Dans les années 1930, en raison de la décision du Comité central du Parti du 23 avril 1932 « sur la transformation des organisations littéraires et artistiques » qui mobilisait les intellectuels pour les travaux imposés par la construction socialiste, les associations culturelles germanophones furent dissoutes. Il fallut réorganiser l’union de tous les écrivains, journalistes et artistes qui soutenait le gouvernement soviétique et devaient agir efficacement pour la construction socialiste. La décision de 1932 renia tout ce qui, au sein du système de presse des Allemands de Russie, n’étaient pas dans la droite ligne du bolchevisme, au profit de sujets sur l’éducation politique, de l’internationalisme et des mouvements pionniers, du militarisme, de la lutte contre la religion. Cette phase fut la troisième étape dans l’évolution de la littérature des Allemands de Russie en Union soviétique. L’industrialisation soutint néanmoins la littérature (et le journalisme) allemande techniquement et scientifiquement. Les problèmes politiques liés aux nationalités étaient relégués au dernier rang des préoccupations des bolcheviques, au profit d’un patriotisme soviétique exacerbé pour les « grands russes ». Durant les années 1930, nous avons donc une large palette de journaux de grande importance. Á l’exception des journaux politiques ou empreints d’idéologie bolcheviste, certains organes de presse se sont consacrés au commerce, à l’industrie, aux sciences, à l’art. Certes, l’aspect politique (idéologique) et culturel du journalisme des Allemands de Russie est basé presque exclusivement sur des traductions du russe ou de l’ukrainien et autres langues de l’U.R.S.S. Les thèmes principaux abordés dans la presse des Allemands de Russie étaient les mêmes que ceux des journaux des autres peuples de ce grand pays multinational : le patriotisme soviétique, l’industrialisation, la population active, les résultats du travail dans les kolkhozes, la lutte contre l’ennemi des classes, et surtout les grands fermiers, le clergé, la révolution mondiale, les thèmes contre la guerre, l’avenir socialiste. Le contenu des écrits et notamment des poèmes parus dans la presse soviétique allemande était d’un ton déjà imprégné de communisme.
Le nombre de journalistes agitateurs augmenta et l’œuvre journalistique n’avait jamais été aussi riche. Les journalistes apportaient un autre regard sur le monde bolcheviste et expliquaient clairement les fondements de la lutte des classes. Tout cela contribua à la création d’un système de presse et d’édition en accord avec la construction socialiste 525 . Johannes Schaufler, qui allait devenir l’un des écrivains et des journalistes les plus appréciés dans les années 1930, gagna la cause du journalisme au sein du komsomol. En 1931, il reprit le poste de rédacteur culturel aux Nachrichten à Engels. Ses articles étaient publiés sous forme de poèmes dans lesquels on distinguait nettement l’imprégnation des méthodes de travail socialiste et le système de l’économie planifiée. Alexander Heinz, lui, s’attachait à écrire des poèmes contre la guerre. En 1931, Karl Schmidt* esquissait dans un article intitulé « Stossbrigadler und Stürmer » l’opposition des classes dans un village allemand. Lors du 15e Congrès du Parti, selon une théorie stalinienne sur l’aggravation de la lutte des classes devant la progression socialiste, il fut décidé de restreindre les droits des fermiers les plus importants. Il régnait donc un désordre incomparable dans les kolkhozes, au nom d’une politique d’épuration (1936-1938) qui fit des millions de victimes. Il semble donc évident que les journaux disparurent les uns après les autres, afin que les journalistes ne puissent pas s’exprimer sur les événements. Les rédacteurs étaient arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison, ou exécutés. Karl Schmidt dont nous venons de parler n’échappa pas à ce sort.
R. MICKWITZ, Literatur-Lehrbuch, Kharkov - Kiev, 1932.