II- 1.1.3. Évolution à partir des années 1990

En 1989, 48,7 % des personnes d’origine allemande vivant en Russie considéraient l’allemand comme leur langue maternelle. Au Kazakhstan, à la même époque, il s’agissait de 54,4 %. Après l’arrivée de Gorbatchev au pouvoir, la qualité des cours d’allemand s’est nettement améliorée, les Allemands ont apporté plus de soins à l’apprentissage et l’entretien de leur langue maternelle 362 . D’après un sondage effectué à l’hiver 1990, la part des personnes considérant l’allemand comme leur langue maternelle dépassait alors les 85 %, sans qu’une poussée de l’éducation en ce sens ait été nécessaire 363 . Ce résultat reflète un lien subjectif fort à la langue allemande et non les connaissances effectives dans cette langue. La langue allemande a été et est pour les Allemands de Russie non seulement un moyen de communication mais aussi une pièce du puzzle de l’identité nationale, qui sert de repère par rapport à leurs origines et leur origine ethnique 364 .

Le problème de la langue principale dans l’enseignement se complique du fait du caractère multinational des différentes Républiques. On a donc toujours laissé aux parents le soin de choisir la langue qui convient le mieux à leurs enfants. C’est ainsi qu’il existe dans une même école des sections différentes selon que l’enseignement y est donné dans la langue nationale ou dans une autre langue, et dans une même localité des écoles différentes selon que l’enseignement y est donné dans telle ou telle langue. Au Kazakhstan , dont on a déjà souligné le caractère multinational, on comptait en 1958 3 138 écoles kazakhes sur 9 000, avec 430 000 élèves sur un total de 1 300 000, qui donnaient un enseignement dans la langue ethnique. Les conséquences de cette situation se sont aggravées depuis le début des années 1990. La langue allemande n’est plus une langue standard dans le sens où elle est enseignée presque exclusivement en tant que langue étrangère, perdant ainsi de sa valeur. L’acceptation de l’allemand en cours est de plus en plus faible. Pourtant, l’article 36 de la Constitution de l’Union soviétique de 1977 garantissait à tout citoyen de pouvoir apprendre et utiliser sa langue maternelle et la langue des autres peuples soviétiques. En pratique, les enfants apprennent le russe et ont éventuellement la possibilité d’apprendre une langue d’une nationalité minoritaire. De fait, le taux d’assimilation de la population allemande dans la population russe est de plus en plus élevé.

Cependant, les efforts effectués pour le soutien de la langue sont parfois couronnés de succès ou en passe de l’être. Par exemple, un diplôme allemand de langue a été institué exclusivement dans l’école n° 18 d’Alma-Ata, en 2000. Ce sont seize professeurs qui ont pris cette initiative, en organisant un séminaire d’enseignement supérieur en août 1997 365 . Le diplôme se base sur trois types d’examens : résumé, synthèse et dissertation. C’est avec des exercices pratiques et des exemples tirés d’un corpus de textes qu’ont été démontrées différentes méthodes de travail. L’idée d’une mise en situation psychologique quotidienne à l’école semblait particulièrement intéressante. L’usage de la vidéo sera en l’occurrence très profitable. Ce n’est ni plus ni moins qu’une amélioration de ce que font les journaux de langue allemande depuis leur création : proposer à leurs lecteurs des exercices de syntaxe, de grammaire, présenter des dessins simplifiés pour apprendre des mots techniques ou précis (surtout dans Neues Leben), proposer des jeux, des devinettes et des mots croisés pour enrichir son vocabulaire (ceci étant destiné aux petits comme aux grands), etc. 366 . Trois écoles, y compris la n° 18, ont présenté des projets d’examens en 2000 (l’école n° 11 d’Aktioubinsk et l’école n° 10 à Oust-Kamenogorsk). Il s’agirait également de tester les connaissances des étudiants en grammaire, en orthographe et à l’oral ; mais ce projet ne pourra être mené à bien qu’avec une étroite collaboration entre professeurs et une formation continue pour les professeurs chargés des enseignements. De plus, de nombreux stages sont organisés sur le thème de la langue allemande, à l’exemple de celui qui s’est déroulé du 18 juin au 7 juillet 2001, au cours duquel des enfants de 8 à 17 ans étaient présents 367  : étaient organisés cours et activités dès 8 h 15 du matin. On dénombra pour ce stage 205 participants, 7 professeurs, 7 accompagnatrices, activités diverses de détente en marge des activités d’apprentissage. Le stage est organisé par la G.T.Z. (Gesellschaft für technische Zusammenarbeit) et par l’association locale Wiedergeburt. Elena Flechner est la directrice de l’association allemande des jeunes de Taldy-Kourgan. En 2002, elle recensait plus de 1 500 Allemands d’origine à Taldy-Kourgan et membres de Wiedergeburt. Le club de jeunes comptait quant à lui plus de 800 adhérents. En outre, cinq écoles y ont participé en novembre 2001 et en janvier 2002 aux examens linguistiques nationaux 368  : le lycée allemand d’Astana, l’école n°18, le lycée linguistique d’Almaty, l’école n°11 d’Aktobe, le lycée Alexander von Humboldt n°12 d’Oust Kamenogorsk. Les résultats aux examens sont les suivants :

Session d’examen Se sont présentés Ont été admis
1999/2000 56 candidats 49
2000/2001 76 68
2001/2002 62 49

Les examens portent sur différentes matières : compréhension de texte, grammaire et vocabulaire, production de texte (environ 600 mots) qui est selon candidats et professeurs l’épreuve la plus difficile. L’examen est un avantage incontestable pour ceux qui l’obtiennent. Obtenir son diplôme donne une motivation pour assister aux cours d’allemand.

Notes
362.

Voir ANNEXE LXXIII : graphique sur la maîtrise de l’allemand chez les Allemands soviétiques. Ce graphique expose une étude centrée sur les années 1980-1990, période charnière, et donne cette fois-ci le nombre et non le pourcentage des personnes maîtrisant l’allemand, ce qui correspond aux personnes de la deuxième génération d’après-guerre, les plus enclines à émigrer vers l’Allemagne et qui pour cela entretenaient leurs connaissances.

363.

B. MEISSNER, H. NEUBAUER, A. EISFELD, Die Russlanddeutschen, Gestern und Heute, Cologne, 1992, p. 213.

364.

H. FRANK, Zur sprachlichen Entwicklung der deutschen Minderheit in Russland und in der Sowjetunion, Francfort sur le Main, 1992, p. 132.

365.

« Deutsches Sprachdiplom », in Deutsche Allgemeine Zeitung, 02/05/1998, p. 3.

366.

« Einige Übungen zum Deutschen Lesebuch für die 7. Klasse », in Neues Leben, 03/12/1986, pp. 10-16 ; « Stundenskizzen für Klasse 2, in Freundschaft, 30/11/1988, p. 4.

367.

Cf. F. STOLL, « Kinder begeistert : Sprachunterricht und Workshops in Taldykorgan – Erstes Jugend und Kindersprachlager in Kasachstan hat begonnen », in Deutsche Allgemeine Zeitung, 29/06/2001, p. 1.

368.

C.-D. STROM, « Zum dritten Mal : Sprachdiplom – Prüfungen in Kasachstan », in Deutsche Allgemeine Zeitung, 24/05/2002, p. 4. Voir la photographie à ce sujet dans la photothèque que nous présentons en annexe.