Un des principaux organes de presse des Allemands d’U.R.S.S., sinon le principal, fut Neues Leben (Nouvelle Vie), créé le 1er mai 1957 à Moscou en remplacement du Deutsche Zentralzeitung, publié dès 1926 et dont il est symboliquement la suite (son titre traduit la renaissance du Deutsche Zentralzeitung mais aussi celle du peuple allemand de Russie). Le journal a donc été transformé car de nombreux membres de la rédaction du Deutsche Zentralzeitung avaient disparu pendant la Seconde Guerre mondiale comme nous l’avons montré précédemment. Refonder un journal était la solution pour repartir sur des bases nouvelles après la Seconde Guerre mondiale. Sous-titré « Unabhängige deutsche Zentralzeitung » en allemand mais aussi en russe 558 , ce nouveau journal (certains le qualifient de magazines) de seize pages paraissait en deux couleurs et était richement fourni en photographies, sur un format papier de type A3. Sa forme n’a pas véritablement changé si ce n’est dans la typographie et la présentation de la première page, qui a été modernisée. Une seule couleur reste utilisée aujourd’hui, le bleu en l’occurrence.
Le journal donnait des informations intérieures et étrangères, établissait des rapports sur l’agriculture, sur l’industrie et les techniques. Deux pages du journal étaient consacrées à la littérature des écrivains soviétiques allemands contemporains, et traitait également l’histoire du peuple soviétique allemand. Des poèmes, des récits, des traductions d’auteurs russes soviétiques et autres étaient publiées. Parfois, la rédaction publiait des œuvres allemandes modernes. Pendant plusieurs années les pages littéraires étaient rédigées par Johann Warkentin. Son successeur fut Victor Herdt, originaire de l’Altaï (ses parents avaient été emmenés de Mariental dans la Volga), diplômé de l’université de Leipzig en études germaniques. Il y avait également une rubrique sur l’enseignement (« Lehrerseite ») dans laquelle étaient publiés des articles sur le travail scolaire et les méthodes. Les journalistes et pédagogues donnaient des conseils, notamment pour résoudre les problèmes de cours d’allemand-langue maternelle et proposaient d’échanger un maximum d’expériences pédagogiques. Lu également par les plus jeunes, le journal publiait une rubrique « le coin des enfants » (« Kinderecke ») une fois par mois. La rubrique pour les enfants était composée de contes, de récits, de poèmes, parfois des enfants eux-mêmes, ainsi que des articles écrits par les enfants, des attributions de prix scolaires, des devinettes, des proverbes et des chants. Ce magazine parlait des nouveautés dans le domaine culturel national et international, des institutions culturelles, des résultats sportifs, des formations professionnelles, des Allemands de Russie célèbres ou influents. Paraissaient également des conseils en éducation, en jardinage, en bricolage et en cuisine. En 1965, le journal était tiré à 300 000 exemplaires. Le courrier des lecteurs des années 1970 à 1990 est particulièrement conséquent, intéressant et apprécié par lecteurs. Il a souvent permis à certaines familles de se retrouver après plusieurs années de séparation suite aux déplacements de 1941. Une rubrique consultative littéraire, rédigée par Sepp Österreicher, l’écrivain Victor Klein et le journaliste Johann Warkentin, paraissait périodiquement pour les auteurs soviétiques allemands. Le premier rédacteur du journal fut Georgi Pchenitsin (de 1957 à 1978). Il collabora avec Erich Richter, Harry Schnittke, Victor Polianski, Karl Welz, Reinhold Keil, Hugo Wormsbecher, le poète et journaliste Robert Weber ainsi que des hommes de lettres qui correspondaient régulièrement avec la rédaction sans en faire partie : Victor Klein, Dominik Hollmann, Reinhard Köln, Ewald Katzenstein, Viktor Heinz, Reinhold Leis, Wandelin Mangold*, Woldemar Ekkert, Herold Belger. Les correspondants du journal en 1976 étaient Georg Haffner (Tselinograd), Helmut Heidebrecht (Saran, territoire de Karaganda), Georg Kissling (territoire de l’est du Kazakhstan), Adolf Bertsch (territoire de Volgograd), Helene Walde (Orenbourg), Peter Peters (Krasnokamsk, territoire de Perm), Johannes Roppelt (territoire de Kemerovo), Nikolaus Zahn (Shana Arka, territoire Djezkasgan), Herbert Eck (Douchanbe), Ernst Liebich (Taldy-Kourgan), Nikolaus Mosser (territoire de Toula).
Le 16 mai 1986, le journal Neues Leben fêtait ses soixante ans. Dès le milieu des années 1980, ses articles étaient surtout axés sur les problèmes socio-économiques en U.R.S.S., les combats de la classe ouvrière, le fascisme et la guerre. Certains journalistes étaient venus de l’étranger (R.D.A. et Autriche) rejoindre la rédaction. Parmi les collaborateurs de la rédaction, nous pouvons noter la présence de W. Bredel, J. Becher, H. Huppert, F. Wolf. Diffusé également dans d’autres pays communistes que l’Union soviétique (Neues Leben était lu en R.D.A., en R.F.A., en Autriche, en Suisse, en Hongrie et en Tchécoslovaquie), la Pravda prit en charge la publication afin de contrôler le contenu des informations divulguées. Ainsi, Neues Leben ne diffusait que des informations autorisées sur les événements en U.R.S.S. et à l’étranger, sur la politique des nationalités et sur le rôle des soviétiques allemands dans l’évolution socio-économique du pays. Il présentait aux lecteurs les héros du travail, les représentants du Soviet Suprême d’U.R.S.S., les vétérans du Parti, les scientifiques prometteurs et les artistes. Il ne parlait pas de la minorité allemande nationale d’U.R.S.S. Les principaux problèmes des Allemands en Union soviétique (au sujet de la réhabilitation et du retour dans les territoires d’origine) n’ont été traités qu’à partir de 1987 par le journal. Le premier qui a abordé le sujet est Heinrich Groth*. Puis, en décembre 1987, Johann Kronewald, participant des délégations du mouvement pour l’autonomie dans les années 1960, publia l’article « Stiefkind der Geschichte » dans Neues Leben, ce qui stimula la création d’organismes de recherche sur les Allemands de Russie 559 . Depuis, tous les articles qui paraissent sur le sujet sont dédiés aux Allemands de la Volga ou aux fonctionnaires de leurs institutions 560 . En 1988, le prix du journal a été plus que doublé, passant de 4,08 roubles à 10,44 roubles, ce qui a provoqué la colère des lecteurs qui n’avait pas été informés de ces changements. En réaction, la rédaction décida de revenir au prix initial pour éviter mécontentements et confusion (avec le journal Moskovskoïe Novosti qui coûtait aussi 10,44 roubles). En 1990, Neues Leben devint un journal indépendant des Allemands soviétiques prenant le sous-titre suivant : Unabhängig – Überparteiisch, Gründungsjahr 1926. Zentralzeitung der Russlanddeutschen. Pour la première fois de son existence, le rédacteur en chef du journal était un Allemand (Eduard Schmidt*). À l’exception de Eduard Schmidt, il n’y avait alors au sein de la rédaction qu’un seul collaborateur allemand, Victor Weiz*, qui écrivait en russe. Afin d’agrandir le cercle de lecteurs, le journal a consacré depuis 1990 de plus en plus de place aux articles rédigés en russe et est devenu à la fin des années 1990 un journal bilingue.
Depuis 1994, le rédacteur en chef est Maxim Gagaskin. Le journal est présenté selon la même logique depuis sa création. Il propose différentes rubriques qui sont (avec quelques variantes selon l’importance des articles) : en page 1, la présentation, le sommaire et des illustrations (en général des photographies, alors qu’autrefois il s’agissait surtout de dessins et d’esquisses, voire de fusains) ; en pages 2 et 3, NL Aktuell / aus Deutschland per Fax / Gegenwartsgeschichte; en pages 4 et 5, Nationale Frage / Tribüne / Kultur, geschichte / Errinerungen / Inland-Ausland ; en pages 5 et 6, Wirtschaft/ Interview / Nationale Politik ; en page 7, In die Urheimat zurückgekehrt / Polemik ; en pages 8 et 9, Ins Theater gegangen / eine Sage lebt durch die Zeiten / Deutschland heute / Blick in die Geschichte / Durch zwölf Monate / Modernes Leben und Lifestyle ; en pages 10 et 11, Prosa und Poesie ; en page 12, Landeskunde und Traditionen ; en page 13, Kinderecke / Zur Auswanderungsfragen / Rezept Tips ; en page 14, Die Welt des Glauben; en page 15, Hier spricht der Leser / Leserseite / Anzeigen ; en page 16, Zur Unterhaltung. Les mini-histoires sont importantes puisqu’elles permettent aux enfants d’apprendre la langue en plus des chansons, des explications en biologie, des récits sur la nature (souvent il s’agit de présentation de travaux d’écoliers notamment dans le domaine de la protection de la nature, ou de poèmes ludiques). La rubrique « Jugendtreff für Komsomolzen » était très importante pour les jeunes dans la société soviétique. Une rubrique « Kulturmosaik » revient dans les années 1985-1986 en mettant l’accent sur l’écologie. La rubrique « Die Welt des Glaubens » se présente toujours avec un sermon (« Gedanken für jeden Tag ») ainsi que des chansons, psaumes et poèmes d’anonymes. Dans ce journal, une grande parole est laissée au lecteur, notamment avec le courrier des lecteurs, les vœux personnels, la recherches de personnes disparues depuis les déplacements de la Seconde Guerre mondiale. Nous trouvons aussi, d’un point de vue plus pratique, des recettes de cuisines, y compris étrangères, et d’un point de vue strictement linguistique des histoires en dialecte et des lexiques en images pour tester ses connaissances (par exemple sur le domaine économique). La page « Lehrerseite » a aussi son importance (conseils pratiques, expériences, pédagogie, exemples) et était d’ailleurs fondamentale dans les années 1960 561 . Les dernières pages sont réservées aux histoires humoristiques, suivies d’anecdotes, de quelques jeux et de mots croisés. De nos jours, les lecteurs peuvent bénéficier de critiques sur les nouveaux films russes. Neues Leben est aujourd’hui, en 2003, un journal indépendant mais rédigé à 90 % en russe, ce qui confirme la tendance que nous avions relevée précédemment au sujet de la perte de vitesse de l’allemand actuellement. Il est toujours composé de seize pages, mais propose désormais (depuis 1990) un supplément intitulé NKA-NL, exclusivement en russe, dispensant des informations politiques et des discours sur la situation des Allemands de Russie. Le siège de la rédaction, présidée par Oleg Dehl, se situe à Moscou.
Нойес Лебен, Зентральная Незавúсимая Немецкая Газета.
Cf. Également Rote Fahne, n° 64, 1988. Johann Kronewald dénonçait le fait que la situation des Allemands de Russie n’avait rien d’un problème insoluble et que tout était affaire de volonté. D’autres articles suivirent, notamment « Die Wurzeln der Freundschaft » de Viktor Krieger, « Seit wann leben die Deutschen im Altai » de Lew Malinowski, ainsi que des œuvres littéraires telles que « Der letzte Grabhugel » de Viktor Klein, « Um Mitternacht klopfte es an der Tur de Georg Haffner, « Die schwarze Lokomotive » de Maria Malsam, qui dénonçaient le manque de considération pour les Allemands de Russie et leur Histoire.
Cf. http://rusdeu.narod.ru/main/schleicher/schleicher_3.htm
Cf. A. EISFELD, Zeitschrift für Gegenwartsfragen des Ostens, Stuttgart, 1991, pp. 15-16.
Cf. Partie II.