CHAPITRE I : LE XXème SIECLE ET L'APPEL DU SUJET

L a démarche autobiographique aborde un nouveau tournant au XXème siècle. Le recours irrépressible à une première personne dont on avait dit si longtemps qu'elle était détestable ou tout au moins répréhensible, touche la politique, la psychanalyse, l'anthropologie et même l'histoire qui se découvre des devoirs de mémoire strictement personnels. L'idéologie autobiographique remplace les traités par des essais personnels, les travaux de recherche par les journaux intimes de la recherche, les grands romans par des confessions. L'intime et la psychologie ne constituent plus les seuls objets privilégiés, l'expérience professionnelle, sociale, le projet de vie de l'individu se trouvent abordés.

L'intérêt autobiographique se déplace vers la vie ordinaire. L'autobiographie devient un genre démocratique que tout le monde se sent autorisé à pratiquer pour se justifier, se construire une identité et s'impose comme pratique culturelle. L'exploration autobiographique s'exerce de façon hétérogène. La vie de tous se trouve dorénavant à portée de main, à travers les entretiens, interviews, histoires orales, récits de vie ethnographiques, publiés et diffusés. Les médias véhiculent une idéologie autobiographique et entretiennent un mode de personnalisation. La culture médiatique du témoignage personnel, l'éclosion accélérée (depuis une quinzaine d'années) de pratiques construites, structurées, depuis un récit de vie de recherche, mené par des chercheurs en sciences sociales, en passant par le développement d'un récit de vie d'intervention, où sont concernés formateurs, travailleurs sociaux, sociologues, psychologues, cliniciens, voire thérapeutes, jusqu'à des emplois non professionnalisés (ateliers d'écriture) suscite l'interrogation...

Le phénomène participerait-il d'une culture dominante de l'individualisme et d'une société qui inviterait chacun à se prendre en charge, à se gérer, relèverait-il d'un geste de réappropriation et de reconnaissance de soi, d'une alimentation de son projet personnel dans un contexte d'incertitude et d'instabilité ?

On ne voit pourtant pas trace d'une philosophie, d'une doctrine ou d'une mystique qui fonderait cette reconnaissance et cet usage généralisé...

Le développement de l'autobiographie serait à rapporter au changement des structures sociales. Autrefois, l'individu avait son identité garantie par une société, hiérarchisée, stable; maintenant, il s'affirme comme une entité singulière, avec son histoire particulière, distincte de celle des autres. L'avènement de la post-modernité place l'homme face à une situation absolument nouvelle dans l'histoire. Désormais, il ne peut plus compter sur la vérité, le progrès ou la révolution pour orienter son existence. Il ne peut plus se référer à un arbitre suprême pour trancher ce qui est bien et mal. Il doit conquérir sa propre identité, fonder ses propres valeurs.

La quête de soi poursuit l'homme contemporain. L'existence individuelle cristallise les intérêts. L'environnement culturel est fortement marqué par la notion de vécu et d'expérience. Chaque être cherche à se retrouver à travers le récit de vie d'autrui. Le débat de société s'oriente autour de la question de l'individu, de son identité, de la construction du sens de son existence.