CONCLUSION

L 'Antiquité chrétienne, l'âge de Lumières, le XIXè siècle apparaissent comme trois périodes clefs qui ponctuent la longue marche de la découverte de soi dans la tradition occidentale. Chaque époque redéfinit les horizons de l'espace et du temps, ouvre de nouvelles perspectives dans l'histoire de l'homme.

L'Antiquité chrétienne s'accompagne de l'événement d'une conscience religieuse chez les individus. Pour les premiers chrétiens, la religion engagée sur soi et sa vie révèle l'alliance de l'homme avec Dieu. La connaissance de soi et retour à Dieu. Le moi ne saurait trouver en lui-même son commencement et sa fin. Le rapport à Dieu, les liens qui unissent la créature à son créateur indiquent la visée d'une totalité des significations qui donne son sens ultime à une destinée. Les Pères de l'Eglise témoignent à travers leurs écrits autobiographiques de l'intensité du vécu chrétien, de la plénitude de la foi et de l'épanouissement de la sensibilité chrétienne. L'écriture renvoie à un ordre de transcendance, se veut le support de la spiritualité, remplit une fonction pastorale. Le récit autobiographique offre un modèle de vie, engage à se convertir.

L'autobiographie est dotée d'une exigence de compréhension de la vie intérieure comme histoire pourvue d'un sens unificateur. La démarche autobiographique s'inscrit dans un contexte de formation spirituelle, d'éducation chrétienne, de conversion. St Augustin dans ses Confessions prêche l'exemple, instruit ses frères en vue de les convaincre et de les ramener vers la vraie vérité.

A l'âge des Lumières, la question fondamentale n'est plus celle de Dieu, mais celle de l'homme, de sa condition, de son identité. Le XVIIIè siècle privilégie le penser par soi-même, l'être en formation devenant figure de proue de la conscience. L'analytique du moi inspiré du modèle religieux fournit les clefs de l'autobiographie psychologique et conduit à l'individualisme. Jean-Jacques Rousseau fonde l'explication autobiographique dans ses Confessions, pose le problème de la connaissance et de la représentation personnelle.

Il fait apparaître l'acte autobiographique comme révélation d'une nature individuelle et restitue l'épreuve de la liberté de conscience. Il montre comment approcher son moi intime, déchiffrer un caractère et se réapproprier sa vie. Formation et conscience de soi trouvent place dans la littérature Rousseau met à jour le potentiel inhérent à ce type d'écrit et le conduit ver la modernité.

L'effet formateur de récit mise moins à refléter la vie qu'à la comprendre et la saisir méthodiquement. L'individu singulier apparaît comme le produit construit d'une formation. L'auteur instruit son histoire, révèle sa propre vérité. Il découvre la place capitale de l'origine de sa personnalité et porte une attention passionnée à toutes les sources de son être. Il assure sa vie en fixant le sens.

Au XIXè siècle, l'autobiographie revêt un aspect plus militant. Chacun doit trouver son identité, sa place et se faire reconnaître au sein de la société qui n'en finit pas de bouger. Beaucoup ressentent une distorsion entre l'histoire qu'ils vivent et celle à laquelle ils aspirent. George Sand dans Histoire de ma vie et Marie d'Agoult dans Mémoires, souvenirs et journaux cherchent à prendre part à la réélaboration du monde qui s'effectue et à faire entendre leur point de vue. Elles défendent la conquête de l'identité. Elles désirent contribuer à l'évolution des mœurs, des mentalités, faire avancer l'histoire dans le sens du progrès humain et social. Elles revendiquent le choix et l'égalité d'instruction pour les deux sexes et démontrent la nécessité d'entreprendre des réformes et d'œuvrer différemment. L'écriture de soi ne vaut que dans l'économie d'un échange où l'on met en partage ses expériences, ses souffrances et ses espoirs.

Au plan de la formation, s'esquisse au niveau individuel une consolation, au niveau collectif la construction d'un devenir commun. Les auteurs veulent incarner les valeurs qui doivent conduire le nouveau siècle. La démarche autobiographique s'accomplit dans une perspective de transmission, de partage, d'enseignement. Les auteurs désirent guider leurs lecteurs et se situent dans un devoir de solidarité.