PREMIERE PARTIE
LE CARACTERE HISTORIQUE DE LA
DEMARCHE AUTOBIOGRAPHIQUE - SES RAPPORTS A LA FORMATION

Dès l'Antiquité chrétienne, l'écriture autobiographique s'affirme comme expression de la personne, témoignage de la conscience et illustre ce souci de soi qui touche la société occidentale. Le cheminement autobiographique ne s'avère plus séparable de l'homme et de son histoire. L'autobiographie apparaît comme une conséquence nécessaire de l'historicité de la vie humaine et de la prise de conscience qu'elle éveille en chacun. La tradition chrétienne en invitant la fidélité à se tourner vers soi pour scruter ses intentions, connaître ses fautes et les avouer à Dieu favorise la reconnaissance de l'intériorité. Le questionnement vertigineux du qui suis-je, la reconsidération des erreurs passées face à Dieu favorisent cette montée du moi. L'horizon de rénovation religieuse se trouve propice à dégager une consistance propre de sa sensibilité, de ses résistances, de son attachement au monde, dépeint le combat intérieur mené par le pénitent comme ses errances.

L'Antiquité classique, dans ses grandes philosophies épicuriennes ou stoïciennes s'en tenait à une conception disciplinaire de l'être personnel, qui devait chercher le salut dans l'adhésion à une loi universelle, sans aucune disposition pour se tourner vers la vie intérieure. Le christianisme se développe comme un dialogue de l'âme avec Dieu. Chacun est comptable de sa propre existence, d'où un intérêt nouveau pour les ressorts secrets de la vie personnelle. La règle de la confession des pêchés vient donner à l'examen de conscience un caractère à la fois systématique et obligatoire. Le récit autobiographique s'inscrit ici dans un contexte de formation spirituelle d'éducation chrétienne et de conversion et prend une valeur exemplaire.

Au cours des siècles qui suivent, l'écriture de soi revêt différentes formes et reflète l'évolution des sociétés et mentalités. L'histoire montre que la relation du sujet à lui-même est conditionnée par son environnement, par des circonstances extérieures propres à un temps donné qui s'imposent avec force (religion-société-pouvoir...) à chaque individu, et retentissent sur sa façon de penser et de se penser.

Chaque époque particulière s'historise et se thématise à travers le discours autobiographique. L'écriture de la vie se met en cohérence avec l'espace et le temps. Le moment joue un rôle dans le processus d'individualisation et l'écrit en recueille la trace.

Les différentes manières de parler de soi sont constituées par les traits marquants de leur siècle non seulement dans leur contenu mais aussi dans leur forme.

L'acte de formation qui se rattache au récit autobiographique reste tributaire de l'histoire et de ses grands bouleversements.

A l'âge des Lumières, la réflexion sur la vie n'est plus centrée sur la religion mais sur le développement de l'individu. Le sujet se découvre comme origine et finalité. Le moment d'une conscience de soi narrativement mise en intrigue est aussi celui de la mise en histoire de l'identité.

Le problème majeur de l'autobiographie consiste, à comprendre la succession des vécus, de développement de l'individu.

Le XIX è siècle, hérite des libertés acquises à la Révolution met en place une société de type libéral et capitaliste et opère une ouverture sociale sans précédent.

Le sujet fait retour sur soi et le monde, fait se rejoindre l'espace social et individuel. Par l'œuvre romanesque, cœur et esprit se cherchent une forme. L'engagement autobiographique se veut comme geste d'exploration de la solidarité humaine. Les autobiographies se prêtent à réflexion morale et didactique. Elles instruisent, modèlent et prennent place dans une visée pédagogique.

L'étude du moment chrétien avec Augustin, du moment subjectif avec Jean-Jacques Rousseau, du moment social avec George Sand et Marie d'Agoult s'impose donc à ce titre pour comprendre chaque période dans sa spécificité et pour se saisir du caractère formateur de la démarche autobiographique.