Difficultés rencontrées par le système de presse

Ainsi nous avons donc dénombré douze journaux. Certes, Freundschaft que l’on a connu à Tselinograd (aujourd’hui Akmola) puis Alma-Ata (aujourd’hui Almaty) a été remplacé par le Deutsche Allgemeine Zeitung et Rote Fahne est devenu Zeitung für Dich (Journal pour toi). Nous arrivons donc à un total de quinze journaux. Néanmoins, trois seulement sont répertoriés dans le catalogue russe de la presse en 1995 : ce sont Nachrichten (index 54475), Neues Leben (index 50084) et St. Petersburgische Zeitung (index 32188). Doit-on en déduire que la discrimination envers les Allemands continue ? Le problème est plus profond : il se situe au niveau des rédactions où les trésorerie, les spécialistes (où forme-t-on aujourd’hui des journalistes allemands ?), les équipements, les imprimeries, etc. font défaut. C’est pourquoi une organisation, le V.D.A. (Verein für das Deutschtum im Ausland e.V. ou Association pour les Allemands à l’étranger) a été créée par le gouvernement allemand. Elle siège à Saint Augustin en Allemagne et son rôle est d’apporter de l’aide aux journaux allemands de Russie (matériel divers, informations, livres et ouvrages de référence, ouvrages de littérature allemande…). La presse d’Allemagne produit chaque semaine le magazine Drehscheibe ainsi que le magazine radiophonique Blickpunkt Europa qui abordent les problèmes des Allemands en Russie, tentent de trouver solutions et soutiens. Cependant, ces aides diminuent petit à petit. Ainsi, les tirages des journaux de langue allemande sont en baisse. Nous pouvons donner les estimations suivantes :

Il n’est pas toujours évident d’estimer le nombre d’exemplaires car beaucoup de rédactions dissimulent les chiffres pour correspondre aux exigences légales. En outre, on peut affirmer qu’un Allemand de Russie sur quinze est abonné à un journal mais chacun peut être abonné à deux voire trois journaux. Pourquoi les journaux ont-ils si peu de lecteurs ? D’une part, les Allemands de Russie parlent de moins en moins l’allemand quantativement et qualitativement. D’autre part, le niveau des cours d’allemand est faible. Les jeunes apprennent l’allemand durant cinq à sept ans à l’école et trois à quatre ans à l’université, mais leur niveau reste très moyen. Enfin, les journaux eux-mêmes sont incriminés à cause de leur manque de créativité et d’attractivité. Les thèmes sont invariants : politique, émigration, histoire des Allemands de Russie. Les lecteurs se lassent. Certains journaux russes remplissent déjà parfaitement leurs besoins de lecture et de connaissances sur ces sujets. Les articles allemands sont souvent longs, peu illustrés, peu vivants. La plupart des journalistes sont des correspondants bénévoles et non spécialisés en journalisme. Et l’on en revient au problème financier : avec davantage de moyens, les rédactions proposeraient certainement un meilleur travail journalistique (pour ne citer que cet exemple, le journal Nachrichten a dû verser en 1995 plus de quatre millions de roubles de loyer pour ses locaux, somme qui est pesante dans un budget déjà faible).

Force est de constater deux faits au terme de cette présentation des médias : malgré les censures idéologiques et politiques, les organes de presse allemands n’ont pas seulement une valeur linguistique. Ce sont les seuls représentants d’une minorité nationale non représentée politiquement et qui permettent la défense des droits nationaux des Allemands au niveau local mais aussi face aux autorités, et la garantie du maintien de la langue allemande. Ce sont par conséquent des éléments fondamentaux dont la valeur recouvre une portée culturelle, sociale et politique. En outre, par rapport à la presse nationale des autres peuples d’U.R.S.S., force est de reconnaître que la presse allemande a une place relativement privilégiée (contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord) 563 .

Notes
563.

La minorité juive de Moscou n’avait en 1961 qu’un seul journal en yiddish, les Bulgares un seul, les Grecs aucun, les Coréens deux, les Polonais quatre et les Hongrois cinq. Cf. PINKUS, I. FLEISCHHAUER, Die Deutschen in der Sowjetunion, Baden-Baden, 1987, p. 443.