1.3.3. Résultats

La sensibilité de la détection du signal a été appréciée par l’indice d’. Les valeurs de contraste du signal avaient été choisies sur la base des résultats de l’expérience précédente pour que la performance soit faible (d’ ≈ 1). Un indice global d’ (sur l’ensemble des blocs) a été calculé pour vérifier cette affirmation. L’indice d’ était également calculé tous les 200 essais pour tester un éventuel effet d’apprentissage. Les résultats montraient que la sensibilité globale était proche de 1 (FD = 1.15, SD = 1.03, SH = 1.28 et VB = 1.31). Toutefois, il est important de noter que l’indice d’ ne variait pas au cours de l’expérience, comme le montre la Figure 39. Ceci indique que les observateurs étaient à leur plateau de performance, pour ces conditions expérimentales, ce qui est conforme à l’apprentissage important déjà acquis par ces observateurs qui ont passé un nombre élevé d'essais. Nous avons également calculé un critère de réponse pour chaque observateur à partir de la formule qui est indiquée dans la partie théorique. Un calcul global du critère indique que celui-ci est proche de 0 (FD = -0.18, SD = -0.05, SH = -0.07 et VB = 0.15). De plus, un critère a été calculé tous les 200 essais, le résultat est affiché à la Figure 46. Les résultats indiquaient que la place du critère de décision est stable tout au long de l’expérience.

Figure 46 : Expérience 1 : Résultats de l’indice d’ et du critère de décision calculés tous les 200 essais pour chaque observateur. L’indice d’ et l’écart-type sont précisé pour chaque distribution.

L’analyse de l’image de classification s’est déroulée en quatre étapes. Une moyenne des bruits selon les quatre réponses possibles a tout d’abord été calculée, puis l’image de classification a été dérivée de ces moyennes, elle a ensuite subi un lissage et un traitement statistique, puis le contraste des pixels significatifs a été exagéré pour qu’on puisse visualiser les zones de l’image qui participait significativement à la réponse de l’observateur.

Moyenne des bruits

La Figure 47 présente la moyenne des bruits pour chaque type de réponse : détection correcte (DC), rejet correct (RC), fausse alarme (FA), et omission (OM) pour les observateurs FD, SD, SH et VB. Une zone centrale claire apparaissait pour les deux moyennes de bruit correspondant aux réponses « signal présent » (FA et DC) alors qu’une zone sombre est observée à cet endroit dans les moyennes des bruits correspondant à la réponse « signal absent » (OM et RC). Cette zone de l’image correspondait à l’emplacement du signal.

Figure 47 : Expérience 1 : Moyenne des bruits pour chaque type de réponse (DC, FA, RC et OM).

Les images de classification dérivées de ces moyennes de bruit, pour les quatre observateurs, sont présentées dans la Figure 48. Une zone claire centrale est observée à l’emplacement du carré. Les résultats sont similaires pour les quatre observateurs.

Figure 48 : Expérience 1 : Image de classification de chaque observateur pour un signal de 3 deg et un temps de présentation de 400 ms.

Le lissage de l’image de classification a été effectué à partir de la moyenne pondérée des pixels contigus. Ce lissage correspond à un filtrage triangulaire (9*9 pixels) de l’image et sert à dégager les éléments importants des détails. Les images de classification lissées ont été soumises à un test statistique. Pour chaque pixel, un test de significativité a été réalisé à partir d’un intervalle de confiance théorique (p<.05), cet intervalle était déterminé à partir de l’erreur standard de la distribution uniforme du bruit. La Figure 49 représente le résultat après le test statistique effectué sur l’image de classification lissée, pour les observateurs FD, SD, SH et VB. Dans ces images, les pixels représentant une moyenne qui différait significativement de la luminance du fond ont été préservés alors que les autres ont été ramenés à la luminance du fond. Pour les quatre observateurs, une zone claire apparaissait à l’emplacement du carré et un faible contraste négatif l’entourait (difficilement visible sur la version imprimée). Le test statistique valide ainsi le résultat observé de façon descriptive dans l’image de classification.

Figure 49 : Expérience 1 : Test statistique effectué sur l’image de classification de chaque observateur pour un signal de 3 deg et un temps de présentation de 400 ms.

De la même façon que pour le test statistique, l’image de classification est tout d’abord lissée par un filtre triangulaire de 9*9. Un test a ensuite été réalisé à partir de la division entre chaque pixel de l’image de classification lissée et l’erreur standard. Les images étaient identiques de celles obtenues pour l’image statistique de la Figure 50, mais ici les niveaux de gris représentent l’erreur standard.

Figure 50 : Un test « z-score » a été réalisé pour chacune des images de classification. La barre situé sur la droite des images permet d’estimer le niveau de luminance qui correspond au valeur du test. De plus, les valeurs maximales et minimales sont entourées pour chaque observateurs.

A la suite du test statistique, et afin de fournir une appréciation globale des zones qui contribuaient significativement à la réponse, l’amplitude des moyennes des pixels a été seuillée. Ainsi, les moyennes significativement plus grandes que la luminance du fond sont représentées par une luminance maximum en blanc (contraste positif) et les pixels significativement plus petits que la luminance moyenne sont représentés en noir (contraste négatif). Les pixels non significatifs apparaissaient en gris (voir Figure 51).

Le seuillage des pixels significatifs permettait de visualiser les régions, différant significativement du fond, qui passaient inaperçues dans l’image lissée puisque leur valeur était très proche de celle du fond (i.e. l’amplitude de leur contribution est faible). Cette manipulation a permis de mettre en évidence un résultat qui était jusque-là passé inaperçu et complétement inattendu : des zones aux contraste positif et négatif émergeaient sur les bords extrêmes de l’image de classification. Ceci signifie que la réponse « signal présent » était favorisée quand l’extrême pourtour du masque comportait des pixels cohérents (plus clairs et plus sombres) sur une région assez large. Ces zones, qui sont très éloignées du signal, contribuaient donc significativement à la réponse de détection. Ainsi, il semble que les observateurs ne se limitaient pas à la zone contenant le stimulus, mais basaient également leur réponse sur des détails beaucoup plus éloignés. Toutefois, ce résultat est à relativiser puisque comme le montre l’amplitude des valeurs moyennes, les zones de l’extrême pourtour participent beaucoup plus faiblement que les deux zones centrales.

Figure 51 : Expérience 1 : Pixels significatifs qui émergent dans l’image de classification de chaque observateur pour un signal de 3 deg et une durée de présentation de 400 ms.

L’objectif de cette analyse était de caractériser la zone centrale claire et le pourtour obtenu dans l’image de classification. Les résultats issus de l’image de classification (zone claire au centre et zone sombre au pourtour), indiquaient en effet que ces données sont proches d’une fonction en « chapeau mexicain » ou fonction « DoG » (Difference of Gaussians, voir un exemple Figure 52). La fonction « DoG » était obtenue par la soustraction de deux fonctions gaussiennes, l’une pour le centre (c) et l’autre pour le pourtour (p). La Figure 53 illustre ces deux fonctions. Une fonction gaussienne se définit par deux valeurs : la valeur crête (l’amplitude : A c A p ) et l’écart type (le sigma :  c p ). La fonction DoG se présente sous la forme suivante :

Dans cette équation, x 0 et y 0 sont les coordonnées centrales de la fonction gaussienne, et x, y sont les coordonnées spatiales de l’image. L’analyse avait pour but d’ajuster individuellement la fonction « DoG » aux données des observateurs. L’ajustement de cette fonction permettait d’obtenir les valeurs de la taille et de l’amplitude de la zone centrale et du pourtour. Le résultat de cet ajustement, pour chaque sujet, est montré à la Figure 54. Les valeurs du  et de l’amplitude pour la zone centrale et le pourtour sont présentées dans le Tableau III. On observe que la zone centrale correspondait à une taille comprise entre 2.3 et 4.3 deg, et le pourtour à une taille comprise entre 7 et 10 deg. Le calcul du rapport taille pourtour / taille centre montre que le pourtour avait une taille de 2 à 4 fois plus grande selon les observateurs que la zone centrale. L’amplitude de la zone centrale variait de 3 à 5 et l’amplitude du pourtour de 0.01 à 0.15 et le rapport entre l’amplitude centrale et l’amplitude du pourtour indiquait que le pourtour représentait entre 3 et 8% selon les observateurs de la luminance de la zone centrale.

L’ajustement de la fonction « DoG » permet ainsi de d’apprécier quantitativement la participation du traitement de la surface du signal. L’ajustement a permis également de déterminer la position de la zone centrale par rapport au fond. Les résultats, qui sont présentés dans les deux dernières colonnes du Tableau III, montraient un faible biais dans l’estimation (inférieure à 13 min) de la position du signal.

L’ensemble de ces résultats montrent qu’il y a quelques différences individuelles notamment sur le rapport de taille. Ces différences pourraient indiquer que les observateurs utilisaient des prototypes qui leur sont propres pour donner leur réponse. Il est également possible que cela soit du à des mouvements oculaires ou des erreurs de fixation. Mais le résultat majeur, solidement observé pour les 4 observateurs est que la zone correspondant à la surface du signal domine l’image.

Tableau III : Représentation des valeurs d’amplitude (colonnes 2 et 4) et du sigma (colonnes 1 et 3) pour la zone du pourtour et la zone centrale, le rapport entre ces deux zones est également présenté (colonnes 5 et 6), ainsi que la position (colonnes 7 et 8), de la zone centrale pour les quatre observateurs.
Tableau III : Représentation des valeurs d’amplitude (colonnes 2 et 4) et du sigma (colonnes 1 et 3) pour la zone du pourtour et la zone centrale, le rapport entre ces deux zones est également présenté (colonnes 5 et 6), ainsi que la position (colonnes 7 et 8), de la zone centrale pour les quatre observateurs.
  Zone centrale Pourtour Rapport pourtour / zone centrale
Sujet Sigma (deg) Amplitude Sigma (deg) Amplitude Sigma Amplitude
x0 (min) Y0 (min)
FD 4.31 3.52 10.55 0.028 2.45 0.08 12.3 12.9
SD 2.31 5.05 9.76 0.15 4.23 0.03 -13.5 6.3
SH 2.85 3.72 12.18 0.1 4.26 0.03 4.9 15.5
VB 4.05 2.84 7.02 0.01 1.75 0.04 4.6 -3.5
Figure 52 : Représentation d’une fonction « DoG » qui ajuste les résultats obtenus dans l’image de classification.
Figure 53 : La fonction gaussienne est représentée par un trait foncé, elle correspond à la zone centrale, et la fonction gaussienne qui est représentée par un trait gris clair correspond à la zone du pourtour, la soustraction entre ces deux fonctions permet d’obtenir une fonction DoG. L’amplitude (Ap, Ac) et le sigma (c, p) sont indiqués pour chacune des deux fonctions.
Figure 54 : Expérience 1 : Ajustement de la fonction « DoG » aux résultats obtenus dans l’image de classification pour chaque observateur.
  • Image de classification liée à la présence ou l’absence du signal.

Les images de classification indiquaient la présence d’une zone centrale claire de forme plus circulaire que carré, ce qui laisse penser que l’information basée sur les bords du carré n’était pas présente, et ceci est vrai pour les quatre observateurs. Mais, il est tout à fait possible que ce flou soit le résultat d’une incertitude spatiale sur la localisation du signal, incertitude qui, si elle existe, serait plus importante lorsque le signal est absent. En effet, lorsque le signal est présent, même faiblement, le bruit permet de renforcer les indices utilisés par l’observateur quand ils sont alignés avec le signal, alors que, quand le signal est absent, un tel alignement n’est pas possible et l’observateur estimerait la position du signal de façon plus aléatoire. Ainsi, la moyenne des bruits pour lesquels le signal était absent devrait comporter moins d’information sur les contours que celle correspondant aux bruits présentés avec un signal.

Nous avons effectué des analyses complémentaires en distinguant les images de classifications pour lesquels le signal était présent et absent, de la façon suivante :

avec la moyenne des bruits correspondant aux détections correctes (DC), omissions (OM), fausses alarmes (FA) et rejets corrects (RC).

Les résultats sont présentés à la Figure 55. L’inspection de la figure montre que le profil des images diffère très peu que le signal soit présent ou absent.

Figure 55 : Expérience 1 : Résultats des images de classification lorsque le signal est présent ou absent, des images lissées et du test statistique appliquées aux images de classification pour l’ensemble des observateurs (FD, SD, SH et VB).

Pour quantifier l’incertitude spatiale, un ajustement de la fonction DoG a ensuite été réalisé pour chacune de ces images. Les résultats sont montrés dans le Tableau IV. Les ajustements pour les deux conditions confondues (signal présent et absent) indiquaient que la taille de la zone centrale était comprise entre 2.16 et 4.47 deg, et le pourtour entre 7.54 et 17.08 deg. Le pourtour participait faiblement à la détection puisqu’il représentait entre 1.5 et 9% de l’amplitude de la zone centrale. De même que pour l’ajustement de l’image de classification globale, l’estimation de la position de la zone centrale présentait un faible biais (inférieur à 15 min).

Si l’incertitude spatiale est plus importante lorsque le signal est absent, alors nous nous attendons à ce que la zone centrale (représentée par  c ) soit plus large pour les images de type signal-absent par rapport aux images de type signal-présent. En effet, les observateurs donneraient leur réponse de détection sur une zone plus importante en l’absence d’indice perceptif lié au signal. De plus, l’incertitude spatiale est également déterminée par l’emplacement de la zone centrale, mais les coordonnées par rapport au centre de l’image, représentées aux colonnes 7 et 8 du Tableau IV, variaient très peu. Les paramètres de l’ajustement variaient approximativement de 30% entre les images où le signal est présent ou absent (colonne 5 du Tableau IV), toutefois, cette variation se faisait dans un sens ou dans l’autre suivant l’observateur. Si la réponse aux contours est plus importante dans les images de classification pour les essais où le signal est présent, alors le ratio de l’amplitude A p /A c devrait être plus élevé dans cette condition par rapport à la condition où le signal est absent. Toutefois, les résultats n’allaient pas dans le sens de cette hypothèse (colonne 4 du Tableau IV). Les réponses basées sur le pourtour de l’observateur VB étaient très faibles, et nous n’avons pas pu estimer les paramètres pour la condition où le signal est absent.

Par ailleurs, pour chaque observateur, les paramètres étaient proches de ceux observés lorsque l’image de classification était calculée de façon globale.

Tableau IV : Estimation des paramètres de l’ajustement DoG à l’image de classification pour les essais où le signal est présent et absent. Les colonnes 1 et 2 présentent les valeurs d’amplitude, les colonnes 4 et 5 indiquent la taille du sigma en degrés, les ratios centre/pourtour sont indiqués aux colonnes 3 et 6. La position du centre est présentée aux colonnes 7 et 8.
Observateur A c A p A p /A c c (deg) p (deg) c / p x0 (min) y0 (min)
FD
Présent 1.98 0.29 0.015 4.47 8.98 2.01 13.8 9.6
Absent 1.76 0.08 0.05 4.07 11.87 2.92 13.8 22.2
SD
Présent 2.52 0.09 0.04 2.39 8.52 3.56 -15.1 5.6
Absent 2.59 0.07 0.03 2.16 10.71 4.96 -11.9 7.3
SH
Présent 2.03 0.04 0.02 2.61 12.86 4.93 7.1 13.0
Absent 1.81 0.16 0.09 3.24 7.54 2.33 2.2 18.1
VB
Présent 1.47 0.01 0.01 4.01 17.08 4.26 3.9 -4.4
Absent 1.37 - -   - - 5.4 0.0