2.5.2.2. Cas de la texture

Dans la partie précédente, une revue de la littérature a été effectuée afin de montrer l’importance du processus de remplissage dans le cas de figure non illusoire. La question est ici de savoir si le mécanisme de remplissage s’applique à une surface constituée par une texture ? En effet, un mécanisme basé sur une propagation latérale ne peut pas expliquer le remplissage d’une texture puisque la propagation devrait s’arrêter pour chaque élément qui la compose. Caputo (1998) fait l’hypothèse que le mécanisme de remplissage, impliqué pour la texture, se produirait à un niveau de traitement où la texture, composée de plusieurs éléments, est représentée comme une surface continue. Dans cette étude, Caputo (1998) a utilisé une procédure de masquage. La cible était une texture composée de petits traits blancs sur un fond noir, le pourtour était constitué d’une texture identique dont les traits étaient orientés différemment, et le masque était un carré dont le contour était blanc et l’intérieur noir. Un exemple des stimuli utilisés dans cette expérience est présenté à la Figure 29. Lors d’une observation préliminaire, une texture était tout d’abord affichée sur l’écran, elle était ensuite suivie d’un fond noir, et pour terminer un masque était présenté. Cet ordre de présentation rendait les éléments de la texture, situés à l’intérieur du masque, plus clairs.

Figure 29 : La figure de gauche présente la texture et la figure de droite montre le masque utilisé dans l’expérience de Caputo (1998).

Par la suite, la procédure de leur expérience était en tout point identique excepté pour la tâche : les observateurs devaient ajuster la luminosité des traits, apparaissant à l’intérieur du masque, à la luminosité des traits de la cible. Les résultats ont montré que les observateurs avaient tendance à surestimer leurs ajustements avec des ISI (interval inter stimuli) courts (inférieur à 40 msec), tandis qu’avec des ISI longs, leurs ajustements étaient corrects. L’auteur fait l’hypothèse que deux étapes sous-tendent le remplissage de la texture. La première étape constitue la représentation d’une surface continue, dans laquelle seules les discontinuités des éléments composant la texture sont extraites. Puis dans une seconde étape, il y aurait une propagation de la luminosité des éléments qui compose la texture à partir de leurs propres bords.

Motoyoshi (1999) a répliqué les résultats de Caputo (1998) en utilisant une procédure totalement identique à celle de Paradiso et Nakayama (1991). La cible était une texture dont la forme globale était circulaire et était composée d’une texture de plusieurs traits noirs. Le masque était un cercle blanc avec un contour noir. Les résultats ont montré que la présentation du masque, successive à la cible, supprimait la perception de la texture de la cible à l’intérieur du masque. Ainsi, la suppression d’une aire par un masque ne se produit pas seulement pour un stimulus uniforme (Paradiso & Nakayama, 1991).

Les études comportementales, qui ont été décrites dans cette partie, présentent des résultats en faveur d’un traitement hiérarchique du contour et de la surface. De même, ces expériences démontrent l’existence d’un processus de remplissage dont le fonctionnement est de traiter une forme à partir des contours. Par ailleurs, une différence fondamentale existe entre les études physiologiques qui ne parviennent pas à démontrer directement l’existence du processus de remplissage dans le traitement de la surface, et les études comportementales qui vont dans le sens de cette hypothèse. Dans la thématique du traitement de contour et de la surface, notre approche sera novatrice puisque notre objectif est de déterminer les dimensions qui sont pertinentes pour l’observateur. De plus, nous envisagons d’utiliser une tâche de détection qui n’a jamais été réalisée jusqu’à présent dans les études comportementales utilisant une surface uniforme. En effet, les expériences comportementales, qui ont été présentées, emploient souvent des tâches de jugement qui favoriserait plus l’utilisation de fonctions cognitives par les observateurs. De plus, lorsque nous avons abordé le paradigme des scotomes artificiels, nous avons vu qu’il existait un problème au niveau des temps de réponses. Cela nous amené à distinguer un remplissage spécifique pour des conditions naturelles comme la tache aveugle et pour ce paradigme. Nous pouvons donc faire l’hypothèse que le remplissage mis en évidence dans les études utilisant une surface uniforme ou une texture relève du même phénomène que celui des scotomes artificiels. Cette idée permettrait d’expliquer la dissociation entre le comportemental et le physiologique.