Une étude de la terminologie utilisée par les praticiens de la fiction narrative, qui apparaît dans le paratexte de leurs œuvres et dans les éléments de métadiscours disséminés dans le récit, est essentielle en ce qu’elle nous invite à mesurer la complexité de leur situation 580 . D’un côté, les auteurs se refusent à employer le substantif roman pour définir des textes qu’ils entendent précisément démarquer de la tradition chevaleresque médiévale ; le fait qu’à ce champ sémasiologique étroit s’ajoute alors une orientation axiologique péjorative peut les dissuader de se lancer, à la manière Colet, dans une rénovation du sens du nom. D’autre part, il faut le constater, tous font preuve d’un refus de théoriser le genre auquel ressortit leur art ; peut-être entendent-ils éviter ainsi de prêter le flan aux critiques des mythopathes, qui ne manqueraient pas de s’opposer à la défense d’œuvres si mensongères ; sûrement leur manque-t-il aussi un climat de réflexion sur les formes littéraires en soi, qui va s’instaurer au milieu du siècle mais qui ne portera ses fruits, quant à la narration sur le poème héroïque, surtout , que bien tard. Nos romanciers optent donc pour l’emploi d’un vocabulaire flou, qui n’a par exemple rien de distinct de celui des traducteurs de romans non chevaleresques. Dans ce contexte, ce n’est pas leur conformisme lexical qui doit surprendre, mais le fait qu’ils donnent par endroits des indications de classification générique qui attestent leur désir commun de rénover l’écriture narrative. De cette revendication d’un nouveau mode de récit à la création du concept d’innovation romanesque, il y a un pas énorme, qu’aucun de ceux que nous appelons « nouveaux romanciers » ne franchit. Seule une vision rétrospective nous autorise à voir dans leur pratique un genre novateur ; elle doit veiller à rendre compte des limites, sinon de leur démarche, du moins des données de leur métalangage.
Certains éléments de notre recensement ont servi à une communication présentée au colloque de Lyon, intitulée « Quelques substituts de roman au XVIe siècle : innovation romanesque et prudence lexicale », in Le Renouveau d’un genre…, op. cit.