L’image de classification perceptive.

Traditionnellement, l’objectif des études en perception est de mesurer et d’expliquer les variations du comportement provoquées par les variations du signal.

Il existe deux principales approches expérimentales en psychophysique. La première démarche consiste à établir une correspondance entre le domaine physique et le domaine sensoriel ; une échelle de mesure est nécessaire pour mesurer les sensations, et s’appuie sur la notion de seuil. Ainsi, pour une dimension donnée du signal, le seuil absolu est la valeur minimale du signal qui provoque une sensation juste perceptible. La théorie des seuils considère que la réponse d’un observateur ne dépend que de la stimulation. Toutefois, la mesure des seuils peut être affecté par un biais de réponse de l’observateur. Le biais fait référence à une tendance de l’observateur d’augmenter ou de diminuer sa tendance à répondre présent ou absent en fonction d’une stratégie. Ceci implique une forte contrainte sur la stabilité et l’homogénéité du critère de réponses des observateurs.

La seconde approche tente d’expliquer et de prédire les effets du bruit sur le signal, c’est notamment le cas de la théorie de la détection du signal (TDS). Le bruit est considéré comme l’ensemble des phénomènes non pertinents qui demeurent en l’absence du signal. Dans la TDS, le bruit n’est pas forcément considéré comme une variation totalement aléatoire. Par exemple, une tâche expérimentale pourrait très bien être de détecter la présence d’un signal parmi un ensemble de distracteurs, le bruit est tout ce qui présenté hormis le signal. L’objectif de la TDS est d’obtenir un critère de réponse de l’observateur en distinguant les essais où seul le bruit est présent et les essais où le signal est superposé au bruit. Le critère de décision permet d’indiquer le niveau de sensation pour lequel le jugement de l’observateur change. De plus, toutes les variations que l’on rajoute sur le signal auront un effet sur la sensibilité de l’observateur calculée par l’indice d’.

Le paradigme de l’image de classification est une nouvelle démarche qui a été développé par Ahumada et al. (Ahumada, 1996 ; Ahumada & Lovell, 1971 ; Ahumada, Marken & Sandusky, 1975). Le principe général est qu’une variation aléatoire va permettre de déterminer les dimensions du signal utilisées par l’observateur pour répondre à une tâche. Cette méthode est radicalement différente des techniques psychophysiques traditionnelles puisqu’ici on introduit un facteur d’incertitude : un bruit. Dans nos expériences, le bruit se définit par une matrice de plusieurs petits carrés dont la luminance varie aléatoirement. La tâche de l’observateur est de détecter la présence ou non d’un signal qui est superposé à un bruit, le signal est présent dans la moitié des essais. Nous examinons ensuite comment la distribution du bruit influence la réponse de l’observateur tout au long des essais. Ceci est réalisé par la corrélation entre les perturbations aléatoires et les réponses de l’observateur à chaque essai. Lors des essais où l’observateur classe le stimulus comme présent, nous supposons que le bruit contient les traits qui renforcent ceux utilisés par l’observateur pour donner la réponse « signal présent ». Le résultat est une image qui illustre l’influence relative de chaque pixel sur la réponse de l’observateur. Nous obtenons ainsi des indications sur la façon dont le système visuel traite un signal grâce à l’analyse du bruit. En d’autres termes, ce paradigme fournit le prototype utilisé par l’observateur pour donner sa réponse.

Pour résumer, nous savons qu’il existe un biais de réponse dans la théorie des seuils qui conduit à contaminer le critère de réponse de l’observateur. La TDS permet d’estimer le critère de décision de l’observateur, ce qui permet de vérifier si la stratégie de l’observateur change pendant l’expérience. Enfin, l’image de classification fait partie intégrante du critère de décision, mais ici l’avantage de cette nouvelle démarche est de pouvoir apprécier la distribution sur la dimension évaluée du critère.

La technique de l’image de classification perceptive a déjà été appliquée à des tâches et des domaines variés comme l’audition (Ahumada & Lovell, 1971 ; Ahumada, Marken & Sandusky, 1975), l’acuité de Vernier (Ahumada, 1996 ; Ahumada & Beard, 1998), la discrimination de lettres (Watson & Rosenholtz, 1998), la détection temporelle (Thomas & Knoblauch, 1998), les contours illusoires (Gold, Murray, Bennett & Sekuler, 2000) ou encore la reconnaissance des visages (Sekuler, Gold, Gaspard & Bennett, 2001). Elle va nous permettre de modéliser la représentation visuelle utilisée par l’observateur dans la structuration de la forme.

Notre travail consiste à examiner dans quelle mesure les prototypes utilisés par l’observateur sont compatibles avec les dimensions structurales classiquement admises : une forme se définit par ses contours plus sa surface. La technique que nous utilisons suppose que les zones du signal préservées dans l’image de classification sont les informations sur lesquelles l’observateur fonde sa décision. Selon l’hypothèse la plus répendue, les contours d’une forme visuelle sont encodés précocement par le système, et la surface serait une dimension secondaire, reconstruite ultérieurement par un processus de remplissage des contours précédemment traités. Dans ce cas, la dimension de contour est une caractéristique primordiale pour l’observateur, voire la seule. Nous pouvons poser l’hypothèse suivante : l’image de classification comporte uniquement les contours (i.e. la dimension qui est encodée par les neurones).