1.2.3. Intégration des contours sur des petites parties du champ visuel

La partie physiologique a permis de montrer que l’intégration des contours d’une forme nécessite des interactions entre les champs récepteurs. En effet, la taille d’un champ récepteur est bien trop petite pour puvoir coder à lui seul les bords d’une forme. La question est donc de déterminer si l’existence de ces connexions reflète l’intégration des contours qui est réalisée par l’observateur humain. Nous aborderons au cours de cette partie la nature des relations entre des signaux Gabor sur des petites régions du champ visuel. L’intérêt suscité par ce thème montre l’importance accordée au codage et à la perception des contours.

Les interactions latérales entre les filtres spatiaux ont été étudiées dans un paradigme de masquage par Polat et Sagi (1993, 1994a, 1994b). Dans ces expériences, le signal était composé d’une fonction Gabor présentée en fovéa et le masque était constitué par deux autres fonctions Gabor qui étaient placées de chaque côté du signal. Les deux masques Gabor avaient un contraste identique mais plus élevé que celui de la cible. La cible et le masque avait la même orientation (horizontale, verticale et en diagonale), mais la distance les séparant variait. Un essai se déroulait de la façon suivante : dans un premier temps, le masque était présenté seul, il était suivi, après un intervalle, du masque et de la cible ; l’ordre de présentation des stimuli était contrebalancé. L’observateur devait indiquer si le signal était présent dans le premier ou le second stimulus. Les résultats ont montré un effet suppressif du masque sur la cible, puisque le seuil était plus élevé pour des distances courtes. Réciproquement, le seuil était plus bas pour des distances importantes entre la cible et le masque, et cette facilitation du traitement de la cible par le masque se maintenait au delà de 0.9 deg. Par ailleurs, les cibles horizontales (c’est-à-dire colinéaires au masque) étaient détectées plus facilement. Polat et Tyler (1999) ont également différencié la forme des fonctions Gabor. Dans leur expérience, les stimuli étaient présentés sous une forme circulaire ou allongée. La méthode était identique à celle utilisée dans l’expérience de Polat et Sagi (1993) et les résultats ont indiqué que la sensibilité était grande lorsque les fonctions Gabor étaient allongées. Cette dernière étude montre que la colinéarité des stimuli est importante. Par ailleurs, une diminution des performances était observée pour des stimuli non colinéaires (Vidnyanszky, Papathomas & Julesz, 2001), ce résultat était identique à celui de Knierim et van Essen (1992).

Ces résultats sont compatibles avec les propriétés des connexions horizontales « long-range » dans le cortex visuel. En effet, ces connexions permettent une transmission de l’information entre des cellules de la même couche, en fonction de l’input reçu et un effet inhibiteur ou excitateur est obtenu (Hirsch & Gilbert, 1991). Par ailleurs, Polat et Sagi (1994) ont émis l’hypothèse de l’existence d’une chaîne d’interaction entre les neurones, nécessaire pour expliquer un seuil constant au delà de 0.9 deg. Cette hypothèse sera développée dans la prochaine partie.