III- 3.1. Évolution des confessions religieuses aux XVIIIe et XIXe siècles

L’Empire russe présente une hétérogénéité culturelle kaléidoscopique depuis bien avant le XIXe siècle. Le critère culturel le plus important fut, pendant la période moderne, la religion qui déterminait de façon bien plus nette que la langue, l’identité des groupes. Les couches supérieures et moyennes étaient très largement polyglottes mais il ne pouvait y avoir qu’une religion et l’éducation était toujours fortement marquée par celle-ci. Parmi les ethnies de l’Empire russe pré-moderne se trouvaient des croyants relevant de quatre religions d’extension mondiale : le christianisme, le judaïsme, l’islam et le bouddhisme, auxquels s’ajoutaient quelques adeptes des religions naturelles. En Russie, l’orthodoxie était religion d’État. Entre 1772 et 1815 déjà, les croyants relevant de l’Église romaine, qui représentaient plus de 10 % de la population, devinrent la communauté religieuse non orthodoxe la plus importante de Russie. Les colons allemands en faisaient partie. À partir du XVIe siècle, les groupes de protestants de plus en plus nombreux passèrent sous domination russe. Les spécialistes étrangers et les émigrés de Livonie constituaient l’essentiel de la population du quartier étranger de Moscou (Niemetskaïa sloboda) et plus tard des grandes colonies allemandes de Saint Pétersbourg. Les communautés et les églises fondées au début du XIXe siècle par les Allemands des villes et des colonies furent, elles, organiquement réunies en consistoires. Une liaison avec l’éducation s’est établie : tous avaient, à l’aune des Russes, un haut niveau d’instruction qui, par le biais de l’enseignement placé sous la responsabilité des églises, s’étendait même aux couches inférieures paysannes.

La majorité des Allemands, environ les deux-tiers, étaient luthériens, au Kazakhstan comme sur l’ensemble du territoire russe. Les luthériens étaient en nombre supérieur à la moyenne des autres communautés religieuses dans tous les cercles du territoire d’Akmolinsk, hormis Koktchetav où il y avait beaucoup de villages catholiques. Dans le territoire de Tourgaï, ils composaient la moitié de la population locale, et dans les territoires de Semipalatinsk et Syr-Darya ils formaient même les deux-tiers de la population. La charge ecclésiastique incombait aux pasteurs à Orenbourg, Omsk ou Tachkent. Alors que les paroisses d’Omsk et d’Orenbourg existaient déjà à la fin du XVIIIe siècle, la paroisse de Tachkent fut fondée en 1885 et, dès 1892, le premier pasteur Justus Jürgenssen exerça dans la paroisse 655 . Dans beaucoup de villes se sont formées plusieurs petites communes luthériennes (par exemple à Ouralsk, Verny, Petropavlovsk). Les communes citadines et rurales étaient visitées une à deux fois par an par des pasteurs. Avant la Première Guerre Mondiale, on avait prévu que ce territoire serait divisé en 17 paroisses évangéliques, comme le nombre de luthériens en Asie centrale, au Kazakhstan et en Sibérie avait beaucoup augmenté parmi les Allemands, mais aussi les Estoniens, Lettons et les Finnois 656 .

Notes
655.

J. STACH, Das Deutschtum in Sibirien, Mittelasien und dem fernen Osten, von seinen Anfängen bis in die Gegenwart, Stuttgart, 1938, pp. 39-42.

656.

T. MEYER, Nach Sibirien im Dienste der evangelisch-lutherischen Kirche, Leipzig, 1927, p. 50.