2.2.2. Le remplissage est-il un processus précoce ou tardif ?

2.2.2.1. Arguments expérimentaux d’un processus tardif de remplissage

Les études princeps en faveur d’un traitement tardif du remplissage utilisait un « scotome artificiel » : un carré de luminance homogène, excentré par rapport à un point de fixation présenté au préalable, apparaissait d’abord dans une texture donnée (une disposition aléatoire de petit carré blanc sur fond noir), et, après un bref délai, le carré était rempli phénomènalement par la texture environnante. Les résultats comportementaux ont montré qu’après ce remplissage, le carré n’était plus perçu, bien que sa luminance soit toujours différente du fond. Ce phénomène a été observé chez l’homme (Ramachandran & Gregory, 1991) et le singe (DeWeerd, Gattass, Desimone & Ungerleider, 1995). Les singes ne signalaient pas comportementalement le remplissage, seule la réponse des neurones était enregistrée. DeWeerd et al. (1995) ont enregistré dans différentes aires corticales : V1, V2 et V3 l’activité des neurones ayant un champ récepteur dans la zone du carré qui devait disparaître. Pour déterminer le moment où le processus de remplissage se produisait, une expérience contrôle a été effectuée dans laquelle aucun carré n’était présenté dans la texture. Les résultats ont indiqué une augmentation de l’activité des neurones, par rapport à la condition contrôle, après une durée de présentation de 6.2 à 9.8 secondes. Pour DeWeerd et al. (1995), cette augmentation de l’activité, au cours de cette période, correspondait au processus de remplissage. En effet, les auteurs ont effectué une expérience chez des observateurs humains avec des stimuli identiques et la disparition du carré se produisait avec la même latence. Les résultats de l’enregistrement des neurones pour différentes couches corticales, ont montré que la présentation des stimuli s’accompagnait d’une faible activité neuronale dans l’aire visuelle primaire (V1), mais d’une activation plus élevée dans les régions ultérieures (V2 et surtout V3). Par ailleurs, les données observées dans V1 étaient d’autant plus restreintes que seul quatre neurones sur vingt étaient activés pour une excentricité de 24 deg et aucun pour une excentricité de 4.5 deg, à partir d’un point de fixation. Cette étude physiologique situe le traitement du remplissage à un niveau élevé dans le traitement cortical d’un stimulus.