3 – Affirmer sa différence

«Chaque société considérée à un moment déterminé de son développement a un système d'éducation qui s'impose aux individus avec une force généralement irrésistible.» 404

George Sand et Marie d'Agoult veulent illustrer ce propos à travers leurs propres exemples. Elles montrent qu'elles ont été victimes, à la fois de la Révolution et de ses conséquences, du siècle qui les a vu naître et assisté à la mise en place de l'ordre bourgeois. Elles se sont retrouvées dans une société fortement régie par les hommes, qui excluait les femmes de la vie publique et les reléguait du côté de la vie privé et des considérations domestiques. Elles ont fortement conscience de leur appartenance à un sexe régi par des modèles spécifiques. Les auteurs ont souffert de cet ordre des choses et l'ont fortement ressenti au travers de l'éducation qui leur a été donnée tant dans leurs familles que pendant leur séjour au couvent. «Au sein de la famille, se retrouve le peu de goût qu'inspire à la société bourgeoise une instruction poussée destinée aux femmes.» 405

George Sand et Marie d'Agoult dénoncent dans leur autobiographie, les carences et les lacunes de leur éducation, pourtant plus ouverte et plus complète que beaucoup de leurs contemporaines, grâce à l'influence voltairienne de sa Grand-mère pour George Sand et de son père pour Marie d'Agoult. Parvenues à l'âge d'adulte, elles n'ont de cesse que de la compléter et en éprouvent des gênes lorsqu'elles se décident à écrire et fréquenter un milieu intellectuel. «Dans des compagnies si différentes de celles ou j'avais été élevée, je m'aperçus très vite, à ma grande tristesse, de l'ignorance où me laissait l'éducation qui passait pour la plus brillante du monde et j'entrepris tout aussitôt de la recommencer dans ses parties [...].[...] Je rectifiais les notions éparses, incohérentes ou contradictoires que j'avais retenues d'un enseignement superficiel.» 406 George Sand précise : «Je dirai comment au sortir du couvent, je repris moi-même le français, et comment douze ans plus tard, lorsque je voulus écrire pour le public, je m'aperçus que je ne savais encore rien, comment j'en fis une nouvelle étude [...]. 407 Elle ajoute lorsqu'elle décide de se mettre à l'écriture. «Je me sentais riche d'un fond très restreint ; l'analyse des sentiments, la plénitude d'un certain nombre de caractères, l'amour de la nature, la familiarisation si je puis parler ainsi, avec les scènes et les mœurs de la campagne [...].» 408

La crainte d'émancipation des filles par le biais d'études trop poussées reste toujours présente. Elle s'oppose à toute instruction réelle. On distille aux filles des éléments de savoir mais rien de sérieux, ni d'approfondi. On les incite à s'éparpiller, à se dispenser, on freine leur élan et leurs aptitudes. On ne leur donne pas les moyens d'apprendre. «Mais la pensée, elle-même faute de la nourriture saine et forte dont elle aurait eu besoin, était restée languissante. Elle sommeillait en quelque sorte au-dedans de moi [...].» 409 Et George Sand de s'exprimer «on voit qu'au milieu de mes projets et des mes émotions, je n'avais rien appris. J'avais lu de l'histoire et des romans, j'avais déchiffré des partitions, j'avais jeté un œil distrait sur les journaux [...]». 410 Or, Marie d'Agoult comme George Sand découvrent que les moyens intellectuels ne leur manquent pas et que leur esprit est prêt à entendre et à s'approprier toutes sortes de notions dans des domaines différents. «La langue de Kant, de Schelling et de Hegel m'était connue. Les profondeurs de la métaphysique, loin de m'effrayer, m'attiraient. Spinoza, quand j'osais l'aborder, répandit sur mon intelligence une merveilleuse lumière [...].» 411 George Sand écrit : «Et puis j'aurais voulu tout voir et tout savoir en même temps. Je faisais causer mon professeur, et sur toutes choses, il était brillant et intéressant [...] [...]mon Malgache, c'est ainsi que l'appelait Néraud, étais un initiateur admirable et j'étais encore en âge d'apprendre. Il ne tenait qu'à moi de m'instruire [...].» 412

Les deux écrivains s'insurgent contre les préjugés de toute sorte, qui président à l'éducation Pourquoi ne pas se saisir de l'enfance et de l'adolescence, où précisément l'esprit est le plus réceptif et le plus ouvert, pour effectuer les apprentissages les plus déterminants. Car cette période est fondamentale pour la construction de la personnalité. «Temps précieux, heures premières du matin de la vie, où tout se grave en traits si purs; quel irréparable malheur que celui de vous avoir ainsi perdus ! O mes maîtres, ô mes guides, ô mes bons génies trop tard connus, lumières trop tard levées sur mon entendement ; rosées trop tardives sur ma maison déjà pleine d'ivraie ! Esprits de vérité et de vie, Homère, Sophocle, Dante, Shakespeare, Spinoza, Herder, Goethe et vous-mêmes, Bossuet, Pascal en qui la foi est grandiose et nourrice de mâles vertus, que n'eussiez-vous pas été pour moi, rencontrés plus tôt, quand l'essor de mon esprit était encore libre et fier, quand ma vive intelligence ne s'était point encore prise et misérablement débattue aux filets de l'oiseleur.» 413

La société française est peu ouverte et admet mal que les femmes puissent se livrer aux études qui leur conviennent parce qu'elles en ressentent le désir, l'envie et le besoin. Marie d'Agoult tout comme George Sand doivent attendre d'avoir gagné leur autonomie et indépendance pour pouvoir y prétendre. «En France, dans la société où j'avais vécu, de telles occupations, en admettant qu'elles ne m'eussent pas été interdites par mes guides spirituels, m'eussent rendue ridicule. Mais [...] dans la patrie de Madame de Staël, on ne trouvait rien d'étonnant à ce qu'une femme voulût connaître les lois qui gouvernent notre propre esprit ; on ne contestait pas, comme on le faisait chez nous, au sexe féminin, la capacité et conséquemment le droit et le devoir de chercher à comprendre la raison des choses.» 414

D'emblée l'infériorité est attribuée aux femmes et on fait tout, particulièrement, dans la nation française, pour les empêcher de s'affranchir de cette condition. On nie leur droit à une éducation digne de ce nom. «[...] Je m'étais souvent sentie humiliée d'être femme, et j'avoue que dans toute lecture d'enseignement philosophique, même dans les livres saints, cette infériorité morale attribuée à la femme, a révolté mon jeune orgueil. Mais cela est faux ! m'écriais-je ; cette ineptie et cette finalité que vous nous jetez à la figure, c'est le résultat de la mauvaise éducation à laquelle vous nous avez condamnées, et vous aggravez le mal en le constatant. Placez-vous dans de meilleures conditions, placez-y les hommes aussi; faites qu'ils soient purs, sérieux et forts de volonté et vous verrez bien que mes amies sont sorties semblables des mains du créateur.» 415 George Sand fait valoir que le préceptorat de Deschartres, l'exemple de son aïeule l'ont aidée à s'aguerrir et à acquérir des vertus de résistance. «[...] Je voyais bien qu'une éducation rendue un peu différente de celle des autres femmes, par des circonstances fortuites, avait modifié mon être ; que mes petits os s'étaient endurcis à la fatigue ou bien que ma volonté, développée par les théories stoïciennes de Deschartres d'une part, et les mortifications chrétiennes de l'autre, s'était habituée à dominer souvent les défaillances de la nature. Je sentais bien aussi que la stupide vanité des parures, pas plus que l'impur désir de plaire à tous les hommes, n'avaient de prise sur mon esprit, formé au mépris de ces choses, par les leçons et les exemples de ma grand-mère.» 416

Le mal réside dans l'éducation, car la différence, cette fameuse différence, que George Sand et Marie d'Agoult reconnaissent, n'est pas synonyme d'infériorité et ne justifie pas une instruction moindre et au rabais et «un rang secondaire dans la création et la famille». 417 Elle suppose seulement une façon différente d'exister, donc une diversité et une richesse que la société se devrait d'exploiter, non pas de mépriser, de rejeter et encore moins de constituer en objet d'asservissement. Quelques soient les différents stades de leur éducation, les fillettes et adolescentes se trouvent tributaires d'un système et de principes qui les entretiennent dans une douce médiocrité et une fausse dévotion. Marie d'Agoult émet un verdict sévère. «A la fin de l'année scolaire, aux fêtes de Pâques de l'année 1822, on nous annonça que l'archevêque de Paris allait venir présider à la distribution des prix et j'appris à ma grande surprise que j'avais «le prix de science». Ma conscience me disait que cette couronne de lauriers qu'on allait mettre à mon front s'y posait sur une multitude d'ignorances.» 418 Elle ajoute : «De notre conscience, rien ; de mes devoirs futurs comme mère et comme femme, rien ; d'histoire naturelle, rien ; la nature c'est Satan.» 419

Les carences éducatives sont nombreuses, mais plus grave encore, la formation donnée, particulièrement au couvent, en vient à pervertir le bon sens, la raison et le jugement. «Quand je me remets en mémoire toute cette perversion de nos sens et de nos imaginations, notre goût ainsi faussé à plaisir, des années entières à nous déshabituer de penser et de vouloir, à nous abêtir, à nous alanguir de corps et d'esprit, je ne sais ce qui l'emporte en moi de la tristesse ou de l'indignation.» 420 George Sand se livre à un constat tout aussi désastreux. «Je suivais les études avec soumission [...] ; mais en réalité, depuis que j'étais dévote, je ne faisais pas plus de progrès que je n'avais fait de besogne auparavant. Je n'avais pas d'autre but que celui de me soumettre à la règle [...]. Aussi après trois années de couvent, en suis-je sortie beaucoup plus ignorante que je n'y étais entrée. J'y avais même perdu ces accès d'amour pour l'étude dont je m'étais sentie prise de temps en temps à Nohant.» 421

Tout le système éducatif est perverti par le but final qui sous tend toute l'éducation, et définit à l'avance, une place et une existence... «Le mari conjectural et de qui on ne saurait, grâce aux coutumes françaises, se former aucune opinion est, dans les éducations françaises des jeunes filles, ce que l'on pourrait appeler en langage stratégique, l'objectif des parents et des institutrices ; objectif vague et mobile, qui donne à tout le plan des études quelque chose de vague aussi, d'inconsistant, de superficiel, dont se ressentira toute sa vie la femme la plus sérieuse. Tel a bien été le chemin pour les deux auteurs avec ce que l'on sait comme conséquence.» 422 Elles ont pourtant essayé toutes deux de se faire à ce système. «Cependant; dans les premiers temps de leur mariage, telles de dociles élèves appliquées à faire de leur mieux, elles concentrent leur énergie pour se persuader, qu'avec le temps, elles finiront par les aimer. Chez l'un et l'autre couple qui se trouvent bientôt nantis de deux enfants, on n'a rien à se dire tant les centres d'intérêts divergent. L'ennui s'incruste. Pour le tromper, on voyage [...]. Rien n'y fait.» En désespoir de cause, l'une prend un amant, l'autre ouvre un salon.» 423

Aussi George Sand recommande-t-elle vivement à Marie d'Agoult. «Ecrivez donc. Ecrivez sur le sort des femmes et sur leur droit ; écrivez hardiment et modestement comme vous sauriez le faire vous.» 424 Marie d'Agoult exprime avec force sa pensée dans ses Mémoires et considère qu'il lui appartient d'avertir et d'informer clairement ses lecteurs. «Mais on ne conçoit, comme il est arrivé chez nous jusqu'à cette heure, l'existence d'une femme que d'une manière toute relative, dépendante, impersonnelle en quelque sorte, et subordonnée. Quel esprit veut-on, qui préside à l'éducation des jeunes filles ? Que pourrait-on leur enseigner sérieusement, solidement, quand on suspend toute leur destinée aux bienséances éventuelles d'un mariage tout de circonstance ? Quand l'intelligence peut devenir une difficulté, la raison, un obstacle, la conscience une occasion de lutte ou de révolte, dans une existence où l'on ne peut prévoir d'autres vertus que la docilité au maître, la résignation au sort quel qu'il soit ? Que dire, qu'enseigner dans de telles éducations, qui ne soit puérilité, futilité, vanité qu'un souffle emporte.» 425

George Sand et Marie d'Agoult réalisent, avec le recul de l'âge, les erreurs qui ont présidé à leur destinée, le poids néfaste des traditions (un mariage beaucoup trop vite conclu sans que l'on ait pris le temps de vérifier la compatibilité des humeurs et caractères), une éducation qui ne les a aucunement préparées à leur existence d'adulte, et une instruction insuffisante. Elles ne veulent pas que les mêmes erreurs se répètent. Que d'autres souffrent comme elles et qu'on laisse le système se perpétuer. Réfléchir aux buts et finalités d'une éducation, voilà ce que proposent les deux écrivains. Penser sérieusement au devenir des jeunes personnes que l'on éduque, voilà ce dont il convient de prendre conscience. L'éducation féminine prend appui sur des jugements portés à jamais sur le sexe féminin : son caractère nerveux, souffreteux, son manque d'endurance, son peu de dispositions pour l'étude, sa trop grande imagination. Aussi, les familles, les éducateurs, les religieux et confesseurs pensent qu'ils ne font pas trop charger ces esprits vite «perdus», se limiter à une instruction rapide et mettre en avant le sens du devoir, de l'abnégation, le sentiment religieux, la dévotion, et la prière. «[...] Elever une jeune fille dans la religion, c'est donc lui donner une» poire pour la soif», lui constituer un trésor que rien ne pourra enlever [...].» 426

La jeune fille doit se préparer à sa destinée d'épouse fidèle et de mère attentive. On attend d'elle qu'elle soit pieuse, dévouée, humble, aimante. Elle devra fléchir devant la volonté de son époux, faire passer en premier sa famille. «La douceur, la bonté, la modestie, l'humilité, l'obéissance, l'ordre, l'économie, la charité, la réserve, la pudeur sont les vertus spécifiques de la jeune fille idéale [...].» 427 On cherche à étouffer les tendances personnelles, à combattre le moi intime, à réprimer la personnalité.

Le bonheur n'est, après tout, que l'accomplissement du devoir, l'acceptation de cet obscur destin qu'on appelle la volonté de Dieu. La route est tracée, il suffit de se glisser dans un rôle dont les dimensions sont prévues et fixées à l'avance. Il n'y a pas à s'interroger sur le sens à donner à son existence. La pérennité d'un principe de société est organisée sans que les intéressés puissent donner leur avis et émettre la moindre opinion. «La stratégie éducative du XIXè visait à limiter l'être femme à un être de nature et de morale qui ne pouvait, sous peine de cataclysme, s'enrichir d'un être de société et de politique.» 428

George Sand et Marie d'Agoult illustrent, à elles deux, une trajectoire, montrent comment elles se sont efforcées de trouver une voie, et d'exister. La loi fondamentale de l'existence, les principes sur lesquels elles se sont appuyées, elles proposent à leurs lectrices de s'en inspirer. Les deux écrivains revendiquent l'obtention d'une liberté et d'une créativité refusées aux femmes : la liberté d'être vraiment et uniquement elles-mêmes.. Le poids des contraintes inhibe les femmes et brise leurs défenses. Le consentement, fruit de toute une éducation, scelle leur destin de manière irrévocable. Les femmes doivent revendiquer un espace pour elles-mêmes et s'affirmer vis-à-vis de leur famille, de la société, de leur mari. Elles doivent mettre leur volonté et intelligence à se créer. George Sand et Marie d'Agoult désirent que leur exemple puisse être l'objet d'affranchissement pour les autres. Elles aspirent à faire évoluer la condition féminine et veulent démontrer qu'une femme peut-être à la fois amante et mère, jouer un rôle social, gagner sa vie et créer. «J'en fais le serment et voici la première lueur de courage et d'ambition de ma vie. Je relèverai la femme de son abjection et dans ma personne et dans mes écrits et Dieu m'aidera.» 429

Leur autobiographie respective peut-être lue comme un ensemble de propositions et de prises de position. Leurs propos restent mesurés. Malgré leurs convictions, elles ont conscience qu'il ne sert à rien de vouloir trop demander et d'anticiper les mouvements de la société, si celle-ci ne suit pas et ne s'avère pas prête. George Sand et Marie d'Agoult font preuve d'un féminisme réfléchi et d'une ouverture libérale et sociale raisonnable. «Reste que la revendication des mandats politiques lui (George Sand) paraissent tout à la fois un enfantillage, une erreur et une faute [...]. C'était à ses yeux une étrange utopie de vouloir représenter le peuple quand elles ne se représentaient pas elles-mêmes. [...] Haranguer les hommes, quitter leurs enfants, argument toujours décisif chez elle, pour s'absorber dans la vie des clubs, voilà qui lui semblait inconvenant.» 430

George Sand s'attache à respecter la différence des sexes. Elle s'oppose à la confusion et à l'amalgame égalité-identité. «[...] George Sand tenait pour assuré que la femme est plus douée pour la vie et l'homme plus doué pour l'œuvre ; que l'harmonie des sexes est suspendue à ces fonctions différentes, ne comportant pourtant aucune inégalité et que l'éducation, du reste, doit rapprocher.» 431 Les droits civils sont plus urgents à obtenir que les droits politiques. George Sand s'exprime en ces termes «Et puis l'esclavage est quelque chose d'inhumain que l'on accepte qu'à condition de rêver toujours la liberté. Je n'étais pas l'esclave de mon mari, il me laissait bien volontiers à mes lectures et à mes juleps ; mais j'étais asservie à une situation donnée [...].» 432 George Sand et Marie d'Agoult s’opposent à l'asservissement de la femme mariée, sa complète dépendance dans le mariage, et veulent œuvrer pour sa libération. «[...] Il est entièrement contraire à la raison, de croire que la vertu essentielle de la femme consiste dans le renoncement à sa vie propre, qu'obéir et pâtir soit la loi du sexe féminin, et que, par suite d'un incompréhensible décret du Dieu créateur en Eve plus qu'en Adam, dès les premiers jours du monde, toute volonté fût perverse et toute volupté coupable. Différemment mais aussi complètement que l'homme, la femme est organisée en vue d'une activité rationnelle dont le principe est la liberté, dont le but est le progrès est dont l'exercice, au sein d'un état social qui perpétuellement se transforme, ne saurait être arbitrairement circonscrit ou déterminé par notre présomptueuse sagesse.» 433

Pour George Sand et Marie d'Agoult, les femmes ont une vraie place à prendre et un rôle réel à jouer au sein de la société. On ne peut en rester à l'image de l'homme qui fait l'histoire et à celle de la femme qui est dans l'éternité de la nature et de la religion. La force de position et le pouvoir de conviction des deux auteurs résident dans leur propre expérience (elles ont souffert des mêmes maux) et dans leur exemple. «Elle [George Sand] espère éviter aux femmes moins bien armées qu'elle, les difficultés qu'elle a eues. Cette société, si mal faite pour les opprimés et en particulier pour les femmes, elle contribuera de toutes ses forces à la changer. Elle éveillera la conscience assoupie des femmes affaiblies par leurs «mœurs d'esclaves».»434 Marie d'Agoult renchérit : «Ce serait une erreur aussi de croire que l'homme seul peut exercer une influence sérieuse en dehors de la vie privée.» 435 Elle ajoute : «Il peut même arriver qu'une femme, aujourd'hui, ait plus à dire et mérite mieux d'être écoutée que beaucoup d'hommes ; car le mal [...] qui nous inquiète et par qui semble menacée notre société toute entière, la femme l'a senti plus avant dans tout son être.» 436

George Sand et Marie d'Agoult posent les principes d'une restauration des mœurs et d'une évolution sociale où chacun aura sa place. Le chemin en sera l'éducation dispensée de la même manière aux filles et aux garçons, des droits égaux au bonheur et à l'épanouissement dans la famille et le mariage, la fin de l'accaparation du pouvoir par les hommes et du maintien des femmes dans des occupations dérisoires. Les décennies qui viennent, le siècle qui leur fera suite doivent s'ouvrir sur ces promesses et ces perspectives, et les mettre en œuvre.

Notes
404.

E. DURKHEIM, Education et sociologie, 5è ed., PUF, 1985, p. 45, Quadrige

405.

M.F. LEVY, De mères en filles : l'éducation des françaises 1850-1880, Calmann-Lévy, 1984, p. 27

406.

Mémoires, souvenirs et journaux, T. II, p. 17

407.

Histoire de ma vie, T. I, p. 709

408.

Ibid., T. II, p. I08

409.

Mémoires, souvenirs et journaux, T. II, p. 16

410.

Histoire de ma vie, T. II, p. 107

411.

Mémoires, souvenirs et journaux, T. II, p. 17

412.

Histoire de ma vie, T. II, p. 107

413.

Mémoires, souvenirs et journaux, T. I, pp. 154-155

414.

Mémoires, souvenirs et journaux, T. II, p. 18

415.

Histoire de vie, T. II, p. 126

416.

Id.

417.

Ibid., T. II, p. 127

418.

Mémoires, souvenirs et journaux, T. I, p. 152

419.

Id.

420.

Mémoires, souvenirs et journaux, T. I, p. 154

421.

Extraits éducatifs, op. cit., p. 52

422.

Mémoires, souvenirs et journaux, T. I, p. 151

423.

M. d'AGOULT, G. SAND, Correspondance, éd. établie, présentée et annotée par Charles F. Dupêchez, C. de Bartillat, 1995, présentation p. 8

424.

Ibid., lettre n°7 de George Sand à Marie d'Agoult, 26 février 1836

425.

Mémoires, souvenirs et journaux, T. I, p. 153

426.

I. BRICARD, Saintes ou pouliches, A. Michel, 1985, p. 22

427.

Ibid., p.169

428.

G. FRAISSE, Les Femmes et leur histoire, op. cit., p. 320

429.

G. SAND, «Lettre à Frédéric Giraud, avril-mai 1837», cité par M. OZOUF, les Mots des femmes, p. 177

430.

M. OZOUF, Les Mots des femmes, op. cit., p. 193

431.

Id.

432.

Histoire de ma vie, op. cit. T. I, p. 103

433.

Mémoires, souvenirs et journaux, op. cit., T. II, pp. 67-68

434.

F. MALLET, George Sand, Grasset, 1994, p. 121

435.

Mémoires, souvenirs et journaux, T. I, p. 30

436.

Id.