Certains artistes ont contribué à la propagation des traditions allemandes. L’exemple le plus parlant est celui des peintres qui dessinaient des paysages, des villages allemands, des églises ou des écoles allemandes. Ils transmettaient une présence, une conscience allemande à travers leurs œuvres. Nous avons choisi de présenter Ernst Staudinger* et Isolde Hartwahn*, non pas arbitrairement mais parce que ce sont deux artistes majeurs allemands de Russie. Ce sont de tels artistes qui ont permis un renouveau historico-culturel.
Nous avons retrouvé la trace de l’un de ces artistes, Ernst Staudinger 653 . Ernst Staudinger est né le 19 novembre 1959 à Karaganda où il a étudié l’art de 1973 à 1975. Il a ensuite étudié la vie de Gogol à Alma-Ata, dans une autre Kinderkunstschule. Au bout de quatre années d’études, il a obtenu son diplôme et fut nommé professeur d’arts plastiques et de dessins techniques. Il a enseigné à l’école d’arts de Karaganda et s’est tourné vers l’architecture en 1984. Ce n’est qu’en 1988 qu’il est venu en Allemagne où il s’est finalement installé et a poursuivi son œuvre. Dès 1988, travaille dans la fonderie Strassacker de Süssen, il crée des pièces en bronze. Il a consacré son temps, ces dernières années, à des portraits. Il était captivé par la beauté des paysages, par l’âme humaine qui y flottait. Il a essayé de restituer cela sur ses toiles, surtout en traitant des thèmes religieux. Il souhaitait également représenter l’histoire des persécutions du peuple allemand en Russie et ensuite en U.R.S.S., et retracer du bout de son pinceau le long chemin qui mènerait les Allemands jusqu’à leur vraie patrie. Il est aussi professeur d’arts, portraitiste, au V.H.S. de Göttingen, où l’on peut voir ses œuvres dans son atelier. Il fait de nombreuses expositions en Russie et en Allemagne.
Quant à Isolde Hartwahn, née en 1907 en Russie, elle était la fille de Konstantin Hartwahn, était ingénieur, issu d’une famille allemande de Smolensk. Sa mère, Maria Hartwahn, née Blumenau, était issue d’un village allemand de Lettonie. De 1914 à 1917, une gouvernante s’occupe de son éducation. Elle entre en 1918 au lycée. Sa famille est alors chassée, et on lui interdit d’être préceptrice ensuite. Entre 1918 et 1924, elle suit un cursus à l’école d’Arts Lounatcharski de Moscou (G.I.T.I.S.). En 1919, son père meurt subitement. En 1924, malgré de grandes difficultés, elle termine ses études. Elle prend des cours particuliers de dessin auprès d’un ami de son père, Chinikovski. Elle réalise son premier portrait. En 1925, la famille part pour la Crimée. En 1925 et 1926, elle reste à Simferopol. Isolde sait qu’elle est dans une famille juive, qui sera plus tard une famille communiste. De 1926 à 1927, elle étudie à l’institut supérieur de dessin de Simferopol, Ukraine. En 1928, avec son ami Charutiun, elle entre à l’institut supérieur d’arts Röhrich de Moscou. En 1929, elle travaille au département costumerie et masques du théâtre de Moscou. En 1930 est créée au sein du théâtre une école d’arts textiles. De 1930 à 1932, elle y fait ses études. En 1933, elle travaille comme retoucheuse dans un laboratoire photographique de Moscou. De 1933 à 1939, elle travaille comme designer textile à la célèbre manufacture Triochgonaïa de Moscou. Puis, en 1938, elle est reconnue comme une artiste à part entière. Le 13 septembre 1941, elle est envoyée en tant qu’Allemande au Kazakhstan, dans le territoire de Karaganda, précisément au front du travail dans la mine de Szmiz Bogou. En 1947, elle obtient l’autorisation de se rendre à Tachkent et est employée dans une usine de textile. De 1947 à 1962, elle travaille dans le domaine du design textile dans la même usine. Elle fait plusieurs voyages pour sa formation continue (Samarkand, Boukhara, Khiva, Moscou, Leningrad, les États baltes, le Caucase). Elle dessine et peint beaucoup à l’époque mais écrit aussi quelques poèmes. Elle est depuis 1959 membre de l’association des artistes d’U.R.S.S. Elle prend sa retraite en 1962 et se concentre sur le dessin et la peinture. Elle se rend deux fois en Allemagne pour voir sa famille (en 1971 à Pirna en R.D.A. et en 1979 en R.F.A., à Bad Eibingen). Elle expose en 1962 à Tachkent dans la maison de l’association des artistes, puis en 1980 à la maison « Cinéma » de Tachkent, en 1985 dans les locaux de l’association des architectes de Tachkent. Pour son 80e anniversaire, une rétrospective est organisée à la maison « Cinéma » de Tachkent. En 1980, elle offre soixante dessins à son village natal de Veliki Oustioug. En 1990 elle s’installe en Allemagne, à Saarbrücken. Elle expose en 1991 à la Maison de la Patrie (Heimathaus), puis à la Maison Birkach de Stuttgart. En 1992, elle expose à la galerie Killesberg. Depuis 1976, de nombreux articles sont parus à son sujet dans les journaux russes et allemands.
Il semble, au terme de cet examen, clair que l’existence d’une littérature propre est fondamentale pour l’évolution de l’identité nationale, sans parler du contenu et des formes de cette littérature. La littérature de langue maternelle allemande représente un élément de stabilité et de continuité sur une période de changements intenses en termes linguistiques et culturels. Le théâtre allemand d’Almaty est pour sa part un véritable « iceberg » culturel qui n’a de cesse d’étonner par sa constance dans le renouvellement et par son maintien malgré les difficultés rencontrées. À eux seuls, littérature et théâtre compensent peut-être le manque de créativité que l’on se doit de noter dans les arts.
Désormais, il nous reste à aborder le thème des confessions religieuses qui sont également essentielles, dans le cas de la minorité allemande, un maintien de l’identité nationale et à la cohésion du groupe. Nous allons voir, au travers d’une présentation historique des confessions religieuses, comment ces dernières ont pu participer, par l’intermédiaire d’éléments culturels tels que la langue, la prière et le culte, au redressement de cette identité nationale. Ainsi nous pourrons répondre à la question suivante : la religion est-elle aussi un bastion culturel et ethnique contre l’assimilation ?
« Künstlerporträt », in Neues Leben, 25/02/1998, p. 16.