DEUXIEME PARTIE
LA DEMARCHE AUTOBIOGRAPHIQUE DANS LA PERSPECTIVECONTEMPORAINE - SES RAPPORTS A LA FORMATION

Le XXè siècle serait-il le siècle de tous les changements et de l'évolution permanente ? Depuis les premières guerres mondiales (1914-1918, 1940-1944) jusqu'à l'avènement de l'informatique, de la numérisation et de l'Internet, le saut paraît immense.

Les dernières guerres ont marqué la fin d'une époque, l'arrêt donné à une certaine façon de vivre, les deux dernières décennies quant à elles, nous ont menées aux portes du XXIè siècle, vers l'ère de post-modernisme. En moins de cent ans, des bouleversements considérables se sont produits. Les données sont profondément modifiées.

La crise des fondements, le désenchantement fin de siècle ont fait leur apparition. Le doute s'est installé vis à vis de la culture héritée des siècles passés. Les règles de conduite traditionnelle ont reculé. Les hommes se sont libérés des contraintes morales qui jusque là entravaient leurs gestes et leurs mouvements. L'être humain est désormais possesseur, mais aussi manipulateur de lui-même.

La société souffre de la difficulté à se fixer des limites et à mettre en œuvre des projets. La culture de l'illimité se manifeste dans de nombreux domaines : exploits sportifs, aventures de l'extrême, promesses scientifiques, médicales, souci de la parfaite forme physique. Le bonheur est érigé en valeur absolue. La volonté qui consiste à vouloir tout demander à la vie se développe.

Le primat accordé à l'identité personnelle engendre un relativisme des valeurs et une indifférence. Chacun apparaît comme sa propre référence et veut être irréductiblement lui-même. La régulation de l'espace public est désormais proche de celle qui régit les espaces privés. La société contemporaine met chaque individu face à l'obligation «d'inventer une nouvelle manière d'être soi». Le désarroi identitaire gagne l'Europe. La crise du moi se profile. Le souci de l'accomplissement de soi entraîne une tension au cœur de la personnalité. Le développement personnel apparaît comme le fer de lance de ce nouvel univers.

Le paysage culturel semble brouillé, empreint d'un certain paradoxe et d'une certaine contradiction. L'homme vit désormais dans une société mobile à culture ouverte où la maturité sociale et culturelle est toujours à remettre en cause. L'obsolescence est si rapide que la notion d'éducation permanente s'est imposée liée avec celle d'une éducation d'un type nouveau, s'étalant au cours du cycle de vie.

Désormais, la connaissance novatrice, le développement méthodique d'attitudes nouvelles, la capacité d'adaptation face à de nouvelles techniques s'avèrent indispensables. L'autoformation prend la suite de l'autodidaxie. La vie devient un travail permanent d'ajustement de soi. L'examen du parcours de vie accompli, figure comme l'une des procédures pédagogiques, les mieux adaptées à l'adulte et s'ajustant le plus à sa demande. C'est pourquoi son usage ne cesse de se répandre.

Le souci constant de recherche du sens, la nécessité de trouver des racines, de donner une signification forte à sa vie, en l'absence de valeurs réelles et stables, poursuit les individus. L'inflation de livres, d'articles, de sites d'Internet destinés à guider les individus, tant dans leur quête autobiographique, que leurs recherches généalogiques et historiques, témoigne de cette intense préoccupation.

Dans ce climat de doute et d'incertitude, il s'avère plus nécessaire que jamais de trouver par soi-même ses propres justifications et sa raison de vivre. L'histoire universelle et ses fondements, se retrouvent dans l'expérience vécue de tous les hommes. Au XIXè siècle, un philosophe allemand Wilhem Dilthey, que l'on peut d'ailleurs considérer comme le théoricien de l'autobiographie avait opposé cette découverte à la rationalité de son siècle. L'individu est la seule entité à partir de laquelle l'histoire se structure. Le matériau autobiographique serait susceptible, d'opérer l'élucidation de l'existence et de mettre en évidence les principes selon lesquels s'exerce le rapport au monde....