CHAPITRE III : LA DEMARCHE AUTOBIOGRAPHIQUE DANS LE CHAMP DE LA FORMATION.

S i la question de l'éducation traverse l'histoire et figure comme une préoccupation majeure pour les hommes dès les premières formes organisées de sociétés, il faut pourtant remarquer que la reconnaissance du champ d'étude concerné ne s'est faite que tardivement. La désignation d'un champ de savoir spécifique intitulé «sciences de l'éducation» remonte seulement à quelques trente et un ans (1967), tout comme l'ouverture d'une filière d'études correspondantes (création d'un département sciences de l'éducation à Lyon en 1969).

Il a fallu attendre 1971 et la loi sur la formation professionnelle autour de laquelle s'organise tout le dispositif sur la formation permanente pour que l'éducation des adultes soit reconnue comme secteur d'activité scientifique dans le domaine des sciences de l'éducation.

Depuis, le débat consacré à la formation n'a cessé de prendre de l'importance. Une réflexion s'est engagée sur la nature des enjeux propres à la formation. Une prise de conscience s'est effectuée en faveur de la reconnaissance de la formation comme processus de préparation et d'accompagnement des changements, voire comme facteur d'émergence de cultures nouvelles.

La formation accompagne désormais la vie adulte. Elle recouvre désormais tous les apprentissages, (l'enseignement technique, l'instruction, la formation professionnelle, la promotion), résulte d'une activité constante et se conçoit dans le cadre de l'éducation permanente. Elle suppose la notion d'évolutivité, apparaît comme un nouveau domaine d'étude et d'action et s'impose comme une pratique incontournable. Les exigences croissantes du progrès technique, de la nouvelle économie supposent un niveau d'adaptation et une capacité d'assimilation de plus en plus importantes chez les individus.

Désormais, la personne adulte ne peut se suffire de ses acquis. L'âge adulte n'est plus un âge de référence. L'avènement de la vie adulte n'est pas donné une fois pour toutes, mais reste toujours à construire et s'ouvre sur un jeu de possibles. L'adulte aujourd'hui apparaît comme un homme dépendant de ses différents environnements, soumis aux événements, sans repères bien identifiables. La personne adulte semble atteinte par une sorte de «chaos vocationnel» 622 . Les trajectoires existentielles trop souvent constituées de fractures et de ruptures interdisent toute prédiction pour l'avenir.

Cette situation appelle une réponse appropriée, une nouvelle structuration. La formation prend place dans ce contexte et figure comme un instrument permettant de faire face à ces différentes mises à l'épreuve Le savoir ne se transmet pas, il se construit. Ce pré-concept fonde une démarche et constitue un véritable courant de pensée de la formation professionnelle. 623 Il n'existe pas d'éducation et de formation en tant que formes achevées données de l'extérieur. Ce postulat introduit un nouveau rapport au savoir et implique directement l'adulte dans l'acte d'apprendre.

La formation revêt un caractère ontologique et se voit dotée d'un aspect existentiel. L'être qui se forme, se construit dans toutes les dimensions de sa vie, intégrées et non pas juxtaposées, par un acte qui relève de lui seul. L'autonomie, l'implication active, la délimitation des buts poursuivis, tels sont les critères qui définissent le nouvel espace de formation. La formation continue a tendance à quitter le groupe pour se déployer davantage sur le terrain de l'accompagnement individuel. Elle se dirige vers la guidance individuelle. Elle s'accompagne de nouvelles pratiques (conseils, consultations, diagnostics, aide au bilan, au projet) au rang desquelles figure tout naturellement la démarche autobiographique.

Notes
622.

Voir l'ouvrage de J.P. BOUTINET, L'Immaturité de la vie adulte, PUF, 1998, Le Sociologue, Chap. II, p. 75

623.

Il s'agit du courant de l'auto-formation qui a pris corps en 1985 avec l'étude de J. DUMADEZIER « L'autoformation» et qui a donné lieu en 1994 à un premier colloque scientifique.