Entretien E76 Fabienne

Age : 35 ans

Profession : Professeur des écoles en classe de CM2 (25 élèves, ZEP)

Diplômes : BTS en Economie sociale et familiale, CAPE

Fabienne : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)
Fabienne : cursus professionnel (cf. légende profils de carrière A1 pp. 43-44)

Lieu : chez l'interviewée

Durée : 1 heure 30 minutes

Note : L'accueil a été particulièrement convivial.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous l'expression "enfant difficulté" ?

Echec scolaire, problèmes de comportement, agitation, difficultés psychologiques, difficultés d'adaptation.

Pouvez-vous préciser tout ce que vous entendez par ces mots ou expressions ?

Echec scolaire, c'est l'enfant qui n'arrive pas à obtenir un niveau suffisant malgré les aides qu'on peut apporter personnellement, il n'arrive pas à obtenir soit la moyenne, soit faire les exercices qu'on lui propose. Dans tous les domaines, il n'arrive pas à réussir. Les problèmes de comportement, ce sont les enfants qui sont souvent agressifs, agités, qu'on arrive difficilement à contrôler, qu'on arrive à contrôler pendant quelques minutes puis ensuite ça dégénère, de l'agitation en classe, des problèmes de bagarre dans la cour... des enfants qui ont des problèmes avec les règles de vie et qui n'arrivent pas à rentrer dans ce mode de fonctionnement d'une classe.

Difficultés psychologiques, difficultés d'adaptation ?

Alors c'est peut-être parce que je rencontre beaucoup d'enfants dans ce cas-là, vu la population que je touche, beaucoup d'enfants ont des difficultés dans leur famille. Sur 25 élèves par exemple j'en ai treize qui sont de familles éclatées. Souvent ils ne sont pas bien dans leur peau, on voit qu'il y a quelque chose, ils se mettent à pleurer pour rien, des jours où ils sont très agités ou alors ils sont repliés sur eux-mêmes... ou une remarque va les faire éclater ou il y a des crises d'angoisse... (...)

Je vais vous demander de choisir un enfant difficulté dans votre classe. Pouvez-vous présenter sa situation, dire ce qui se passait, ce qui était fait pour lui ?

Je vais prendre un que je viens signaler. Il n'est pas encore pris en charge. Ça ne fait rien ? Parce que j'en ai d'autres qui sont pris en charge... Pascal, c'est un enfant qui est dans cette école simplement depuis septembre. J'ai mis un peu de temps à le connaître. C'est un enfant qui est immature pour un CM2, qui physiquement est petit, menu, donc on a un peu tendance à le considérer comme un bébé. Je ne l'ai pas signalé de suite, je me suis dit : « il va peut-être évoluer ». C'est un enfant qui pose énormément de problèmes parce qu'il a beaucoup de possibilités, enfin beaucoup... il a des possibilités, il pourrait réussir s'il voulait mais il a un comportement inadapté au CM2. Par exemple, lorsqu'il y a le silence, lorsqu'on fait un exercice bien calmement, il a l'air de ne pas supporter le silence donc il se met à me faire des grimaces, des petits bruits etc., il est constamment en train de jouer et très agité. J'ai fait venir la maman, on a discuté. Il s'avère qu'il a un papa qui est toxicomane, les parents sont séparés, le papa a dû être placé dans une maison pour une cure de désintoxication. Cet enfant ne voit plus son papa depuis plusieurs mois. La maman m'a dit ici qu'ils étaient passés en correctionnelle donc il devrait le rencontrer au cours du mois de mai en terrain neutre deux fois, mais ça n'a pas encore été fait pour le moment. Je sais que c'est un enfant en souffrance psychologique, puisque lui aimerait rencontrer son papa mais toute la famille de la maman fait pression pour dire « ton papa, il a fait ci, il a fait ça ». Moi, je lui dis à l'école : « c'est vrai que c'est ton papa, tu as le droit de l'aimer, tu dois l'aimer, lui il t'aime sûrement ». C'est un enfant, avec les difficultés qu'il a, qui a beaucoup de problèmes à l'école. C'est un enfant que j'ai signalé parce que justement les résultats scolaires dégringolent du fait de cet état là, que rien ne soit fait à la maison... la maman est pour qu'il rencontre son papa mais elle n'a pas l'air de trop se bouger puisqu'il ne l'a pas encore rencontré... elle a de la difficulté pour rencontrer la psychologue scolaire. Elle n'a pas rempli le mot tout fait où il lui est dit de téléphoner à Mme Rodriguez. Elle n'a pas encore fait la démarche alors qu'elle m'avait dit : « oui, oui, aidez-moi, je ferai ce que vous me direz, j'ai besoin d'un soutien ». Voilà.

Au niveau de l'école, de l'équipe d'enseignants, est-ce qu'il y a eu des choses qui ont été mises en place pour essayer de résoudre les difficultés de cet enfant ?

Au niveau de l'équipe, pour l'instant il n'y a que moi qui ai agi avec cet enfant. En début d'année, il venait de changer d'école, il avait l'air de bien se trouver chez nous. Ça me posait moins problème. Là, le directeur est au courant, on échange beaucoup par rapport aux enfants. Le directeur, ponctuellement, lui parle un petit peu, le secoue etc. mais par exemple il ne rencontre pas le maître adaptation ni qui que ce soit du réseau pour le moment. J'ai simplement rencontré l'équipe du réseau avec ma feuille de signalement. On en a parlé pour justement le prendre en charge. La psychologue attend que la maman prenne rendez-vous. Je l'ai fait maintenant, parce que je pense que c'est un élève que je garderai l'année prochaine. Et je souhaite qu'on puisse partir le plus tôt possible avec une aide. C'est vrai peut-être qu'il aurait eu besoin plus tôt d'une aide psychologique mais le temps de les connaître, de savoir ce qui se passe à la maison... (...) ça dépend des instituteurs, il y en a qui ciblent très rapidement les difficultés d'un élève, moi je sais que j'ai toujours besoin d'un temps... je me dis toujours : « ça va évoluer »...

Maintenant, quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous le sigle RASED ?

Psychologie, aide, soutien, adaptation, réunions.

Pouvez-vous développer toutes ces idées ?

Psychologie parce que pour moi le RASED pendant longtemps ça a été la psychologue scolaire. Souvent, je pense que ça passe d'abord par elle, c'est elle qui fait les bilans. Aide, soutien, parce qu'on pense de suite au réseau lorsqu'on se sent démuni et qu'on ne sait plus trop comment s'y prendre, qu'on voit qu'on a besoin d'une aide extérieure. Le soutien, c'est plus soutenir l'élève par rapport à son vécu scolaire. On n'y arrive pas seul, on a besoin du soutien d'un autre pour les apprentissages ou autre chose. Adaptation, c'est le maître d'adaptation qui fait partie du réseau. Un de ses rôles principaux est de faire en sorte que ces enfants qui sont en difficulté s'adaptent au milieu scolaire. Il faut essayer de tout faire pour les adapter, où les ré- adapter.

A-t-il une classe fermée ou fonctionne-t-il en regroupement d'adaptation ?

Il fonctionne en regroupement, il prend les enfants deux par deux ou par trois, au CP, au CE 1. Dans la journée, il a un roulement.

Et réunions ?

Réunions, parce que ça pose énormément de problèmes. On a toujours envie d'échanger, on a toujours beaucoup de choses à se dire, on se voit, on se court après : « il faut que je te dise ci... », « je n'ai pas le temps, pendant midi, ce soir... ». C'est quelque chose de difficile à gérer et pourtant on a conscience que ça ne peut marcher que si on se réunit, que si les instituteurs et le réseau se réunissent mais de façon bien établie et pas entre deux portes comme on le fait souvent. On échange souvent entre deux portes, par exemple dans la salle des maîtres : « et au fait pour truc où est-ce que tu en es ? ». Cette année, on a essayé de fonctionner plus en réunions établies : « ce soir réunion avec le réseau pour parler de tel enfant ».

Est-ce dans le cadre de conseil de cycle ou de conseil de maître ?

C'est souvent en plus, souvent pendant midi. C'est une demi-heure à quatre heures et demie. Tout monde a conscience que ça doit marcher comme ça, sinon ça ne se passe pas très bien.

Pouvez-vous dire ce qui se passe dans une réunion, à partir d'un cas d'enfant ?

Pour Samir, toujours le même cas, j'y suis allée à midi, il y avait le maître d'adaptation, la rééducatrice et la psychologue. Je viens avec ma fiche de renseignement, parce qu'elles y tiennent. Elles me demandent : « pourquoi veux-tu signaler cet enfant ? Qu'est-ce qui t'alarme ? Où sont les problèmes ? Peux-tu les cerner ? Etc. ». Je parle de l'enfant, la psychologue dit alors : « Il est nécessaire que je rencontre d'abord la maman avec l'enfant, après on verra ce qu'on peut faire pour lui ». C'est d'abord un échange. Après on définit un moment de rencontre entre l'enfant et la psychologue qui va faire un bilan et qui dira : « là il devrait être aidé par la rééducatrice etc. ».

Participez-vous à la décision du type d'aide à retenir ?

Oui, alors... moi je ne suis pas trop concernée. C'est surtout les maîtresses du cycle 2 qui se réunissent beaucoup. Oui, oui, la décision est prise avec elle.

Maintenant, je vais vous demander encore cinq mots pour maître E...

Apprendre autrement, revoir les bases, petit groupe, manipulation, communication particulière, un échange particulier avec les enfants.

Pouvez-vous expliquer davantage ?

Apprendre autrement parce qu'à mon avis quand on voit qu'un enfant est en échec, notamment sur les bases par exemple en numération, qu'il faudrait tout reprendre depuis le début, on se rend compte pour ces enfants-là qu'un système classique, même si maintenant on fait moins de magistral, si ça n'a pas fonctionné pendant quatre ou cinq ans, on se rend compte qu'il faudrait reprendre autrement, avec d'autres méthodes, en jouant. Je pense que le maître adaptation est apte à faire ça. C'est son rôle, trouver une méthode qui soit plus ludique, plus visuelle... essayer de reprendre les bases avec ces enfants-là, autrement.

Vous parlez aussi de manipulation...

Manipulation, parce qu'il a une classe avec toujours plein de bacs et de briques... lorsqu'on passe devant cette classe, on voit que les enfants manipulent beaucoup.

Petit groupe et communication particulière ?

On voit toujours le maître d'adaptation avec les deux ou trois petits loupiaux autour. C'est une relation privilégiée. Il peut se permettre avec ce petit groupe une communication particulière, il fait beaucoup d'humour. Les enfants échangent beaucoup avec lui et arrivent à dire des choses qu'ils ne disent pas en classe ou en grand groupe. C'est très bien pour les enfants. Le maître adaptation nous redit après et ça aide tout le monde.

Pouvez-vous préciser les différences entre le travail du maître généraliste et le travail du maître E ?

Le travail du maître E consiste à voir où ça pêche chez l'enfant et essayer par la manipulation ou des choses plus ludiques d'arriver à débloquer les enfants. Le maître généraliste rentre dans une façon qui correspond plus à tout le monde, un peu plus magistrale, un peu plus théorique. Le maître E essaie de suite quelque chose d'assez ludique. Celui que je connais fonctionne beaucoup avec le jeu.

Pouvez-vous prendre un exemple d'enfant de votre classe suivi par un maître E et décrire ce qu'il faisait ?

Il vaudrait mieux voir avec le cycle 2, parce qu'avec moi ça n'a pas très bien fonctionné. Chaque fois que je demandais au maître E de reprendre mes élèves en mathématiques par exemple, 2 petites filles pour qui la numération... dès qu'on arrive à 10.000 ça bloque complètement... souvent, j'en arrivais à du soutien. Ça se traduisait par du soutien alors que ce n'était pas ça que je voulais. C'était peut-être difficile de reprendre ça, c'est peut-être pour ça que ça n'a pas bien fonctionné. Par exemple, il leur a fait faire des fractions. Moi, je manipule beaucoup avec des cubes, avec des gâteaux et j'aurais voulu qu'il reprenne ou qu'il trouve autre chose. Or il a fait du soutien, il a repris ce que j'avais fait. C'est difficile. Finalement en fin d'année elles n'y allaient plus. A mon avis, sur le cycle 2, il a plus de billes. Et puis il débute aussi. Ça a été assez comme ça : « est-ce que je prends tes filles le vendredi après-midi ? ». C'était le petit créneau qu'il avait pour le cycle 3. On appelait ça «le petit coup de pouce ». Et, je ne les ai plus envoyées parce que je trouvais qu'elles étaient peut-être mieux en classe et, lui, se rendait compte qu'il faisait du soutien. Il n'avait pas ce rôle de reprendre d'une autre manière. Voilà.

Avez-vous parlé de ce problème-là ensemble ?

J'en ai parlé un petit peu avec le directeur, mais je pense qu'on va faire le point en fin d'année. Je pense qu'on s'est compris de toute façon. Je lui ai dit : « tu vois, je les garde cet après-midi, prends plutôt des petits etc. ». Revoir les tables de multiplication, c'est inutile, parce qu'elles ne les savent pas du tout. C'est pareil, il avait des stratégies pour retenir les tables de multiplication, sous forme ludique, on peut retenir les tables de multiplication mais pour ces gamins-là c'est encore plus difficile de retenir le jeu que d'apprendre par cœur... apprendre par cœur, ça doit se faire à la maison, ce n'est pas le rôle du maître E... La psychologue m'avait dit par exemple : « oh là là, elles ne savent pas soustraire, elles ne savent pas leurs tables de multiplication... tu n'as qu'à demander au maître E». C'est un peu difficile, justement il va falloir qu'on recadre ça, comment on peut plus aider les plus grands. Les maîtresses de CP et de CE1 sont très contentes de son intervention pour la lecture... et nous, et lui et moi, on ne sait pas trop.

Mais cette insatisfaction est restée quand même implicite entre vous ?

Oui, mais c'est aussi une question de temps. On a un énorme projet théâtre et ça m'arrange aussi. Lui aussi, quelque part... mais on n'a pas encore fait le bilan.

Si je vous dis maintenant maître G quels sont les cinq mots qui vous viennent spontanément ?

Maître G, c'est ?

On les appelle aussi rééducateurs...

Je n'ai pas affaire avec elle mais... projet particulier... histoires, individuel, le jeu... un peu d'inconnu, c'est difficile à cerner.

Je vais vous demander de préciser un peu tout ça... projet particulier ?

Projet particulier, je le ressens comme ça, parce que je ne travaille pas avec elle. Contrairement au maître E qui a plusieurs élèves, elle est en projet particulier avec un enfant. En plus, c'est quelqu'un qui cerne très bien et très vite un enfant. Elle a beaucoup de bouteille, elle a beaucoup d'expérience. On a l'impression que pour chaque gamin, elle a son truc. Histoires, parce que j'ai l'impression qu'elle fait beaucoup raconter aux enfants, elle leur fait écrire des contes, c'est ce que j'entends, elle leur fait écrire des histoires et elle prend beaucoup en compte aussi histoire des enfants. Jeu, c'est pareil, on a l'impression qu'il y a toujours un tas de petits trucs, qu'elle va jouer, toujours ce côté ludique qui n'existe pas en classe et qui leur apporte beaucoup de choses. En ce qui concerne le manque de connaissances, c'est peut-être parce que je ne travaille pas avec elle que j'ai du mal à cerner la différence avec la psychologue. L'inconnu, c'est la définition de son rôle. Quand on dit : « tel enfant doit voir la rééducatrice », là, je patauge un peu. Il faudrait que la psychologue me dise : « il faut qu'il aille voir la rééducatrice ». Je ne peux pas savoir quand est-ce que je peux orienter un enfant vers elle parce que pour moi c'est l'inconnu. Autant on peut dire d'un enfant : « psychologiquement, il n'est pas bien, il est mal dans sa peau », autant la rééducatrice, c'est quoi en plus ? C'est quoi en moins ? Par rapport à la psychologue, qu'est-ce qui est différent ?

En avez-vous entendu parler lors de votre formation à l'IUFM ?

Sûrement, puisque je me souviens avoir entendu l'intervention d'une psychologue scolaire, avec qui j'ai travaillé après sur le terrain et qui nous avait présenté toutes ces choses... mais j'avoue que c'est resté très théorique et que j'ai oublié comme beaucoup de choses. On se rend compte, une fois qu'on est dans le bain, qu'on est sur le tas.

Est-ce que la différence entre E et G a du sens pour vous ?

Oui, mais c'est parce qu'ils ont des personnalités très différentes. La rééducatrice est une femme qui est de nombreuses années d'expérience. Le maître G (lapsus) c'est un homme qui commence. La différence, je la sens dans la mesure où la rééducatrice cerne très vite les enfants, on la sent très proche d'eux sur le plan individuel. Le maître d'adaptation a un côté plus scolaire, plus apprentissage.

Que savez-vous de l'articulation du travail entre le maître E, maître G et psychologue au sein du réseau ?

Justement, je ne sais pas trop. Ils se réunissent beaucoup tous les trois, pour parler de leur travail je pense. Par exemple, lorsqu'on signale un enfant, je pense que le psychologue fait le bilan des besoins des enfants ensuite elle doit parler avec la rééducatrice et le maître E : « cet enfant aurait besoin plutôt de toi ou plutôt de toi.. ». Pour moi, c'est ça, la psychologue d'abord qui, d'après son bilan, parle d'un projet à monter.

Etes-vous associée à ces projets construits par le réseau ?

On en est informé, on n'est pas avec eux quand ils se réunissent tous les trois, juste de temps en temps. Par contre, ils font le bilan et ils nous disent...

Qu'est-ce que ça vous apporte à vous en tant qu'enseignant ?

Ça nous apporte énormément. On s'est battu pour avoir un maître d'adaptation. On était dépassé par l'ampleur du phénomène. On avait énormément d'enfants en difficulté, en échec et qu'on n'arrivait pas à gérer, notamment au cycle 2. On a beau vouloir faire de l'enseignement individualisé, on n'y arrive pas tout le temps. La difficulté est tellement importante pour certains enfants qui par exemple ont déjà redoublé le CP, qui ne savent encore pas lire au CE1, que pour les instituteurs ça devient très difficile à gérer. On avait vraiment besoin de quelqu'un qui soit dans l'école et qui prennent régulièrement les enfants les plus démunis sur le plan scolaire. J'ai un directeur qui s'est vraiment battu pour ça et ça a marché. C'est surtout le cycle 2, elles sont très, très contentes de pouvoir avancer avec ceux qui avancent et qu'il y ait une aide extérieure, que les enfants en difficulté soient sortis de la classe à un certain moment pour reprendre, pour retravailler, refaire autre chose. C'est positif. Il y a une instit... pour qui ça pose un problème. Elle est bientôt à la retraite, et elle a beaucoup de mal à lâcher ses élèves : « il va manquer la lecture, quand veux-tu que je rattrape ? Etc. ». On a beau lui dire : « mais il en refait de la lecture ou du calcul, mais autrement, il ne faut pas que tu lui fasses rattraper... ». Elle a du mal à accepter ça. Ça arrive dans toutes les écoles... mais ici en général tout fonctionne bien.

Pensez-vous que les aides apportées par le réseau viennent en parallèle de ce qui se fait dans la classe où au contraire sont-elles harmonisées avec ce qui se fait ?

Je crois que pour le cycle 2, c'est très harmonisé. Je les entends souvent quand ils boivent leur café dans la salle des maîtres : « avec les deux, je vais travailler comme ça, est-ce que tu crois que ce serait bien ? ». Ils échangent beaucoup. En cycle 3, c'était plus en parallèle : « la numération, ça ne marche pas, je ne sais pas comment m'y prendre, est-ce que tu la reprends avec elle ? », « Oui, oui » mais sans plus de concertation. En sortant : « à tes filles, je leur ai fait faire ça ou ça ». D'accord, je reconnais... mais je crois qu'avec le cycle 2, ça se passe très bien. Ils travaillent bien ensemble.

On parle d'une réforme prochaine à propos des réseaux. En avez-vous entendu parler?

Non.

Les deux derniers rapports de l'inspection Générale, les rapports Gossot et Ferrier, remettent en question les fonctions E et G. Ils sont favorables à un travail dans les classes et à un rapprochement entre les deux fonctions. Quel est votre avis sur la question ?

Franchement je ne sais pas du tout (...). Moi je pense que ça fonctionne bien comme ça quand même. Que le maître E vienne en classe de temps en temps, ça me semble bien. Tout le temps, ça va être très lourd pour les instituteurs parce qu'on a beau dire : « ça ne fait rien, on se connaît, tu viens, tu regardes » je pense que ponctuellement c'est important de voir comment un enfant rentre dans un apprentissage ou justement n'y rentre pas parce que dans le groupe classe ça ne va pas... ponctuellement ça peut être bien. Par contre, pour les maîtres G... non. Moi dans le réseau, c'est elle que je trouve la plus efficace, d'après ce que disent les collègues... Alors qu'ils ne fassent qu'une fonction des deux, non. A mon avis, la rééducatrice laisse un peu le côté apprentissage pour faire autre chose et elle ne peut pas faire ça dans la classe, alors que le maître d'adaptation travaille d'une autre manière sur les apprentissages. Je pense que ce serait dommage de faire un seul corps et de perdre le plus efficace.

Avez-vous une idée des livres ou auteurs principaux qui sont recommandés lors de la formation E ?

Aucune idée... peut-être Meirieu

Même question pour la formation G ?

Un côté plus psychologique, qui est vrai aussi pour les maîtres E, même peut-être aussi le côté médical... mais je ne me suis jamais posée la question.

Quels sont les cinq mots qu'évoque pour vous la réussite à l'école ?

Réussite dans les apprentissages, adaptation au groupe, la citoyenneté, c'est un mot à la mode mais c'est ça, pouvoir entrer dans des règles de vie communes à tous, le bien-être, l'envie de continuer d'apprendre.

Comment voyez-vous l'avenir des réseaux ?

C'est quelque chose que je vois se développer. J'ai toujours été en ZEP, dans des quartiers très difficiles (...). Je ne sais pas si c'est parce que je suis au milieu d'une population qui est toujours défavorisée, qui a de gros besoins, je ne vois pas comment on pourra fonctionner sans réseau (...). Pour moi, ça ne devrait que se développer, pour que chaque école en ZEP ou en quartier défavorisé bénéficie d'un maître d'adaptation, d'un rééducateur... Il faudrait plus de personnel... C'est une réelle aide parce qu'on se sent beaucoup moins seul (...). Quand on en parle avec le réseau et que la rééducatrice dit : « c'est ça, tu ne t'es pas trompée, il y a ci, il y a ça qui se passe, il n'est pas bien, il ne peut pas apprendre... ». « Ouf, ça ne vient pas de moi ou je ne me suis pas trompée, il faut vraiment faire quelque chose ». Mais au moins il y a des gens à qui en parler et dont c'est le métier. On a beau échanger entre collègues, on ne peut pas tout prendre sur soi. Le réseau, c'est vraiment quelque chose d'important. Ils connaissent autre chose, ils apportent des billes, c'est leur métier...

J'ai terminé avec mes questions mais peut-être avez-vous d'autres remarques à ajouter...

Où je coince un petit peu, c'est que je ne suis pas du tout administrative, j'ai beaucoup de mal avec les CCPE (...). Il y a beaucoup de points inconnus, je ne possède pas ça...

Une dernière question facultative... en quoi votre fonction d'enseignante en ZEP est-elle importante pour vous ?

Parce que je crois que je suis plus faite pour être dans ces milieux-là. J'ai une formation sociale, j'ai un BTS en économie sociale et familiale, je voulais faire conseillère, j'étais d'ailleurs prise mais j'ai suivi mon mari... je crois que la base de ce métier c'est moins les apprentissages qu'établir une relation et faire en sorte que les gamins s'épanouissent et grandissent. De toute façon dans les apprentissages, on y est pour un petit peu mais pas pour beaucoup. En ZEP, je suis mieux, parce que je suis confrontée à une population en difficulté. J'ai l'impression que je leur apporte beaucoup et ils m'apportent beaucoup en échange. Je serais dans un milieu plus aisé, j'aurais des petits mots : « Pourquoi telle note ? Vous n'avez pas fait ci ou ça du programme »... mais ce n'est pas ça qui a de l'importance, voilà. Ici, c'est très difficile, on a besoin d'être une équipe très soudée mais je suis bien.

Quand vous dites que vous faites équipe, l'équipe regroupe-t-elle seulement les enseignants ou inclut-elle aussi le réseau ?

Depuis qu'on a le maître d'adaptation dans l'école, et qu'on a eu une nouvelle psychologue, on les sent avec nous. Et puis physiquement, ils sont dans l'école, pas loin, dans le logement de fonction à vingt mètres. C'est vrai qu'ils ne sont pas toujours avec nous mais ils font partie de l'école. C'est nouveau. Avant, je ne les sentais pas du tout dans l'école. C'est peut-être le fait qu'il y ait le maître d'adaptation... Ils sont bien plus souvent là.