III - L’histoire fabuleuse comme voie de renouvellement du roman

Cherchant à donner sa noblesse à une forme romanesque inventée par Pulci, Boiardo et Ariosto, les traités italiens de 1554 proposent une rénovation sémantique et axiologique du vieux substantif romanzo. Les quelques érudits français à s’interroger, à la même époque, sur la façon dont le nouveau roman de chevalerie et le roman grec travaillent à réformer le récit fictionnel. Ils refusent, pour leur part, de se soumettre à la suprématie doctrinale de l’épopée  même pour établir, par différence, les lois de la poesia chiamata Romanesca : l’appellatif dans lequel ils cristallisent une théorie érudite du roman n’est pas poésie romanesque, mais histoire fabuleuse. Bien que l’expression ait dans le sociolecte du temps le sens courantd’histoire fictive ou récit de fiction, elle renvoie sous la plume d’Amyot et des préfaciers d’Amadis à un concept romanesque en lien avec l’histoire. Contre l’idéologie littéraire officielle, ces doctes choisissent donc pour modèle la forme de la chronique, qui a toujours entretenu des relations privilégiées avec l’écriture romanesque. Déplaçant la notion de genre de la question de l’appartenance à la poésie des Anciens vers celle de la détermination de principes opérant spécifiquement dans une forme, ils réalisent que l’essence du romanesque réside dans le traitement du vrai et du faux. Après avoir interrogé les raisons pour lesquelles le public aime les « phantosmes » et les « espaces imaginaires », ils expliquent maintenant au romancier comment devenir ‘«’ ‘ un Phylomythe ’» 520 , tout en restant dans les limites d’une certaine vérité.

Notes
520.

Les citations viennent de l’analyse de Fancan sur le plaisir procuré par la fable auprès d’un public cultivé (Le Tombeau des Romans…, op. cit., p. 34). Ce théoricien du roman, avant Sorel, termine son apologie de la fiction érudite en déclarant que le « Phylosophe » lui-même se doit d’être un « amateur et Autheur de fables, un Phylomythe en un mot ».