2 - L’épopée romancée idéelle

Nous avons vu le double intérêt thématique et lexical porté par les poéticiens du XVIe siècle à l’égard des romans de chevalerie en vers 284 . Nul doute que les auteurs des traités de poésie, dont le projet essentiel est de promouvoir la poésie lyrique et d’encourager les apprentis poètes à la rédaction du ‘«’ ‘ Grand Œuvre ’», apprécient d’abord dans les compositions bretonnes le mélange de l’amour et de la guerre, matières épiques par nature. Il n’est pas innocent que la mention des ‘«’ ‘ Romans ’», suffisamment rare dans ces ouvrages doctrinaux pour être relevée,apparaisse le plus souvent dans des chapitres consacrés au ‘«’ ‘ Poëme Heroïque ’». De fait, les humanistes ne forment pas le projet de défendre les vieux romans et encore moins celui de les faire entrer dans la codification antique de la poésie ; ils envisagent seulement de renouveler le genre d’Homère et de Virgile par la création de canons nationaux qui prennent en compte le fonds romanesque gaulois. La forme projetée semble être un nouveau concept de poème héroïque, qui a, de façon ambiguë, le Roland furieux pour modèle ; ces poètes n’ont malheureusement pas beaucoup explicité leur dessein et ne l’ont jamais mis en pratique. Il faudra attendre la théorie du XVIIe siècle pour que cet espoir avorté d’une ‘«’ ‘ épopée romancée ’» se convertisse en conceptualisation d’un véritable ‘«’ ‘ roman épique ».’

Les arts poétiques de la Renaissance appellent à la création d’une épopée, le seul parmi les ‘«’ ‘ genres d’écrire »’ apte à faire pièce à la suprématie culturelle des Anciens 285 . Le sentiment d’admiration et de répulsion éprouvé pour sa rivale italienne est assez complexe pour que le romanzo serve inconsciemment à la fois de patron et de repoussoir pour les humanistes français dans leur codification de l’épopée. S’ils ne font pas mention des traités de Pigna et Giraldi, ils apprécient largement l’Orlando furioso et le donnent comme la réalisation parfaite de leur projet ; mais les quelques explications qu’ils ajoutent montrent qu’ils n’ont pas compris la nature exacte du poème romanesque ni senti l’originalité de l’Arioste, qu’ils s’obstinent à ranger parmi les poètes épiques. Cela est cependant l’occasion pour nos poéticiens de proposer une voie française de réflexion sur le roman de chevalerie et sur le poème épique et de faire participer les deux formes à l’invention d’un genre narratif rêvé ou idéel. Avant d’exposer les différents aspects de cette théorie de l’» épopée romancée » ou ‘«’ ‘ romanesque ’», il faut rappeler que les doctes français n’ont pas beaucoup réfléchi au XVIe siècle aux rapports existant entre le roman et l’épopée. Sébillet confond les deux : il donne pour exemples de ‘«’ ‘ Poèmes qui tombent sous l’appellation de Grand œuvre ’» l’Iliade, l’Énéide, les Métamorphoses… et le Roman de la Rose 286 . Il est fort difficile de concevoir le long poème d’Ovide comme une épopée mythologique et de faire du texte de G. de Lorris autre chose que la mise en récit d’un Art d’aimer courtois. La déception face à la ‘«’ ‘ pénurie d’œuvres grands et Héroïques ’» est telle que le poéticien veut croire que l’ère médiévale a donné le jour à l’un d’entre eux sous la forme d’un chef-d’œuvre de la littérature allégorique. Chez Scaliger également, en 1561, le nom d’un roman vient suppléer au manque d’épopées. Il est remarquable que les Poetices libri septem, au moment d’exposer la conception aristotélicienne et horacienne du poème épique, citent les Éthiopiques d’Héliodore 287 . Cela ne veut pas dire que les poéticiens confondent les deux formes ni même qu’ils envisagent le roman comme une manifestation spécifique de l’épopée, comme le feront Tasso et Salviati en Italie ; ils doivent sentir au moins intuitivement la différence qui les séparent, mais en l’absence de codification du roman, ils se permettent des rapprochements hardis. Au contraire de Sébillet et Scaliger, Du Bellay et Peletier font très précisément référence au roman de chevalerie dans deux chapitres-clé de leurs traités, respectivement ‘«’ ‘ Du long poème français »’ et ‘«’ ‘ De l’œuvre Héroïque »’. Après avoir loué l’Arioste d’avoir écrit une épopée égale à celles d’Homère et de Virgile à partir d’une histoire française, la Défense exhorte en effet le ‘«’ ‘ poète apprentif ’» à composer un poème héroïque :

‘Comme lui [= l’Arioste] donc, qui a bien voulu emprunter de notre langue les noms et l’histoire de son poème, choisis-moi quelqu’un de ces beaux vieux romans français, comme un Lancelot, un Tristan, ou autres : et en fais renaître au monde une admirable Iliade et laborieuse Énéide 288 .’

Si Du Bellay invoque l’exemple illustre d’» un Arioste italien » pour le ‘«’ ‘ comparer (n’était la sainteté des vieux poèmes) à un Homère et Virgile ’», c’est manifestement que dans son esprit, comme dans celui de ses contemporains, le romanzo ressortit au genre épique. Alors que l’appartenance du Roland furieux à la poésie va être problématique en Italie, les poéticiens français n’ont pas de difficulté à catégoriser le récit des aventures de Roland, personnage issu d’ailleurs de la tradition épique française. Dès lors, la codification française de l’épopée n’appelle pas à la rédaction d’un poème romanesque à la manière italienne, mais à une œuvre épique dont la trame de fond voire l’onomastique et le lexique guerrier seraient tirés des vieux romans du passé national. L’Arioste n’a-t-il pas lui-même puisé dans nos chansons de geste ? Nous pourrions donc à notre tour emprunter aux meilleurs de nos romans  les romans bretons, spécialement ceux de Chrétien et les Tristan  leur thématique et ‘«’ ‘ en bâtir le corps entier d’une belle histoire’ ‘ 289 ’ ‘ ’». En 1555, Peletier ne dit pas autre chose. Après avoir constaté que les romans de chevalerie pratiquent remarquablement l’entrelacement, propre aussi à épopée, il loue leur inventivité et incite à imiter la démarche de l’Arioste :

‘[…] en quelques-uns d’iceux bien choisis, le Poète Héroïque pourra trouver à faire son profit : comme sont les aventures des Chevaliers, les amours, les voyages, les enchantements, les combats, et semblables choses : desquelles l’Arioste a fait emprunt de nous, pour transporter en son Livre 290 .’

Le grand œuvre tant rêvé par les théoriciens de la Renaissance doit donc posséder des traits romanesques ; la réflexion récente sur la poétique de l’époque y a trop peu insisté. Mais si l’inventio et l’elocutio des vieux romans sont vantées ‘«’ ‘ en passant ’», selon l’expression de Peletier, c’est en tant qu’elles sont subordonnées à la doctrine élaborée pour le poème épique. Le programme à remplir n’est pas la création d’une forme romanesque à l’italienne, pas plus que la transformation des lois intrinsèques du roman dans la forme d’une épopée en prose. La Défense n’entend pas que l’on forge des œuvres à mi-chemin entre le roman de tradition vernaculaire et l’épopée antique  la véhémence des critiques formulées par Ronsard à l’encontre de l’invraisemblance de la matière et de la monstruosité de l’ordonnancement de l’Orlando prouvent assez que le poème de l’Arioste n’est pas la réalisation du genre recherché par les doctes français 291   ni que l’on parte de productions médiévales pour créer une forme nouvelle aux caractères épiques. L’Art poétique de Peletier nous assure de ce second point, au moment où il formule un hymne à la gloire de la littérature de la Renaissance contre la médiocrité de celle du Moyen Âge. Puisque les ballades et les rondeaux ont laissé place à l’ode et au sonnet, les autres formes d’écriture héritées du passé doivent s’effacer :

‘[…] nous espérons que les Farces qu’on nous a si longtemps jouées se convertiront au genre de la Comédie : les Jeux des Martyres, en la forme de Tragédies : les Romans de tant de sortes, en la composition de l’Œuvre Héroïque 292 .’

Il ne faudrait pas faire de contresens sur ce passage : Peletier n’a pas ici le désir de simplifier la classification générique du temps en faisant entrer dans les cadres antiques le fonds littéraire français, mais celui de rompre avec la ‘«’ ‘ barbarie ’» médiévale et de prôner la pratique des formes d’écriture humanistes. Pour le dire tout net, le roman de chevalerie n’intéresse pas vraiment les poéticiens de la Renaissance : s’il apparaît dans leur théorisation de l’œuvre héroïque, c’est en tant qu’il donne à la narration une sorte de couleur nationale. Le fondement de l’épopée sur un conte de type guerrier ancré dans les mentalités, qui peut n’être qu’une légende, donne au genre la dimension patriotique qu’il requiert. Ronsard développe largement cette idée dans sa seconde préface de la Franciade, qui expose sa conception du poème héroïque :

‘[…] le bon Poëte jette tousjours le fondement de son ouvrage sur quelques vieilles Annales du temps passé, ou renommée inveterée, laquelle a gaigné crédit au cerveau des hommes. Comme Virgile sur la commune renommée, qu’un certain Troyen comme Aenée, chanté par Homere, est venu aux bors Laviniens luy, ses navires et son fils, où depuis Rome fut bastie, ensores que ledit Aenée ne vint jamais en Italie : mais il n’estoit pas impossible qu’il n’y peust venir. Sur telle opinion desja receue du peuple il bastit son Livre de l’Aeneide. Homere au paravant luy en avoit fait de mesme, lequel fondé sur quelque vieil conte de la belle Heleine et de l’armée des Grecs à Troye, comme nous faisons des contes de Lancelot, de Tristan, de Gauvain et d’Artus, fonda là dessus son Iliade 293 .’

La Franciade relèvera-t-elle cette gageure, déjà lancée par Du Bellay et Peletier, de composer une épopée moderne en vers de l’envergure de celles d’Homère, de Virgile et surtout de l’Arioste en se fondant sur un roman de chevalerie ? Ronsard répond d’emblée par la négative : son poème s’appuie ‘«’ ‘ sur nos vieilles annales ’», c’est-à-dire sur les Illustrations de Gaule, qui ont contribué à persuader les Français que la dynastie des carolingiens appartenait à la descendance de Francus, ce fils d’Hector qui aurait traversé l’Europe d’est en ouest depuis l’Épire pour fonder Paris. De plus, la Franciade n’a pas emporté la faveur royale et est restée inachevée, plusieurs chants manquant pour faire revenir Francus en Gaule ; décidément, l’ère de composition des grandes épopées nationales était révolue en France. Le grand rêve humaniste de redéfinition du poème épique sous les traits d’une épopée romanesque n’a donc pas donné lieu à une réalisation effective, la Franciade ne se proposant d’ailleurs pas de répondre à ce projet théorique 294 . Elle n’est pas non plus un romanzo, comme pouvait le laisser penser la préface de 1572 : si elle est définie comme un ‘«’ ‘ Roman ’», c’est au sens spécialisé de narration fictionnelle digne d’intérêt par son contenu littéraire et moral ; autrement dit, elle appartient à la ‘«’ ‘ Poësie ’» et non à l’histoire. Du coup, le poème épique idéel des poéticiens français ne ressemble que de loin aux romanzi italiens, peut-être en raison d’une méprise à leur sujet.

Malgré le caractère décousu et elliptique des assertions formulées par les poéticiens français, il est à présent possible d’établir deux types de doxa quant à la conception normative du roman en France au XVIe siècle : certains doctes imaginent que le renouveau du roman de chevalerie peut venir des formes importées de l’étranger, tandis que d’autres envisagent de nationaliser le ‘«’ ‘ Grand Œuvre ’» par le biais des productions du passé français. Mais il ressort de notre étude que ni la forme italienne du romanzo dans le premier cas, ni l’épopée antique dans le second, ne servent de patron pour le roman issu de la tradition médiévale : les défenseurs plus ou moins lointains de cette forme ne l’ont pas assez en estime pour croire qu’elle peut égaler des genres aussi prestigieux. D’un autre point de vue, peut-être la conscience de l’originalité du roman français a-t-elle poussé les humanistes à repousser toute velléité de compromission théorique à son sujet.

Au XVIIe siècle, en dépit de l’accélération de la production narrative de fiction, le roman est encore absent des traités de poésie ; il devient cependant un objet de réflexion théorique dans plusieurs préfaces et lettres ainsi que dans les œuvres des romanciers. Un mouvement de réévaluation de cette forme s’amorce à partir des années 1620 qui aboutit, avec la Lettre de l’Origine des Romans du P. Huet, à lui conférer le statut de genre poétique. L’argument avancé par les doctes est toujours le même : le roman est présenté comme une forme de l’épopée, autrement dit comme une ‘«’ ‘ poésie en prose’ ‘ 295 ’ ‘ ’». Alors que les humanistes ont donné pour fonction idéale au roman de chevalerie de participer, de manière limitée, à la réalisation du « Grand Œuvre », les théoriciens du classicisme élaborent une doctrine cohérente du roman  au sens large du terme, en vertu de son extension sémantique à la même période  en le pensant comme un genre issu du poème épique. Pour ce faire, ils tentent de lui appliquer les règles aristotéliciennes, en sollicitant certains traités italiens du Cinquecento ; peu attentifs à la subtilité des préceptes de Giraldi et Pigna sur le romanzo, ils invoquent surtout l’aristotélisme radical des discours du Tasse sur le poème héroïque 296 . Cela les conduit à plaider en faveur de l’immobilisme littéraire et à refuser de voir l’écart entre la doctrine du Stagirite et la spécificité de la res romanesque. Il est vrai que le XVIIe siècle entend combler ce fossé en prétendant théoriser une nouvelle forme narrative : après l’Astrée, les romanciers auraient inventé des « romans modernes » qui, fondés sur une trame historique et respectant une certaine vraisemblance, la bienséance et le critère du docere, répondraient intrinsèquement aux canons de l’épopée. Parallèlement aux essais de Chapelain et de D’Aubignac, les préfaces des romans rapidement qualifiés d’» héroïques », tels ceux de Gomberville, Gerzan, Boisrobert, Desmarets de Saint-Sorlin, La Calprenède et M. de Scudéry, sont ainsi le lieu privilégié où s’exprime la tentative de recatégoriser le roman en poème épique. Gerzan formule en 1627 la liste exhaustive des codes du roman héroïco-galant, que Boisrobert reprend en 1629 en les mettant en lien avec ceux de l’épopée :

‘[…] il y a dans les beaux Romans qui tiennent de la nature du Poëme Epyque […] des instructions propres à toutes sortes d’Etats, pour faire abhorrer le vice et cherir la vertu ; […] ceux qui composent des Poëmes Epyques et des Romans […] descrivent des actions non pas telles qu’elles sont, mais bien telles qu’elles doivent estre […] 297 .’

Comme dans les Discorsi du Tasse, les mauvais romans sont des poèmes de nature imparfaite, alors que les meilleurs d’entre eux sont une forme accomplie du poème épique. En 1641, M. de Scudéry approfondit ce postulat en le confrontant aux caractéristiques formelles des textes : sa « Preface » d’Ibrahim montre comment les règles de l’inventio et de la dispositio de l’épopée trouvent à se réaliser dans le roman héroïque. Insistant sur la dimension inductive de sa démarche, elle commence par noter que le principe de l’unité d’action est respecté dans les romans grecs, ce qui va l’amener à prendre le texte d’Héliodore pour modèle du nouvel art narratif français :

‘J’ay donc vû dans ces fameux Romans […] qu’à l’imitation du Poëme Epique, il y a une action principale où toutes les autres sont attachées, qui regne par tout l’ouvrage, et qui fait qu’elles n’y sont employées que pour la conduire à sa perfection 298 .’

Le roman héroïque n’est pas, comme le romanzo, un poème à actions multiples : il hiérarchise les intrigues qu’il convoque entre une action principale et des histoires secondaires. Cela implique une « ordonnance » particulière de sa matière : les « Episodes » sont reliés à l’action principale de telle façon que par ‘«’ ‘ un enchaînement ingénieux toutes ces parties ne fassent qu’un corps ’» 299 . La romancière soutient encore que ce type de romans a emprunté à l’épopée antique, par le biais du roman grec, la technique du début in medias res, en plus de l’unité d’action. Elle conseille ensuite à l’apprenti romancier d’appliquer l’unité de temps, c’est-à-dire de faire en sorte que l’histoire racontée ne dure qu’une année. Elle insiste, par ailleurs, sur le respect de la ‘«’ ‘ vraysemblance ’», que le roman aurait également hérité de l’épopée : dans les romans écrits entre 1620 et 1660,les fondements de l’intrigue sont systématiquement historiques  tirés de l’Antiquité romaine, de l’histoire de l’Orient ou de l’Espagne  et se prétendent en accord avec les mœurs, les lois et les religions des peuples représentés. C’est là évidemment un expédient contre les invraisemblances des romans de chevalerie : l’auteur de la « Preface », qui considère ces derniers comme des « Monstres » et des « Grotesques », dit éviter de choquer le lecteur en restreignant les faits et gestes d’Ibrahim et des autres personnages au domaine du vraisemblable :

‘[…] mon Heros n’est point accablé de cette prodigieuse quantité d’accidens qui arrivent à quelques autres, d’autant que selon mon sens cela s’éloigne de la vray-semblance : la vie d’aucun homme n’ayant jamais esté si traversée, il vaut mieux, à mon avis, séparer les aventures, en former diverses Histoires, et faire agir plusieurs personnes, afin de paroistre fecond et judicieux tout ensemble, et d’estre toujours dans cette vray-semblance si necessaire 300 .’

En somme, M. de Scudéry veut un roman épique qui, pour ‘«’ ‘ representer la veritable ardeur heroïque ’» digne des récits des Anciens et apte à édifier, sache user des ressorts classiques de la poésie et de la rhétorique. Cependant, à la différence de la position radicale du Tasse et de la transposition simpliste de Boisrobert, elle insiste à l’occasion sur ce qui distingue le ‘«’ ‘ Roman ’» du ‘«’ ‘ Poëme ’» : elle se montre ainsi consciente que l’analogie entre eux ne vaut que pour les procédés empruntés par les romans héroïco-galants  et les romans grecs  aux œuvres d’Homère et de Virgile. Comment ne pas voir, en effet, que sa théorie du romancier-» Peintre de l’ame » outrepasse les règles formulées sur le poème héroïque en même temps que les lois intrinsèques du genre antique ? Comment ne pas constater encore qu’Ibrahim, malgré la noblesse de ses personnages, ne réalise aucunement le critère de la vraisemblance ? Les histoires trop nombreuses, souvent mal imbriquées les unes dans les autres, les épisodes traditionnels que sont les déguisements, les quiproquos ou les enlèvements, les descriptions interminables ainsi que la longueur peu maîtrisée de l’ensemble sont autant de clichés de l’écriture romanesque baroque qui plaident pour une altérité radicale du roman vis-à-vis de l’épopée. Malgré ses multiples efforts, la théoricienne perçoit que le roman n’est pas vraiment sous la dépendance du poème épique et que le lien qu’elle veut établir entre eux a pour finalité de réévaluer une forme mise au ban de la littérature noble. De manière générale, les romans écrits à partir des années vingts utilisent les moyens inventés par l’Arioste pour susciter l’étonnement et l’intérêt : un style de la surabondance préside au choix des aventures, à leur entrelacement et au caractère grandiloquent de la formulation. Pourtant, la théorie romanesque classique opère dans son ensemble un retour en arrière par rapport à la conceptualisation italienne du romanzo et à la libération qu’elle représente : les lettrés méprisent largement la production romanesque italienne du Cinquecento au même titre que celle du Moyen Âge français et ils se placent sous l’autorité du Tasse plutôt que sous celle de ses prédécesseurs, quitte à déformer ou à simplifier la doctrine de celui qui est avant tout un poète épique. Tel est le cas, nous semble-t-il, de J. Chapelain, un des rares auteurs, avec Camus et Sorel, à rester à l’écart du mouvement de théorisation du roman héroïque. Dans son Discours sur le poème d'Adonis du Chevalier Marin, qui sert d’en-tête à l’édition de 1623, l’amateur du Lancelot propre s’insurge contre les romanzi en raison des défaillances de leur dispositio et de leur inventio :

‘[…] ces romans se trouvent si méprisables parmi les bien sensés, comme ceux qui sans aucune idée de perfection amoncellent aventures sur aventures, combats, amours, désastres et autres choses, desquelles une seule bien traitée ferait un louable effet, là où toutes ensemble elles s’entre-détruisent, demeurant pour toute gloire l’amusement des idiots et l’horreur des habiles, qui n’en peuvent supporter le regard seulement, les sachant dans leur confusion du tout éloignés de l’intention de la poésie : car pour purger il faut émouvoir ; or […] ces romanceries, soit par la qualité, soit par la quantité de leur matière, en s[ont] entièrement rendues incapables […] 301 .’

Ne produisant ni la purgation des passions ni l’enseignement et possédant une ‘«’ ‘ multiplicité monstrueuse » ’d’» actions principales », les textes de Boiardo, l’Arioste et Alamanni se trouvent placés en bloc dans les marges de la ‘«’ ‘ poésie »’ ‘ 302 ’ ‘. ’Or le second Discours de l’art poétique du Tasse considérait Roland amoureux et Roland furieux comme une seule composition d’actions et les plaçait au nombre des poèmes héroïques. Pour Chapelain au contraire, ce sont à la fois ‘«’ ‘ les poèmes anciens ’» et les ‘«’ ‘ modernes romans ’» qui, réalisant l’entrelacement et l’ornementation de la trame narrative, participent à la création d’une forme poétique basse ; autrement dit aucun roman, qu’il soit de thématique chevaleresque ou galante, ne trouve grâce auprès du détracteur des ‘«’ ‘ romans en général de toute espèce’ ‘ 303 ’ ‘ ’». Pourtant, Chapelain rejoint le Tasse dans son enthousiasme pour l’épopée qui réalise l’unité dans la variété ou plus exactement, qui concentre les différents genres littéraires traditionnels : l’Adonis de Marino, poème mythologique, tiendrait à la fois de la tragédie, de la comédie, de l’épopée et du roman. Comme la Jérusalem délivrée, il se situe entre ‘«’ ‘ la grande bonté ’» du ‘«’ ‘ poème héroïque ’» et la ‘«’ ‘ grande imperfection »’ du «‘ roman ’» 304 . Le Discours de Chapelain ouvre donc la longue série des textes français critiques à l’égard du roman en vertu du caractère immuable de la perfection de l’épopée ; il concentre les arguments qui seront ceux du camp des Anciens durant tout le XVIIe siècle. Cela n’empêchera cependant pas D’Aubignac de se servir du même postulat pour affirmer la compatibilité du roman héroïco-galant, dont sa Macarise est un parfait représentant, avec les « règles d’Aristote » pour la narration :

‘On ne trouvera pas étrange que dans ce discours je réduise les romans à la même règle que les poèmes épiques, car ils ne sont distingués que par la versification, tout le reste leur est commun, l’invention, la disposition, la fabrique et les ornements ; et je ne puis comprendre le sentiment de ceux qui se sont avisés d’en donner une nouvelle différence contre les règles d’Aristote et des autres savants, et de dire qu’il n’était pas nécessaire que le héros d’un roman fût aussi vertueux que celui d’un poème épique, et qu’il pouvait tomber dans quelques faiblesses et faire des lâchetés 305 .’

Il refuse ainsi de souscrire à l’idée que le roman baroque est un poème héroïque ; il en est seulement une forme dégradée, ‘«’ ‘ un poème, dont les héros ne sont que des palladins : et où il règne un air de chevalerie chimérique et romanesque, plutost qu’un esprit héroïque’ 306  ». Fidèle, au contraire, à la rigueur des préceptes de la Poétique et de l’Épître aux Pisons, qu’il a largement commentés, le père Rapin ne peut qu’être hostile à la fausse grandeur des personnages de La Calprenède, Gomberville ou M. de Scudéry, au trop grand nombre d’histoires et aux invraisemblances de leurs œuvres. En 1701, Boileau témoigne de l’ambiguïté de la position des Anciens quant à la théorisation du roman : dans sa Lettre à M. Perrault, cherchant à se réconcilier avec l’auteur des Parallèles des Anciens et des Modernes, un des tenants de la modernité de la littérature en langue vulgaire, il admet la nouveauté des romans par rapport aux œuvres de l’Antiquité, mais n’a d’autre critère pour les définir que de les comparer à ces mêmes œuvres. Il en fait précisément des ‘«’ ‘ poèmes en prose ’» :

‘Je montrerais qu’il y a des genres de poésie, où non seulement les Latins ne nous ont point surpassés, mais qu’ils n’ont même pas connus : comme, par exemple, ces poèmes en prose que nous appelons romans, et dont nous avons chez nous des modèles qu’on ne saurait trop estimer, à la morale près, qui y est fort vicieuse, et qui en rend la lecture dangereuse aux jeunes personnes 307 .’

La Lettre à M. de Segrais de l’Origine des Romans du P. Huet, le grand théoricien du roman au XVIIe siècle, achève de nous convaincre de l’hésitation des doctes entre l’assimilation du roman au poème épique, pour lui conférer le statut de genre, et la volonté de l’affranchir des règles aristotéliciennes, qui lui sont peu appropriées. Daté de 1670, ce traité se présente comme la première tentative de reconstitution de l’histoire européenne du roman. Considérant Théagène et Chariclée comme le modèle le plus achevé de ‘«’ ‘ l’art Romanesque’ ‘ 308 ’ ‘ ’» parmi les nombreux prototypes antiques, qu’ils soient grecs ou latins, P.-D. Huet choisit d’ancrer les romans français dans une tradition éminente. Malgré leur hétérogénéité, ces œuvres antiques donnent un authentique statut littéraire à la création romanesque, pour laquelle l’auteur élabore en outre une théorie spécifique. Or celle-ci n’a rien de novateur : admirant l’Astrée, l’Illustre Bassa, le Grand Cyrus et la Clélie etdésirant faire la promotion de la toute récente Zaïde qu’il attribue à J. R. de Segrais, destinataire de sa lettre, Huet reprend les règles établies avant lui pour le roman héroïque. En dépit de ses formules iconoclastes, la Lettre à M. Segrais se présente donc comme un bilan du passé : la célèbre définition qu’elle donne du roman ne vaut que pour des textes de type déjà ancien, alors que depuis les années soixante M. de Scudéry, M.-M. de Lafayette et Saint-Réal écrivent des nouvelles historiques, qui par la linéarité de leur trame, leur brièveté, le naturel des analyses psychologiques et le souci de la vraisemblance répondent bien mieux aux règles mises ici en avant. Huet commence naturellement par opposer les ‘«’ ‘ Romans reguliers ’» aux romanzi théorisés par Giraldi et Pigna, qui sont écrits en vers. Il ajoute plus loin que les ‘«’ ‘ vieux Romans François, Italiens, et Espagnols », qu’il considère sans distinction, ne sont qu’» un amas de fictions grossièrement entassées les unes sur les autres »’ ‘ 309 ’ ‘. ’Bien qu’il prétende ainsi tourner le dos à l’ère des épopées qui se sont encanaillées avec les romans, son développement suivant pour distinguer les ‘«’ ‘ Romans ’» des ‘«’ ‘ Poëmes Epiques » ’n’en reste pas moins suspect. Sa volonté de mesurer l’écart entre les romans et les traits d’autres formes d’écriture  successivement les ‘«’ ‘ Poèmes Epiques ’», les ‘«’ ‘ Histoires » ’et les ‘«’ ‘ Fables ’»  n’aboutit pas à cerner l’essence propre du genre romanesque. Des textes d’Homère et de Virgile, il affirme qu’ils ‘«’ ‘ ont […] des differences essentielles qui les distinguent des Romans ’». Mais il concède aussitôt qu’ils possèdent entre eux ‘«’ ‘ un tres-grand rapport ’», par l’importance de la fiction qui s’y retrouve communément. Les comparaisons suivantes ne cessent d’opposer les deux formes tout en les mettant en lien, faisant ainsi du roman une variante de l’épopée :

‘[…] les Romans sont plus simples, moins élevés, moins figurés dans l’invention et dans l’expression. Les Poëmes ont plus du merveilleux, quoy que toujours vray-semblables : les Romans ont plus du vray-semblable, quoy qu’ils ayent quelquefois du merveilleux. Les Poëmes sont plus reglés, et plus châtiés dans l’ordonnance, et reçoivent moins de matiere, d’evenemens, et d’Episodes : les Romans en reçoivent davantage, parce qu’estant moins élevés et moins figurés, ils ne tendent pas tant l’esprit, et le laissent en estat de se charger d’un plus grand nombre de differentes idées. Enfin les Poëmes ont pour sujet une action militaire et politique, et ne traittent l’amour que par occasion : les Romans au contraire ont l’amour pour sujet principal, et ne traittent la politique et la guerre que par incident 310 .’

Les différences entre le roman et le poème épique ne sont ici que de degré : l’un a un sujet plus amoureux que l’autre ; sa composition est libre et chargée d’événements, quand celle de l’épopée est stricte mais souple ; l’emploi du merveilleux est plus discret dans le roman en règle générale ; enfin, le style romanesque est plus chargé que celui du poème héroïque. En somme, le roman de l’ère baroque respecterait les règles de l’épopée classique, alors que le romanzo s’en éloignerait par l’invraisemblance de sa fiction et la maladresse de sa disposition. Huet, comme ses contemporains, n’a donc pas entièrement compris le projet du Tasse de réformer l’épopée en exploitant certains procédés utilisés par les romanciers ; il proclame seulement sa fidélité à Aristote et entreprend de légiférer sur une forme littéraire composite, sans percevoir la contradiction entre ces deux postulats. Nourri de la Lettre à M. Segrais,P. Richelet rend compte à la fin du siècle de l’assimilation par toute une génération de ce qu’Huet appelle le ‘«’ ‘ Roman regulier ’» à l’épopée. Son article ‘«’ ‘ Roman ’» va cependant à contre-courant de l’ensemble de son époque, qui fait de l’Astrée le premier roman nouveau : non seulement est évoquée une forme romanesque du XVIe siècle, mais celle-ci opérerait une première rupture avec le Moyen Âge :

‘Le Roman est aujourd’hui une fiction qui comprend quelque aventure amoureuse écrite en prose avec esprit et selon les règles du Poëme Epique, et cela pour le plaisir et l’instruction du lecteur. Nos plus fameux Romans sont les Amadis et l’Astrée 311 .’

Au XVIIe siècle, les théoriciens élaborent donc un système cohérent d’assimilation du roman en général à la poésie épique, qu’ils en soient les détracteurs, pour en faire un avatar abâtardi de celle-ci, ou bien les partisans, pour le réhabiliter. Le privilège donné par ces poéticiens à l’unité d’action, à la vraisemblance et à la hauteur du style n’a pas trouvé d’équivalent dans les créations de leur temps, si bien qu’après la cabale menée par Sorel, Furetière et Boileau contre celles-ci, ils ne cherchent plus à maintenir la rigidité des règles épiques qui pesaient sur la théorie du roman. On connaît la suite de l’évolution des formes littéraires au XVIIe siècle : la France préférera la tragédie au détriment du romanzo, au moment où le Saint-Louis de Le Moyne, La Pucelle de Chapelain ou l’Alaric de Scudéry ne remportent aucun succès ; de l’autre côté des Alpes le poème épique triomphera, au contraire, sur le romanzo. Décidément, en pratique comme en théorie, le roman français a trouvé sa voie propre, loin de sa mère fantasmée, l’épopée.

Notes
284.

Voir supra chapitre 1, pp. 80-82.

285.

Pour la Défense, « tel œuvre certainement serait à leur immortelle gloire, honneur de la France, et grande illustration de notre langue » (op. cit., II, 5, p. 241). Peletier ne dit pas autre chose : « le plus digne Sujet de tous les Sujets Poëtiques […] est encore à toucher » (Art poétique, op. cit., I, 3, p. 251) ; comme Du Bellay, il fait appel au mécénat royal pour soutenir l’entreprise. En 1587, malgré le succès remporté par les petites formes lyriques, Ronsard distingue encore la hauteur de conception du poème héroïque des « Epigrammes, Sonnets, Satyres, Elegies, et autres tels menus fatras » (La Franciade, op. cit., « Preface sur la Franciade, touchant le Poëme Heroïque », p. 346). Au XVIIe siècle, l’épopée occupera toujours le sommet de la hiérarchie des genres littéraires.

286.

Art poétique français, in Traités de poétique et de rhétorique…, op. cit., II, 14, p. 145.

287.

Bien qu’il ne s’agisse pas ici d’un roman de chevalerie, la forme romanesque est proposée comme une réalisation parfaite des canons épiques (Poetices libri septem, s. l., A. Vincentium, 1561, « Liber tertius », chap. 96, p. 114) :

Hanc disponandi rationem splendidissimam habes in Aethiopica historia Heliodori. Quem librum epico Poetae censeo accuratissime legendum, ac quasi pro optimo exemplari sibi proponendum.
288.

Défense, op. cit., II, 5, p. 241.

289.

Ibid., p. 241.

290.

Art poétique, op. cit., II, 8, p. 310. En somme, les romans de chevalerie pallieraient le manque de « matière » épique qui serait cause, selon l’Art poétique français de Sébillet (op. cit., p. 145), des déficiences françaises dans le domaine de la poésie héroïque.

291.

Nous ne citerons qu’un passage de l’» Epistre au lecteur » de la Franciade (op. cit., p. 4), qui dès 1572 blâme l’invention et la disposition du texte italien ; Ronsard se refuse à inventer

[…] une Poësie fantastique comme celle de l’Arioste, de laquelle les membres sont aucunement beaux, mais le corps est tellement contrefaict et monstrueux qu’il ressemble mieux aux resveries d’un malade de fievre continue qu’aux inventions d’un homme bien sain.
292.

Art poétique, op. cit., II, 5, pp. 296-297.

293.

La Franciade, op. cit., « Preface sur la Franciade, touchant le Poëme Heroïque », p. 339.

294.

L’œuvre de Ronsard n’est pas non plus une épopée néo-antique : le récit de la tempête qui assaille les navires troyens au livre II est emprunté à l’Odyssée et à l’Énéide ; mais le combat de Francus contre le géant crétois fait appel à la verve de l’Arioste. Il semble donc que l’échec de Ronsard tienne à l’hésitation générique des quatre premiers livres : il n’a pas composé un grand poème romanesque comme le Roland furieux et l’absence d’un idéal collectif de type épique dans la seconde partie du siècle l’a empêché de réaliser une épopée à la manière de la Jérusalem délivrée.

295.

Le Roman bourgeois, ouvrage comique, 1666, F. Tulou (éd.), Paris, Garnier Frères, s. d., « Livre premier », p. 5.

296.

Au XVIIe siècle, le contact des Français avec la théorie italienne du romanzo et de l’épopée et avec la production épique est très avancé, comme l’atteste la traduction, entre 1632 et 1639, des Discorsi du Tasse par J. Baudoin. Pour de plus amples informations, voir l’article de L. Sozzi intitulé « L’influence en France des épopées italiennes et le débat sur le merveilleux », in Mélanges de littérature et d’histoire offerts à Georges Couton, Lyon, P.U.L., 1981, pp. 61-73.

297.

« Avis au lecteur qui servira de preface » de l’Histoire indienne d’Anaxandre et d’Orazie, in Le Roman jusqu’à la Révolution, op. cit., t. II, pp. 37-39 et ici p. 37.

298.

« Preface » d’Ibrahim, op. cit., p. 45.

299.

Ibid., p. 45. Nous retrouvons ici le concept d’» unité composée » forgé par le Tasse pour définir l’usage d’épisodes et de personnages variés dans des actions secondaires dépendant étroitement de l’action principale.

300.

Ibid., p. 46.

301.

Lettre ou discours de M. Chapelain à Monsieur Favereau […] sur le poème d'Adonis du Chevalier Marino, op. cit., p. 96.

302.

Ibid., p. 98. De fait, sans « l’unité d’action », « le poème [épique] n’est pas poème ainsi (sic) roman » (p. 94).

303.

Ibid., p. 76. Voici comment il taxe « l’épique romanesque », dans une lettre datée de 1667 : c’est « un genre de poésie sans art et qui tient de l’ignorance et de la faiblesse des siècles barbares » (ibid., p. 485).

304.

Ibid., p. 85.

305.

« Observations nécessaires » de Macarise, 1664, in Idées sur le roman. Textes critiques sur le roman français : XII e -XX e siècle, H. Coulet (éd.), Paris, Larousse, « Textes essentiels », 1992, extraits recensés pp. 104-107 et ici p. 105.

306.

R. Rapin, Réflexions sur la Poétique de ce temps et sur les ouvrages des Poètes anciens et modernes,1675 [1ère éd. 1674], E. T. Dubois (éd.), Genève, Droz, 1970, chap. VIII, p. 79.

307.

Lettre à M. Perrault, in Poésies et extraits des œuvres en prose de Boileau, Paris, Hachette, 1914 [6ème éd.], pp. 358-366 et ici p. 363.

308.

Lettre à M. de Segrais de l’Origine des Romans, op. cit., p. 151.

309.

Ibid., pp. 150 et 155.

310.

Ibid., pp. 149-150.

311.

Dictionnaire françois tiré de l’usage et des meilleurs auteurs de la langue, 2 t., Genève, Slatkine Reprints, 1994 [réimpr. de l’éd. de 1680], t. II, p. 324. Cette forte mise en relation des deux genres narratifs s’éteindra progressivement au cours du Siècle des Lumières. Les encyclopédistes font cependant encore du Télémaque, roman didactique inspiré du livre IV de l’Odyssée, « un vrai poëme à la mesure et à la rime près ». Pour l’établissement du décalage entre les prétentions de l’œuvre de Fénelon à ressembler à l’épopée et la réalisation effective qu’elle constitue, nous renvoyons à l’article de N. Hepp « De l’épopée au roman : l’Odyssée et Télémaque », in La Littérature narrative d’imagination, Actes du colloque de Strasbourg, 23-25 avril 1959, Paris, P.U.F., 1961, pp. 97-113.