II - Polémiques italiennes autour de la notion de poésie romanesque

Dans l’histoire des formes littéraires, l’année 1554 est à marquer d’une pierre blanche. C’est alors que voit le jour, en Italie, la première entreprise de théorisation du roman ou plus exactement du romanzo. À partir de leur lecture de l’Orlando furioso, Giraldi et Pigna cherchent à établir un discours raisonné sur l’art du romanzo, dans le but d’encourager de potentiels romanciers à rédiger des formes spécifiquement italiennes 226 . Leur défense des compositions romanesques de langue vernaculaire implique l’idée de progrès poétique. Or dans les faits, cette intégration du romanzo à la poésie n’est conceptualisée que par le biais de catégories empruntées à la théorie dominante du temps, alors que celle-ci est inadaptée à l’écriture romanesque. À ce niveau se situe la contradiction inhérente à la légitimation du concept de ‘«’ ‘ poésie romanesque ’» : la défense des romanzi repose sur l’usage d’un cadre réflexif inadapté à leur nature singulière. Voyons donc comment Giraldi, Pigna et leurs quelques émules fondent in fine une poétique aristotélicienne du romanzo et comment leurs nombreux détracteursallèguent les mêmes autorités pour refuser à cette forme le statut de genre.

Notes
226.

B. Weinberg appelle cette volonté de fonder une théorie sur une production littéraire « a practical criticism », expression qu’il donne pour titre au second volume de A History of Literary Criticism…, op. cit. De notre côté, inversement, nous ferons des incursions dans l’Orlando furioso pour apporter à la théorie romanesque italienne des exemples pris dans le texte qu’elle commente.