je ne suis pas toujours d'accord, (...) les périodes d'observation, les rencontres avec le maître de la classe... décider de la prise en charge, la préparer, parce que je vois que, comme tout, ça se prépare... formation des groupes... échanges en permanence avec le maître de la classe, rencontres systématiques avec les parents, avant pendant et après... et nous aussi rendre compte aux parents du bienfait de ce que fait le réseau... On se complète, c'est dans ce sens-là qu'on doit aller... et puis les bilans de fin d'année. (...)

Savez-vous ce qu'on étudie en formation ? Soit en E, soit en G ?

Non. Hélas...

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

C'est déjà... être à l'aise au milieu de ses camarades et avec son maître... Bien sûr que réussir, c'est obtenir de bons résultats mais bon... mais on peut réussir sans pour autant être le premier de la classe et sans pour autant plus tard être l'élite. C'est oser questionner son maître, c'est avoir le droit de demander de l'aide à ses camarades... C'est savoir communiquer, faire part de son savoir, le transmettre.

Comment voyez-vous l'avenir des réseaux ?

Actuellement, on ne va pas parler politique, mais malheureusement, je les vois en péril parce qu'on nous demande bien de faire de la pédagogie au cas par cas, on nous dit de grandes théories et quand je vois qu'on nous propose des solutions du genre : « il y a cet enfant qui ne fonctionne pas bien, on va le laisser chez lui... parce qu'il n'y a personne qui peut venir aider » donc un avenir menacé... malheureusement en numéro un pour des raisons budgétaires, ça c'est sûr.

Avez-vous d'autres remarques à formuler sur les aides spécialisées à l'école ?

Il serait bien qu'on en ait encore plus. Au lieu de supprimer des postes, ce serait bien qu'on ait plus de personnes pour nous aider.

Et comment considérez-vous les aides éducateurs ?

Ce n'est pas du tout la même chose. Il y a des jeunes filles à l'école qui ont un grand potentiel. Elles sont battantes et elles ont vraiment... je les ai intégrées à ma classe tout de suite. Elles nous aident à travailler en sous-groupe, mais c'est nous qui leur fournissons la matière à travailler. On échange avec elles, ça donne l'occasion à l'enfant de travailler en petit groupe avec une autre personne que la maîtresse, dans le même espace classe. Moi, étant avec mon groupe, j'aperçois ce qui se passe... (...) Mais c'est sur un plan différent par rapport aux personnes du réseau qui, elles, sont des personnes spécialisées. Je ne les méprise pas pour autant. On échange, c'est enrichissant d'avoir leurs avis. Elles me rendent compte de comment s'est passé le travail, elles ont pu les évaluer... (...)

Et comment ça se passe pour les études dirigées ?

C'est dans ma classe. Les études dirigées, elles ne figurent plus à un moment précis dans mon emploi du temps parce que vu la façon dont je fonctionne maintenant, j'ai été obligée de me mettre à fonctionner autrement, à cause de l'année dernière avec les trois cas qu'on m'avait confiés, j'ai été obligée de me lancer dans la gueule du loup parce que je ne voulais pas abandonner ces trois enfants... j'ai commencé à faire travailler ensemble Yann - 10 ans - qui ne savait pas lire et Serpil - pour qui il y avait un PEI - Serpil qui savait lire mais ne comprenait rien... Après, ma classe se formant un peu plus, j'ai organisé des tutorats, j'ai eu justement un aide éducateur qui m'a permis de faire la partie études dirigées. Je la vois forcément avec un enseignant. Ça relève de spécialistes... (...) Je le fais à différents moments de la journée, quand on fait une fiche où on doit suivre des démarches... ils le font d'abord à deux et puis moi j'interviens après. À tout moment de la journée, ça peut s'appeler des études dirigées, à partir du moment où on a obtenu cet esprit de classe, où on se respecte, où on s'aide, où surtout, on ne se moque pas. Ça a été dur, dur pour que je démolisse cet esprit qui venait de la classe d'avant. Quand on se trompe, ce n'est pas pour ça qu'on va se moquer, ce n'est pas pour ça qu'on va continuer à se tromper... moi aussi, je l'ai connu. Quand on est en grand groupe, en réunion, je suis plus gênée pour parler que quand je suis en individuel... on connaît tous ça... un enfant c'est pareil. Il est plus épanoui quand il est en mini groupe. Qu'on ne vienne surtout pas nous supprimer le réseau d'aides spécialisées qui permet à des enfants coincés pour différentes raisons de s'épanouir...

Une dernière question facultative : en quoi votre métier d'enseignante est-il important pour vous ?

Je m'épanouis de plus en plus dans mon métier, et plus je vais vers la retraite, plus j'apprécie mon métier, bien que me fatiguant (...). C'est ce que j'aurais aimé faire et je l'ai fait. (...). Depuis deux ans, j'ai un CE2/CM1. Un cours double, c'est très vivant. Et je peux dire que maintenant je travaille en cycle, je m'y prends différemment. J'ai complètement changé ma pédagogie. Ce n'est pas Allègre ou un autre, c'est les événements, on est obligé de bouger (...) Je ne considère pas mon travail comme un fardeau, je le vis comme un bon moment. Je tire les élèves et ils me tirent, c'est un échange. (...)