Rôle des voies précoces pour le traitement de la surface.

Une tâche de discrimination a ensuite été réalisée afin de déterminer la participation des voies précoces dans le traitement de la surface. Nous nous sommes ici intéressés plus particulièrement à la distinction entre les voies M et P. Ces deux systèmes ont été mis en évidence de façon comportementale à l’aide de deux paradigme par Pokorny et Smith (1997). Nous avons ici utilisé une simplification de la condition « steady-pedestal » qui permet de mettre en évidence la sensibilité au contraste de la voie M. Par conséquent, l’information de surface devrait être plus importante dans le traitement d’une forme. Conformément à notre hypothèse, cette dimension était principalement utilisée par les observateurs.

Les expériences chez l’observateur humain permettaient de montrer la distinction qui existe entre la perception (ici la surface) et le codage neuronal effectué par l’antagonisme centre/pourtour des champs récepteurs (basé essentiellement sur les bords). Nous avons voulu déterminer si la dimension de surface pouvait être codée par les champs récepteurs. Pour cela, une simulation informatique a été effectuée. Les réponses de l’observateur modèle sont basées à partir du profil des champs récepteurs qui est identique à une fonction DoG. Deux paramètres étaient manipulés : la taille et l’équilibre centre/pourtour des champs récepteurs. L’image de classification était ensuite calculée à partir de la réponse de l’observateur modèle. Nos résultats indiquaient que pour un champ récepteur équilibré, la réponse était principalement centrée sur les contours du signal quelle que soit la taille des champs récepteurs. Par contre, la dimension de surface était principalement utilisée lorsque l’antagonisme centre/pourtour était déséquilibré. Cet effet était d’autant plus robuste quand le déséquilibre était important. Par ailleurs, la taille des champs récepteurs n’était pas un facteur déterminant. Ainsi, les images étaient proches de celles obtenues avec les observateurs humains. Les résultats de l’observateur modèle sont importants puisqu’ils montrent que la surface est codée par les champs récepteurs quand l’antagonisme centre/pourtour est déséquilibré. Par conséquent, notre modélisation permet d’apporter des éléments de réponse par rapport à la problématique que nous avons développée entre le codage et la perception au cours de notre introduction.

Par ailleurs, un mécanisme top-down comme le remplissage ne permet pas d’expliquer notre perception de la surface à partir d’une information bottom-up, c’est-à-dire les contours. Nous ne remettons pas en cause l’existence du phénomène de remplissage, mais d’après les résultats obtenus avec notre observateur modèle, il semble que ce processus ne soit pas pertinent pour expliquer le traitement de la surface dans des conditions naturelles. En effet, ce mécanisme a été mis en évidence dans des conditions naturelles bien précises mais également artificielles. Toutefois, les études physiologiques, qui utilisent une surface uniforme (Lamme, Rodriguez-Rodriguez & Spekreijse, 1999 ; Rossi & Paradiso, 1999 ; Rossi, Rittenhouse & Paradiso, 1996), ne montrent pas directement l’existence de ce mécanisme. Ces expériences indiquent que l’aire V1 est fortement impliquée dans le traitement de la surface, ainsi que les contours, mais la réponse des neurones au centre ou à proximité des contours est similaire. Ce résultat va à l’encontre de la définition même du mécanisme de remplissage.