L’édition allemande a dû être complètement restaurée : la guerre a détruit les moyens matériels. En effet, entre 1936 et 1938-1939, le système de presse allemand fut progressivement paralysé. C’est seulement sur la Volga que subsistaient des organes de presse allemands (journaux et magazines) jusqu’en 1941. Le début de la Seconde Guerre mondiale mit fin à toute activité des médias allemands soviétiques. Ce n’est que dans les années 1960 que la renaissance du système d’édition allemand s’amorça. Il s’agissait au départ des maisons d’édition « Pravda » et « Progress » à Moscou. Des maisons d’édition régionales se développèrent ensuite comme à Barnaoul, Kemerovo et Kaliningrad où des recueils d’œuvres d’écrivains soviétiques allemands furent publiés. En 1967, un rapport fut publié aux éditions « Kazakhstan », maison d’édition qui prit rapidement de l’ampleur et devint la maison d’édition la plus importante du Kazakhstan. Ceci étant, si nous soulignons ici le caractère hautement symbolique de ce renouveau, force est de relativiser son importance matérielle. En effet, il faut préciser que la production de toutes les maisons d’édition de littérature germanophone en Union soviétique de 1957 à 1991 représentait moins de 0,1 % de la production totale d’une seule maison d’édition allemande de Pokrovsk en 1941 (la maison d’édition publiait en 1941 1 000 titres et le tirage s’élevait à plus de trois millions d’exemplaires). La plupart des maisons d’édition d’Union soviétique se trouvaient en 1990 dans une situation économique critique et les comités de lecture allemands étaient également confrontés à des problèmes financiers que peu arrivaient à surmonter. Cependant, des ouvrages de langue allemande étaient publiés et la presse germanophone se faisait un large écho des sorties d’ouvrages.
Dès 1960, le premier volume du recueil collectif Hand in Hand, que nous avons déjà évoqué, sous la direction de Sepp Österreicher, fut publié pour sa première édition à 50 000 exemplaires, proposant un choix de poèmes, de récits et de fables drolatiques. Le premier volume constitue la première publication de la littérature allemande en Union soviétique, sur l’initiative de la rédaction du journal Neues Leben, sous forme de recueil : aux éditions « Progress », les exemplaires de l’anthologie Hand in Hand furent rapidement écoulés. 45 auteurs y ont participé. En 1965 sous le même titre est publié un second volume, édité à 40 000 exemplaires dont le contenu était moins orienté politiquement que le précédent volume. Cette fois 66 auteurs ont apporté leur contribution (tels que Eduard Astramskas, Alexander Beck, Alwine Benner, Edgar Bleich, Friedrich Bolger, Alexander Brettmann, Woldemar Ekkert, Reinhold Frank, Lia Frank, Leo Fritz, Edmund Günther, Herbert Henke, Alexander Henning, Woldemar Herdt, Andreas Hertje, Dominik Hollmann, Rudolf Jacquemien, David Jost, Heinrich Kämpf, Ewald Katzenstein, Victor Klein, Andreas Kramer, Joachim Kunz, Reinhold Leis, David Löwen, Leo Maier, Alexander Miller, Klara Obert, Sepp Österreicher, Oswald Pladers, Alexander Reimgen, Olga Rischawy, Gerhardt Sawatzky, Viktor Sepp, Woldemar Spaar, Nelly Wacker, Johann Warkentin, Viktor Weber, Johannes Weininger, Jakob Bill, Alexander Hasselbach, Kaspar Herr, Dominik Hollmann, Heinrich Kämpf, Peter Klassen, Victor Klein, Ernst Kontschak, Joachim Kunz, Jakob Neudorf, Nikolaus Reichert, Alexander Reimgen, Dietrich Rempel, Erich Richter, Andreas Saks, Viktor Sepp, Anna Brätz, Heinrich Bruch, Heinrich Henzl, Woldemar Herdt, Heinrich Kaiser, Gottfried Knaub, Willi Lochmann, Leo Marx, Viktor Weber). 21 écrivains se sont joints à la publication devant le succès du premier volume et surtout face à l’opportunité que représentait cette publication 633 . Les volumes sont composés de trois parties : les poèmes, les récits et les récits drolatiques. L’éditeur précise en préambule que les œuvres sont diverses, autant par la thématique abordée que par le niveau littéraire des œuvres.
Entre 1960 et 1964, peu sinon rien ne fut publié. 1964 marquant la réhabilitation officielle, une légère amélioration est alors notée 634 . En juin 1968, les auteurs allemands se plaignaient du manque de publications allemandes notamment aux éditions « Progress » et « Kazakhstan » 635 . À Alma-Ata, aux éditions « Kazakhstan », un ouvrage fut publié en février 1967 (de J. Kunz et H. Kern). En fait, les éditeurs locaux de Kemerovo, de l’Altaï, de Barnaoul et de Kaliningrad se contentaient de publier des traductions en russe d’auteurs germanophones d’U.R.S.S. Peu de place était laissée à la langue allemande. B. Pinkus et I. Fleischhauer distinguent deux phases de publications :
En 1965, à Barnaoul, parut ensuite le recueil Freundschaft avec des œuvres de F. Bolger, W. Herdt, E. Katzenstein, A. Kramer, W. Spaar, R. Weber. En 1967, les éditions « Progress » de Moscou, « Kazakhstan » d’Alma-Ata et « Altaier Buchverlag » de Barnaoul publièrent en même temps de nombreux livres en langue allemande, notamment Lebe nicht für dich allein, J. Warkentin ; Mit einem heiter’n, S. Österreicher ; Der Weg zum Glück, J. Kunz et des esquisses sur la vie des citoyens soviétiques, des recueils comme Schwänke von einst und jetzt, Durch der Heimat weite Fluren, Immer in der Furche, Frohe Kindheit et Wo die Ähren rauschen. Il faut aussi mentionner les livres scolaires allemands destinés au cours de langue maternelle, les abécédaires, les grammaires de Wall, Warkentin et Klein entre autres. Les autres ouvrages allemands publiés étaient des traductions d’écrivains soviétiques et de poètes, destinés notamment à l’étranger ou aux scientifiques et spécialistes de littérature spécialisée et comparée.
La quantité de livres publiés en Union soviétique ne couvrait pas les demandes des lecteurs. Une grande partie des livres recommandés par les rédactions de Neues Leben et de Freundschaft venaient de l’extérieur de l’U.R.S.S. Sous la rubrique « Bücherkiste » et sous la rubrique « Büchermarkt » apparaissaient parfois jusqu’à vingt références d’ouvrages littéraires, environ 24 titres de livres scolaires allemands et en plus une trentaine de titres de littérature enfantine ou de jeunesse, sans parler des ouvrages spécialisés, notamment politiques. Quelques recommandations ou propositions de lecture étaient parfois faites dans les journaux pour des livres ou recueils classiques, de Goethe, Grillparzer, Heine, Lessing, H. Mann, Voss, Hauff ou Chamisso. Sous la rubrique « Ein Lesebuch unserer Zeit », il y avait aussi des œuvres choisies de Goethe, Schiller, Herder, Brecht et une sélection d’ouvrages 639 . Les traductions d’œuvres étrangères étaient notamment des œuvre de Melville, Jack London, Poe, Dostoïevski, Cholokhov, Pouchkine, Ouspenski, Gorki ainsi qu’une œuvre en six volumes des Mille et Une Nuits. Parmi les ouvrages traitant de la langue allemande, nous avons trouvé des recommandations de lecture d’ouvrages venant principalement de R.D.A. et notamment Deutsche Phraseologie, Wählen Sie das richtige Wort, Der Stil der deutschen Alltagsrede, Praktikum für die deutsche Stilistik, Wörterbuch zum deutschen Sprachgebrauch, Deutsche Lexik in Wortgruppen, Die Ausdrucksmittel der Sprache (matériel d’étude pour les formation d’adultes), Grammatik der deutsche Sprache, Der große Duden, Syntax der deutschen Gegenwartssprache, Deutsche Verben, Phonetik, Kommentar zu Faust, Beiträge zur deutschen Klassik. Notons l’absence d’auteurs français. En effet, les premiers socialistes russes avaient des préjugés contre le français, langue de l’aristocratie, qui ont laissé des traces dans toute l’Union soviétique. L’offre de livres spécialisés, et notamment de dictionnaires et d’encyclopédies, était relativement vaste 640 . Devant une telle diversité, l’on peut légitimement s’interroger sur la qualité de ces éditions.
En revanche, s’il est un domaine littéraire dont l’édition a été et est encore variée et de qualité, c’est la littérature enfantine. Les ouvrages édités sont nombreux et nous pouvons remarquer qu’il s’agit majoritairement de contes et de poèmes, à l’exemple de Grimm, Hauff, Andersen, des Mille et une Nuits et des contes russes. Plus rares sont les œuvres comme Frisch auf und singt, ihr Musici, un livre de chants destiné aux classes de 7ème et de 8ème, ou les œuvres spécialisées telles que Die deutschen Sprache im Kindergarten. Enfin, et surtout, paraissaient des les journaux en marge des recommandations littéraires des « publicités » pour des librairies. C’était le « Marché aux livres ». Les notices bibliographies dans les journaux provenaient des dix librairies des différentes villes d’Union soviétique, notamment la librairie « Droujba », la librairie n° 64 de Moscou, la librairie « Vochod » de Tselinograd. La mention que les livres pouvaient être achetés directement en librairie était toujours précisée. L’importation de livres et leur acheminement jusqu’au destinataires dépendaient des autorités moscovites. En octobre 1967, une liste intitulée « Liste Nr. 14 Literatur in deutscher Sprache » fut adressée à toutes les associations de consommation des territoires et des rayons de l’Union soviétique avec forte concentration de population allemande. Il s’agissait de faciliter les commandes, comme l’expliquait la rédaction du journal Neues Leben qui publia cette liste en novembre 1967.
Néanmoins, beaucoup de ces ouvrages ne furent pas utilisés dans les années 1960 car la sélection d’ouvrages ne correspondait pas aux souhaits et besoins des lecteurs potentiels. Cependant, nous avons pu remarquer que peu de plaintes, sinon aucune, n’ont été relayées au sujet de ce manque littéraire. De plus, il était courant de voir à la tête des bibliothèques ou librairies des territoires à population allemande des personnes non allemandes, ce qui n’encourageait pas la lecture ou la commande d’ouvrages allemands ou soviétiques allemands. La librairie « Droujba » de Moscou semblait bien approvisionnée en livres allemands puisqu’elle proposait environ 3 000 titres à l’époque. Celle d’Omsk, « Snanïe », a mené en juin 1966 une opération baptisée « Dekade des Deutschen Buches ». Il s’agissait de promouvoir des œuvres scientifiques, artistiques en langue allemande, ainsi que des livres illustrés, des romans et des récits. En quelques heures, la librairie connut un grand succès (plus de 500 roubles de ventes). La librairie de Tselinograd proposait pour sa part un large choix de titres en allemand, dont la valeur était estimée à plus de 6 000 roubles.
Cf. « Die Stimme der Sowjetdeutschen », in Neues Leben, 24/10/1960.
Cf. Ordonnance du comité d’édition d’U.R.S.S. du 23 juillet 1965 « Über die Herausgabe von Literatur für die deutsche Bevölkerung der UdSSR » (De la publication de littérature pour la population allemande en U.R.S.S.).
Cf. Neues Leben, 12/06/1968. Nous préciserons que le contraire était rapporté dans la presse non-allemande, à l’exemple de Kazakhstanskaïa Pravda, 13/03/1967.
Freundschaft, 07/07/1970.
Ibid., 18/08/1979.
Ibid., 28/08/1968.
Ouvrages tels que Und sagte kein einziges Wort de H. Böll ; Leben des Galilei, Die Gewehre der Frau Carrar, Furcht und Elend des Dritten Reiches, Über Theater de Brecht ; Gedichte, Deutsche Novellen des 19. Jahrhunderts, A. von Chamisso ; Meine Kinderjahre (et autres récits), Eber-Eschenbach ; Wanderlieder, Cäcilie, Frau Jenny Treibel, J. von Eichendorff ; Egmont, Iphigenie auf Tauris, Goethe ; Das kalte Herz, Hauff ; Kanitverstan und andere Geschichte, Hebel ; Zur Geschichte der Religion und Philosophie in Deutschland, Der Rabbi von Bacharach, Atta Troll, Heine ; Märchen und Erzählungen, E. T. A. Hoffmann ; Romeo und Julia auf dem Dorfe, G. Keller ; Das Käthchen von Heilbronn, Der zerbrochene Krug, H. von Kleist ; Minna von Barnhelm, Nathan der Weise, Lessing ; Flussabwärts singt die Nachtigall, Liliencron ; Der Untertan, H. Mann ; Die Buddenbrooks, Th. Mann ; Das Stuttgarter Hutzelmännlein, Mörike ; Das Nibelungenlied ; Die Abendteurer des Werner Holt, D. Noll ; Kabale und Liebe, Wallenstein, Wilhelm Tell, Über Kunst und Wirklichkeit, Schiller ; Die Toten bleiben jung, Ausflug der toten Mädchen, Das siebte Kreuz, Transit, A. Seghers ; Söldner und Soldat, Leutnant Bertram, B. Uhse ; Der geteilte Himmel, C. Wolf ; Die Zeit ist reif, Der Spiegel des großen Kaisers, A. Zweig ; Der Schimmelreiter, Storm.
Notamment Meyers neues Lexikon ; Taschenlexikon Filmkünstler ; Kleine Enzyklopädie Mathematik, Film, Körperkultur und Sport, Weltgeschichte ; Musiklexikon ; Lexikon der Weltliteratur ; Literaturen der Völker der Sowjetunion ; Kleine pädagogische Enzyklopädie ; Bakteriologisches Taschenbuch ; Atlas der beiden deutschen Staaten ; Deutsche Geschichte bis 1789 ; mais aussi des biographies de Herder, Keller, Fontane, Heine, Seghers, Cervantès, Schubert, Bach, Rembrandt ; des ouvrages scientifiques tels que Einführung in die Psychologie ; Autorität und Elternliebe ; Unter vier Augen gesagt ; Französische - Englische Sprachlehre ; Bauten und Baumeister der Barockzeit ; Bäume und Sträucher ; Das Taubenbuch ; Terrarien ; Wir bestimmen Schmetterlinge ; Heilpflanzen – erkannt und angewandt ; Ostbau ; Ostbaumschnitt ; Obst- und Gemüsesäfte ; Gesunde Küche entre autres