Entretien E74 Graziella

Age : 29 ans

Profession : Professeur des écoles - Classe de CM1

Diplômes : DEUG de Psychologie

Graziella : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Graziella : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : salle de classe

Durée : 1 heure

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous l'expression enfant en difficulté ?

En ZEP, pour moi, c'est difficultés liées à la langue, manque de concentration, problèmes liés au niveau socioculturel des parents... problèmes psychologiques... difficultés de l'enseignant.

Pouvez-vous développer ce que vous venez de dire ?

Au niveau psychologique, je trouve qu'on a beaucoup d'enfants dont les difficultés relèvent de la pathologie, donc nous on est un peu impuissant vis-à-vis de ça... même le psychologue scolaire ne peut que constater le problème, pas le résoudre... après on dirige vers des structures autres qui ne répondent pas franchement, je trouve, à nos besoins et à la pathologie du gamin. En plus, ça dépend des parents, donc souvent ils traînent des deux pieds et ça n'avance pas. Par rapport au manque de concentration, je pense que c'est aussi lié à l'environnement familial. Les familles ne prennent pas le temps de se poser avec leurs enfants et de faire un truc, en continu, sur un temps limité, de commencer et de finir. Finalement on retrouve la même chose en classe, le gamin n'arrive pas se poser. Les difficultés liées à la langue... dans ma classe, sur 17 enfants, j'en ai cinq dont les parents parlent à peu près le français parce qu'ils sont français d'origine. Le reste, c'est tous des étrangers. Le français n'est pas parlé correctement à la maison, donc on ne peut pas demander aux enfants après d'avoir un vocabulaire, de faire des phrases avec une syntaxe correcte... et moi, je me sens en difficulté pour récupérer tout ça.

Pouvez-vous choisir un enfant en difficulté avec qui vous avez eu l'occasion de travailler ? Pouvez-vous présenter la situation et dire ce qui se passait avec lui ?

Il faut en choisir un ?

Oui... un seul.

J'ai eu une gamine, Mélanie. Les parents étaient des gitans sédentarisés. Ils habitaient dans les HLM, là. Ils ne savaient pratiquement ni lire ni écrire. La gamine en CM1 avait un niveau de CE1 en lecture. Elle était suivie par le réseau depuis x. années. Moi j'étais en difficulté vis-à-vis d'elle parce que pour tout ce qu'on fait au niveau du CM1, il faut être assez bon lecteur. Au niveau de l'écriture, c'est la même chose. Là, elle est en très grande difficulté et mon problème c'était de lui donner du travail qui corresponde à son niveau scolaire. Elle était très, très démobilisée par rapport au travail scolaire. Le raisonnement de la famille c'était de dire que si Mélanie ne savait pas lire, elle apprendrait avec son mari quand elle se marierait. Et puis, un tas de problèmes sociaux très, très importants. C'était Zola... elle avait une sœur qui s'était fait violer par le copain, elle ne savait pas si elle était enceinte du copain ou d'un autre... c'était vraiment catastrophique. Les parents partaient tous les week-ends dans les caravanes au bord du Rhône et on ne prenait pas le cartable parce que ça tenait trop de place. Moi je me suis trouvée impuissante par rapport à une gamine comme ça. Elle lisait seulement quand on se mettait à côté d'elle et qu'on la faisait travailler. C'était une épreuve fantastique pour lui faire lire un texte. Tous les apprentissages fondamentaux du CM1, on ne peut pas les faire parce qu'il y a tout le reste qui aurait dû être fait auparavant. Elle travaillait un peu avec Martine dans le réseau, donc elle lisait avec elle mais tout le reste... elle arrivait à faire de la copie, en maths elle avait un petit niveau, elle se débrouillait mais tout ce qui était français c'était une catastrophe.

Et quels étaient les liens entre le travail organisé par le réseau et ce qui se passait dans la classe ?

Il n'y en avait pratiquement pas parce que le niveau était tellement faible que c'était du basic qu'elle faisait au niveau du réseau, de la lecture, de la compréhension, et puis des choses de la vie courante, qu'on doit prendre sa douche tous les jours, qu'on se coupe les ongles parce que c'est tout noir et que c'est sale, qu'on doit manger correctement à tous les repas, pas entre les repas, pas des cochonneries enfin du basic quoi. C'était plus éducatif et surtout basé sur la lecture. Le lien on le faisait parce qu'on essayait de voir à quel niveau elle en était, s'il y avait une progression et si moi après, en classe, je pouvais lui donner des choses plus compliquées, si dans ce que je faisais, elle pouvait quand même récupérer des choses pour elle... mais comme il y avait des lacunes très, très importantes, en fait, il n'y avait pratiquement pas de liens avec le travail de classe.

Et quand vous travaillez ensemble, comment procédez-vous ?

On se fait une petite réunion de synthèse pour discuter des problèmes, soit on prend un temps entre midi et deux, soit on en discute le plus souvent pendant les récréations pour faire le point. Et c'est assez fréquent.

Elaborez-vous des documents qui garde trace du travail effectué ?

Mélanie en avait un, moi je n'ai rien. La gamine a un cahier exprès pour aller chez Martine.

Avez-vous un projet fait en commun dans lequel vous notez les raisons d'une demande d'aide, les objectifs poursuivis, les moyens mis en œuvre etc. ?

Non, il n'y a pas de projet commun. Nous, on ne rentre pas directement dans ce qu'ils font avec les gamins. Elle avait fait un bilan au niveau des problèmes et puis elle faisait une médiation en fonction de ces problèmes-là. Moi, je n'avais pas bien réfléchi à ce que je pouvais donner de ce que je faisais en classe... enfin le lien avec elle. Par contre, pour des enfants moins en difficulté, ça se fait. On réfléchit ensemble. Par exemple, en ce moment avec Yasmina qui a de gros problèmes, j'ai demandé à Martine qu'elle travaille plus au niveau du vocabulaire parce que c'est une gamine qui cherche énormément ses mots, qui est limitée pour un dialogue de tous les jours. Là, je lui ai demandé de faire un travail plus basé sur le vocabulaire. Avec Mélanie, c'était tellement faible que c'était plutôt de la lecture... pour avoir une gamine qui lit au moins couramment.

Quelle est l'incidence du travail fait par le réseau pour vous dans la classe ?

Moi je ne peux pas bien quantifier, ni voir au niveau qualitatif. Je n'ai pas bien le moyen d'évaluer. Et le réseau, c'est rare quand il intervient dans ma classe, parce qu'en général il s'occupe des petites classes. Après, même s'ils ont encore besoin d'aide, comme les petites classes sont prioritaires, on ne prend pas les gamins. Là pour Mélanie elle avait été suivie toute l'année et elle était vraiment trop faible. Pour Yasmina, c'est aussi exceptionnel, il se trouve que Martine avait une plage horaire qui s'est libérée, donc moi je me suis engouffrée et elle me l'a pris. Mais en général, les gamins n'y vont pas. Par exemple Yasmina, je dirais que c'est plus pour un épanouissement général de la gamine parce qu'elle n'est pas très à l'aise ni avec ses camarades ni avec moi quand il faut avoir un dialogue. Quand on fait de la lecture, il y a beaucoup de vocabulaire qu'elle ne connaît pas. Le travail de Martine, là, ce serait se substituer au travail des parents. Par exemple hier elle l'a prise, on a fait une poésie de Victor Hugo où on parlait de bruyère, là, Martine lui a amené une petite fleur de bruyère qu'elle va garder et elle l'a collée dans son cahier de poésie. Elle avait déjà collé du houx parce qu'elle ne connaissait pas la plante non plus... C'est des choses de tous les jours que des parents, normalement...

Quelle est la fonction précise de Martine dans le réseau ?

Je n'en sais rien du tout. Elle est rééducatrice, c'est tout ce que je sais... si Mélanie, il y a eu une amélioration du niveau de lecture. Entre le début de l'année et la fin d'année, l'évolution a été importante. Mais par rapport à toutes ses capacités, il y avait tellement de retard qu'on ne pouvait pas... déjà si elle avait une lecture correcte, c'était déjà bien.

Maintenant si je dis RASED, quels sont les cinq mots ou expressions que ce sigle évoque pour vous ?

Pour moi, c'est un peu... je suis partagée. Autant il y a des choses qui nous aident et autant il y a des fois où je trouve ça complètement inutile, non pas inutile mais... je ne vois pas le mot...

Pourrait-on retenir ambivalence ?

Oui, tout à fait. Et puis utilité et inefficacité... c'est aussi une détection, on détecte des difficultés et mais on n'arrive pas forcément à remédier. C'est plutôt : voyez ce qui dysfonctionne et à vous de jouer. Je trouve que c'est très, très flagrant. Je ne sais pas si c'est parce que j'ai une formation psy mais c'est très flagrant pour le psychologue. C'est quelque chose qui me révolte un peu parce que j'arrive à détecter une détresse ou un problème important. Le seul travail que fait le psychologue, c'est de quantifier, d'évaluer cette détresse ou ce problème et ça s'arrête là. Pour moi, c'est très frustrant.

Existe-t-il des relais avec d'autres membres du réseau ?

Si, parce qu'après qu'on a passé des tests et qu'on a évalué où se trouvaient les difficultés, on voit avec les rééducatrices. Mais sur des problèmes psychologiques purs, il n'y a pas de remédiation. La remédiation se fait à l'extérieur au CMP et je la trouve inefficace au possible.

Cela voudrait-il dire que selon vous le psychologue devrait faire des suivis d'enfants?

Voilà. À l'intérieur de l'école. C'est vrai qu'on dit souvent qu'il vaut mieux que ce soit quelqu'un d'extérieur pour qu'il y ait une relation plus efficace, pour qu'il y ait une meilleure prise en charge de la pathologie, mais moi je trouve que les gens de l'extérieur ne sont pas compétents... et puis en plus il y a les parents qui largement n'y vont pas...

Quand vous disiez utilité vous faisiez allusion à quoi pour le réseau ?

Nous, on a des besoins concrets sur une classe. On a tant d'enfants qui sont en difficulté. Je me demande si des entretiens comme ça en individuel, je me demande si c'est efficace. Nous, notre réseau, on ne bénéficie pas de la classe d'adaptation. Je me demande si une classe adaptation ce n'est pas plus, c'est peut-être qu'on voudrait ce qu'on n'a pas, mais je me demande si ce n'est pas plus efficace parce qu'à ce moment-là on agit par petit groupe d'enfants qui ont les mêmes difficultés et on peut... il me semble qu'on peut agir sur plus d'enfants, parce que là c'est tout le temps en entretiens individuels. C'est vrai qu'il y a des enfants chez qui ça va bien par exemple Yasmina, elle a besoin de cette relation duelle parce que ça la rassure, c'est bon pour elle. Mais d'autre part, nous, on a besoin de quelque chose d'efficace. Je ne suis pas sûre qu'on est à cent pour cent de l'efficacité, de façon à avoir des résultats dans nos classes. (...)

Quels sont les cinq mots que vous garderiez pour maître E ?

D'abord, il faudrait que je sache ce que c'est parce que je ne sais pas.

Un maître E dans les textes, c'est l'enseignant qui est chargé d'aide à dominante pédagogique.

Donc ce serait la CLAD ?

Il peut travailler effectivement soit en classe adaptation, soit en regroupement d'adaptation, avec un fonctionnement très proche des rééducateurs en intervenant sur plusieurs écoles et en travaillant avec les enfants en tout petit groupe.

Si ça ne me dit pas grand-chose, c'est parce que je n'ai jamais fonctionné avec un maître E.

Pour synthétiser, quel mot ou expressions puis-je garder ? Méconnaissance ? "Ça ne me dit rien ", jamais travaillé avec ?

Oui, je connais le nom des catégories mais je ne sais pas à quoi ça correspond parce que je n'ai jamais travaillé avec, il n'y a jamais eu de travail en commun... on pourrait rajouter dynamique de groupe, ça me paraît évident qu'en petit groupe, les interactions sont plus bénéfiques... et puis je ne sais pas... parce que tout ce qui est spécialisé, ça ne m'intéresse pas professionnellement pour l'instant, je ne me suis jamais posée la question, on connaît plus les gens par leur prénom (rires) que par leur fonction purement administrative...

Maintenant si je dis maître G quels sont les cinq mots ou expressions que vous retenez ?

Là, ça serait travail individuel avec l'enfant, pour moi et pour l'école, ce serait substitut des parents... parce que certaines familles sont tellement "maltraitantes" entre guillemets qu'il faut bien que quelqu'un donne une chance à l'enfant qui est pris là-dedans. Ce serait aussi piège de la relation duelle parce que le but ce n'est pas qu'il aille bien dans une relation à deux mais c'est son attitude en classe qui compte et puis c'est tout.

Pouvez-vous, d'après votre expérience et ce que vous en savez, caractériser la différence entre maître E et maître G ?

C'est plus par rapport à la structure d'accueil, je dirais que c'est la différence entre travail individuel et travail en groupe et puis je dirais que les rééducatrices travaillent plus sur un ensemble, sur la personnalité globale de l'enfant c'est-à-dire autant le moteur que le travail scolaire, que la vie de tous les jours tandis que le maître E travaille plus sur le scolaire dans une forme de soutien par rapport au groupe classe.

Quelles différences voyez-vous alors entre le maître E et le maître généraliste dans sa classe, s'ils font tous les deux du scolaire ?

C'est par rapport à la demande. Le maître dans sa classe à un groupe classe à faire avancer, il n'a pas toujours le temps de prendre des enfants en difficulté et puis de les faire progresser, d'adapter, de donner des choses plus spécifiques par rapport aux difficultés des enfants. Le maître E est là pour ça.

On parle d'une réforme prochaine des réseaux. Quelle position soutenez-vous par rapport à ça ?

… Je ne peux rien dire...

Les conclusions des rapports Gossot et Ferrier de l'inspection Générale penchaient vers un rapprochement des fonctions E et G, avec une présence importante dans les classes.

En ZEP, il me semble qu'on a besoin d'eux mais leur efficacité n'est pas à cent pour cent. Mais on est peut-être trop exigeant. A la limite, ici, on aurait besoin du psychologue à plein temps, qu'il soit sur deux écoles mais pas plus. Il est débordé. J'aimerais qu'il soit plus efficace au niveau de l'aide à apporter aux enfants, il n'a pas le temps... C'est pareil, les rééducatrices bossent beaucoup, elles ont plein d'écoles... si elles étaient à plein temps chez nous, ce serait bien. Et puis on aimerait bien profiter d'une classe adaptation aussi. En ZEP, on a des besoins énormes par rapport au niveau des gamins et à ce qu'on nous demande au regard du nombre d'enfants qu'on a dans les classes. Qu'on regroupe ou qu'on ne regroupe pas, je m'en fiche, ce que je voudrais c'est qu'il soit à plein temps sur une ou sur deux écoles à la limite mais pas plus.

Est-ce qu'il y a une fonction qui joue un plus grand rôle d'après vous ?

Non. Non, je ne pense pas. Chacun a sa tâche.

Est-ce qu'il aurait des désavantages à réunir ces deux fonctions en une seule ?

Je ne sais pas... le boulot que font Martine et Viviane a sa raison d'être et il est différent de celui d'une maîtresse de CLAD. Je ne pense pas que ça soit utile de regrouper le tout. C'est bien qu'il y ait une spécificité des deux cotés parce que je n'ai pas l'impression qu'on leur demande non plus le même travail. J'ai peur que si on regroupe les deux, qu'il n'y ait plus qu'une chose qui reste et que l'autre s'efface... c'est-à-dire aussi qu'il y ait des postes qui disparaissent. Il me semble que c'est bien de garder les deux parce qu'on a besoin des deux.

Savez-vous comment travaillent ensemble les E et les G ?

Non, pas spécialement. Elles se réunissent souvent. Il y a un fonctionnement bizarre chez nous. Comme la maîtresse de CLAD travaille dans un autre groupe scolaire, nos rééducatrices ne vont pas là-bas. Donc, il y a partage du territoire mais ce n'est pas bon pour nous, parce que nous on ne bénéficie pas de la structure CLAD et ça nous arrangerait et ce n'est pas bon non plus pour l'autre groupe parce qu'il ne bénéficie pas non plus des rééducatrices et des avantages à ça. Pour Yasmina par exemple, je pense qu'elles ont communiqué et adapté leur prise en charge en fonction de ce qu'avait dit la maîtresse de CLAD mais en dehors de ça je ne sais pas...

Comment s'effectuent les indications ? Qui décide de qui travaille avec qui ?

Ici... c'est elles qui décident. De ce que j'ai compris, elles voient les enfants à partir de la maternelle, elles évaluent les difficultés, elles font passer des tests et tout ça. Et en fonction de la personnalité du gamin, de ses difficultés et puis de leur propre personnalité, elles décident de qui travaille avec qui.

Connaissez-vous leurs critères ?

Non, ça je ne sais pas.

Pouvez-vous classer les grandes tâches qui incombent au réseau au cours de l'année?

Non, je ne peux pas. Le gros du boulot, je pense, c'est le début d'année parce qu'il faut qu'elles évaluent les besoins. Après, il y a le suivi sur l'année et après il y a les bilans. (...)

Etes-vous sollicitée pour l'évaluation des actions conduites par le réseau ?

Non.

Pouvez-vous citer les trois livres ou auteurs principaux qui sont recommandés pour la formation E ?

Non.

Idem pour les G ?

Idem.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

Epanouissement de l'enfant, pas forcément un niveau scolaire top... après ce serait une bonne orientation en fonction de la personnalité... c'est tout.

Pouvez-vous préciser davantage ?

Des enfants épanouis, c'est des enfants qui sont contents de venir à l'école, qui fonctionnent en autonomie, qui savent évaluer leurs difficultés et essayent de mettre en place des choses pour y remédier. C'est être à l'aise dans son corps... (...) et dans sa tête pour qu'ils puissent construire quelque chose de d'aplomb par rapport aux pathologies familiales qu'on a.

On dit que l'enseignant et le premier acteur de l'aide dans sa classe. Comment vivez-vous cette affirmation au quotidien ?

Pfff...(...) je ne sais pas ce qu'il nous faudrait. On a déjà les réseaux mais... ce qui pourrait nous aider le plus c'est des effectifs un peu moins importants. On en a encore discuté dans la classe hier, on était sept pour faire des maths et ils m'ont dit : « qu'est-ce qu'on est bien ! Là, je n'y arrive pas, et puis tu m'expliques, il faudrait que ce soit tout le temps comme ça ». C'est vrai que l'effectif me pose problème. Si on était dix ce serait très bien et on pourrait faire un travail efficace. Les aides éducateurs, c'est un leurre, c'est un moyen malhonnête de cacher le chômage, de nous aider ponctuellement et puis après ça se casse la figure parce que la plupart du temps ils trouvent du travail et tout ce qu'on a mis en place se casse la figure et après il faut après réadapter notre façon de travailler et recommencer tout seul... il n'y a que ça, le réseau et les aides éducateurs après le reste...

Et vous, quelle est votre part dans l'aide ? Quel est par exemple le rôle des études dirigées ?

Ici elle est nulle. Vous voulez dire les études extrascolaires ?

Non, les études dirigées qui sont de la responsabilité de l'enseignant, qui sont organisées pendant le temps scolaire.

Alors moi, je ne le fais pas. C'est marqué dans mon emploi du temps, c'est plus si j'ai une inspection qu'autre chose... je n'ai pas le temps, je n'arrive pas à boucler tout ce que j'ai à faire dans ma semaine. Là, on va avoir une période de contrôle. On revient sur les choses essentielles qu'on va travailler plus spécialement en contrôle. On rappelle les choses, on refait des exercices, on rabâche... ça représente normalement une demi-heure tous les jours, moi je préfère passer du temps sur mes leçons, sur toute ma journée, en continu. De toute façon, c'est fait normalement pour que les enfants puissent faire leur travail qu'ils ont pour le lendemain pendant la classe, pour qu'il n'y ait pas de déséquilibre par rapport aux enfants qui sont aidés à la maison et ceux qui ne le sont pas. La plupart du temps, ils n'ont pas de travail à faire pour le lendemain. Quand ils en ont, c'est une leçon à apprendre, c'est des choses qu'ils peuvent faire tout seul, ils n'ont pas besoin de l'aide des parents (...) donc les études dirigées, ça ne sert à rien.

Quelle est l'importance du réseau d'aide dans les conseils de maître, des conseils de cycle etc. ?

Chez nous elles assistent pratiquement... elles choisissent les écoles où elles veulent participer aux conseils. Les années précédentes, il y avait un peu de problèmes relationnels avec le directeur de l'école donc elles n'assistaient pas à tout... cette année elles ont toujours été présentes.

Qu'est-ce que ça vous apporte ?

Déjà leur avis qui est important pour nous. Quand on a de grosses difficultés, qu'on doit faire des signalements pour un gamin, on en discute ensemble, elles nous donnent leur avis. Ce n'est pas toujours... on a quelquefois le revers de la médaille, parce qu'elles ont quelquefois des positions très arrêtées. Par rapport aux difficultés qu'on a nous, on ne pense pas les mêmes choses qu'elles. Je pense à un enfant qui a posé des problèmes. Pour les maîtres, il relevait plus un établissement spécialisé. Et il y avait un refus, un blocage au niveau de la communication à propos de cet enfant. Il y a eu un refus du réseau pour orienter cet enfant et ça a fait beaucoup de problèmes (...). Je pense qu'elles voudraient le moins possible orienter les enfants, pouvoir les laisser dans un cycle normal le plus longtemps possible. Mais quand on a une classe à gérer, il faut tout prendre en compte. (...)

Comment voyez-vous l'avenir des réseaux ?

Au niveau purement économique, je pense que ça va disparaître. Si la profession ne se mobilise pas pour pouvoir les garder, je pense que ça disparaîtra parce que ce ne sont pas des gens efficaces, ils n'ont pas de classe... si on ne se méfie pas ça disparaîtra.

Qu'est-ce que c'est pour vous être efficace ?

C'est l'instituteur titulaire de la classe qui peut dire : « oui, ça a été efficace, je vois la différence en fin d'année. J'ai un gamin qui est mieux dans sa tête, qui est mieux dans ses apprentissages... il y a une évolution. » Il n'y a que l'instit titulaire qui peut le dire.

Et que dites-vous à propos des élèves qui ont été aidés ?

Ce que j'en dis ? ça n'a aucune importance... (hausse le ton) Enfin, on n'a jamais de reconnaissance, que ce soit quelqu'un qui travaille au niveau du réseau ou le titulaire de la classe il n'a jamais la reconnaissance de qui ce soit par rapport au travail qu'il fait. On est satisfait quand un gamin a fait une scolarité normale, quand on sait qu'il s'est bien débrouillé et qu'il va passer dans la classe supérieure. Mais c'est tout. La hiérarchie de l'école primaire, c'est une inspectrice au-dessus qui tape sur les doigts quand le cahier de l'instituteur n'est pas tenu comme il faut. Et puis c'est tout. Il y a que quand ça dérape qu'on a un retour de bâton. Quand tout fonctionne bien, il n'y a jamais de retour. Le retour, on ne peut se le faire qu'ensemble entre instits... (...)

J'ai terminé mon questionnaire mais peut-être avez-vous des remarques à ajouter sur les aides spécialisées à l'école ?

Non, non.

Une dernière question facultative : en quoi votre fonction d'enseignante en ZEP est-elle importante pour vous ?

La priorité pour moi, je ne dirais pas que c'est alimentaire, parce que ce n'est pas que ça. Je gagne ma vie correctement, mais le gros avantage par rapport au privé c'est que je peux m'occuper de mes enfants. C'est une priorité pour moi et après je suis bien dans une classe et je suis bien avec les gamins et j'aime ça... (...)