Pertinence de la surface pour la détection.

Notre première série d’expérience avait pour but de mettre en évidence ce traitement hiérarchique entre la dimension de contour et de surface dans une tâche de détection. Pour cela, le temps de présentation du stimulus a été manipulé. En effet, nous faisions l’hypothèse que pour un temps de présentation long, alors la dimension de contour et de surface devrait émerger dans l’image de classification. Par contre, pour des temps de présentations brefs, seule la dimension de contour devrait ressortir. Nous supposons ainsi que pour des durées brèves l’observateur utilise principalement une information basée sur les premiers niveaux de traitement. Toutefois, les images de classification indiquaient une zone centrale claire à l’emplacement du signal. Ce résultat est surprenant puisqu’il indique que les observateurs utilisaient principalement une information basée sur la surface et non pas sur les contours, et ce quel que soit le temps de présentation des stimuli (400 ou 40 msec). De plus, un faible pourtour sombre entourait cette zone centrale claire. Une estimation de l’ajustement d’une fonction DoG à nos données a permis de montrer que ce pourtour était plus large que la zone centrale et participait faiblement à la décision. Toutefois, il est possible que les contours du signal soient situés dans le champ visuel périphérique, et il est classiquement admis que le système périphérique dégrade l’information perçue (Rovamo & Virsu, 1979). Par conséquent, la dimension de contour ne pouvait pas être utilisée par les observateurs puisque cette information est restreinte. Pour vérifier cette hypothèse, dans une seconde série d’expériences, nous avons manipulé la taille du signal pour que les contours soient placés dans la fovéa (1 deg) ou au contraire dans la périphérie (6 deg). Néanmoins, ces deux expériences ont permis de montrer la robustesse de la dimension de surface pour la détection.

Le résultat important de ces deux études est que l’observateur humain base sa réponse de détection sur la luminance des pixels de la région centrale et non pas sur les contours. La surface est une information transmise par le système visuel puisqu’elle est utilisée par l’observateur pour la détection. Par ailleurs, nos résultats ne peuvent pas être expliqués par un mécanisme de remplissage puisque le centre du signal contribue directement à la détection. Mais ici, nous montrons que ce processus n’est pas nécessaire pour expliquer comment une surface uniforme est perçue. Toutefois, nos expériences ne remettent pas en cause l’importance des contours et du processus de remplissage dans d’autres contextes. En effet, le remplissage a été démontré non seulement physiologiquement (DeWeerd et al., 1995 ; Komatsu et al., 1996) mais également perceptivement (Paradiso & Hahn, 1996 ; Paradiso & Nakayama, 1991 ; Ramachandran & Gregory, 1991). De plus, de nombreuses études ont montré l’importance des contours pour les figures illusoires (Gold et al., 2000), mais aussi pour une tâche de discrimination (Neri & Heeger, 2002). Nos données ont également mis en évidence la participation d’un pourtour sombre, ce qui pourrait indiquer une tendance de la part des observateurs à intégrer les contours dans leur réponse, mais cette participation est extrêmement faible, même si on la retrouve systématiquement dans nos expériences.

Par la suite, nous avons voulu savoir si les contours du signal pouvaient quand même être utilisés par l’observateur humain. Pour cela, une tâche de détection, identique aux expériences précédentes, a été réalisée. Mais cette fois, la réponse de type signal présent devait être donnée uniquement si les contours étaient perçus. Nos résultats ont permis de montrer que cette information ressortait dans les images de classification. Ainsi, les bords sont utilisés lorsque l’attention des observateurs est centrée sur cette dimension. En d’autres termes, les contours peuvent être utilisés mais pas de façon automatique, ce qui permet de renforcer l’importance de la surface pour la détection.