Étudiants allemands dans les universités kazakhes

Les universités allemandes étaient inexistantes après la guerre ; seuls subsistèrent les départements de germanistique au sein des universités soviétiques. Les étudiants allemands devaient par conséquent s’inscrire dans les universités soviétiques, ce qui était déjà un progrès sachant que toute inscription dans les établissements d’enseignement supérieur fut interdite de 1945 à 1957. Cela a permis à beaucoup d’entre eux une réussite professionnelle :

‘« Lorsque j’appris par le journal le recrutement d’étudiants pour l’établissement d’enseignement supérieur de médecine d’Alma-Ata, je décidai d’envoyer rapidement une demande d’admission accompagnée d’une copie de mon diplôme du baccalauréat, sans trop me faire d’illusions. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je reçus la réponse m’annonçant que je serai inscrite à l’établissement d’enseignement supérieur après réception de l’original du diplôme. Je l’expédiai et fus informée de mon inscription en 1ère année de médecine et qu’en outre une place à la résidence étudiante m’était octroyée et que les cours commençaient le 1er septembre » 415 .’

Ce témoignage nous fournit plusieurs éléments intéressants et révélateurs du fonctionnement des universités : il y avait apparemment un nombre de places d’accueil suffisant ; il existait des résidences universitaires, en général au sein même de l’université, sur le campus ; la rentrée universitaire était début septembre et les formalités d’inscription semblaient relativement simplifiées. Le tableau suivant, concernant l’appartenance ethnique des étudiants au Kazakhstan nous permet, sur une large période entre 1960 et 1967, de constater que les étudiants allemands sont peu nombreux 416 . Cela dit, nous pouvons noter que dans la République du Kazakhstan, en 1960, les étudiants allemands représentaient 4,0 %, contre 4,6 % en 1965 et 4,8 % en 1967. La hausse est faible mais significative. Par rapport à toute l’Union, de 1960 à 1965, 88 % des étudiants en germanistique étaient de nationalité allemande, soit une hausse de 7 % pour 1966-1967 et de 62 % pour 1967-1970. Cette hausse est très importante et matérialise le redressement culturel et éducatif qui s’opérait à la même période, et surtout le regain des jeunes pour les études supérieures.

  1960-1961 1961-1966 1966-1967
Nombre total d’étudiants 77 135 144 672 163 093
Kazakhs 31 351 54 923 59 790
Russes 34 039 65 689 74 738
Ukrainiens 3 891 10 218 11 310
Tatares 1 702 2 449 2 929
Autres 837 1 040 1 329
Allemands (estimations) 3 530 6 330 7 900

Nous constater par l’intermédiaire de ces statistiques que les Allemands se situent bien en dessous de la moyenne kazakhe, ce qu’Ingeborg Fleischhauer avait déjà démontré 417 . Ainsi, en 1960, seulement 4 % des étudiants étaient allemands, 4,8 % en 1967 alors que les étudiants kazakhs en 1960 représentaient 7 % et 6,3 % en 1967. Les raisons de ces chiffres sont les suivantes :

  • Jusqu’au début des années 1960, les Allemands nés pendant la guerre n’étaient pas concernés par les études. Néanmoins, les personnes nées entre 1925 et 1940 ont pour beaucoup tenté de reprendre leurs études entre 1950 et 1960. Ces Allemands se sont inscrits dans des écoles supérieures ou dans des cours du soir et des cours par correspondance. Entre 1963 et 1965, les départements allemands d’études par correspondance se sont multipliés, notamment à l’institut pédagogique d’Alma-Ata, de Koktchetav pour les professeurs des classes supérieures, mais aussi au sein de l’institut de formation de Saran (territoire d’Alma-Ata). Les étudiants recrutés étaient de nationalité allemande, jeunes bacheliers et dont la formation devait durer un an seulement. L’une de ces classes a été formée sur Issyk, dans le territoire d’Alma-Ata. Le nombre d’inscriptions dans ces départements doubla en un an. La filière était effectivement davantage recherchée par les étudiants potentiels 418 , à l’image de Lore Reimer*, fille du professeur H. Reimer, en classe de 10e à l’époque selon son témoignage 419 .
  • Jusque dans les années 1980 ; il était difficile pour les ressortissants de la minorité allemande de s’inscrire dans une école supérieure. De plus, leur appartenance à la communauté chrétienne était un inconvénient aux yeux de l’administration, tout comme l’appartenance au Parti était un critère déterminant. Or une minorité d’Allemands seulement y étaient inscrite.
  • Beaucoup de parents dans les années 1980 encourageaient, d’une façon pragmatique, leurs enfants à travailler rapidement.
  • Une majorité des Allemands vivaient dans des zones rurales et leur vie était rythmée par les récoltes. La scolarité était donc généralement plus courte de un à deux mois afin que les jeunes puissent aider aux travaux agricoles. Le niveau de connaissances des élèves s’en ressentait et était inférieur à celui des élèves citadins, plus assidus. Ce facteur les pénalisait lors de leur candidature à l’entrée dans une école supérieure.
  • À la fin des années 1980, beaucoup de familles allemandes émigrèrent, fragilisant le cursus scolaire des enfants.

La situation des Allemands dans les écoles spécialisées et/ou techniques suivit l’évolution générale. Au fil des ans, le nombre des étudiants a augmenté. Ce chiffre avait été multiplié par quatre en 1970 : ainsi, sur les 335 établissements supérieurs, 1,8 millions d’étudiants étaient inscrits au premier semestre de l’année universitaire 1970-1971. Les étudiants avaient en moyenne 22 ans. Beaucoup étaient des femmes, soit 38 % en 1970. Un cycle d’étude durait en moyenne cinq ans. Il y avait environ 5,6 % d’étudiants étrangers en 1980-81 (et 8,2 % en 1996-97) 420 .

Notes
415.

V. KLUNDT, « Wie wir ausgesiedelt wurden », in Deutsche Allgemeine Zeitung, 10/1/1998, p. 3 : « Als ich nämlich in einer Zeitung die Bekanntmachung von der Aufnahme in die medizinische Hochschule Alma-Ata gelesen hatte, beschloss ich, eine Aufnahmegesuch nebst der im Dorfsowjet beglaubigten Kopie meines Reifezeugnisses dort einzusenden, ohne mir dabei irgendwelche Hoffnungen zu machen. Wir groß war aber mein Erstaunen, als ich die Antwort bekam, dass ich nach Erhalt des Originalerzeugnisses an der Hochschule immatrikuliert werde. Ich schickte es ab und wurde benachrichtigt, als Studentin im I. Studienjahr an der Medizinischen Hochschule immatrikuliert worden zu sein, außerdem, dass mir Platz im Studentheim gewährt werde und dass der Unterricht am I. September beginne ».

416.

B. PINKUS, I. FLEISCHHAUER, Die Deutschen in der Sowjetunion, Geschichte einer nationalen Minderheit im 20. Jahrhundert, Nomos, Baden-Baden, 1987, p. 413. Cf. O HERTEL, « Zur Bildung und Identität der Deutschen in der UdSSR der letzten 50 Jahren am Beispiel Kirgisien und Kasachstan », in Heimatbuch 1990-1991, Stuttgart, 1991, p. 181.

417.

Cf. I. FLEISCHHAUER, Die Deutschen in der Sowjetunion, pp. 403-404.

418.

« Von Anfang an gefiel es mir in der Deutschstunde. Russisch konnte ich aber viel besser und ich las daher meist russische Bücher. Das erste bedeutende Werk, das ich in deutscher Sprache gelesen habe, war Schillers „Kabale und Liebe“. Diese Tragödie überwältige mich. Ich las immer mehr deutsche Bücher,... lernte eine Menge schöner deutscher Volkslieder. Eine neue Welt eröffnete sich mir, eine Kultur und Kunst, von der ich bisher nur wenig gewusst hatte. [...] Ich will meinem Vater gleichen, will Lehrerin werden und glaube, dass ich damit meinem Volk den größten Nutzen bringen kann », in Neues Leben n° 15, 7 avril 1965 et Neues Leben n° 14, 31 mars 1965, p. 10.

419.

Neues Leben, n° 46, 14 novembre 1963, p. 10.

420.

« Die Zahl de Studenten », in Deutsche Allgemeine Zeitung, 01/01/1998, p. 5.