2.6. Conclusion

Notre première série d’expérience a permis de montrer le rôle déterminant de la dimension de surface pour différentes durées de présentation du stimulus dans une tâche de détection. Par ailleurs, nous savons que le codage d’un signal est déterminé par de multiples canaux, mais est également influencé pas les facteurs spatiaux et temporels. Par conséquent, cette seconde série d’expériences avait pour objectif de déterminer si la dimension de surface était aussi importante pour la détection lorsque la taille du signal et du bruit variait. En effet, l’une de nos hypothèses était que la surface était principalement utilisée car l’information de contour n’était pas disponible pour l’observateur à cause d’une perte possible due à un traitement périphérique. Dans ce cas, cette dernière dimension aurait dû émerger dans l’image de classification lorsque la taille du signal était de 1 deg, par contre, pour une taille de 6 deg, la surface serait une information prépondérante. Les images de classification indiquaient, au contraire, une zone centrale claire à l’emplacement du signal, ce qui montrait la robustesse de la dimension de surface quelle que soit la taille du signal et du bruit. De même, un faible pourtour sombre entourait la zone centrale claire. Par conséquent, la manipulation des facteurs spatiaux et temporels ont permis de généraliser la prépondérance de la surface pour la détection.

D’un point de vue théorique ce résultat paraît surprenant. En effet, les études physiologiques classiques (Hubel & Wiesel, 1962, 1968) ont montré que l’une des premières informations, qui était encodée par le système visuel, reposait sur la dimension de contour des objets. De plus, de nombreuses études psychophysiques (Dresp & Bonnet, 1991, 1993 ; Paradiso & Nakayama, 1991) ont démontré l’importance du processus de remplissage pour le traitement de la surface. Néanmoins, les études physiologiques n’ont pas mis en évidence, de façon explicite, le traitement de ce processus dans le traitement d’une surface uniforme (Lamme, Rodriguez-Rodriguez & Spekreijse, 1999 ; Rossi & Paradiso, 1996, 1999). Par ailleurs, cette dimension est traitée dès le CGL (Rossi & Paradiso, 1999). Toutefois, dans ces expériences il est tout à fait possible que l’activation de ces neurones soit la conséquence de l’activité d’autres cellules à partir d’un contraste. Mais, notre expérience permet de montrer que le système visuel ne traite pas la surface à partir d’un processus de remplissage.

Nos expériences contribuent également à montrer la précocité du traitement d’une surface uniforme pour la détection. Les études comportementales, mettant en évidence un traitement hiérarchique contour/surface, utilisent rarement une tâche de détection. A notre connaissance, les expériences de Dresp et Bonnet (1991, 1993) ont été les seules à démontrer ce traitement hiérarchique pour la détection. Toutefois, les auteurs utilisaient la figure de Kanisza, et de nombreuses études en IRMf ont montré que le système visuel ne réalisait pas un traitement identique entre des formes illusoires et non illusoires (Hirsch, DeLaPaz, Relkin, Victor, Kim, Li, Borden, Rubin & Shapley, 1995 ; Mendola, Dale, Fischl, Liu & tootell, 1999).

L’estimation des paramètres de l’ajustement de la fonction DoG à nos données a permis de montrer que le « prototype » utilisé par l’observateur n’était pas fixe quelle que soit les conditions expérimentales. Au contraire, les résultats ont permis de montrer que les observateurs surestimaient la taille du signal lorsque celui-ci était petit, et à l’inverse, ils sous-estimaient la taille du signal lorsque ce dernier était plus grand. Ainsi, les observateurs ajustent leur fenêtre attentionnelle à la taille du signal.