Quelles sont les raisons invoquées pour le départ vers l’Allemagne ? On a beaucoup spéculé sur le chiffre global des Allemands vivants encore au Kazakhstan ou sur celui de ceux qui sont partis. En 1993, environ 8 000 Allemands du Kazakhstan sont partis, en grande majorité vers l’Allemagne, sinon vers la Russie et précisément les colonies compactes d’autrefois. En conséquence, le nombre de villages dits ethniquement mixtes au Kazakhstan a augmenté. Visiblement, dans les colonies allemandes du Kazakhstan, le mouvement de départ se fait en deux vagues : la première représente des départs de personnes seules ou des couples, des petites familles, surtout des jeunes. La seconde vague concerne des parents, des amis de ceux qui sont déjà partis. Ce sont eux qui incitent leurs proches à partir et les renseignent sur les modalités légales à remplir pour pouvoir partir. Cela accélère les décisions de départs. Dans le centre de recherche allemand de l’Université de Novossibirsk, une enquête a été menée début 1994 dans les territoires de Pavlodar, d’Akmola et de Semipalatinsk : cela permit de mettre en évidence la propension de la population germano-kazakhe au retour vers l’Allemagne. Mais cela révèle aussi qu’une partie des Allemands du Kazakhstan souhaite rester. Les autres ont déjà déposé une demande de départ (ou Vousov) auprès des autorités et attendent que la décision d’accueil soit rendue par les autorités allemandes fédérales. Cette attente, en raison du nombre important de demandes, du Kazakhstan mais aussi d’ailleurs, est comprise entre dix-huit mois et trois ans. Tout se joue sur la répartition équitable des décisions selon la provenance des demandes.
Jusqu’à la fin des années 1980, les raisons de départ étaient principalement des raisons ethniques d’intégration et le souhait de donner à sa famille une vie plus décente. Mais cela a quelque peu changé après la chute du régime soviétique, la situation économique ayant été bouleversée au Kazakhstan, dans toute l’ancienne U.R.S.S., mais aussi en Allemagne. Les raisons invoquées sont parfois très matérielles : les problèmes de chauffage durant l’hiver 1993 ont rendu les conditions de vie insupportables dans certaines régions du Kazakhstan et ont fini de convaincre ceux qui hésitaient encore à partir. Durant les hivers 1994 et 1995, l’amélioration ne s’étant nullement faite sentir, les Allemands du Kazakhstan ont persisté à vouloir partir. Le niveau de vie avait encore bien baissé et ils partaient dans l’espoir d’une vie meilleure : l’eldorado allemand. Mener une vie familiale dans de meilleures conditions est une des principales raisons de départ, aujourd’hui plus que jamais. En moyenne, les Allemands de Russie ont chaque année davantage de parents, proches ou éloignés, installés en Allemagne. Contrairement aux années précédentes, tous les membres d’une même famille ne quittent pas ensemble leur territoire. Certains, par choix ou par obligation des autorités, sont contraints de restés sur les territoires de la C.E.I. Bien sûr, ils disent souffrir de la séparation avec le reste de leur famille. Pour ne prendre que cet exemple, la situation au Kazakhstan est bien la preuve que des raisons ethniques influencent aussi les départs. Les attitudes hostiles dont font preuve les autochtones mais aussi les autres nationalités non autochtones génèrent également cette envie de partir. Les Allemands de Russie sont très sensibles aux conflits ethniques. Quels sont les principaux facteurs de conflit ? Occuper d’importantes fonctions administratives ne peut se faire sans la prise en compte, au Kazakhstan, de la nationalité. Beaucoup d’Allemands du Kazakhstan se sont d’ailleurs plaints du fait que leurs qualifications professionnelles n’étaient nullement reconnues voire occultées en raison de leur nationalité d’origine. Les cadres doivent naturellement maîtriser la langue kazakhe. Certains jeunes Allemands du Kazakhstan n’ont pas une maîtrise parfaite de la langue kazakhe et se trouvent donc « handicapés linguistiquement » dans leur vie quotidienne et dans le monde du travail. C’est pour cette raison que le nouveau système scolaire insiste davantage sur les cours de kazakh dans les premières classes. L’initiative administrative est bien suivie partout. Mais, du coup, dans les écoles à gros effectifs, c’est la langue russe qui est en perte de vitesse, en raison, encore une fois, du manque de personnel enseignant et de matériel (donc de moyens financiers). La récente politique des nationalités tend donc à renforcer l’enseignement des langues nationales. Beaucoup de parents allemands ont refusé que leurs enfants effectuent leur service militaire dans l’armée kazakhe et redoutent ensuite les retombées de cette mise à l’écart volontaire. Le déplacement administratif, décentralisant Almaty en faveur d’Astana (anciennement Akmola), implique aussi des mouvements de populations 309 .
Rappel : Almaty, en russe Alma-Ata, est l’ancienne Vierny « la fidèle », appelée sous ce nom de 1854 à 1921. Capitale jusqu’en 1998, qui est passée ensuite à Astana, Almaty est restée la capitale culturelle. Astana signifie le « seuil » en langues turciques, la « capitale » en kazakh (rebaptisée ainsi car anciennement, elle était Akmola dont la signification de « tombe blanche » était discutable pour une capitale.