3 - État des lieux des publications romanesques françaises entre 1500 et 1592

Établir un inventaire des publications romanesques du XVIsiècle constitue une gageure en raison tant des a priori de l’époque sur celles-ci que de ceux du nôtre à l’égard du ‘«’ ‘ centre vide de la production proprement française ’» dans le domaine 31 . Or il serait inexact de croire que la Renaissance ne fait que rééditer des vieux romans : si la persistance du goût pour les romans de chevalerie dans leur état du XVe siècle est indéniable, une part importante de la prose française s’élabore dans la pratique des traducteurs et, très ponctuellement, des remanieurs. Comme point de départ à une réflexion sur les romans originaux de cette période, nous proposons donc un inventaire thématique des romans de langue française publiés entre 1500 et 1592. Nous avons consigné ce travail, qui a visé l’exhaustivité sans probablement l’atteindre, sous forme de trois tableaux répertoriés dans notre Annexe I.

Nous avons recensé respectivement les parutions où prédomine l’aventure chevaleresque, celles mettant au premier plan une histoire d’amour, traitée sur le mode antique, sentimental à la manière italienne ou espagnole ou bien pastoral, et enfin, les quelques romans qui échappent littérairement à ces deux premières catégories narratives. Des inventaires, peu nombreux, des publications du XVIe siècle en matière romanesque avaient déjà été faits ; nous avons ajouté foi à leurs conclusions et avons parfois dû trancher arbitrairement en faveur de l’un ou l’autre nombre d’éditions, l’une ou l’autre date de parution donnés par ces sources. À partir de la très précieuse Bibliographie des romans et nouvelles en prose française antérieurs à 1500 de B. Woledge complétée par celle de R. Cooper sur les romans de chevalerie en prose publiés à la Renaissance, nous avons établi une liste alphabétique de la cinquantaine de romans du Moyen Âge mis pour la première fois sous presse ou bien réimprimés à partir de l’année 1500, qui voit paraître les premiers imprimés (cf. début du Tableau 1). Pour réfléchir aux goûts du XVIe siècle en fonction des thèmes romanesques repris, qu’ils soient d’inspiration antique, byzantine, bretonne, etc., nous nous sommes référée au Manuel bibliographique de la littérature française de R. Bossuat ainsi qu’aux Mises en prose… de G. Doutrepont 32 . Nous avons cependant pris le parti de ne pas distinguer les romans d’aventures non chevaleresques des autres, dans la mesure où ces divergences thématiques ne nous semblent qu’en partie significatives pour les lecteurs de la Renaissance 33 . Les traductions multiples d’œuvres étrangères, antiques ou contemporaines, dont nous n’avons répertorié que les éditions intégrales, avaient parfois fait l’objet d’un recensement approfondi. C’est le cas des Amadis et des Palmerin, dans L’Ère baroque en France de R. Arbour 34 , mais à partir de 1585 seulement, et surtout dans l’‘» Outline ’ ‘Bibliography’ ‘ »’ précitée (cf. suite du Tableau 1). C’est aussi celui des romans pastoraux et sentimentaux, dont G. Reynier a heureusement rappelé l’existence, non sans renvoyer par endroits aux reprises des anciens romans grecs 35 (cf. Tableau 2). Pour toutes ces traductions, nous avons opté pour un classement thématique et chronologique à partir de chaque première édition française suivie de ses rééditions sur le siècle ; cela nous a paru mieux à même de manifester l’évolution des choix éditoriaux qu’une liste alphabétique de titres, dressée pour les publications médiévales en raison de leurs proportions numériques et du nivellement des sources de la matière d’aventure. Pour finir, notre relevé a regroupé des romans uniques et isolés, qui ont d’emblée fondé les règles d’un genre ou les ont poussées à leur plus haut degré d’accomplissement (cf. Tableau 3). Nous rappelons ici l’influence sur la littérature française de la célèbre Hypnerotomachia Poliphili de F. Colonna, parue en 1499 ; elle est remarquablement traduite en 1546 par J. Martin, dont la version est revue en 1600 par Béroalde de Verville. Elle a été lue dans le texte italien par des écrivains comme Rabelais et a trouvé grâce auprès des humanistes par l’épaisseur des significations que met en jeu la progressive révélation amoureuse du héros-narrateur. Bien que le Roman de la Rose,dans son cheminement allégorique, ne satisfasse pas autant le goût de l’ésotérisme, il connaît vingt-deux éditions entre 1481 et 1538, en comptant les éditions du dérimage de J. Molinet de 1500 et les réimpressions d’une version versifiée qu’en donne C. Marot en 1526. Si son éclat ternit alors, c’est qu’il est relayé par le roman sentimental, qu’il a en partie engendré. Quant au roman picaresque, il n’a eu qu’une influence limitée sur la production française avant le tournant du siècle : Lazarillo de Tormes, traduit en 1560 par J.-G. de Lambert, ne connaît pas le succès avant sa seconde traduction en 1601.

L’analyse de cet imposant état des lieux, souvent méconnu, ne va pas revenir sur les multiples éditions et rééditions des romans du Moyen Âge, qui ont été évoquées plus haut. Elle va s’intéresser à deux phénomènes propres à l’écriture romanesque du XVIe siècle : la traduction et le remaniement. Nous allons présenter, dans leurs grands traits, les sujets, les œuvres principales et les postulats d’écriture spécifiques aux traductions variées des romans étrangers quasi contemporains, d’un côté, et aux quelques adaptations singulières de romans médiévaux, de l’autre. Cela nous permettra, par contraste, de saisir en quoi de véritables créations, s’échelonnant entre 1530 et 1560, déjouent la situation de crise dans laquelle théoriciens, translateurs-importateurs et éditeurs tiennent le roman français durant la quasi-totalité du siècle. La pratique de la traduction, pour sa part, concerne quatre types de matière romanesque. Tout d’abord, un nouveau souffle est donné à la veine chevaleresque par la ‘«’ ‘ translation ’» du cycle d’Amadis de Gaule, publiée à partir de 1540. Il s’agit d’histoires d’aventures et de galanteries qui circulaient en Espagne avant le XIVsiècle et dont la première rédaction intégrale, imprimée à Saragosse en 1508, est l’œuvre de Garcí Ordóñez de Montalvo ; après le cinquième livre, l’histoire primitive est enrichie par des continuateurs espagnols puis italiens. La traduction française que donne N. Herberay des Essars, base de la plupart des versions européennes du temps, est saluée par les cercles littéraires parisiens qui ornent de poèmes liminaires les somptueux exemplaires in-folio illustrés du milieu du siècle ; on ne manquera pas de les rééditer plus tard en tête des petits formats pour les dames de Paris, Lyon et Anvers. Ce renouveau de l’intérêt pour le cycle breton, pour des compositions fondées sur l’entrelacement des fils narratifs et sur les continuations généalogiques rappelle irrésistiblement la pratique des clercs du XIIIsiècle, si ce n’est que la conception de l’amour qui n’a plus rien de la fatalité et du cheminement spirituel courtois : le sentiment, se développant dans une atmosphère rassurante et ouvertement sensuelle, ravale l’action guerrière au rang de faire-valoir. Le héros, accompagné de son frère Galaor, subit d’innombrables épreuves pour conquérir Oriane, la dame de ses pensées, qu’il finira par épouser secrètement ; face aux dangers qu’il rencontre, il se voit protégé par deux génies bienfaisants, la fée Urgande et l’enchanteur Alquif. Pur produit de la société de cour, le texte d’Herberay, qualifié par J. Maugin de ‘«’ ‘ nostre premier en prose’ 36  » et relayé après sa mort par C. Colet puis J. Gohory, est si adapté au goût d’élégance et de clarté des règnes de François Ier et d’Henri II qu’il remporte immédiatement une faveur unanime. Les érudits du temps n’hésitent pas à braver les interdits que fait peser l’Église sur cette lecture ─ saint Ignace et sainte Thérèse n’admettront-ils pas eux-mêmes l’avoir lu ? ─, persuadés qu’ils sont que l’œuvre est d’origine française par son sujet breton ainsi que par l’innovation forte du traducteur. Tel n’est pas l’avis de Jodelle, qui affirme avoir tenté, du vivant de C. Colet, de

‘[…] luy faire retirer son esprit et sa plume de tous ces beaux Romants presque moysis à demy, sans plus embabouïner la France de ces menteries Espagnoles, et avesques nostre deshonneur retracer les faulx pas des estrangers 37 .’

Ces condamnations du manque d’originalité des histoires d’amour chevaleresques destinées à une culture de prestige semblent aujourd’hui assez justifiées. Certes, les livres les plus réussis d’Amadis ainsi que ceux de la série concurrente Palmerin d’Olive 38 attestent la liberté du traducteur et valent par la qualité de leur expression. Mais si nous souscrivons à l’idée que les meilleures de ces traductions ‘«’ ‘ inaugurent la grande prose littéraire moderne’ 39  », Amadis n’est pas la ‘«’ ‘ primera novela moderna ’» que veut y voir M. Menéndez Pelayo, avide de rappeler la dette qu’a eu un phénomène social et commercial européen envers l’Espagne 40 . Ces versions chevaleresques ne constituent pas, d’ailleurs, le seul produit allogène dont ait hérité la prose d’aventures française. Pour rivaliser avec les Amadis, un mystérieux clan éditorial réuni autour de J. Des Gouttes entreprend, quelques années avant J. Vincent, d’assurer le succès des récents romanzi. Tout en servant la gloire de la famille ferraraise des Este, élue par l’Arioste, l’équipe d’humanistes se lance dans l’entreprise nationaliste qui vient d’être celle d’Herberay : il s’agit de rendre son origine gallique à l’Orlando furioso. Le succès de leur texte est tel qu’il suscite une seconde traduction trente ans plus tard et une pléiade d’adaptations partielles et de suites, en prose ou en vers ; cela ne fait que confirmer l’intérêt antérieur porté par les lecteurs français au Morgante Maggiore de Pulci, lu dans le texte italien ou dans sa traduction de 1519. Ces éditions francisées des romans de chevalerie italiens ont donc tout en commun avec celles des libros de caballerías : les translations en prose ornée de poèmes versifiés sont imprimées dans le même format, aux mêmes presses et véhiculent la même matière que les Amadis ; elles se présentent comme des allégories pleines de ‘«’ ‘ beaux sens ’» pour les princes et enseignent l’interminable gloire des Gaules. D’où la proximité des fonds chevaleresques français, espagnol et italien, renforcée par les tirages de l’imprimerie. Ainsi, la traduction du Filocolo de Boccace, se présentant comme la transposition dans l’Antiquité de la légende médiévale des amants Flor et Blancheflor, a fait l’objet d’influences espagnoles à l’initiative de J. Vincent en 1554. De fait, La Historia de los dos enamorados Flores y Blancaflor d’A. Nuñez de Reinoso fait renaître en 1512, par l’intermédiaire de l’Italie, un roman d’aventures où l’histoire sentimentale occupe une place importante, contrairement à celle que lui accordent les lointains héritiers de la tradition courtoise.

Dans le sillage des mises en prose infidèles du XVsiècle puis des traductions contemporaines souvent libres de nos philologues, le goût pour l’aventure trouve sa réalisation complète à la Renaissance dans quelques réécritures françaises d’œuvres médiévales. Quoiqu’elles n’aient suscité qu’un intérêt limité 41 , nous avons recensé cinq véritables créations en ce domaine : Tristan de P. Sala, l’Hystoire de Giglain de C. Platin, Philandre et Passerose de J. Des Gouttes, Gerard d’Euphrate et le Nouveau Tristan de J. Maugin. Le premier  non publié, comme l’anonyme Palanus, comte de Lyon  et le dernier sont inspirés de l’histoire de Tristan ; mais étant immergés dans l’actualité, ils lui donnent une autre résonance que celle de Béroul ou de Thomas ou encore de celle de la version médiévale en prose. Chez Sala, le nœud de l’action est l’amitié de Lancelot et du héros de Cornouailles. La luxuriance, au goût des lecteurs, le perpétuel mouvement donné par les péripéties et les effets de répétition n’instaurent aucunement le règne de la fatalité, si bien que les événements sont ceux de n’importe quel roman d’aventures. S’il demeure aujourd’hui un ‘«’ ‘ roman-fossile’ ‘ 42 ’ ‘ ’», nous pourrions en dire autant du Nouveau Tristan qui modifie cette fois radicalement la thématique courtoise. Comme dans les rééditions du temps, la part faite à l’amour n’est que marginale : elle se réduit ici à une collection d’épisodes grivois ; l’action et le merveilleux, exagérés par les compilations successives de l’imprimerie, constituent l’essentiel du roman, où coups d’épées, épreuves et sortilèges abondent, de sorte que l’ambition de Maugin de refaire la version imprimée du Tristan en prose tourne court avant même la fin du premier livre. Quant à Giglan du frère Platin, tôt paru dans le siècle, il prétend être la traduction d’un roman espagnol, mais s’inspire du Bel Inconnu,jamais dérimé jusque-là, etdu roman provençal Jaufré, pour faire revivre les exploits du fils de Gauvin. Gerard d’Euphrate, fausse mise en prose d’un poème wallon, mêle à la source épique des épisodes amoureux et féeriques 43 . Il est à rapprocher fortement du Premier livre de Philandre et Passerose, imprimé à Lyon en 1544, qui se démarque et de l’adaptation archaïsante de Sala et du registre quasi burlesque de Maugin. Si les combats, l’amour sensuel et la magie sont présents, ce récit original des aventures d’un héros local se trouve émaillé de perles de rhétorique, tels des discours, des lettres et des prières. L’influence des Amadis est ici sous-jacente ; le roman ne connaîtra cependant ni suite ni réédition. Pour ces adaptations, le rapport avec les matrices médiévales s’avère assez lâche : la réécriture constitue, dans notre classification de l’activité romanesque du XVIe siècle, un degré supérieur d’innovation par rapport à la franche imitation des anciens récits, qui se produit elle-même dans le cas de l’adaptation de vers français  par ‘«’ ‘ dérimage ’» – et de vers ou de prose latins – par ‘«’ ‘ transcription » ’– ainsi que de la rédaction de suites sans précédents dans les cycles épiques ou romanesques. Il semble néanmoins que nous ne puissions parler de romans originaux, dans la mesure où ces romans ne détonnent que peu avec les autres traductions du temps.

Alors que les matières de France, de Bretagne et de Rome se sont depuis longtemps mêlées, la traduction en français d’un fragment des Amours de Clitophon et de Leucippe marque une volonté d’innovation dans le traitement de l’aventure. Des hellénistes entreprennent de puiser dans la traduction de romans grecs une fiction narrative renouvelée, inspirée des Anciens contre l’ascendance médiévale du roman chevaleresque. J. Amyot énumère les principes de sa démarche dans sa préface à l’Histoire Æthiopique, roman imprimé en grec dès 1534, à Bâle. Il s’agit de faire pièce aux vieux romans et d’anticiper les critiques d’ordre théologique envers le roman, que vont bientôt aviver les guerres de religion. Or les auteurs grecs et byzantins sont d’emblée didactiques : ils multiplient les obstacles à l’amour de deux jeunes gens tout en finissant par récompenser leur persévérance et leur chasteté. Leur choix de héros proches du commun et d’un décor plus quotidien a de quoi satisfaire la recherche d’une nouvelle forme de sentimentalité ; celle-ci trouve à s’accomplir dans des ‘«’ ‘ passions humaines paintes au vif’ 44  ». S’il a touché qu’un public restreint de doctes, le roman grec marque toutefois un moment important dans le débat amorcé à la Renaissance sur le renouvellement théorique du roman ; nous y reviendrons. Mais il a eu aussi l’effet d’insérer de façon durable dans certains sous-genres romanesques des procédés épiques, comme le début in medias res et les retours en arrière. Ces derniers se sont rapidement institués, malgré l’absence de principes dogmatiques pour le roman, comme une des conventions implicites de ce type de composition. Thématiquement ensuite, ce premier accès direct aux œuvres de l’Orient hellénisé permis par les humanistes réévalue les préoccupations sentimentales face à l’héroïsme spécifiquement masculin : pureté et intensité de l’amour orientent le roman vers d’autres voies que l’héritage simplifié de la tradition courtoise. On connaît, par ailleurs, la fortune qu’auront les multiples péripéties, comme les tempêtes, les voyages chez les peuples étrangers, les enlèvements par des pirates ou les diverses formes de reconnaissance familiale, dans les romans héroïques du XVIIsiècle. Le roman latin n’a pas eu la même chance. Si l’Âne d’or est lu depuis le Moyen Âge dans le texte original, la version qu’en donne G. Michel en 1517 est dans une prose latinisante, incapable de s’approprier son original et celles imprimées en 1553 pèchent par leurs inexactitudes. Le Satiricon, pour sa part, n’a pas connu de version française au XVIe siècle.

Les romans sentimentaux italiens et espagnols, publiés pour l’essentiel à la fin du XVsiècle et donnés en français dès avant 1550, sont les premières œuvres pour lesquelles l’attention ne se concentre plus sur l’action mais sur l’analyse et l’expression de l’amour. Dans les reprises vulgarisées des histoires médiévales comme dans les créations contemporaines de romans d’aventures à la manière de Philandre et Passerose, c’est un amour sensuel qui double le danger : l’homme restant le seul centre d’intérêt, les passages sentimentaux sont une récompense épisodique aux exploits guerriers. Les témoignages des doctes au sujet d’Amadis montrent assez l’atmosphère grivoise des aventures du héros et surtout celles de ses descendants. En Espagne au contraire, Diego de San Pedro a purifié la femme et divinisé l’amour. Il a subi l’influence italienne, pionnière en ce domaine. Une nouvelle composée en prose latine en 1445 par Piccolomini a, en effet, connu un destin européen dès les premiers incunables ; avant le tournant du siècle, elle a déjà paru dans trois traductions françaises sous le titre d’Ystoire de deux vrays amans Eurial et Lucresse ou sous un autre approchant ; son succès perdure tout au long du XVIsiècle par la publication de trois versions anonymes, en 1537, 1551 et 1556, les deux dernières étant sans doute à attribuer à J. Millet et J. Maugin. Pour la première fois, elle donne une place centrale à la liaison adultère d’une femme qui brûle d’amour. La narration des stratagèmes des amants pour se voir est secondaire face à la description des manifestations physiques de l’amour féminin et à la multiplication des discours amoureux ; la lettre devient à présent, dans un récit, la vectrice différée des sentiments 45 . Avec son Elegia di Madonna Fiammetta, Boccace opère une seconde étape : si la vocation du récit est toujours didactique, la passion, subite et fatale, est vécue de façon intériorisée ; il fait choix d’une confession à la première personne adressée aux femmes amoureuses. L’histoire hésite ainsi entre l’élégie et le roman. En dehors du Peregrino de J. Caviceo, qui allie à une intrigue sentimentale des aventures de plus en plus invraisemblables, ce sont surtout les Espagnols qui donnent un cadre aventureux aux histoires d’amour. Arnalte et Lucenda de D. de San Pedro, qui a obtenu dans la version d’Herberay un succès immense, inégalé en son pays, prouve par ailleurs combien la fiction amoureuse française a tiré parti de l’effet espagnol du revirement tragique : le public s’est complu dans les images violentes de l’agonie de l’amant mal aimé. Avant cela, dans la Cárcel de Amor de J. de Flores, l’holocauste final de Grisel et la défénestration choisie de Mirabella, dont la chair tendre est bientôt déchirée par les lions, avaient déjà assuré la constante réimpression du roman. Les versions données aux imprimeurs vers 1570 ne sont déjà plus imprimées que sous la forme d’éditions bilingues, en tant que manuel de langue étrangère 46 . De plus, ces traductions ont eu au total moins de lecteurs que les divers romans d’aventures, même si elles ont inspiré quelques créations et imitations en langue vernaculaire, qui nous préoccuperons plus loin. Il faudra attendre la fin du siècle pour que ce premier mélange de l’héritage courtois, des procédés allégoriques et des sources narratives brèves de la matière amoureuse trouve à se réaliser complètement, à savoir dans les romans ‘«’ ‘ d’amours infortunées » ’ou ‘«’ ‘ des parfaits amants ’», ainsi définis par leurs titres. Avec la pacification d’Henri IV, une foison de petites histoires, souvent anonymes, relance de manière significative la production romanesque : entre 1593 et 1610 est publiée une soixantaine d’ouvrages, dont les auteurs phares sont Montreux, Nervèze, Du Souhait et Des Escuteaux 47 . La galanterie supplante alors le goût de la cour pour les exploits guerriers, mais au lieu de célébrer les valeurs libératrices de l’amour comme le fera le roman de La Calprenède et de M. de Scudéry, ces fictions insistent sur son caractère tragique. Le canevas narratif et les personnages sont toujours les mêmes : des amants jeunes, beaux, fiers et fidèles luttent pour la réalisation de leur passion face à des parents intransigeants. La formule du succès de ces romans auprès du public aristocratique leur a vite donné un caractère suranné : l’expression y est recherchée au point qu’ils prennent le relais des Amadis comme modèles de beau langage ; l’introduction de lettres, de conversations et de pièces de vers qui n’ont aucune finalité narrative en font des manuels de civilité vulgarisés ; enfin, l’idéalisation de personnages avec des noms à la grecque va de pair avec de multiples invraisemblances 48 . Pourtant, tout un versant de cette production tente de fonder une nouvelle poétique romanesque. Les auteurs y affirment la nécessité d’une littérature nationale qui s’affranchisse des modèles italiens ou espagnols par des moyens variés. C’est pour cette raison que nous avons arrêté notre relevé des publications romanesques du XVIsiècle à l’année 1592. Il semble que là se situe une rupture entre le goût pour les exploits guerriers et celui pour la galanterie raffinée et entre le choix de la traduction et son refus explicite. Les auteurs ont alors le sentiment, malgré le décalage certain entre leurs aspirations et les faits, que le temps des réimpressions ou des adaptations de matières importées est révolu. Tout d’abord, ils font choix de repousser des sujets empruntés à l’histoire ou à la légende grecque ou romaine pour élire des aventures françaises et actuelles. Quelques romanciers renvoient ainsi aux guerres civiles ou à des faits vécus et, de manière générale, ils font leur possible pour accréditer la vérité de leur fiction ; il leur paraît de bon ton d’insister sur la finalité moralisatrice de celle-ci. Même s’ils imitent eux-mêmes de loin les nations étrangères, ils revendiquent pour le roman la même inventivité narrative que celle dont s’est prévalue la préface du Printemps. En 1574, J. Yver s’y est insurgé contre ces auteurs français

‘couvans les œufs pondus par les autres et se contentans bien d’aller mendier la mercerie d’autruy pour la rapetasser et en faire après quelque monstre à leur Nation, comme si affamez nous amassions les miettes qui tombent sous la sumptueuse table de ces magnifiques pour nous faire bonne bouche 49 .’

Il faut enfin évoquer le domaine de la pastorale écrite majoritairement en prose 50 . Ce genre d’écriture aurait pu être d’un enjeu essentiel dans la tentative de renouvellement du roman au XVIsiècle : mieux que les récits sentimentaux, la fiction pastorale était apte à succéder à l’idéal chevaleresque en ce qu’elle ne crée en soi que des espaces-temps inexistants et ne retient du présent que les ornements qu’élaborent les cours du temps. Or si J. Martin a traduit, sans grand succès, le modèle européen du genre en 1544, l’Arcadia de Sannazaro, la France n’a pas su donner le jour à une pastorale romanesque originale en langue vulgaire. Il faut croire que l’entretien de hauts personnages dissertant, sous le déguisement bucolique, de casuistique amoureuse manquait trop d’action pour le public national. De fait, celui-ci a accueilli bien plus favorablement les romans de chevalerie espagnols insérant des épisodes pastoraux à leur trame, tels Amadis de Grèce et Clareo y Florisea. Il a mis plus de temps à s’intéresser à la Diana de J. de Montemayor : ni sa parution espagnole en 1559 ni même la traduction qu’en a donnée N. Collin en 1578 n’ont été lues avant l’extrême fin du siècle. La Diana est cependant la première pastorale à dissocier le romanesque du lyrisme personnel : éliminant la morale de la pastorale académique, elle fait de l’arcadie un lieu d’aventures plus que de parole, qui nourrit des héros plutôt que des poètes. Mais comme l’explique F. Lavocat, la ‘«’ ‘ liquidation du modèle académique’ ‘ 51 ’ ‘ ’» se réalisera en France avec les romans pastoraux héroïques, de l’Astrée à l’Entretien des illustres bergers de Frénicle en passant par la Carithée de Gomberville et l’Endimion de Gombaud ; ce n’est qu’alors qu’ils prendront le relais de l’imaginaire chevaleresque. Des traductions et imitations de la Diana ont toutefois ouvert la voie à la rencontre du roman baroque et de la tradition pastorale. C’est le cas de la Pyrenée et Pastorale amoureuse de F. de Belleforest, ‘«’ ‘ le premier roman pastoral de notre langue »’ selon M. Lever 52 . C’est aussi celui des Bergeries de Juliette, dont le premier livre, fort attendu en 1585, année de parution de la très appréciée Galatea de Cervantes, a vite déçu les Français par ses ‘«’ ‘ commentaires languissants, grossièrement plaqués sur des récits maladroits et dépourvus d’originalité’ 53  » ; les autres volumes d’Ollenix du Mont-Sacré, anagramme de N. de Montreux, publiés jusqu’en 1598, n’ont remporté que peu de succès. Un seul roman pastoral, par la subtilité de ses discours amoureux, compense la pauvreté française en matière de fiction pastorale. Il s’agit de la version proposée par J. Amyot des Amours pastorales de Daphnis et Chloé, avec laquelle l’helléniste aurait voulu devenir un autre Sannazar en son pays. Pour ce faire, il a puisé directement aux sources de la culture païenne en évacuant au mieux l’intrigue héroïco-sentimentale propre aux romans grecs, au profit d’une réflexion sur l’amour. Contrairement aux déclarations du ‘«’ ‘ Proësme du translateur ’» de l’Histoire Æthiopique, il refuse ici l’aventure, l’héroïsme et les dissertations didactiques, très présents dans les romans pastoraux de la fin du XVIsiècle et du début du XVIIe, pour valoriser la clarté et la simplicité d’un langage sans emphase ainsi que la dimension physique de l’eros 54 . La traduction d’Amyot a cependant eu une influence limitée sur le roman pastoral français.

Que conclure de ce long passage en revue des publications romanesques du XVIsiècle ? D’abord, le genre du roman, malgré l’ignorance, plus encore que le mépris, que lui vouent les doctes, était écrit, imprimé et très lu à cette époque. Par ailleurs, la matière n’en était pas aussi vieillie qu’on le croit souvent : en dehors de la masse des rééditions de romans de chevalerie, quelques dérimages et continuations récents ont poursuivi l’activité de gonflement du fonds médiéval. Plus encore que les créations parfois originales de Platin, Des Gouttes et Maugin, ce sont les traductions des textes espagnols et italiens qui ont en partie contribué à le renouveler. Notre recensement montre que le public populaire, comme les lecteurs plus aristocratiques des Amadis, ne se sont pas lassés des ‘«’ ‘ faictz » ’des preux chevaliers avant l’année 1580 environ. Quoique la France soit en retrait par rapport aux pays littérairement concurrents en ce domaine, elle n’a pas été étrangère aux tentatives antiques ou contemporaines d’innovation : elle a fait appel à d’industrieux traducteurs, autant pour ouvrir le champ du roman à des sujets étrangers que pour illustrer notre langue. Hormis dans les versions médiocres des romans latins, il s’agit en effet moins d’importer une réalité merveilleuse que d’exercer notre vulgaire à rendre l’esprit de l’original. Nous verrons qu’à la Renaissance cet exercice n’est pas nécessairement contraire à l’ajout d’épisodes et de formules du crû du translateur. Aussi faut-il probablement considérer les réalisations d’Herberay, l’Histoire palladienne de C. Colet, le Roland furieux de 1543 ou le Discours du Songe de Poliphile de J. Martin comme autant de pastiches réussis des textes originaux. Ils sont à prendre en compte dans l’histoire du développement de la prose française et devaient même paraître à l’époque d’un enjeu essentiel dans l’affirmation linguistique de notre pays.

Notes
31.

Nous citons l’introduction de J.-P. Guillerm au Miroir des femmes : roman, conte, théâtre, poésie au XVI siècle, 2 vol., J.-P. Guillerm (dir.), Lille, Presses Universitaires de Lille, 1984, vol. 2, p. 7.

32.

L’ouvrage de Woledge a déjà été signalé dans l’étude que nous avons faite plus haut de l’impression des vieux romans à la Renaissance. Voir également l’» Outline Bibliography of works on chivalry published in France before 1600 », in Chivalry in the Renaissance, Sydney Anglo (dir.), Woodbridge, The Boydell Press, 1990, pp. 193-238 de R. Cooper ainsi que le Manuel de Bossuat et son Supplément (1949-1953), Nendeln, Kraus Reprint, 1971 [1ères éd. Melun, 1951 et Paris, 1955] et l’» Examen critique, historique et bibliographique des proses » en ouverture aux Mises en prose…, op. cit., pp. 19-314. Nous avons laissé hors de notre champ d’inventaire les textes non publiés, les parutions d’extraits de romans ainsi que celles de contes et de nouvelles. Quant au parti pris qui nous a permis de distinguer le roman de ces deux sous-genres narratifs, nous l’exposerons dans la suite de notre étude.

33.

R. Cooper, dans son « Outline Bibliography », art. cit., a tenté de référencer les « romans d’antiquité », étiquette sous laquelle il range les premiers romans antiques du XIIsiècle aussi bien que l’Hercules, le Recueil des histoires troyennes et La Destruction de Jerusalem. Il les distingue des romans arthuriens, tels Artus de Bretaigne, Giglan et Perceforest, et des anciennes chansons de geste. Tous les autres romans apparentés, de Melusine à Pontus et Sidoyne en passant par Valentin et Orson, Robert le Diable, Jason, La belle Helayne de Constantinople et Huon de Bordeaulx, entrent dans la catégorie des « romans d’aventures ». Comme le souligne G. Reynier, c’est « dans la première moitié du XVIsiècle que les différents genres tendent le plus nettement à se détacher les uns des autres » (op. cit., p. 3) : selon lui, au massif indistinct du merveilleux médiéval s’ajoute, de manière consciente, la matière nouvelle des romans d’amour étrangers et, nous le précisons, celle des romans grecs du passé.

34.

R. Arbour, L’Ère baroque en France. Répertoire chronologique des éditions de textes littéraires, Genève, Droz, 1977, première partie (1585-1615), t. I.

35.

Nous renvoyons à la « Bibliographie du roman sentimental », op. cit., pp. 359-382 et mentionnons un ouvrage qui a le mérite de faire revivre par des extraits significatifs les traductions de romans d’amour qui, pour la plupart, n’ont pas eu d’éditions modernes : Le Miroir des femmes…, op. cit. Pour les impressions de romans grecs, nous nous sommes fiée au « Tableau chronologique des traductions françaises et anglaises des romans grecs aux XVIe et XVIIe siècles, avec leurs rééditions » que L. Plazenet-Hau, dans L’Ébahissement et la délectation. Réception comparée et poétiques du roman grec en France et en Angleterre aux XVI e et XVII e siècles, Paris, Champion, 1997, pp. 687-702, place en annexe de sa thèse.

36.

Sonnet liminaire du Huitiesme livre d’Amadis de Gaule, reproduit dans H. Vaganay, Amadis en français. Essai de bibliographie, Genève, Slatkine Reprints, 1970 [1ère éd. Florence, 1906], p. 83.

37.

« Au lecteur » de l’Histoire palladienne, in Œuvres complètes de Jodelle, 2 t., É. Balmas (éd.), Paris, Gallimard, 1965, t. I, pp. 92-96 et ici p. 93. C’est pourtant lui-même qui publie en 1555 cette traduction des aventures italianisées de Palladien, fils du roi Milanor d’Angleterre, restée manuscrite à la mort de l’auteur. Ce roman, conçu d’abord dans le cycle d’Amadis, retrouve en partie les procédés d’écriture des reprises médiévales.

38.

Le livre inaugural est traduit en 1546 par J. Maugin. Quant aux histoires « entées » rapidement sur la précédente, elles sont données dans le plus beau français, à l’imitation d’Amadis de Gaule, d’Esplandian, d’Amadis de Grece ou de Florisel de Niquée : ce sont celles de Primaleon de Grece, fils du précédent, de Palmerin d’Angleterre, de Gerileon d’Angleterre et de l’Histoire palladienne. Si le goût pour l’idéal d’un autre âge véhiculé par ce type de romans ralentit au tournant du siècle, un auteur anonyme donne encore coup sur coup en 1615 les trois derniers livres d’Amadis, qui en aura compris au total vingt-quatre. En 1617, F. de Rosset entreprend encore la traduction de l’Admirable histoire du Chevalier du Soleil sur le texte d’Ortuñez de Calahorra publié en 1562 en Espagne et, en 1625, C. de Bueil fait paraître Don Belianis de Grèce. Enfin, Du Verdier « fut le dernier chantre de la chevalerie, le plus prolifique aussi, et assurément le plus représentatif de sa décadence » (M. Lever, op. cit., p. 40). Son Romant des romans, publié de 1626 à 1629, se donne comme la conclusion des deux romans précités ; non seulement le style en est emprunté à Amadis, mais il ne cherche même plus de nouveaux épisodes.

39.

Expression d’Y. Giraud dans l’introduction du Premier livre de Amadis de Gaule, Premier livre de Amadis de Gaule, 2 t., Y. Giraud (rééd.), Paris, Nizet, 1986 [1ère éd. H. Vaganay, 1918], t. I, p. [18]. Il demeure cependant que le ton de la conversation polie, dont les Thresors d’Amadis assureront la diffusion, n’est pas la seule forme d’expression non poétique inaugurée par le roman français…

40.

Orígenes de la novela, op. cit., t. I, p. 350.

41.

Leurs parutions n’ont rien de commun avec les deux-cent cinquante éditions et rééditions dénombrées par R. Cooper pour la quinzaine de titres regroupant les Amadis, les Palmerin et les romans de chevalerie de la Renaissance italienne (« Outline Bibliography… », art. cit., p. 177). Elles sont même en quantité moindre par rapport à la douzaine de textes écrits par imitation de la pratique médiévale, sous la forme de dérimages, de transcriptions ou de suites de proses épiques.

42.

Selon les termes d’Y. Giraud, dans son introduction au Premier livre de Amadis de Gaule, op. cit., t. I, p. [9]. Écrit à la demande de François Ier mais jamais publié, ce roman constitue en quelque sorte une anticipation d’Amadis ; lui font cependant défaut la verve et la créativité d’Herberay. Il est à l’image des autres œuvres manuscrites de Sala : d’un côté, le Chevalier au lion, réécriture en vers octosyllabiques du vieux poème de Chrétien ; de l’autre, Les Hardiesses de plusieurs roys et empereurs qui, sur le modèle des Neuf Preux et du fonds arthurien, fait le récit des prouesses des grands personnages bibliques, mythiques et historiques.

43.

Pour une précision sur les conditions de publication de cet ouvrage, nous renvoyons à La Renaissance, op. cit., t. I, p. 49, où il est indiqué que le manuscrit est antérieur d’une dizaine d’années à 1549 ; c’est le succès de la vague des Amadis qui aurait finalement encouragé l’auteur à remettre sur le métier son récit primitif et à le conformer aux goûts nouveaux. Pour ces différentes raisons, nous avons classé cette modernisation des aventures de Doolin de Maïence à part du Rommant de Richart sans paour de G. Corrozet et de Guillaume de Palerne, dérimages véritables, et des autres continuations de romans médiévaux écrites à la manière du XVe siècle, comme La Conqueste de Trebisonde.

44.

L’Histoire Æthiopique…, op. cit., « Le Proësme du translateur », non paginé.

45.

Dans la Nouvelle Bibliographie du roman épistolaire en France. Des origines à 1842, Fribourg, Éditions Universitaires, « Seges », 1995 [1ère éd. 1977], Y. Giraud et A.-M. Clin-Lalande font un recensement raisonné des romans de forme épistolaire ou partiellement épistolaire et des romans par lettres du XVIe siècle. Nous avons souvent retenu leur état des lieux des rééditions des traductions sentimentales.

46.

Cela ne doit pas faire oublier que ces œuvres ont été lues dès les incunables dans le texte original ou dans une version étrangère. L’échange des matériaux sentimentaux entre l’Espagne et l’Italie est tel que la Cárcel de Amor, publiée à Séville en 1492, est traduite par L. Manfredi en 1514 ; c’est sur cette version italienne qu’est écrite notre première traduction française.

47.

Nous renvoyons au recensement précis de ces romans fait par G. Reynier dans Le Roman sentimental…, op. cit., pp. 383-387. Le décompte d’» une soixantaine d’aventures amoureuses » donné ici est celui de M. Lever (op. cit., p. 43).

48.

G. Reynier oppose ces récits à l’Astrée qui, dans un style éloigné de l’éloquence emphatique, introduit des personnages moins simplifiés, partagés entre des intérêts opposés et capables de résister aux coups du sort. Honoré d’Urfé « inclinera ainsi vers le drame un genre qui se contentait jusque-là de développer ─ sans poésie ─ des thèmes lyriques » (op. cit., p. 312).

49.

Adresse au lecteur du Printemps d’Yver, citée par G. Reynier, op. cit., pp. 269-270. Se posant en faux par rapport aux récentes traductions des Histoires tragiques de Bandello, le conteur propose son recueil comme la preuve de la création possible de « discours nez en France et habillez à la Françoise ».

50.

Nous laisserons de côté les Bergeries de Belleau et le Plaisir des Champs de Gauchet, bien qu’ils diffusent en France les canons de la pastorale académique : dans un récit à la première personne, alternent des vers inspirés de la tradition bucolique et des parties narratives en prose.

51.

Arcadies malheureuses. Aux origines du roman moderne, Paris, Champion, 1998, p. 294. Cette thèse procède à une étude comparée du fait pastoral en Italie, en Espagne et en France à la charnière du XVIe et du XVIIsiècle. Elle ne considère pas le roman pastoral comme un produit fini de l’aube du Cinquecento, mais comme un genre qui s’est constitué durant tout le siècle par un amalgame progressif des codes de l’épopée, du roman chevaleresque, de la bucolique en vers et de la pastorale dramatique (p. 250).

52.

Op. cit., p. 55. Le critique précise que cette œuvre est « moins servilement imitée de la Diana qu’on ne l’a dit, notamment par la variété psychologique des bergers et des bergères ».

53.

Ibid., p. 55.

54.

En ce sens, comme l’a montré P. de Capitani dans son article intitulé « Un enigma romanzesco del Rinascimento : la traduzione di Jacques Amyot delle Amours pastorales de Daphnis et Chloé (1559) », in Il Romanzo nella Francia del Rinascimento…, op. cit., pp. 35-49, ce roman anticipe la nouvelle à la manière de Segrais et le petit roman du XVIIe siècle.