2.6.2. Importance de la surface dans les processus attentionnels

L’objectif des études, décrites dans la partie précédente, était de déterminer le rôle de l’attention dans le traitement du remplissage. Nakayama, He et Shimojo (1995) ont abordé les traitements attentionnels de façon différente. Nakayama et al. (1995) supposent qu’il ne peut y avoir d’attention sans considération préalable de la dimension de surface.

Récemment une étude neuropsychologique de Mattingley, Davis et Driver (1997) a apporté un argument en faveur de la précocité du traitement de la surface. Les auteurs ont étudié le cas d’un patient souffrant d’une extinction spatiale. L’extinction spatiale qui fait suite à une lésion pariétale est définie de la façon suivante : un patient est capable de détecter correctement un stimulus unique présenté dans le champ controlatéral à la lésion. Par contre, il ne détecte pas ce même stimulus quand un autre stimulus est présenté au même moment dans le champ ipsilatéral à la lésion. Ces patients présentent un désordre de l’attention sélective. Nakayama et al. (1995) suggérent que le traitement de la surface intervient à un niveau pré-attentionnel, le traitement de la surface serait préservé chez ces patients. Mattingley et al. (1997) ont présenté, au patient, un carré de Kanisza uniquement dans le côté controlatéral ou les deux. Les résultats ont indiqué que le pourcentage de détection correcte était aussi élevé lorsque le carré était présenté dans le champ droit et gauche que dans le côté controlatéral à la lésion. La performance était affectée par différentes manipulations qui diminuait l’illusion en rendant le carré moins perceptible. Ce résultat indique que le traitement de la surface est réalisé avant que le traitement attentionnel soit effectué.

Les études physiologiques qui ont été présentées dans cette partie suggèrent que la dimension de surface est reconstruite, puisqu’elle n’est pas encodée directement par les cellules ganglionnaires de la rétine (Rossi & Paradiso, 1999). Ces données suggèrent un codage de la surface en deux étapes : un premier assez rapide et précoce puisque les études physiologiques ont permis de montrer que les neurones de l’aire V1 répondaient fortement à une surface uniforme, indépendemment du rôle que pourrait avoir les contours (Rossi & Paradiso, 1999). Dans une seconde étape, les bords d’une forme permettrait de rehausser l’activité des neurones pour le traitement de la surface (Hung, Ramsden, Chen & Roe, 2001). De plus, l’hypothèse selon laquelle un processus de remplissage permettrait de traiter la dimension de surface n’a pas été démontrée physiologiquement dans le cortex strié.

A l’inverse de ces données, les études comportementales ont démontré expérimentalement un traitement de remplissage confortant l’hypothèse de Grossberg et al. (Grossberg, 1994, 2000 ; Grossberg & Mingolla, 1985 ; Grossberg, Mingolla, & Ross, 1997). Une distinction existe entre les données physiologiques et comportementales, et aucune réponse satisfaisante n’a pour le moment été donnée. Néanmoins, l’ensemble de ces études, physiologiques ou comportementales, sont en accord avec l’hypothèse d’un traitement hiérarchique du traitement de contour puis de la surface. L’objectif de notre thèse est de déterminer comment ces deux informations sont réparties dans un stimulus et comment elles permettent à l’observateur de prendre sa décision. Pour cela nous nous utiliserons le paradigme de l’image de classification qui sera présenté dans la prochaine partie.