La troisième et dernière phase de déportation d’Allemands en Union soviétique sur ordre du gouvernement soviétique concernait environ 350 000 Allemands des territoires d’où ils n’avaient pas pu être évacués avant l’attaque de l’armée allemande. Les Allemands avaient donc vécu l’occupation et étaient désormais évacués des colonies administratives vers l’ouest 173 . La plupart des Allemands avaient gagné des lieux provisoires d’installation, sur des territoires allemands ou polonais, tandis que d’autres partaient en convois 174 vers l’ouest. Un certain nombre d’entre eux fut confronté à un nouveau danger : aux yeux des soldats soviétiques, qui pendant la guerre avaient nourri une haine profonde envers tout et quiconque était allemand, les Allemands d’Union soviétique étaient considérés comme des traîtres et d’étroits collaborateurs du régime nazi-socialiste. Lors de l’occupation de la Pologne, de l’est, de la Basse Autriche par l’armée soviétique commença le recensement de l’ensemble de la population allemande 175 . Ce recensement permit entre autres d’établir l’ancienne citoyenneté des Allemands et il fut bientôt étendu à tous les territoires soviétiques occupés par des Allemands. Parmi les personnes déplacées, les autorités militaires se sont intéressées en particulier à deux groupes : les anciens citoyens soviétiques au sens strict, selon la définition officielle soviétique (citoyens soviétiques qui ont été sans le savoir déportés par les nazis hors de l’Union soviétique et qui selon le droit allemand étaient considérés comme citoyens allemands qui avaient acquis leur citoyenneté pendant la guerre) et les Allemands des Pays baltes, de Pologne occidentale et de Roumanie, les personnes déplacées entre 1939 et 1941 et qui ont été déclarées par les autorités soviétiques citoyens d’U.R.S.S. 176 .
Environ 30 000 de ces personnes déplacées, dits Vertragsumsiedler, sont retombées entre les mains de l’armée soviétique 177 . Enfin, un troisième groupe d’Allemands, dits Reparationsverschleppten, est rentré en Allemagne. Il s’agissait des Allemands déportés dans les années 1945-1947, qui étaient partis pour l’Allemagne entre 1947 et 1950 puis déportés à nouveau. Lors du recensement, le retour des Allemands d’ancienne citoyenneté soviétique fut sécurisé, afin qu’ils arrivent dans de bonnes conditions dans leurs anciens lieux de résidence.
‘« Cette garantie ne pouvait pas être considérée autrement que comme une manœuvre de diversion qui devait faciliter le transport de ce grand nombre de personnes » 178 . ’Environ 440 000 Allemands au total étaient concernés par les déportations vers l’est. Entre 245 000 et 250 000 Allemands, dits Administrativumsiedler, d’ancienne citoyenneté soviétique venus des territoires occupés par l’Armée rouge, environ 45 000 à 50 000 Allemands qui venaient des zones d’occupation de l’ouest, et enfin environ 110 000 Allemands dits Reparationsverschleppten furent rassemblés par les commissaires au rapatriement 179 . Leur déportation dura de février à octobre 1945. La majorité, soit environ 224 000 Allemands, fut dans un premier temps prise en charge directement par l’Armée rouge : les Allemands furent répartis dans 159 trains et emmenés dans 74 camps de travaux forcés 180 .
‘« Selon des témoignages, les conditions de transport étaient inhumaines. Les wagons des marchandises contenaient entre 45 et 120 personnes, étaient plombés et ne comportaient aucun équipement sanitaire. Dans certains wagons, pendant le transfert qui durait de un à deuxmois, la mortalité atteignit 30 à 40 % des personnes transportées. Les trains prenaient la direction de la République de Komi et de la Sibérie » 181 . ’Il s’agit bien ici d’évacuations et non de déportations.
Voir ANNEXE XXXVII, carte sur les convois d’Alexanderhilf et les trajets par voies ferrées, 1943-1944. Voir ANNEXE XXXVIII, photographies des convois, 1941.
Au sujet de l’occupation des territoires par l’armée soviétique, voir A. SEATON, The Russo-German War 1941-1945, Londres, 1971, pp. 547-561 ; concernant le comportement de l’Armée rouge vis-à-vis de la population civile allemande, voir Flucht und Vertreibung, Bad Nauheim, 1966 et K. GRAU, Schlesisches Inferno, Stuttgart, 1966.
in Heimatbuch 1973-1981, Stuttgart, 1981, p. 15. La question de l’ancienne citoyenneté soviétique a soulevé de nombreux questionnements, notamment concernant le rapatriement des personnes déplacées par la Pologne. Cf. Documents in Soviet-Polish Relations 1939-1945, Londres, 1961, Vol. I, pp. 92, 200-228, 250-259.
in Heimatbuch 1973-1981, Stuttgart, 1981, p. 16.
« Diese Zusicherung konnte nicht anders als ein Täuschungsmanöver bezeichnet werden, das den Abtransport dieser großen Zahl von Menschen erleichtern sollte », in Heimatbuch 1973-1981, Stuttgart, 1981, p. 16.
Par rapatriement, nous comprenons le renvoi de personnes dans leur territoire d’origine. Le traité de Genève du 12 août 1949 établit par exemple le rapatriement des peuples après la Seconde Guerre mondiale.
Ces chiffres sont semblables à ceux fournis par K. STUMPP (in Heimatbuch, 1959, p. 7) ou TEICH (in Heimatbuch, 1958, pp. 92-93).
« Nach Augenzeugen berichten waren die Transportbedingungen unmenschlich. Die Güterwagen der Züge, in die zwischen 45 und 120 Personen gepfercht wurden, waren plombiert und enthielten keinerlei sanitäre Einrichtungen. In einigen Waggons lag die Sterblichkeit auf der ausgedehnten Fahrt von ein bis zwei Monaten bei 30 bis 40 % der Insassen. Die Richtung der Züge war die Komi ASSR und Sibirien », in Heimatbuch 1973-1981, Stuttgart, 1981, p. 16.