Entretien E75 Elisabeth

Age : 43 ans

Profession : Institutrice en classe de CM2

Diplômes : CAP d'instituteur, CAEI option Déficients Intellectuels

Elisabeth : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Elisabeth : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : Bureau du directeur

Durée : 1 heure 5 minutes

Note : Mme K. avait oublié l'heure de rendez-vous (midi ou 16 h 30). Elle avait eu très peur à midi d'avoir fait une erreur sur le lieu ( école X ou Y ?). Elle me reçoit avec une satisfaction manifeste.

(...) Le maître du CP suivait ses élèves en lecture en CE1 l'année d'après et le maître du CE1 se spécialisait en maths intervenait en C et suivait ses élèves en CE1 en maths Et puis il y avait trois maîtres qui se spécialisaient sur le CE2/ CM1 /CM2 - on avait donc déjà pressenti les cycles à cette époque – et suivaient leurs élèves aussi en spécialisation, français, maths, éveil. Trois maîtres se partageaient les élèves du cycle 3, maintenant qui s'appelle le cycle 3, qui à l'époque n'existait pas. Toute l'équipe était partie prenante pour intégrer les enfants de la classe d'adaptation dans l'école. Donc ils étaient intégrés dans leur classe d'âge l'après-midi en sport, en musique, en techno, en art plastique et le matin ils suivaient dans leur classe de niveau, c'est-à-dire que j'établissais leur niveau scolaire et ils suivaient dans leur classe de niveau le matin en français et en maths et je les prenais en tutorat trois heures par semaine c'est-à-dire que je faisais ce que maintenant on appelle la méta cognition, je le faisais déjà avec eux une fois par semaine, on faisait le point sur où ils en étaient, comment ils apprenaient, où ils étaient encore en difficulté.

Avez-vous écrit là-dessus ?

Non, c'est resté très microcosmique...

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous l'expression "enfants en difficulté" ?

Patience, écoute, évaluation, remédiation, orientation.

Pouvez-vous préciser chacun de ces termes ?

La patience, c'est l'enseignant qui doit en avoir... envers l'enfant. C'est l'attitude que doit avoir l'enseignant par rapport à ses enfants, tout ce qu'on doit mettre comme pédagogie autour. Voilà.

L'écoute ?...

C'est aussi pour l'enseignant ça aussi. Si on n'est pas à l'écoute de ce que demande l'enfant, de ce qu'il est et de ce qu'il veut, on ne réussit pas.

L'évaluation ?

Si on n'arrive pas à évaluer les difficultés, où elles se trouvent et si on ne part pas de ça, ça ne peut pas faire.

Remédiation ?

Ça c'est tout le boulot de l'enseignant... Il faut qu'on arrive à les amener plus loin. Donc il faut qu'on trouve aussi en pédagogie quoi faire pour les faire évoluer.

Et puis orientation ?

Ça c'est le problème crucial dans l'Education Nationale, c'est : "Quelles sont les structures mises en place ?", "Quand orienter les enfants ?", "Comment les orienter ?", "Quoi leur proposer ?"... Par rapport aux parents aussi, ça pose des problèmes, par rapport aux enfants et par rapport aux enseignants. Je crois que c'est un des gros problèmes que je rencontre dans l'Education Nationale.

Pouvez-vous prendre un exemple d'enfant en difficulté que vous avez eu l'occasion de rencontrer dans votre vie professionnelle et puis exposer ce qui se passait avec lui?...

Rien qu'un ? Dur... Il faut que ce soit pertinent par rapport à ce que je défends ou est-ce que ce doit être le quotidien ?

Au libre choix...

Cette année, un enfant, Marius, il est en CM2, il a déjà un an de retard... gros échec de lecture, grosses difficultés pour écrire pour se situer dans sa vie familiale... Il se retrouve en CM2 alors qu'à mon avis il a beaucoup de possibilités. Je me dis : "à quel moment on a raté ?" Et moi qui suis maintenant en CM2, "qu'est-ce que je peux lui proposer ?" Alors on a fait appel au psychologue scolaire et l'orientation, ça a été la SEGPA. Le problème qu'on a rencontré c'est que l'image de la SEGPA – il a son frère au collège -... il sait que les enfants sont rejetés. Alors ce qui a été mis en place dans l'école... On travaille par spécialisation, on a des groupes d'aide, on se débrouille pour que les deux classes de CM2 éclatent en quatre groupes et le groupe d'enfants le plus en difficulté se retrouve à 6. Tout au long de l'année on a essayé de l'aider mais la sanction est tombée : c'est la SEGPA (panne de magnétophone)

Pour revenir au travail fait avec le petit groupe de 6 élèves en difficulté, quelles sont les activités proposées, par qui etc. ?

C'est au niveau des maîtres de CM2. Il y a le directeur qui a une demie décharge qui s'inscrit dans ces groupes, c'est surtout en lecture, c'est une fois par semaine, on fait des cycles de six séances à peu près avec une évaluation au début, une autre à la fin, en variant le type de lecture. A chaque fois Marius se trouve dans le groupe des plus faibles et c'est généralement moi qui prends ce groupe puisque j'ai un passif (rires)... ça c'est en lecture. Sinon en français c'est dans la classe. Avec l'autre maître de CM2 on essaie une fois par semaine aussi d'éclater les deux classes et de les répartir en trois groupes : un groupe qui travaille tout seul, le groupe des moyens avec l'autre maître et le groupe des faibles avec moi aussi. Là on travaille sur le quotidien, sur ce qui doit être acquis en CM2.

Est-ce que vous faites parfois appel au réseau d'aides ?

Le réseau d'aides n'intervient pas au cycle 3.

C'est un principe chez vous ?

C'est le principe du réseau d'aides sur la circonscription, oui. Du temps où je travaillais, j'acceptais d'intervenir au cycle 3. Quand je suis rentrée dans le réseau, c'était un des principes, une priorité de la circonscription, de l'inspecteur – et même nationale, je crois – c'est d'abord prendre les difficultés en amont chez les petits, cycle 2, chez les moyens, chez les grands CP/CE1 et si on a du temps au cycle 3. C'est vrai que je me débrouillais toujours pour avoir du temps au cycle 3, ne serait-ce que pour essayer de créer une dynamique auprès des collègues des écoles où j'intervenais. Là cette année, ils ont tellement de cas au cycle 2 qu'ils ne peuvent pas intervenir au cycle 3. J'exagère parce que la maîtresse G a dû prendre une ou deux fois dans l'année un enfant du CE2 qui a de gros problèmes de comportement. Mais elle ne prend pas Marius. Il n'a été vu que par le psychologue qui a fait un examen psychologique.

Et par le passé, a-t-il été suivi par le réseau ?

Alors, c'était un enfant qui était ici dans cette école. Nous à l'époque, la classe d'adaptation était dans l'école voisine. La fusion entre les deux écoles n'existe que depuis deux ans. Et par le passé, il n'a pas été suivi par le réseau, je ne pense pas...

Parce que ça allait bien ? Parce qu'il y a eu un effondrement récent ?...

Je ne sais pas... C'est ce que je me suis dit : "à quel moment le système a fait que cet enfant n'a pas été pris en charge ?", "Pourquoi cette année seulement va-t-il voir un orthophoniste ?". L'année dernière, le maître a réussi à la convaincre d'aller voir un psychologue, la maman m'a dit que la rencontre avec le psychologue n'avait pas été bonne, bref elle a arrêté... Il y a un suivi familial qui est assez haché. Le papa est très malade. Je crois qu'il est en phase terminale de cancer. Moi, j'ai eu le sentiment que l'enfant s'est arrêté. Il veut arrêter le temps. Il veut arrêter le temps Marius, alors il a arrêté. Il ne lit pas parce que l'écrit c'est une trace... C'est de la psychologie à la petite semaine... (rires)

Quand j'évoque maintenant le sigle RASED, quels sont les cinq mots ou expressions qui vous viennent à l'esprit ?

Ça c'est mon vécu. J'ai eu deux ans de RASED... Alors ça a été travail d'équipe, je crois aussi qu'il y a aussi une certaine coupure de la réalité de l'école...

Oui, travail d'équipe, coupure de la réalité de l'école... encore trois mots ou expressions ?

Solitude, oui pour moi ça a été la solitude, reconnaissance ça concerne les collègues dans les classes. Un cinquième ? Je vais être dure tant pis, inefficacité.

Je vais vous demander de préciser...

Ici le réseau d'aide sur la circonscription, on se retrouvait très régulièrement, tous les psychologues, tous les maîtres E, tous les maîtres G et on parlait des difficultés qu'on rencontrait et on faisait des synthèses et les difficultés étaient vraiment prises en compte par le grand réseau et par le petit réseau.

Qu'est-ce que vous appelez grand réseau et petit réseau ?

Nous étions 12 personnes. Un petit réseau, c'est un psychologue, un maître G, un maître E qui travaillent sur une même école et il y en a quatre sur la circonscription. Et on se retrouvait ensemble une fois par mois et on parlait des difficultés. Ça, je reconnais, ça marchait bien, les synthèses de petit réseau étaient efficaces, on parlait des difficultés rencontrées dans l'école, c'était bien...

Alors coupure de la réalité de l'école ?

J'ai senti qu'en deux ans, petit à petit la réalité de la classe m'échappait complètement. J'ai senti cette fuite de la réalité de la classe. Ce n'est pas pareil de travailler en grand groupe et de travailler avec un ou deux enfants. Très vite on a tendance à se taire... ou à renvoyer à l'instit des choses qu'il ne peut pas entendre. J'avais ce sentiment-là petit à petit. Et solitude parce que le maître E est à mon avis... est seul parce que pas reconnu vraiment des autres maîtres. Mais ça c'est mon vécu de maître E, pas mon vécu d'instit, c'est un peu ambivalent... En tant qu'instit, ils sont très loin aussi, le réseau est très loin pour moi. Mais en tant que maître E, il fallait que je fasse énormément d'efforts pour dire aux instits "je suis là et je les connais vos élèves et je travaille moi aussi".

Et inefficacité ?

Les enfants que je prenais... Soit les enfants sont des cas trop lourds et je ne les prenais pas en disant aux instits que je ne pouvais pas. Et les instits ne comprenaient pas. Si je les prenais, je n'étais pas efficace. Soit les enfants que je prenais aussi bien j'intervenais en doublette dans la classe, j'aurais été bien plus efficace en faisant des groupes, plutôt que de le sortir de la classe... Je suis sûre que j'aurais été un maître supplémentaire dans l'école, je suis sûre que j'aurais été plus efficace que ce maître un peu parachuté qui sort l'enfant de la classe, qui le coupe de sa réalité de classe, qui lui fait faire d'autres choses, moi j'étais un peu mal à l'aise là... Mais ça c'est mes convictions de pédagogue...

Est-ce que vous avez parfois travaillé dans la classe en tant que maître E ?

Oui, oui, pendant deux ans, j'ai proposé ça et des collègues ont accepté que je travaille en doublette avec eux.

Et quels étaient les avantages d'un tel fonctionnement ?

On travaillait surtout en expression écrite au cycle 2 et ça a été formidable parce que travailler en expression écrite avec un petit groupe de 15 ou 12, si on plus on avait la chance de pouvoir dédoubler encore... en expression écrite je crois que ce qu'on a fait en doublette, ça a porté ses fruits. Mais j'étais en porte à faux avec le travail du réseau parce que moi je décidais que je faisais partie de l'équipe. C'était quand même une prise de position assez solitaire dans le réseau. Est-ce que je me fais comprendre ? Et j'ai préféré partir parce que ce n'est pas ce que... l'ambiance... ce n'est pas la tendance du travail du réseau...

Maintenant si je dis maître E quels sont les cinq mots qui vous retenez ?

Tout à l'heure, c'était réseau... Je me suis un peu trompée, j'ai amalgamé...

Mais non, non, ça peut être les mêmes mots...

Alors jubilation à cause de la relation privilégiée que l'on peut avoir avec les enfants, ça c'est sûr, solitude, c'est sûr aussi, désinvestissement. Mais ça c'est mon travail, je suis mal parce que là je parle de mon travail de maître E et je parle aussi de la vision que j'ai moi du maître E cette année.

Mais c'est justement votre expérience multiforme - à l'intérieur et à l'extérieur - qui m'intéresse... C'est un regard très multiple et intéressant à ce titre...

C'est ça très multiple... Qu'est-ce que j'ai dit déjà ?

Donc jubilation, solitude, désinvestissement...

Travail d'équipe, il me semble que c'est important de dire que le maître E doit faire partie de l'équipe et puis inefficacité.

Pouvez-vous développer un peu ?

Jubilation, ce sont les remerciements que les enfants... "Toi tu es la maîtresse qui aide", les remerciements, cette relation privilégiée avec la personne avec qui l'enfant est en réussite... Voilà ça c'est jubilatoire. Le reste j'en ai déjà parlé.

Et qu'entendez-vous précisément par le terme "aide" ?

C'est une fois qu'on a bien ciblé ce dont avait besoin l'enfant, c'est jouissif aussi ça... une fois que le maître E sait ce qui fait défaut, il peut apporter quelque chose, c'est important.

Pouvez-vous donner des exemples de ce qui est apporté ? Comment cela se manifeste-t-il au concret ?

Aider l'enfant à se situer dans l'école.

Si on prend un enfant particulier, comment avez-vous fait pour que cet enfant se situe mieux dans l'école ?

Eh bien, lui apprendre à lire (rires)... l'aider à se situer dans sa famille, l'aider à reprendre des relations avec sa maîtresse, l'aider à amener sa maman à l'école, faire que tout s'organise pour qu'il soit heureux à l'école et qu'il soit en réussite. Ce n'est pas très précis comme aide... (rires)

Mais ce sont des champs, des grandes lignes de travail... Et quand vous étiez maître E quels étaient les liens que vous aviez avec le maître de la classe de cet enfant par exemple ?

...

Comment ça se passait entre vous ?

Si on veut que ça réussisse, il faut avoir une grande complicité avec le maître de la classe, il faut passer beaucoup de temps, il faut aller aux réunions, il faut aller aux conseils de maître, il faut préparer les séances ensemble, il faut prendre du temps pour discuter de l'enfant, il faut sonner aux récréations dans la salle des maîtres, il faut proposer des activités, il faut vraiment être très présent, qu'il y ait une grande complicité.

Et comment ça se passait avec ce maître-là ?

Bien... (rires)

Et au niveau du travail que l'enfant faisait, est-ce qu'il y avait des liens entre ce qu'il faisait à l'extérieur et dans la classe ?

Alors en expression écrite, c'était flagrant, on travaillait vraiment ensemble, en lecture, je prenais systématiquement le contre pied de ce que faisait l'instit en classe. Si je sentais que l'instit faisait beaucoup de global, généralement le gamin en analytique il était perdu alors je faisais de l'analytique et si au contraire l'instit et l'enfant étaient très forts en analytique, moi systématiquement je faisais du global, enfin je faisais du sens, du texte, l'écrit qui partait de lui, je me positionnais comme ça et je le disais très clairement à l'instit, donc il fallait que je sache parfaitement ce que faisait l'instit dans sa classe au CP surtout, parce que les interventions après que je faisais au cycle 3 en expression écrite et en lecture c'était plus axé dans le projet d'école et le projet d'équipe du cycle 3. Je m'inscrivais dedans comme une instit supplémentaire en fait.

Quelles sont les différences qui vous apparaissent entre le travail du maître dans sa classe et le travail du maître E ?

Il y a la réalité et il y a mon désir.

Vous pouvez parler des deux...

La réalité je l'ai quittée, alors je ne vais parler de mon désir. Mon désir c'est que le maître E ait de la disponibilité, du temps, de l'écoute... permette à l'instit - il a un regard différent sur le groupe, sur l'enfant - et permette à l'instit d'avoir du temps et des moments privilégiés avec ses élèves. C'est vrai que c'est important d'avoir le temps de lire, de rencontrer des spécialistes qui travaillent autour de l'enfant et ça le maître E l'a. Mais moi je dis que ce serait aussi bien qu'il y ait un échange et que le maître de la classe puisse l'avoir ce temps. Donc si le maître E pouvait permettre que dans une équipe à tour de rôle on ait le temps, on ait du temps, on ait du recul, ce serait formidable... Je dis que le maître E c'est une personne qui peut... Un maître E doit avoir envie que les élèves soient en réussite. Sur l'équipe, ce doit être lui qui doit motiver, créer des situations, voilà... Mais c'est très difficile...

Avez-vous eu le sentiment d'y parvenir dans votre position de maître E, antérieurement ?

Je suis partie parce que c'était difficile...

A cause de l'ambiance ? Des directives actuelles concernant les réseaux ? Autre chose?

Si les deux, mais je n'ai jamais été très claire. Effectivement je me suis sentie un petit peu en porte à faux avec le fait qu'on ne devait pas intervenir en cycle 3 et que moi j'intervenais... chaque fois ça créait des remous au sein de l'équipe.

Maintenant si je dis maître G, quels sont les cinq mots qui vous viennent à l'esprit ?

Spécialiste mais... gouffre, solitude, écoute, relation école / famille.

Je vais vous demander de développer...

Spécialiste... Il s'occupe de quelque chose qui est quand même.. Enfin l'inspecteur affirme que ce n'est pas de l'enfant dont on s'occupe mais de l'élève mais je crois quand même qu'il s'occupe beaucoup de l'enfant, le maître G. Et ils ont intérêt à savoir où ils mettent les pieds. Gouffre, quand ils prennent un enfant et qu'ils l'aident – mon œil extérieur – je me demande s'ils n'ont pas peur de savoir où ils vont atterrir. Pour moi ça fait gouffre...

Et pour écoute, relation école/ famille ?

Ecoute, je dis que c'est un élément très important pour la relation parce que souvent ces enfants-là sont des enfants dont les parents ne viennent pas à l'école. Et j'ai toujours vu que les maîtres G arrivaient à faire que les parents viennent parler avec eux et petit à petit ils viennent dans l'école. Je pense que les maîtres G sont une charnière qui est plus dans la relation, l'attitude de l'enfant.

Pouvez-vous présenter un cas d'enfant suivi par un maître G soit un enfant de votre classe, soit en synthèse ?

Je n'ai jamais eu de maîtres G qui ont pris de mes élèves mais par contre, oui en synthèse, j'ai travaillé très régulièrement avec un maître G.

Est-ce que vous pouvez présenter un enfant aidé par un maître G, ce qui a été fait pour lui et comment ça s'est passé ?

En synthèse la maîtresse G brossait un portrait très pointu de l'enfant et était toujours très attentive à ce que pouvait renvoyer le psychologue ou la maîtresse E sur ce qu'elle disait. Ce qui a été fait ? Je ne sais pas trop ce qui se passe en séance. Je connaissais leurs objectifs, je connaissais le temps qu'elles allaient prendre avec les enfants, je pouvais intervenir quand j'avais besoin de précisions mais c'était plus pour les aider, sinon je sais qu'elles travaillent beaucoup en direction des parents, très régulièrement elles rencontrent les parents et les instituteurs très régulièrement aussi, comme le maître E d'ailleurs.

Avez-vous eu accès au contenu précis des séances ?

Ah, eh bien je sais que leur salle est pleine de jeux, qu'elles travaillent beaucoup sur le corps, sur tous les jeux symboliques, elles font parler les enfants... Mais tout ça, c'est loin de moi... Moi, je suis pédagogue.

Est-ce que vous pourriez exposer les principales différences entre maître E et maître G ?

Je ne peux pas, je suis une pédagogue et j'essaie de mettre en situation les enfants pour qu'ils soient en réussite sur tout ce qui est mathématique, français, lecture. La maîtresse G pour moi travaille avec les plus petits et travaille sur leurs... difficultés à être... Je ne sais pas répondre...

Est-ce qu'il y a des glissements de pratique, des E qui fonctionnent comme des G et inversement ?

Dans le réseau où j'ai travaillé, non. Je sais que les maîtres G ont peur qu'il y ait des prises de décision au niveau national pour que les maîtres G quittent leur statut de G et s'occupent plus de tout ce qui est scolaire. C'est une crainte que j'ai entendue.

Et que pensez-vous de cette perspective-là ?

En travaillant deux ans avec elles, je me dis qu'elles ont une place ces maîtresses G qu'il faut conserver, qui est très difficile à être reconnue par les instituteurs. Mais je pense... ou alors il faudrait qu'il y ait un psychologue par école ou pour deux écoles et qu'il puisse jouer ce rôle de tampon, de lieu un peu spécifique où l'enfant peut se retrouver avec quelqu'un qui fasse autre chose que du français, des maths... Ce lieu-là je pense qu'il est important.

Est-ce qu'il y a une fonction - E ou G - qui a un plus grand rôle pour les équipes enseignantes ?

... Pour ma pratique, pendant deux ans, je me dis qu'on a chacun une place... Moi je crois qu'on pourrait transformer la pratique du maître E vers plus d'intervention avec les maîtres et les équipes dans les classes, plus près, et que le maître G moi je l'aime bien ce rapport qu'il a, un peu à part, avec un lieu un peu spécial, moi j'aime bien ça, savoir qu'il y a un lieu un peu spécifique où l'enfant vraiment en perdition puisse prendre une goulée, une bouffée d'oxygène.

Quelle est la place de l'IEN dans le réseau ?

Il est venu assez régulièrement, une fois par trimestre, il venait en réunion de grand réseau, on a un projet avec la circonscription, on a travaillé avec l'inspecteur pour ça. Il est assez présent, il connaît bien les enfants en difficulté. Il a de bonnes relations avec les psychologues. L'IEN est très attaché aux enfants en difficulté.

Est-ce que vous pouvez citer les trois livres ou auteurs principaux qui sont recommandés lors de la formation E ?

Je l'ai passé en 81 !

Alors sur quoi vous semble-t-il important de travailler pour se préparer à cette fonction ?

La métacognition, les auteurs alors là... j'ai rencontré des psychanalystes qui m'ont beaucoup apporté en tant que maître E. J'ai aussi beaucoup aimé travaillé avec le GFEN. Voilà.

Même question pour la formation G ?

Non, là je ne sais vraiment rien...

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

La joie, l'autonomie, les parents, le milieu social, l'équipe.

Oui... pouvez-vous développer un peu ?

La joie, c'est par rapport à l'enseignant, ça fait toujours plaisir de voir un enfant en réussite et je pense qu'un enfant qui est en réussite est un enfant joyeux. Autonomie, ça me semble complètement lié à la réussite, un enfant autonome sera en réussite un jour ou l'autre et un enfant en réussite est autonome. Voilà.

Et parents, milieu social ?

Je me dis qu'un enfant en réussite souvent a des parents intéressés par ce qu'il fait, qui sont présents à l'école, qui sont partie prenante dans son statut d'élève.

Et puis équipe ?

Il faut que ce soit un pari d'équipe la réussite. Il faut que ce soit toute l'école qui ait envie que les enfants soient en réussite, tout le groupe d'enseignants.

De façon bien plus générale, comment considérez-vous la place et le rôle des aides proposées à l'école ?

Mais toute aide est bienvenue ! Plus on est de fous plus on rit... Elles doivent être multiples, diversifiées, spécifiques... Je suis trop vague ? (...) Quelles aides ? Il y a les aide éducateurs, ça c'est une aide, comment je les considère ? Je dis que c'est un drôle de bébé qu'on nous a refilé là. Quelle autre aide ? Le réseau, il y a encore du chemin à faire... Quelle autre aide ? Les parents qui viennent à l'école, il faut encore creuser dans ce sens... Il y a les relations qu'on peut avoir avec la maison pour tous, les aides aux devoirs, c'est vrai que ça aide pas mal dans notre quartier. L'aide que nous apporte la conseillère pédagogique et notre formation ? Elle est loin la conseillère pédagogique mais quand on l'appelle elle est là pour nous aider quand on a besoin de livres ou d'idées.... L'inspecteur c'est une aide aussi quand on a de trop grosses difficultés avec les parents ou avec les enfants, il est là, il vient... Quelle aide encore on a ? Quelle aide on apporte nous aux enfants ? C'est notre travail d'équipe, il y a aussi une aide spécifique de relation individuelle, on essaie d'aider en essayant de créer dans l'école une ambiance, ça c'est tout le travail d'équipe pédagogique.

Pouvez-vous revenir sur les aide éducateurs ? Vous avez parlé de "drôle de bébé"... Pouvez-vous détailler ?

Oui, ce sont des jeunes qui ont cru... Je crois qu'on les a floués, dans la mesure où ils n'ont pas de formation, ils sont dans une école, il faut que nous instituteurs, on les forme, on n'a pas le temps pour les former... On est déjà saturé de réunions, on rencontre les parents, on organise notre classe... Ils ont beaucoup de bonne volonté mais dans cinq ans qu'est-ce qu'ils vont devenir ? Ils s'en rendent compte maintenant... Je trouve qu'ils ont une position très difficile et nous la position qu'on a avec eux elle n'est pas claire. Rien n'est clair, les statuts ne sont pas clairs, ce qu'on peut leur demander non plus... Est-ce qu'on peut leur donner des groupes ? Parfois c'est oui, parfois c'est non. Est-ce qu'ils peuvent prendre les enfants en difficulté ? Parfois c'est oui, parfois c'est non... Ils doivent avoir un projet personnel mais il faut qu'ils s'inscrivent dans le travail d'équipe... Ils ne sont pas beaucoup payé... Ce n'est pas facile la relation entre l'équipe et les aide éducateurs... Et pourtant "On n'a qu'à le faire faire aux aide éducateurs" !... C'est trop facile, c'est trop facile... Il ne faudrait pas qu'ils deviennent des instituteurs au rabais. Je crains que dans quelques années il y ait les professeurs d'école qui organisent le travail pédagogique et puis qu'ils balancent le travail à faire aux "manards" qui seraient les aide éducateurs. Je crains que la fonction publique sombre dans de drôles de choses...

Comment voyez-vous l'avenir des réseaux ?

Je ne veux pas le savoir...

J'en ai terminé avec mes questions, mais peut-être avez-vous d'autres remarques à ajouter sur le sujet des aides à l'école ?

Je crois que je n'en ai pas...

Une dernière question facultative, en quoi votre fonction d'enseignante est-elle importante pour vous ?

C'est merveilleux d'être enseignant, c'est un métier où on est tout le temps en recherche, où on a des enfants en face de soi, c'est de la vie à l'état brut, où on les aide, où on travaille en équipe – enfin j'ai choisi l'équipe où je travaille, c'est des gens que j'aime beaucoup -. (...) Je ne dirais pas que c'est ma vie parce que j'ai ma vie familiale mais... c'est jubilatoire... être enseignant, j'aime beaucoup mon métier, oui vraiment... Des petits bonshommes à qui on apprend à lire et à écrire qui nous renvoient tout le temps aux choses essentielles, qui nous posent toujours les vraies questions, qui nous laissent jamais être faux, c'est merveilleux, non ?