III – UN MODELE AUTOBIOGRAPHIQUE AU REGARD DE LA FORMATION

1 – George Sand : La pression des modèles éducatifs

George Sand et Marie d’Agoult ne veulent pas que leur propre expérience sombre dans l’oubli. Elles dressent un tableau des mœurs éducatives de leur siècle afin d’informer leurs lecteurs. Cette entreprise s’inscrit dans un continuum logique par rapport à leur histoire. Sans ces ressentiments, cette frustration vis à vis d’un mode d’éducation, elles n’auraient sans doute pas été amenées à s’investir autant dans le domaine éducatif, à s’en préoccuper de telle façon. Leur conscience, le devoir de solidarité qui les portent envers autrui, les incitent à dénoncer les abus propres à une époque et à mettre en cause un système qui ne fait qu’enfermer et contraindre le sexe féminin au détriment de son propre développement.

George Sand, avec le recul des années, fait part de son amertume. «Savoir pour savoir, voilà véritablement toute la moralité de l'éducation qui m'était donnée. Il n'était pas question de s'instruire pour se rendre meilleur, plus heureux ou plus sage. On apprenait pour devenir capable de causer avec les personnes instruites, pour être à même de lire les livres qu'on avait dans son armoire, et de tuer le temps à la campagne ou ailleurs.» 352 Marie d'Agoult s'interroge à posteriori sur le véritable but de l'éducation et en donne réponse : «Le but, c'est le développement le plus complet, le plus harmonieux possible des facultés, des sentiments et des forces.» 353 Elle va même jusqu'à dresser un plan éducatif de six à quinze ans.

Les deux romancières se sont investies dans l'éducation de leurs enfants. Leurs vécus, leurs souvenirs participent à l’élaboration de leurs conceptions éducatives. C’est grâce à ce qu’elles ont subi, à ce dont elles ont été victimes que George Sand et Marie d’Agoult peuvent concevoir une vraie éducation, la penser réellement et en dresser les grands principes. Leurs pensées se tissent dans ce va-et-vient qui les ramène au passé, les conduit à en tirer les leçons voulues. Leurs préoccupations éducatives sont autobiographiques. Leur intérêt pour l’éducation est à relier directement à leur existence et en est aussi la conséquence.

George Sand ne cesse d'affirmer ses dispositions dans ce domaine. «Ah ! Oui, c'était là mon empire et ma vocation, j'aurais dû être bonne d'enfants ou maîtresse d'école.» 354 Elle improvise à Nohant une école maternelle autour de son fils Maurice âgé de trois ans. Chaque expérience va la conforter dans l'idée qu'éduquer une enfant ne se fait pas sans douceur, tact et psychologie. Elle écrit en 1872 les Idées d'un maître d'école : somme de principes pédagogiques destinés à ses petites filles, où elle préconise une nouvelle méthode de lecture et toutes sortes d'activités pour éveiller l'esprit. 355

C'est en partant de sa propre expérience et en se livrant à une analyse fine et détaillée que George Sand mûrit. Elle revient sur ses souvenirs, examine les méthodes employées, dénonce les erreurs, les faux pas commis comme les façons de faire. Ces conceptions se trouvent réunies dans ses Extraits éducatifs, tirés des volumes d'Histoire de ma vie par Alphonse Ponroy et édités en 1902. Celui-ci s'explique vis-à-vis de la démarche qui l'a incité à se lancer dans cette entreprise. «C'est un cherchant pour une anthologie d'écrivains berrichons des passages hors pair du célèbre écrivain, que l'idée nous est venue de donner de G. Sand des extraits éducatifs, car nous avons trouvé dans ces extraits quelque chose qui nous a plu énormément, de la sincérité, de la franchise, de l'honnêteté, de la liberté. Et tout cela ne peut qu'être utile à l'Enseignement. Nous pensons, en effet, que notre travail sera lu avec fruit par les parents qui s'occupent de l'éducation de leurs enfants et par les personnes dont la profession est d'enseigner.» 356

Le retour sur soi, sur l'enfance et l'adolescence, la réflexion autobiographique s'accompagnent inévitablement d'un questionnement vis à vis de l'éducation et de la formation. Cette opposition permet à George Sand d’établir ses propres idées en matière d’éducation et renforce sa position. C’est à partir du bilan qu’elle dresse, qu’elle peut établir sa propre approche éducative. Son étude s’effectue en se basant sur des exemples concrets. C’est à partir de faits précis relatés que l’écrivain étudie ce qu’il faudrait mettre en place et propose un ensemble de solutions. Chaque situation est pensée dans la globalité de l’éducation.

George Sand réfléchit à ce qu'il convient de faire lorsque l'on a en face de soi des enfants et dégage des principes essentiels, sur lesquels il est possible de s'appuyer pour conduire leur éducation. George Sand considère que l'enfance constitue une période décisive, qu'il faut être attentif à ce moment de l'existence et veiller à ne pas en contrarier le développement. Les préceptes valables pour l'adulte ne peuvent être appliqués à l'enfant. Celui-ci nécessite une approche différente et un autre type de compréhension. «On ne lui rend pas service en hâtant sans ménagement et sans discernement l'appréciation de toutes les choses qui le frappent. Il est bon qu'il cherche lui-même et qu'il établisse à sa manière durant la période de sa vie où, à la place de son innocente erreur, nos explications, hors de portée pour lui, le jetteraient dans des erreurs plus grandes encore, et peut-être à jamais funestes, à la droiture de son jugement, et par suite, à la moralité de son âme.» 357

Le respect de l'enfance doit commander, diriger l'éducation. Les éducateurs et les parents ont trop tendance à l'oublier, et ne s'en préoccupent guère, George Sand y voit là une simple mesure de bon sens et loue sa mère à son égard. «[...] Elle défendait aux domestiques de ne rien expliquer. Elle avait au plus haut point le respect de l'enfance, que l'on met trop de côté dans des éducations trop complètes et trop savantes.» 358 Il faut tenir compte des rythmes de l'enfance, des capacités mentales de l'enfant avant que de vouloir élaborer un plan d'enseignement trop ambitieux et finalement inapproprié. George Sand n'est pas sans rappeler à cet égard Rousseau et L'Emile. Rousseau attachait la plus grande importance aux stades de développement de l'enfance et pensait déjà qu'ils devaient guider tout le plan de formation. Il mettait l'accent sur l'expérience directe, l'enseignement par la vie elle-même. La réflexion doit précéder l’action. La finalité de l’action décide de ses étapes et de son contenu.

L'âge de l'enfance est celui où les impressions se marquent durablement, où il est possible d'exercer, plus qu'à un autre moment, une initiation portant sur les beautés de la nature et de faire naître en chaque âme un goût du beau et du sensible. «Ainsi quand il y avait un beau nuage, un grand effet de soleil, une eau claire et courante, elle me faisait arrêter en me disant: Voilà qui est joli, regarde. Et tout aussitôt ces objets que je n'eusses pas peut-être remarqué, de moi-même me révélaient leur beauté, comme si ma mère avait eu une clef magique pour ouvrir mon esprit [...].» 359

George Sand attire l'attention sur cet aspect et cette caractéristique de l'enfance et montre qu'il faut absolument en tirer parti et s'en servir. Cet âge est particulièrement réceptif, les enfants sont prêts à recevoir, sont perméables à toutes sortes de sensations et de sentiments. Les premiers souvenirs sont ceux qui marquent durablement, ceux que l'adulte se plaît à évoquer ensuite. Ils indiquent aussi certaines dispositions. Sa première émotion musicale ne s'est pas effacée de l'esprit de George Sand alors qu'à l'époque elle avait seulement quatre ans. «Nous passâmes là une partie de la journée mais je ne fis attention à rien, tant j'étais préoccupée du son d'un flageolet qui joua tout le temps une foule d'airs admirables [...]. J'éprouvais d'indicibles jouissances musicales, et j'étais véritablement en extase devant cette fenêtre où, pour la première fois, je comprenais vaguement l'harmonie des choses extérieures.» 360 La mémoire peut être sollicitée et doit même être stimulée : « Aussi «me disait-elle à chaque instant» : «Il faudra te souvenir de ce que tu vois là», et chaque fois qu'elle a pris cette précaution, je me suis souvenue en effet [...].[...] Par un lien de souvenirs et de sensations que tout le monde connaît sans pouvoir l'expliquer, je ne respire jamais de fleurs de liseron-vrille sans voir l'endroit des montagnes espagnoles et le bord du chemin où j'en cueillis pour la première fois.» 361

Tous ces éléments s'avèrent d'extrême importance pour la construction de la personnalité et la formation de l'être. Dans ses Extraits éducatifs, George Sand cherche à favoriser une prise de conscience à cet égard. Il y a des éléments dont il convient de ne pas priver l'enfant et qui se révèlent nécessaires à un développement harmonieux. Il faut contribuer à les faire connaître et en faire bénéficier les intéressés. L'imaginaire fait partie de l'enfance, les fées, les génies, les contes permettent aux enfants d'avoir leur monde à eux. «Ma mère ne voulut jamais me dire qu'ils n'existaient pas, et je lui en sais maintenant un gré infini. La raison venait assez vite à son gré.» 362

Les contes constituent une véritable nourriture. «Ah ! Quelles heures m'ont fait passer l'Oiseau Bleu, Le Petit Poucet, Peau d'Ane, Belle-Belle ou le Chevalier fortuné, Serpentin vert, Babiole et la Souris bienfaisante ! Je ne les ai jamais relus depuis, mais je pourrais tous les raconter d'un bout à l'autre, et je ne crois pas que rien ne puisse être comparé dans la suite de notre vie intellectuelle, à ces premières jouissances de l'imagination.» 363 La pratique qui consiste, par contre, à vouloir faire apprendre à tout prix, dès le jeune âge des fables, s'avère pour George Sand totalement négative et inadaptée. Les jeunes esprits ne sont pas mûrs et ne peuvent se saisir des vérités illustrées. «Les fables de La Fontaine sont trop fortes et trop profondes pour le premier âge ; c'est l'engager dans un labyrinthe d'idées où il s'égare parce que toute morale implique une idée de société, et que l'enfant ne peut se faire aucune idée de la société.» 364

George Sand s'intéresse à la vie de l'âme, aux sentiments, à tout ce qui peut agiter, soucier, ébranler au plus profond d'eux-mêmes, les enfants. «La peur est, je crois, la plus grande souffrance morale des enfants : Les forcer à voir de près ou à toucher l'objet qui les effraye est un moyen de guérison que je n'approuve pas. Il faut plutôt les en éloigner et les en distraire ; car le système nerveux domine leur organisation [...].» 365 Elle montre l'importance que revêt à leurs yeux le comportement des adultes. «Les enfants ne doutent pas par eux-mêmes et ne tiennent pas compte des obstacles, mais quand ils voient douter ceux en qui leur foi repose, ils tombent dans une détresse de l'âme qui les fait ployer et trembler comme de pauvres brins d'herbe.» 366 La responsabilité des adultes à l'égard des enfants est plus grande que ceux-ci ne veulent bien se le représenter. Ils doivent prendre conscience des impacts possibles de leur comportement vis à vis des enfants.

George Sand mesure également l'importance des jeux, de la liberté. «Bien souvent nous laissions quenouilles, moutons ou corbeilles pour nous livrer à une gymnastique écervelée, grimper sur les arbres ou nous précipiter du haut en bas des montagnes de gerbes entassées dans la grange [...].[...] Mon cerveau [...] était plus riche d'images et de fantaisies. Il le sentait et ne m'en faisait pas faute.» 367

Elle préconise un enseignement qui cherche à faire appel à l'intérêt de l'enfant, à sa curiosité, à sa participation et qui ne se résume pas à une obligation. «[...] J'appris par cœur des milliers de vers dont je ne comprenais pas les beautés; le latin qui me paraissait insipide; la versification, qui était comme une camisole de force imposée à ma poétique naturelle ; l'arithmétique, qui était si opposée à mon organisation [...].[...] Je m'enfonçais dans l'histoire : mais là, ma soumission reçut enfin sa récompense, l'histoire m'amusa prodigieusement.» 368

George Sand expose son point de vue et indique ce qu'elle considère comme le plus favorable à l'éducation des enfants, à travers l'exemple de son fils Maurice et de sa fille Solange. «Nous passâmes ainsi près d'un an, à tâter de ce mode d'éducation à domicile. Maurice s'en trouva assez bien [...]. Il prit avec M. Eugène Pelletan, M. Loyson et M. Zirardini le goût de lire et de comprendre, et il fut bientôt en état de s'instruire lui-même et de découvrir tout seul les horizons vers lesquels sa nature d'esprit le poussait.» 369 La meilleure solution consiste donc à allier enseignement maternel et instruction dispensée par un proviseur dans le cadre de la maison. «Jusqu'à l'époque où Maurice entra au collège à Paris, je suivis très exactement le plan que je m'étais tracé. Je le laissais entre les mains d'un précepteur qui était avec nous déjà depuis deux ans, et qui a toujours été depuis ce temps là, un de mes amis les plus sûrs et les plus parfaits. Ce n'était pas seulement un instituteur pour mon fils, c'était un compagnon, un frère aîné.» 370 Pour George Sand il ne suffit pas seulement de former l'esprit. L'intégration du précepteur à la famille constitue un point important car elle fait de lui un membre de la maisonnée à part entière, et du même coup lui permet d'avoir plus d'influence sur son élève. Maurice ne bénéficie pas seulement de cours mais d'un accompagnement, d'échanges suivis, d'activités communes qui profitent à son développement moral, affectif, spirituel. George Sand en cela s'inspire directement de son expérience avec Deschartres, son précepteur à Nohant, personnage incontournable de la maison et grand ami de sa grand-mère. «[...] J'avais bien senti qu'avec lui, j'avais perdu la présence d'un cœur dévoué et le commerce d'un esprit remarquable à beaucoup d'égards.» 371 Mais elle souligne aussi la part maternelle: «[...] J'en serais un (âne) comme un autre sans Deschartres; que dis-je ? Sans ma bonne mère, qui aurait toujours suffi à former mon esprit et mon cœur.» 372 L'éducation relève d'une formation qui concerne l'esprit et le cœur. L'un n'est rien sans l'autre. La part prise par la mère dans les jeunes années est déterminante. «C'est donc par nous-mêmes que nous valons quelque chose, ou pour mieux dire, par les principes que l'éducation nous a donnés; et si je vaux quelque chose, si j'inspire quelque sympathie, c'est parce que tu t'es donné beaucoup de peine ma bonne mère, pour que je fusses digne de toi.»373 Cette citation met à jour trois éléments fondamentaux : le poids de l'éducation (son impact dans la constitution de la personnalité), le rôle décisif de la mère, (il faut toutefois se rappeler que l'auteur entend défendre et réhabiliter sa mère, d'où son insistance à mettre en avant son action) et sa propre valeur personnelle qui découle pour partie de la réunion de ces diverses influences.

George Sand sait distinguer ce qui convient à chaque caractère et reconnaît que la même règle ne peut s'appliquer à tous. «Il en fut autrement de ma fille. Malgré l'excellent enseignement qui lui fut donné par Mademoiselle Suez, une Genevoise d'un grand savoir et d'une admirable douceur, son esprit impatient ne pouvait se fixer à rien [...]. Il fallait en revenir à l'éducation en commun, qui la stimulait davantage, et à la vie de pension, qui, restreignant les sujets de distraction, les rend plus faciles à vaincre.» 374 Elle dresse un réquisitoire contre les collèges : «Je ne veux pas médire de l'éducation en commun, mais il est des enfants dont le caractère est antipathique à cette règle militaire des lycées, à cette brutalité de la discipline, à cette absence de soins maternels, de poésie extérieure, de recueillement pour l'esprit, de liberté pour la pensée.» 375

A travers ce qu'elle a vécu et ce qu'elle en restitue, tant pour elle-même que pour ses enfants George Sand illustre les défaillances d'un enseignement qui se préoccupe finalement peu de l'élève et se révèle fort décevant en matière de résultats. «[...] Le français, le latin, le grec qu'on apprend aux enfants prennent trop de temps, soit que ce soient les langues les plus difficiles du monde, [...] toujours est-il qu'à moins de facultés toutes spéciales, on sort du collège sans savoir ni le latin, ni le français, et le grec encore moins. Quant à moi, le temps que je perdais à ne pas apprendre le latin fit beaucoup de tort à celui que j'aurais pu employer à apprendre le français dans cet âge où l'on apprend mieux que dans tout autre.» 376

George Sand en revient au style d'éducation qui lui a été donné. Elle s'attache à recomposer un univers en voie de disparition. Elle veut refléter la sensibilité d'une époque, d'une classe, donner une image de ses pratiques éducatives et de la finalité qui s'y trouve liée. Elle fait partager la vie quotidienne d'une enfant, d'une adolescente et découvrir le sort réservé aux filles de l'aristocratie sous le Premier Empire et la Restauration. Elle renvoie à l'action exercée par la famille, à des mécanismes d'apprentissage, des habitus et des valeurs propres à un milieu. Ses descriptions mettent à jour les particularités d'une éducation. «A l'époque, le sentiment est encore très fort qu'il faut dispenser à l'enfant une instruction et une éducation en harmonie avec la position sociale qu'il occupera probablement d'après son origine. En conséquence, les jeunes filles ne sauraient être instruites de la même manière [...].Aussi est-ce une discrimination à la fois par le niveau et le contenu qui résulte de la ségrégation sociale.»377

L'apprentissage de la politesse dans tous ses registres, du maintien, constituent des axes éducatifs prioritaires. L'étiquette régit une vie. Le conditionnement est présent dès l'enfance. Il faut s'accoutumer à toutes les règles de représentation dès son plus jeune âge, contrôler son apparence. Telles sont les clefs d'un système social et d'un mode de vie auquel les familles se préoccupent d'initier les enfants. «J'avais eu jusque là la grâce naturelle propre à tous les enfants [...]. Mais on commençait à me trouver trop grande pour conserver cette grâce là. Il y avait dans les idées de ma bonne-maman, une grâce acquise, une manière de marcher, de saluer [...] qu'on devait enseigner aux enfants de très bonne heure afin que ce leur devint par habitude une seconde nature [...]. Il n'y a rien de plus affreux pour moi qu'un homme ou qu'une femme qui se manièrent.» 378 Le souci de paraître commande les attitudes : « Le maître d'écriture s'appelait M. Lubin. C'était un professeur à grandes prétentions et capable de gâter la meilleure main avec des systèmes. Il tenait la position du bras et du corps comme si écrire était une mimique chorégraphique; mais tout se tenait dans le genre d'éducation que ma grand-mère voulait nous donner. Il fallait de la grâce dans tout. M. Lubin avait donc inventé divers instruments de gêne pour forcer ses élèves à tenir la tête droite, le coude dégagé, trois doigts allongés sur la plume [...].» 379 L'écrivain juge ces attitudes préjudiciables, car propres à réprimer la spontanéité et la vivacité de l'enfance et s'attache d'autant plus au naturel qu'elle prône. Mais au-delà, c'est le contenu de l'éducation qui se trouve mis en cause par George Sand. L'instruction n'est pas recherchée en elle-même, l'ouverture et la réflexion non plus. Apprendre ne consiste pas à se donner les moyens d'acquérir une position, celle-ci étant déjà marquée. L'éducation consiste en l'acquisition d'un bagage varié d'arts d'agréments et de connaissances qui rendent aptes à une vie en société au sein de son milieu. Elle se donne pour but de perpétuer une distinction, un style, une manière d'être. La formation est pensée en terme de conformité à un idéal familial bien davantage que sur le plan de l'accomplissement personnel.

L’examen attentif auquel se livre George Sand, doit permettre au lecteur de mesurer les carences, les lacunes du système éducatif en vigueur, et de se poser clairement la raison des motifs qui en sont à l’origine. Que cherche t-on ? Qu’est-ce que visent les hommes en voulant perpétuer ces principes ? Il s’agit d'une question de fond dont une société ne peut faire l’économie. Il faut que les lecteurs prennent acte de ce que représente et qu’implique une telle idée de l’enseignement. Ils ne peuvent rester des spectateurs passifs et cautionner une telle approche. Ils doivent réagir et agir.

Les exemples donnés ont pour but d’illustrer les failles éducatives. George Sand s’élève contre ce qu’elle juge comme une contre-éducation et contre-formation. Tout est à reprendre et à repenser. Son plan éducatif se situe à l’opposé de ce qu’elle a pu vivre. Elle démonte, preuves à l’appui, l’éducation bourgeoise du XIXè et en profite pour livrer quelques règles susceptibles de conduire à une formation censée et ouverte. George Sand veut avertir ses contemporains, leur faire prendre conscience de l'enjeu que représente l'éducation et de la nécessité de mettre sur pied une véritable formation qui prenne en compte la personne sur tous les plans et la prépare réellement à l'avenir, tant pour les garçons que pour les filles. C'est dès le plus jeune âge qu'il faut s'y préparer et œuvrer.

Notes
352.

Histoire de ma vie, op. cit., T. I, p. 801

353.

Mémoires, souvenirs et journaux, op. cit., T. II, Journal d'un enfant, p. 225

354.

G. SAND, Extraits éducatifs, A. Mellotée, 1902, p. 68 (Citations tirées d'Histoire de ma vie et réunies par A. Ponroy)

355.

«Les idées d'un maître d'école» se trouvent contenues dans Impressions et souvenirs de George Sand, pres. de Georges Lubin, Editions d'Aujourd'hui, 1977, chapitres XI-XII-XIII (pp. 179-220)

356.

Ibid., Avertissement, p. 3

357.

G. SAND, Extraits éducatifs, op. cit., p. 11

358.

Ibid., p. 15

359.

Ibid., p. 14

360.

Ibid., p. 13

361.

Ibid., p. 14

362.

Ibid., p. 20

363.

Ibid., p. 19

364.

Ibid., p. 11

365.

Ibid., p. 31

366.

Ibid., p. 12

367.

Ibid., p. 38

368.

Ibid., p. 34

369.

Extraits éducatifs, p. 69

370.

Ibid., p. 62

371.

Ibid., pp. 7-8

372.

Ibid., p. 61

373.

Ibid., p. 8

374.

Ibid., p. 70

375.

Ibid., p. 63

376.

Ibid. p. 27

377.

F. MAYEUR, L'Education des filles en France au XIX è siècle, Hachette, 1979, pp. 8-9, Le Temps et les hommes

378.

Extraits éducatifs, p. 23

379.

Ibid., p. 28