George Sand et Marie d'Agoult

G eorge Sand et Marie d'Agoult s'affirment face à la société et prennent position vis-à-vis d'un système social. Elles revendiquent la liberté de leurs idées et le droit de conduire leur existence comme elles l'entendent. Elles se refusent à être prisonnières d'un système qui étouffe les individus, impose un mode de conduite et enferme les personnes dans des rôles désignés. Elles veulent pouvoir choisir leur vie, leur travail. Elles réclament leur autonomie, leur indépendance.

Les deux écrivains osent braver les interdits, transgresser les codes de bonne conduite et franchir les clôtures du silence et de la discrétion recommandés aux femmes. Elles sortent de l'anonymat, n'hésitent pas à encourir les critiques, car elles prennent parti et s'opposent au mode de fonctionnement en vigueur et aux principes qui régissent la société du XIXè. Elles sont en avance sur leur temps et ses mœurs, et se risquent à contrecarrer l'opinion. Elles vont jusqu'à proposer un autre modèle de vie qu'elles mettent en application, et d'autres voies. Elles estiment de leur devoir de préparer le chemin et les esprits pour la génération et les décennies qui vont suivre. Elles sont convaincues de la nécessité de mettre en œuvre des changements. Leur engagement est à la hauteur des idées qu'elles défendent.

Le cours de l'histoire, la logique d'évolution dans laquelle se situe la société imposent la mise en place de nouvelles structures, de nouveaux statuts pour les individus. Les deux écrivains se considèrent comme des porte-parole dans un monde en bouleversement. Elles militent pour des idées nouvelles et ont fait le choix de s'opposer à une société qui reste cristallisée sur des modèles et fermée à toute initiative novatrice.

George Sand et Marie d'Agoult sont en lutte et en réaction contre la société. Elles fustigent l'égoïsme social, les injustices. Elles se rebellent contre les inégalités, se refusent à cautionner de tels fondements et une telle organisation. Elles soulignent les dérives et les abus engendrés par l'époque et la mise en place d'un nouvel ordre économique et social qui profite aux uns et génère parallèlement nombre d'exclus et de laissés pour compte. Elles s'élèvent contre ce qu'elles considèrent comme les grands maux (tout particulièrement l'éducation, le mariage de convenance, l'absence de droit pour les femmes). Elles mettent en cause une société qui engendre ses propres problèmes, en tolérant de telles dérives et en ne préparant pas les individus à assurer leurs responsabilités. Elles dénoncent les carences en matière de progrès social. Elles se montrent préoccupées par l'absence de prise en compte de l'avenir, de réflexion liée aux orientations nécessaires afin d'engager la société dans le sens des réformes à accomplir. Elles s'opposent à toute forme de domination sociale. Elles marquent leur opposition vis-à-vis d'une société qui a tendance à faire fi des convictions démocratiques et égalitaires, appellent à une révolution morale, un changement des mœurs et mentalités.

George Sand et Marie d'Agoult expriment une demande de reconnaissance sociale. Elles cherchent à être reconnues pour elles-mêmes à travers leurs parcours, leur acharnement à produire une œuvre littéraire et à percer dans le monde des lettres. Elles ont rencontré beaucoup d'obstacles, mais ont persisté malgré tout dans leur choix et leur vocation. Elles désirent donc bénéficier de la place et du statut correspondant à leurs mérites et qualités, et considèrent qu'il s'agit d'un juste retour. Elles ne doivent qu'à elles-mêmes leur réussite et ascension personnelle. Elles n'ont bénéficié que de peu d'appuis. Elles se trouvent d'autant plus animées par le désir de se voir agréer par la société, et recherchent une sorte de consécration légitime qui couronnerait leurs efforts. Elles estiment qu'elles valent largement bien d'autres. Elles ont fait leurs preuves, ont montré ce dont elles étaient capables, ne se sont pas ménagées et ont pris des risques. Elles souhaitent donc, eut égard à leur itinéraire et à ses difficultés, se voir écoutées, acceptées, respectées et prises en considération.

Dans le contexte socialisé d'aujourd'hui, l'autobiographie est affirmation d'une revendication individuelle face à la société. Elle exprime d'une part la position d'un sujet qui se veut autonome et indépendant vis-à-vis d'un système social, qui revendique sa liberté d'être, ses choix, ses références, et assume pleinement sa conduite personnelle et ses actions. Elle manifeste d'autre part les déceptions et frustrations que la personne peut ressentir par rapport à un environnement social, professionnel, institutionnel, les injustices dont elle lui semble avoir été victime. Elle traduit aussi le rejet et l'opposition suscités par une certaine société, le désaccord vis-à-vis d'un type de fonctionnement et de certaines pratiques.

Dans la perspective de la formation, l'autobiographie représente un moyen d'affirmation et de reconnaissance sociale. Elle permet à son auteur de se confirmer, d'attester de sa vie et de sa place au sein de la société. Elle offre la possibilité de se positionner, de retracer son parcours, de revenir sur ses actions et réalisations, de montrer quel a été son rôle et sa position. Pour un sujet dans une situation difficile, exclu, malmené, mis sur la sellette, en proie à de graves difficultés existentielles, l'entreprise autobiographique constitue un espace où le rétablissement de soi et la réhabilitation apparaissent possibles. La personne existe sous d'autres dimensions, se découvre différemment. Elle peut s'expliquer, se faire comprendre, regagner ainsi une considération, un respect et accéder à la reconnaissance dont elle avait été privée.