I- 4.6.3. Remise en question du territoire autonome allemand

Comme nous l’avons mentionné précédemment, depuis la dissolution de la République de la Volga en 1941, les Allemands de Russie ne possèdent plus leur propre territoire, ni leurs propres unités administratives ; leur marge de manœuvre en a donc été ainsi considérablement réduite. Sans territoire, les nationalités minoritaires n’ont aucune possibilité d’influence, bien qu’elles soient représentées à certaines réunions ou conseils dans quelques régions. Il ne leur est donc en principe plus possible de créer leurs institutions scolaires et culturelles. Elles sont davantage exposées à la discrimination de la part des autres nationalités. C’est pour ces différentes raisons qu’est réapparue dans les années soixante la volonté de rétablir la République autonome de la Volga, ainsi que nous venons de l’expliquer, mais soit les tentatives ont échoué soit les projets restent en suspend. Quelles sont les raisons de ces échecs ?

Avec la politique de la glasnost et la perestroïka et la nouvelle politique pour le règlement des questions ethniques, les Allemands de Russie pouvaient envisager d’agrandir leur marge de manœuvre, dans un environnement précis. Grâce au soutien de la presse germano-russe qui organisait des débats autour de la question et se chargeait d’en diffuser les grandes idées, dès 1988, la question du rétablissement de la République de la Volga est devenue plus concrète. Néanmoins, les obstacles posés par la population autochtone étaient encore difficiles à surmonter. C’est pourquoi la nouvelle République de la Volga est aujourd’hui encore une utopie. Les relations entre les nationalités s’améliorent peu mais les Allemands de Russie font toujours preuve d’optimisme. De façon plus réaliste apparut dès 1990 à l’exemple de la République de la Volga une forte concentration d’installation d’Allemands de Russie en Sibérie occidentale. La population a réintégré les villages créés au siècle dernier et les a abandonnés entre-temps. Les Allemands devaient pouvoir bénéficier par cette fixation des mesures de soutien de la part des gouvernements allemand et russe. En stabilisant les niveaux de vie dans ces nouveaux lieux d’habitation, le but avéré était d’éviter d’aggraver le processus de migration enclenché chez les Allemands de Russie. Ainsi, grâce à la détermination de la population allemande et l’aide de la population locale, le rayon allemand d’Halbstadt 293 dans le territoire de l’Altaï et le rayon d’Asovo 294 furent fondés entre 1991 et 1992. L’objectif était, par la création de ces rayons allemands, de renforcer la structure ethnique allemande et d’ouvrir de nouvelles perspectives pour les Allemands de Russie, afin de renforcer leur sentiment identitaire et de remplir toutes les conditions pour qu’ils restent en Sibérie. Cependant, ces deux rayons sont peu à peu délaissés par les Allemands qui y voient des « réservoirs pervers » impliquant de nouveaux conflits ethniques. Certains sont donc partis se réinstaller en Asie centrale ou au Kazakhstan. Certaines statistiques annoncent que ce sont 20 000 personnes qui sont ainsi parties soit environ 80 % des deux rayons. D’autres parlent de quelques milliers. Les sources officielles des gouvernements d’Asie centrale et du Kazakhstan déclarent que « de nombreuses familles » ont demandé le droit de s’installer sur leur territoire. Dans ces deux rayons allemands, et grâce au soutien du gouvernement allemand, les Allemands ont fondé leurs administrations propres, dont les conseils régionaux allemands. En parallèle, le gouvernement allemand permet à certaines personnes de retourner en Allemagne, rejoindre leur famille ou des membres de leur famille déjà installés sur le territoire fédéral allemand 295 . Toutefois, ces Zuwanderer, on l’a vu, ne sont pas réellement préparés à la vie qui les attend en Europe.

En 1992, le président de l’Ukraine, Leonid Kravtchuk, a proposé aux Allemands de Russie de revenir s’établir dans des territoires faiblement peuplés de l’Ukraine du Sud et d’y trouver une nouvelle patrie. À l’origine, il s’agissait de 400 000 personnes. Lors des négociations de la commission gouvernementale allemande-ukrainienne de 1993, il a été précisé du côté ukrainien que cette offre s’adressait à ceux qui avaient vécu en Ukraine et dont les parents étaient originaires. Ainsi, le nombre des personnes concernées était considérablement réduit. Ce sont seulement 2 000 Allemands de Russie qui ont émigré. Le gouvernement ukrainien a alors dû régler des problèmes de nationalité, de conditions de vie, etc. Les émigrés ont connu beaucoup de difficultés ne serait-ce que pour construire leurs maisons, pour entretenir leur logement. Les infrastructures étant peu développées dans ces régions, on nota de nombreux problèmes de transports et surtout d’emplois. Cela a remis en cause l’installation de nouvelles colonies dans de telles conditions et de telles régions.

De la même façon, le territoire de Kaliningrad a été grâce aux Allemands de Russie depuis la fin des années 1980 renforcé afin de rendre éventuellement possible l’autonomie, question toujours d’actualité. Au sein de l’Allemagne se forment des groupes de soutien. C’est pourquoi l’ouverture du territoire de Kaliningrad sur l’extérieur est importante, mais le territoire dépend de la Fédération de Russie. De ce point de vue, la proximité géographique de l’Allemagne et l’histoire de Kaliningrad, anciennement Königsberg, fait que l’on en parle beaucoup, surtout dans la presse allemande locale. Les conflits existent néanmoins, surtout avec les pays limitrophes (Pologne et Lituanie) et tiennent au fait que la volonté d’autonomie s’étend et gagne des zones jusqu’alors dites non sensibles et « soumises ». Certains préféreraient que la question de l’autonomie ne revienne plus dans les discussions. Malgré quelques données divergentes sur les chiffres d’émigrés, nous pouvons établir que 15 000 Allemands de Russie vivent sur ce territoire.

Beaucoup d’Allemands du Kazakhstan choisissent de s’installer en Sibérie, où certains trouvent une nouvelle patrie. Pour d’autres, c’est une étape transitoire. La vie semble y être davantage supportable. C’est le cas d’Anna Eggert qui a choisi de quitter son village d’Espelkamp pour gagner Kusak, à 6 000 km de là. Ses enfants, dont son fils Alexandre, ne sont pas partis en Allemagne de peur de ne pas trouver de travail ou de logement d’après ce qu’ont pu lui relater des amis sur place ; elle a choisi de retourner en Sibérie, dans le cercle allemand d’Halbstadt. Kusak se situe à environ 400 km à l’ouest de Barnaoul, capitale de l’Altaï. Sur les 22 000 habitants du cercle, composé de seize villages, 18 000 sont d’origine allemande. De plus en plus d’Allemands choisissent ce territoire de Sibérie occidentale. Leurs origines sont reconnues et appréciées. C’est un îlot allemand sur un territoire qui leur est familier. Un autre habitant, Alexandre Schneider, patron de la brasserie de Podsosnovo, a choisi de partir pour l’Allemagne sur l’insistance de son épouse. Ils iront à Ulm où ils trouveront des membres de leur famille déjà installés. Ils ont confiance à la différence de ceux qui restent et qui doutent. Elsa Hanser, elle, part uniquement pour retrouver ses enfants en Allemagne mais c’est un déchirement pour elle. Si certains partent, ce sont des nouveaux qui arrivent pour vivre en C.E.I., comme Frieda Seipp, qui a vu la Sibérie comme un nouvel eldorado. Ce sont 120 000 Allemands de Russie et du Kazakhstan qui déclarent vouloir s’installer dans les cercles d’Halbstadt et d’Asovo. Le gouvernement fédéral allemand soutient fortement ces initiatives par de fortes subventions. La région se développe rapidement, les H.L.M. sont construites partout. Les logements coûtent 8 000 DM et les banques proposent des prêts à taux d’intérêt attractifs pour faciliter les installations. Beaucoup d’entreprises industrielles et agricoles apparaissent.

Début 1992, le président kirghiz Akaïev a proposé par le biais d’un décret comme symbole du redressement général de la situation des Allemands de Russie (dans les rayons Sokoluk et Tchou dans lesquels se concentre une bonne partie de la population allemande) de fonder leur propre administration, pour leur offrir des possibilités de gérer leur politique économique et culturelle. Néanmoins, beaucoup d’Allemands ont préféré rentrer en Allemagne. La politique d’émigration et les mesures de soutien pour les Allemands de Russie sont liées. Pendant la première moitié des années 1980, des efforts ont été faits du côté de l’Allemagne afin de faire accepter les nouveaux émigrés d’U.R.S.S. Les autorités soviétiques appliquent une politique restrictive pour l’émigration, ce qui gêne les départs. Cependant, de plus en plus de personnes souhaitent émigrer. Le gouvernement fédéral allemand, à l’époque, encourageait plutôt les Allemands à rester dans leurs régions. Il appliquait pour ce faire différentes mesures :

Les mesures de soutien pour les Allemands de Russie sont officiellement entrées en vigueur dès 1990, avec par exemple un contrat de « bon voisinage », un partenariat entre les deux gouvernements (allemand et russe dès novembre 1990) 296 . Le paragraphe 15 de cet accord souligne tous les efforts qui ont été faits par les Allemands de Russie eux-mêmes pour conserver leur identité nationale, linguistique et culturelle. Le soutien accordé par les gouvernements russe et kazakh dans les domaines culturels et linguistiques donne davantage de profondeur aux mesures économiques depuis 1991. Dans le domaine économique, il est permis de fonder des petites et moyennes entreprises dans des zones prévues à cet effet, comme pour les fromageries et les pâtisseries. Quand la chute de l’Union soviétique a été consommée, c’est la Fédération de Russie qui a pris le relais. Certaines institutions sont devenues de plus en plus actives dans leur démarche de soutien et leurs initiatives sur le terrain : l’association Verein für das Deutschtum im Ausland, plus tard la Gesellschaft für technische Zusammenarbeit et la Kreditanstalt für Wiederaufbau. Cela se voit aussi dans des domaines tels que l’éducation et la culture. Le travail culturel et linguistique s’accentue, surtout par le biais du Goethe Institut, du Deutsche Akademischer Austauschdienst, d’Inter Nationes ainsi que la Zentralstelle für das Auslandsschulwesen. Il existe encore bien d’autres associations ou organisations, publiques et privées. Après les premières mesures mises en œuvre, la politique de mesures de soutien a été soumise à une critique sévère. Malheureusement, les mesures économiques ont été peu suivies. Un accord entre les gouvernement allemand et russe a permis de coordonner les mesures et de partager les responsabilités sur les différents porteurs de projets. Dans le domaine public allemand, les objectifs semblaient difficiles à atteindre en raison de grandes tensions entre les parties concernées. Du côté des Allemands de Russie, le scepticisme reste de mise.

Les gouvernements tentent de part et d’autre d’apaiser les tensions éventuelles et de trouver solutions et accords. Le protocole de collaboration entre le gouvernement allemand et le gouvernement de la Fédération de Russie pour le rétablissement progressif de l’autonomie des Allemands de Russie, en date du 23 avril 1992, concrétise la clause générale de protection des minorités (article 15) du pacte d’amitié conclu entre l’Allemagne et l’ancienne U.R.S.S. du 9 novembre 1990. Le gouvernement de la Fédération de Russie renforce ainsi son intention de garantir à terme une nouvelle République des Allemands de la Volga dans les territoires colonisés traditionnels afin de permettre la réalisation complète de l’identité culturelle et nationale des Allemands de Russie. La Fédération de Russie ne se considère pas comme un État national des Russes mais comme une fédération multinationale. La participation politique est accordée aux peuples de la fédération uniquement en matière d’autonomie territoriale. La création d’une corporation territoriale autonome pour le groupe ethnique germanique est fondamentale. D’ici là, seuls les deux rayons nationaux, Halbstadt (région de l’Altaï) et Asovo (près d’Omsk), subsistent. L’objectif de ce protocole est donc de créer une corporation territoriale autonome dans les territoires de Saratov et Volgograd qui serait la nouvelle patrie de la minorité allemande. Les deux pays doivent donc s’entendre sur les conditions de cette autonomie, sur les mesures de soutien, sur les subventions et les aides structurelles accordées de part et d’autre. Il s’agit donc également de contrer le mouvement d’émigration actuel et de le dévier. Le gouvernement russe pourrait proposer un nouveau programme de colonisation et d’installation des Allemands sur la Volga ; mais ce genre de projet est régulièrement rejeté par la population locale concernée. L’article premier (§ 1) prévoit le rétablissement de l’État des Allemands de la Volga à condition que ce ne soit pas au détriment des autochtones. Ainsi, le parlement russe ralentit les mouvements pour l’autonomie des Allemands de Russie. Et les Allemands de Russie ont été intentionnellement « oubliés » dans le texte de la dernière Constitution russe. La nouvelle structure fédérale ne prévoit aucune autonomie territoriale des groupes ethniques germaniques. Le droit sur la protection des minorités ne reconnaissant que les groupements nationaux, qui ont une base territoriale, la représentation politique des Allemands de Russie au niveau étatique comme au niveau régional est remise en question. Les articles 12 et 120 de la Constitution russe prévoient que les droits à l’auto-administration seraient accordés aux unités territoriales si des particularités nationales de la population ont bien été considérées. Le gouvernement fédéral allemand est tenu de garantir des droits aux groupes ethniques germaniques en Russie et d’aider la réalisation de cet État. Contrairement à ce qui se passe dans les anciens États de l’Est, la représentation politique de la minorité allemande s’est concrétisée en vue du rétablissement de l’autonomie territoriale.

Le pacte entre la République fédérale allemande et l’ancienne U.R.S.S. du 9 novembre 1990 et le protocole entre le gouvernement de l’Allemagne et de la Fédération de Russie du 23 avril 1992 sont la base de relations germano-soviétiques. Il s’agit d’un meilleur voisinage, d’une meilleure entente et collaboration entre les deux pays. Il est question d’élargir les possibilités de cours de langue dans chaque pays dans les écoles, les grandes écoles et les autres institutions éducatives. Les initiatives de création d’écoles bilingues sont soutenues. Les citoyens de nationalité allemande ont maintenant la garantie de préserver leur langue, leur culture, leurs traditions et de développer à long terme leur indépendance nationale, linguistique et culturelle. Aucune obligation n’est imposée en vue de l’autonomie culturelle de la minorité allemande de Russie. Les cours de langues étrangères seulement proposent des cours de langue maternelle. Le contrat fut prolongé et concrétisé par le protocole sur le rétablissement de l’autonomie des Allemands de Russie le 23 avril 1992 297 . Les institutions culturelles devraient être prises en charge par la Russie du point de vue législatif. Le gouvernement allemand est chargé de régler les questions d’aides personnalisées.

Malgré un succès confirmé dans le domaine de l’éducation, de la langue et de la culture, où l’on note des améliorations quant à l’apport de matériel pédagogique et d’informations sur l’Allemagne, la formation continue et les bourses d’études, il est clair que beaucoup de problèmes persistent encore. Beaucoup de promesses n’ont pas été tenues. Il en a résulté une énorme perte de confiance qui se ressent dans les mesures prises par les autorités et leurs représentants. Beaucoup d’Allemands de Russie se préoccupent donc, seuls, de leur avenir en Allemagne. Nombreux sont ceux qui s’étaient préparés à être « oubliés » en cours de route. Les différents gouvernements essaient donc de regagner leur confiance par une meilleure politique de communication commune. Cela vaut aussi pour le domaine économique. Mais les Allemands de Russie se montrent réfractaires aux spéculations. Après la chute de l’Union soviétique, la situation des Allemands de Russie ne s’est pas améliorée dans un premier temps. La plupart souhaitait partir pour l’Allemagne, mais il faut pour cela remplir certaines conditions et les dossiers de demande d’immigration sont complexes 298 . De plus, il est difficile de se reconstruire une vie en Allemagne, mais ils pensent que ce sera toujours mieux que dans leurs territoires d’installation qui en l’occurrence ont perdu de l’importance en Asie centrale comme au Kazakhstan. C’est peut-être moins vrai dans les rayons allemands de Sibérie de l’ouest où les conditions de vie, d’intégration et de réussite sont comparativement meilleures.

L’Allemagne mène en marge des mesures de soutien un débat actif en faveur des familles qui souhaitent rejoindre l’Allemagne. Certains membres des familles sont parfois contraints de rester en Russie tandis que d’autres partent. La situation d’intégration est difficile, beaucoup d’émigrés se sentent isolés et déçus par rapport aux espoirs qu’ils avaient nourris. Mais cela ne fait pas baisser les chiffres de l’émigration. Depuis 1996 environ, les chiffres des Aussiedler reculent 299 . De moins en moins de ressortissants de la C.E.I. souhaitent revenir en Allemagne, pays de leurs ancêtres. Le gouvernement fédéral allemand a en partie participé au retournement de la situation de l’immigration : en devenant plus exigeant sur les conditions de retour en territoire allemand, le gouvernement a freiné les élans des émigrants potentiels. En effet, alors qu’en 1995 seules des preuves de l’origine allemande étaient nécessaires pour reconnaître quelqu’un comme appartenant à la population allemande, aujourd’hui, les candidats à l’émigration doivent subir des tests linguistiques afin d’évaluer leur niveau en allemand. Un tiers des candidats à l’immigration échoue à cette épreuve, sans possibilité ensuite de pouvoir s’y représenter. Néanmoins, dans une interview accordée à la station de radiophonie allemande le 28 février 1998, M. Waffenschmidt, délégué du Ministère de l’intérieur aux questions de l’immigration, déclarait que la politique d’immigration menée par le gouvernement fédéral a toujours su garder les mêmes objectifs et le même profil depuis le début. Selon ses dires, prouver son origine allemande ne suffit plus, il faut désormais se soumettre aux règles décrites par la Bundesvertriebenengesetz ou loi sur les personnes déplacées. Cette loi précise en effet qu’il faut désormais tenir compte des éléments tels que l’origine, l’appartenance et la nationalité mais aussi la langue. De plus, elle mentionne un élément supplémentaire pour l’immigrant qui doit apporter la preuve d’être victime de guerre 300 .

L’intérêt et donc la raison pour laquelle ces tests linguistiques ont été instaurés est que les candidats potentiels à l’émigration sont nombreux et qu’il faut faire une sélection parmi eux, tous ne pouvant être accueillis sur le territoire fédéral allemand. Il faut s’assurer par ces tests passés sur les territoires d’origine que les personnes qui arrivent en Allemagne connaissant suffisamment la langue nationale. Autrefois, c’est-à-dire il y a trente ans environ, ces tests se seraient révélés futiles car comme nous avons déjà pu le préciser la langue allemande étaient suffisamment bien maîtrisée par les Allemands de l’Union soviétique. Pourtant ce n’est plus le cas ces dernières années. Le gouvernement fédéral maintient comme principe de base d’éviter l’arrivée non « canalisée » d’étrangers. Cela signifierait une mauvaise intégration, et éventuellement, un renvoi vers le Kazakhstan, l’Ukraine, ou la Russie. Toute personne qui entre sur le territoire fédéral allemand doit être assurée du fait qu’elle y entre de bon droit, en toute sécurité, et surtout qu’elle pourra rester. C’est pourquoi la répartition des immigrés dans les Länder est également strictement contrôlée 301 . On notera de façon anecdotique que certaines personnes obtiennent l’autorisation de séjour en Allemagne mais ne l’utilisent pas comme telle, restant sur les territoires de la C.E.I. et conservant ce document comme une simple sécurité, un moyen de se rassurer. Certains Allemands ont néanmoins choisi de rester sur les territoires de la C.E.I. La principale raison pour cela est que ce sont des personnes en couple dit mixte. Leurs conjoints, de différentes nationalités de la C.E.I., sont en général très attachés à leur pays et ne souhaitent pas le quitter. Ces personnes se regroupent dans des régions de forte concentration allemande, comme la Volga, l’ouest sibérien, la région de Saint-Pétersbourg et au Kazakhstan. Chacun tente de s’organiser au mieux sur place afin de préserver leurs intérêts. Ainsi, l’on voit se multiplier les conférences et séminaires pour les communautés allemandes 302 . D’autres sont simplement découragés de l’idée de partir en entendant ce qui peut se passer en Allemagne : il peut s’agir de faits racontés par les membres de leur famille ou amis comme par exemple les problèmes d’intégration, ou la loi sur l’attribution d’office des lieux d’habitation (afin de mieux garantir la répartition des émigrés sur l’ensemble du territoire et éviter que des situations comme celles de Lahr, d’Ems et Gifhorn ne se reproduisent, marginalisant la population nouvellement arrivée), ou encore la baisse des retraites après le 6 mai 1996, ce qui ruine certains de leurs espoirs. Le fondement administratif de la loi Kriegsfolgenbereinigungsgesetz est le maintien du destin de réfugiés de guerre dans son ensemble :

‘« […] en raison de la situation actuelle des ressortissants allemands et des citoyens allemands, et ce, malgré la prescription des mesures immédiates qui furent prises pendant ou après la Seconde Guerre mondiale à l’encontre des groupes ethniques allemands dans les régions actuelles d’émigration ».
« Il faut bien considérer que dans ces États vivent encore plusieurs millions d’Allemands, dont les bases de la vie pendant et après la Seconde Guerre mondiale furent ébranlées en raison des déplacements forcés, des mesures d’expulsion, de dispersion et de pression. Les conséquences actuelles des déplacements des structures sociales et étatiques ne sont pas encore terminées. Pour ces personnes, la R.F.A. a des responsabilités bien particulières à assumer » 303 .’
Notes
293.

Le rayon national allemand de Halbstadt a été fondé en 1927 déjà et désigné alors sous le nom de rayon Oktiabrski. Il y avait alors 57 villages avec 13 155 habitants dont 96 % étaient de nationalité allemande. Le rayon fut dissout à l’automne 1941 et les habitants déplacés.

294.

La fondation du rayon d’Asovo date en effet du 17 février 1992, à partir d’un référendum en date du 13 octobre 1991 pour lequel 82,7 % des personnes sondées s’étaient prononcées en faveur de la création d’un rayon national allemand. Dans ce rayon, on compte 28 localités, sur une surface de 1 400 km². Aujourd’hui y vivent environ 22 000 personnes, majoritairement de nationalité allemande. Cf. C. BÖTTGER, Lexikon der Russlanddeutschen, Berlin, 2000, pp. 23-24.

295.

Voir ANNEXE LXIV : le tableau sur les mouvement de population dans les années 1990 présente comme mouvement de retour principal celui des réfugiés, personnes déplacées et rapatriés involontaires avant celui des rapatriés vers leurs pays d’origine ethnique. Entre 1992 et 1996, on estime à 480 000 le nombre de personnes qui ont quitté le Kazakhstan pour l’Allemagne, soit une moyenne de 120 000 personnes par an. De l’actuelle C.E.I., les Allemands semblent être les émigrants les plus importants en nombre.

296.

Voir ANNEXE LXIII.

297.

L’article 4 du protocole précise que : « Zur Unterstützung der deutschen Minderheit in Russland bei der Pflege der nationalen Identität und der Wiederherstellung der Staatlichkeit der Wolgadeutschen werden beide Seiten die Gewährung der ungehinderten Möglichkeit fördern, kulturelle, soziale, gemainschaftsfördernde und Bildungseinrichtungen zu schaffen, die das Zusammengehörigkeitsgefühl der Deutschen stärken und das Zusammenleben von Menschen deutscher und anderer Nationalität begünstigen ».

298.

Voir ANNEXE LXV, reproduction d’un formulaire de demande d’immigration en Allemagne pour les immigrés venant de la C.E.I.

299.

Par Aussiedler, nous entendons les citoyens allemands ou personnes de nationalité allemande (ressortissants) qui, après les mesures de persécution (jusqu’en 1951) ont pu quitter les pays du bloc de l’Est selon les traités bilatéraux sur l’émigration (pour l’Allemagne, se repporter à l’article 116 de la Loi fondamentale). Ce terme désigne depuis quelques années les émigrés de l’ancienne Union soviétique. Le terme Spätaussiedler était, jusqu’à son introduction dans la Loi sur le règlement des conséquences de la guerre (Kriegsfolgenbereinigungsgesetz) du 1er janvier 1993, un terme officieux et fut utilisé dès 1980 en R.F.A. pour désigner les nouveaux immigrants. Certains, de l’association Landsmannschaft für Deutschen aus Russland, lui donnent comme synonyme Spätheimkehrer. Voir ANNEXE LXVI : ce graphique présente le recul du nombre des Aussiedler. Visiblement, ce nombre, après une légère hausse en 1992 puis en 1993, est en baisse constante. En 1997, il est même inférieur à celui de 1988. Deux pics sont néanmoins à noter en 1989 et 1990 qui correspondent à la chute du bloc de l’Est et à l’inflation des demandes de départ pour l’Allemagne.

300.

Les articles 16 et 16a de la Bundesvertriebenengesetz sont présentés traduits en ANNEXE LXVII.

301.

Voir ANNEXE LXVIII : ce tableau présente la répartition des immigrés en 2000 dans les Länder. La Rhénanie du Nord Westphalie est le Land qui a accueilli en 2000 le plus d’immigrés (20 566 personnes soit 0,11 % de la population totale). Ceci étant, en terme de rapport du nombre d’immigrés à la population totale du Land, c’est le Land Mecklembourg Poméranie qui a le taux le plus élevé, avec 0,15 %. Le Land de Brême a accueilli le moins d’immigrés mais cela reste élevé par rapport à la population totale. Enfin, c’est Berlin qui détient le rapport entre nombre d’immigrés et population le moins élevé, avec 0,8 % en 2000.

302.

Du 7 au 8 décembre 2001, 4ème congrès des Allemands du Kazakhstan, discours de Klaus Pöhle. Cf. Deutsche Allgemeine Zeitung, 14/12/2001.

303.

Grundgesetz (Loi fondamentale) Art. 116, § 1, n° 96, BMI, pp. 6-7.