2 - Une copia de langages comme poétique romanesque

Nos textes portent à un haut degré d’accomplissement la loi du genre romanesque en pratiquant l’accumulation d’énoncés hétérogènes : la poétique des nouveaux romans propose une copia de langages, au lieu d’un discours univocal fleuri. Les concepts de varietas et de copia, forts en vogue au XVIe siècle chez les théoriciens de la rhétorique et de la poésie, pourraient traduire ce foisonnement de la langue en leur sein. À ce titre, nous prêterons attention à la théorie qu’Érasme élabore pour ces notions. Nous verrons cependant que le procédé de fonctionnement de nos romans ne s’adapte qu’en partie à l’analyse de ce penseur, même si certains de ses écrits tendent à ne pas restreindre la « copieuse diversité » à une manière d’orner le discours.

Voyons, d’abord, le sens que les notions métaphoriques de variété et d’abondance peuvent recouvrir à la Renaissance. Cela suppose un passage en revue rapide de l’évolution du sens de ces noms de l’Antiquité jusqu’à l’époque qui nous intéresse 621 . En tant que moyen de remédier au taedium qu’engendre l’uniformité dans le discours oratoire, c’est surtout la varietas qui a reçue une amorce de théorisation de la part de Cicéron et de Quintilien. Sous leur plume, elle a pour modèle la variété de la nature, manifestée par l’alternance sur la Terre de terrains riches et de déserts arides ou de forêts et de sources, et vise à la délectation de l’auditeur. Chez Hermogène et les autres rhéteurs de la Seconde sophistique, elle devient la vertu principale du discours. Pour définir l’écriture virgilienne, Macrobe invente ensuite l’idée d’une expression qui fait une synthèse admirables des styles de Cicéron, de Salluste, de Fronton et de Pline : les vers de Virgile mêleraient ces quatre styles en une synthèse admirable. Les humanistes du Quattrocento reprennent la notion de « docte variété », tout en insistant sur le fait que la diversité ne doit jamais dégénérer en monstruosité ; le temperamentum devient la règle d’or de la composition oratoire et littéraire. Depuis l’Antiquité latine, le respect de la varietas correspond finalement plus ou moins à l’usage d’un style particulier, le genus medium, auquel on conjoint les particularités de la voluptas, de la copia et de l’ornatus. Érasme se place dans cette tradition, tout en donnant un prestige infini au concept de copia, jusque-là secondaire : le De duplici copia verborum et rerum, publié pour la première fois en 1512 et remanié durant une vingtaine d’années, en fournit une étude pointue ; si l’analyse y porte sur l’art d’écrire en latin, elle aura surtout une incidence sur la composition dans les langues vernaculaires. Le penseur hollandais part du principe qu’il y a deux façons d’enrichir un discours : soit en exposant un petit nombre d’idées en beaucoup de mots, soit en exposant brièvement de nombreuses idées, le mieux étant selon lui de parler de beaucoup de choses avec une ample provision de mots. Derrière l’expression copia verborum et rerum, se retrouvent la ‘«’ ‘ verborum copia ’» et la ‘«’ ‘ varietas figurarum ’» de Quintilien, Érasme employant d’ailleurs indifféremment les mots de copia, variatio et varietas. Mais la particularité du traité consiste dans le détail qui y est donné des moyens pour réaliser la double abondance des mots et des idées. Le théoricien s’excuse de devoir les traiter les uns après les autres, alors que tout bon auteur se doit de combiner les deux niveaux d’enrichissement du parler : pour développer un thème, on peut recourir à l’amplification des arguments, à des exemples ou à des comparaisons, tandis que l’ornement du style passe par l’usage de la synonymie, de l’énallage ou des métaphores 622 . Outre la façon elle-même dont s’exprime Érasme, on connaît le bel exemple qu’il donne plus loin de la prose copieuse, imaginant toutes sortes de variations sur la phrase « Ta lettre m’a beaucoup plu » : ‘«’ ‘ Ta lettre si affectueuse m’a apporté une incroyable jouissance ’», ‘«’ ‘ Je ne placerais aucun nectar au-dessus de tes pages ’», ‘«’ ‘ Autant j’ai pour toi une affection sans pareille, autant tes lettres ont pour moi un charme sans pareil ’», etc. 623 . Or à la fin de ce chapitre, il explique que si le lecteur trouve certains de ces procédés trop lourds pour la prose, il doit se souvenir que ‘«’ ‘ cet exercice s’adapte aussi à la composition en vers ’». La remarque nous semble capitale : elle postule une continuité entre le style prosaïque et le style poétique, l’idéal étant d’écrire dans une prose ornée, sans tomber dans l’affectation. Que nous retrouvions au sein même d’un traité de rhétorique, qui cherche à cerner la manière de bien s’exprimer en prose, des considérations sur la poésie ne doit pas surprendre : rappelons-nous qu’avec les ramistes, Érasme est l’un des lettrés du XVIe siècle à militer en faveur d’un calque de l’écriture de la prose sur celle de la poésie, à supposer finalement le caractère poétique de la prose ornementale 624 . Que ce soit sous la plume des poéticiens ou sous celle des rhétoriciens qui ont tenté d’inventer un nouvel art oratoire humaniste d’ailleurs, nous avons vu que l’oraison est ramenée progressivement à la Renaissance au patron poétique des figures. Un autre passage du De duplici copia permet d’affiner l’analyse : Érasme y déclare que sa méthode d’enrichissement du discours a tout lieu de s’appliquer à « l’explication des auteurs », à « la traduction d’ouvrages d’une autre langue » et à ‘«’ ‘ la composition d’un poème »’ ‘ 625 ’ ‘. ’Autrement dit, la variété rhétorique aurait des domaines de réalisation privilégiés : le commentaire ou la glose, la traduction et la poésie. N’est-ce pas précisément le même lien entre la reformulation de la pensée d’autrui et l’ornatus rhétorique, lui-même rapproché des figures de la poésie, que nous avons constaté dans les analyses élogieuses du beau style d’Herberay ? De même, les traducteurs que sont Colet et Gohory n’insistent-ils pas respectivement sur l’importance que tient « l’ornement d’escrire, et de parler » dans leur exercice de la traduction et sur le fait que le « style » des romans se doit d’être « Floride, net et coulant » 626  ? Nous formulons ici le postulat selon lequel la conception générale de la prose des traducteurs de romans, donnée de manière morcelée mais cohérente par toutes sortes d’érudits de l’époque, postule que celle-ci atteint son plus haut degré de réussite en produisant des variations rhétoriques autour du texte-source. En d’autres termes, ce que nous avons appelé la pratique de la « mise en roman », telle qu’elle est codifiée au XVIe siècle, suppose non seulement la translation d’une langue en une autre, mais envisage aussi le primat de la forme sur la pensée de l’auteur de départ, donc une dissociation entre le langage et son matériau. Que cela soit partiellement en décalage avec la production des traductions de romans, en particulier des premiers Amadis, importe peu : est ici formulée sous la plume d’Érasme et des préfaciers une vision du romancier tout à la fois comme orateur et poète déchu, comme artiste du verbe et imitateur d’un langage dont il perd, pour le vouloir orné, les intentions essentielles. Voilà ce que l’analyse oratoire des notions de variété et d’abondance dans le De duplici copia nous permet de dégager sur le rapport au langage dans la pratique romanesque dominante à la Renaissance. Au vu de la différence essentielle existant entre cette docta varietas rhétorique et la production de discours multiples dans nos romans, devons-nous renoncer à parler de poétique de la variété à leur sujet ? Nous avons affaire, certes, à deux conceptions radicalement distinctes de la prose romanesque : d’un côté, on promeut une oratio où domine l’amplification et le flot protéiforme des idées ; de l’autre, on cherche à convoquer dans un même texte des discours d’origine, de facture et de visée différentes. Pour le dire vite, au caractère fleuri du langage s’oppose une abondance des langages représentés ; à une variation du discours, une variation des discours ; à une copia verborum et rerum, ce que l’on pourrait appeler une ‘«’ ‘ copia sermonum ’». La dédicace d’Alector nous invite à saisir les limites de cette analogie entre la copia humaniste et la poétique des nouveaux romans. Aneau y promeut une « diverse et estrange narration », qui réalise un ‘«’ ‘ meslange de choses en partie plaisantes, en partie graves et admirables, et quelque fois meslées, plus toutesfois tenans de la Tragique que de la Comique »’ ‘ 627 ’ ‘. ’Nous le voyons, il pose ici le principe d’une écriture mixte, qui mêle tous les sujets, tous les tons et tous les genres. Ce professeur pourtant passionné de rhétorique théorise moins la façon dont il a créé un style docte à partir d’une matière donnée, ce qui impliquerait de sa part une allégeance à la poétique de la mise en roman, que l’alternance au sein de son roman de divers procédés linguistiques. Même s’il prétend avoir traduit « en nostre langue Françoise » un original « tout broillé et confus », il n’a pas réalisé une homogénéisation des « divers langages » dans une prose oratoire variée  : il a voulu obtenir un effet d’» artificielle varieté », expression qui définit selon nous l’essence des nouvelles compositions romanesques. Pourtant, il n’est pas sûr qu’Érasme assigne seulement une nature rhétorique aux notions dont il traite : comme l’écrit T. Cave, chez ce penseur, ‘«’ ‘ le terme de ’ ‘copia ’ ‘échappe aux contraintes du précepte et se laisse difficilement réduire à une formulation théorique’ ‘ 628 ’ ‘ ’». Dans le Ciceronianus en particulier, datant de 1528, variété et abondance sont alléguées comme des moyens d’éviter la prose figée des imitateurs de Cicéron et de faire valoir la singularité d’expression d’un auteur ; il s’agit pour ce dernier de trouver un style adapté à sa personnalité, au sujet qu’il traite et à ses destinataires. La théorie de la varietas devient maintenant celle d’une activité productive et ouverte. Du coup, un tel intérêt porté aux mécanismes libératoires de l’écriture semble en rapport avec la bigarrure de nos romans et le souci qu’ils ont de donner une intentionnalité à chacune des images verbales qu’ils représentent. Une preuve que cette codification souple de la copia, en tant qu’invitation à émanciper le mouvement de l’écriture plutôt qu’à le maîtriser, est en adéquation avec la poétique de nos romans apparaît dans le recours que fait Rabelais, pour définir le Tiers livre,à la métaphore de la corne d’abondance 629 .

Pour le lecteur de nos œuvres, la mixité verbale est surtout sensible par les effets de rupture qui naissent des unités stylistiques juxtaposées par le romancier. Prenons le discours qu’Arcane adresse à la cour lors du procès d’Alector 630 . La servante de Noémie, double de la Dariolette d’Amadis 631 , se plaît à rapporter l’histoire de la première entrevue d’Alector et de sa maîtresse. Son récit commence par les circonstances dans lesquelles elle s’est trouvée assister aux événements : elle explique la fuite de sa mule et, dans une notation héroï-comique, qu’elle s’est faite « legiere bische » pour rattraper Noémie, tout juste emportée par un hippocentaure. Vient ensuite l’affrontement entre Alector et l’être biforme, raconté à la manière des romans de chevalerie : même si l’adversaire de celui qui n’est encore qu’un écuyer appartient à la mythologie antique, la présentation des coups et des techniques de combat ainsi que l’usage de formules stéréotypées relève clairement du style chevaleresque. Arcane introduit alors le récit qu’Alector, une fois le danger passé, a fait à Noémie de ses aventures ; mais au compte rendu exact des événements qui l’ont amené sur les pas de celle-ci, se substitue un dialogue entre les deux jeunes gens, où Alector parle soudain le langage du volage Galaor : il demande une rétribution charnelle pour ses loyaux services. Arcane donne ensuite une description fortement érotisée des « doux attouchemens de main » qui lui « faisoi[ent] venir l’eau à la bouche ». Alors que Dariolette n’avait d’autre rôle que d’inciter la chaste Hélisène à succomber à ses désirs, Arcane est ici narratrice, ce qui colore la scène d’une sensualité extrême ; mais ne voulant pas accabler Alector devant le tribunal, elle se prétend naïve et ne saurait conclure quoi que ce soit de ses observations. Par ce décalage entre les deux positions de parole d’Arcane, la description des amours dans la grotte du centaure s’avère à la fois suggestive et comique. La fin du récit, portant sur le retour à Orbe, milite en faveur de relations courtoises entre Alector et Noémie, qui auraient tous deux tâché de « faire l’amour honeste ». En somme, ces quelques pages enchaînent des énoncés divers, où alternent narration et description, sujet guerrier et matière amoureuse, gravité et légèreté du ton. Parallèlement, l’unique locuteur adopte des masques changeants, se présentant tour à tour comme humble domestique, admirateur des combats d’un paladin et voyeur complice de ses ébats. Il serait aisé de montrer cette variété stylistique à l’œuvre dans les Angoysses, où récit des amours, expression des souffrances, sous forme monologale ou dialoguée, et passages didactiques s’enchaînent durant les trois parties. Nous prendrons deux exemples manifestes de ce phénomène, qui ont la particularité d’introduire un humour en décalage avec le ton grave et sérieux du roman. Il s’agit, d’abord, de l’altercation entre le mari d’Hélisenne et leur hôte : alors que des musiciens viennent jouer le soir sous les fenêtres de la maison, le mari veut avoir l’avis de cet ‘«’ ‘ homme rusticque, et de rude et obnubilé esperit ’» et, tout en soupçonnant bien les manœuvres de Guénélicpour courtiser Hélisenne, il entre en matière en lui signifiant que quelqu’un cherche à manifester sa passion soit à sa femme soit à la sienne propre 632 . L’hôte en colère défend à toute force la chasteté et l’honnêteté de son épouse. Or la narratrice introduit insidieusement une description de la « difformité et laydeur » de celle-ci. Le ton se fait alors léger, soulignant à l’envie le décalage entre la réaction de l’homme et le fait que sa femme ‘«’ ‘ eust esté refusée et chassée de tous hommes » ’; finalement, Hélisenne et son mari ne peuvent s’empêcher de rire. De même, dans la seconde partie, alors que Guénélic et Quézinstra séjournent à Gorenflos, où un tournoi vient de se dérouler, on nous rapporte les festivités du mariage du duc de Foucquerolles et de la fille du comte de Merlieu. Guénélic explique que ses douleurs l’empêchent de profiter de la fête ; pourtant, il fait état de la farce jouée par de jeunes princes aux nouveaux mariés : après s’être introduits dans la chambre nuptiale, ceux-ci mènent une enquête pour savoir pourquoi la chemise de la jeune fille est déchirée ; des commissaires sont députés pour témoigner à la séance de la « court d’Amours » qui se tiendra le lendemain matin ; les jeunes gens y feront appel de la décision du juge 633 . Nous avons donc affaire au récit d’une farce, rapportée à la troisième personne du pluriel, où personnages et narrateur détournent un référent sexuel par le vocabulaire judiciaire des cours d’amour. Inversement, les passages sérieux sont rares dans la Mythistoire ; la lettre d’Happe-bran à son fils Gaudichon peut à ce titre retenir notre attention. Elle intervient après que le cancre Gaudichon, qui se trouvait, comme Pantagruel dans son tour des universités, plus savant en jeux d’écoliers que dans les disciplines canoniques, est passé ‘«’ ‘ magister juré ’ ‘ 634 ’ ‘». ’Le discours d’Happe-bran est un pastiche de la lettre de Gargantua reproduite au chapitre 8 de Pantagruel : il fait un éloge de l’apprentissage intellectuel et un bilan des formes de savoir de son époque. Or Gaudichon délibère ensuite avec ses compagnons pour savoir dans quel domaine d’étude il va se lancer : la théologie, la médecine ou le droit. Les propos de ceux-ci, portant d’abord sur la nécessité pour Gaudichon de se marier et sur le fait qu’il ne veut pas être « prescheur », tournent à la satire des lois ; de son côté, le narrateur fait des médecins de ‘«’ ‘ vrais bailleurs de paraboles ’». De deux maux, Gaudichon choisira le moindre et reviendra au droit, pour être un nouvel Accurse. Voilà donc le beau raisonnement d’Happe-bran successivement dégradé par le langage des étudiants puis par le discours du narrateur et de Gaudichon lui-même. Chez Rabelais, l’abondance du matériau verbal est, plus encore que chez les autres romanciers, orientée vers le choc des intentions. Dans Pantagruel, l’opposition entre l’ethos du géant et celui de Panurge permet de créer des effets de rupture multiples, comme le permettra la différence de vues entre Gargantua et frère Jean dans le roman suivant. Lors de la guerre contre les Dipsodes, par exemple, deux trophées sont confectionnés et deux poèmes parallèles produits : l’un fait l’éloge de la ruse humaine, qui a permis d’obtenir la victoire, et de la toute-puissance de Dieu, tandis que l’autre exalte les qualités gustatives de ‘«’ ‘ Maistre levrault’ ‘ 635 ’ ‘ ’». Épistémon et Panurge feront ensuite une variation culinaire et sexuelle sur un aphorisme guerrier de Pantagruel. On le voit, les langages créés par Rabelais, parfois très courts, fusent à tout moment dans le texte et sont d’abord orientés vers la solution de continuité qu’ils produisent avec les énoncés voisins. Un jeu auquel se livre souvent l’auetur, qui est apparu dans le passage précédent et qui revient au chapitre 21 du Cinquiesme livre, est la variation des langages autour d’un même procédé rhétorique. Le point commun entre la description des activités des officiers de la Quinte-essence et le discours de celle-ci ne tient pas alors à la reprise de types d’énoncés semblables et dont les contenus divergent, mais à deux modes de traitement de l’adynaton. Dans le premier énoncé, qui est un exposé assumé par le narrateur-personnage et présenté sous la forme d’une liste, sont données comme advenues des actions soit vaines, soit impossibles sur un plan matériel  les officiers chassent le vent avec des filets ou font de nécessité vertu : Rabelais puise dans les Adages d’Érasme pour convertir le sens figuré des mots en sens propre et rendre concret l’abstrait. Or cet humour disparaît dans l’explication que la Quinte donne ensuite aux compagnons de ces activités : elles sont un principe d’élévation intellectuelle et spirituelle, poussant l’esprit à se détacher de l’expérience des sens et de la recherche des causes naturelles pour laisser opérer le seul ‘«’ ‘ jugement serain’ ‘ 636 ’ ‘ ’». L’impossibilité apparaît donc tout à tour traitée sur un mode linguistique avec humour et sur un mode philosophique sérieux, qui n’empêche pas une parodie du langage éthéré de la Quinte.

Par conséquent, la technique d’écriture des nouveaux romanciers se distingue clairement de l’embellissement de la prose valable pour la traduction de romans. Elle s’avère en accord avec les principes de copia et de varietas quand les lettrés de la Renaissance ne les restreignent pas à leur signification rhétorique , tout en les poussant à leurs extrêmes limites : c’est, en fait, une copia discursive qu’inventent nos auteurs. Nul doute qu’il existe pour eux, au lieu d’une indifférence de la formulation au matériau importé, une solidarité essentielle entre le langage employé, le sujet sur lequel il porte et l’intention qu’il véhicule.

Notes
621.

Dans l’ensemble de notre développement, nous reprendrons les éléments fournis à ce sujet par l’article de P. Galand-Hallyn intitulé « La rhétorique en Italie à la fin du Quattrocento (1475-1500), in Histoire de la rhétorique dans l’Europe moderne. 1450-1950, M. Fumaroli (dir.), Paris, P.U.F., 1999, pp. 131-190, ainsi que celui d’I. Diu et d’A. Vanautgaerden intitulé « Le jardin d’abondance d’Érasme : le De copia et la lettre sur les Adages non éditée par P. S. Allen », in La Varietas à la Renaissance, Actes de la journée d’études du 20 avril 2000, D. de Courcelles (dir.), Paris, Écoles nationale des Chartres, 2001, pp. 43-55. Nous nous référerons également au chapitre « Copia » de la première partie de l’ouvrage essentiel de Terence Cave : Cornucopia. Figures de l’abondance au XVI e siècle : Érasme, Rabelais, Montaigne, G. Morel (trad.), Paris, Macula, « Argô », 1997 [1ère éd. Oxford, 1979].

622.

De duplici copia verborum et rerum, in Œuvres choisies d’Érasme, J. Chomarat (trad.), Paris, Librairie Générale Française, « Le Livre de Poche/Bibliothèque classique », 1991, commentaire I, chap. 7, p. 240.

623.

Ibid., commentaire I, chap. 33, pp. 246-248.

624.

Voir partie I, chapitre 3, pp. 204-208.

625.

De duplici copia…, op. cit., commentaire I, chap.8, pp. 241-242.

626.

« Au lecteur » de l’Histoire palladienne, op. cit., p. 93 et « Preface aux lecteurs »du Trezieme livre d’Amadis de Gaule, op. cit., non paginé.

627.

Alector, pp. 10-11 ; voir supra p. 308. Notons que les adjectifs « Tragique » et « Comique » renvoient plus à la gravité ou à la légèreté du sujet qu’au genre dramatique. D’ailleurs, c’est dans le sens de la cruauté qu’évolue la narration brève en 1560, année qui voit paraître les Histoires tragiques de Boaistuau et la Continuation des Histoires tragiques de Belleforest. Il est intéressant de voir que, dans son Academie de l’art Poëtique, op. cit., p. 540, Deimier s’inspire de ce passage pour faire des Éthiopiques non pas « un Poëme Epique », mais un poème « Tragicomique ». Il refuse ainsi la réflexion d’Amyot sur le roman d’Héliodore au profit de celle d’Aneau, se rangeant à sa théorie du « meslange ».

628.

Cornucopia…, p. 150. Nous lisons plus loin que cette extension sémantique du terme se fait de manière machinale chez de nombreux lettrés (p. 198) :

Les humanistes présentaient explicitement les textes d’Homère, mais aussi d’Hésiode, de Virgile, d’Ovide et d’autres grands auteurs anciens comme des réserves (copiae) encyclopédiques de connaissances et d’ornements poétiques et rhétoriques, renfermant chacune la quintessence des idées et des styles littéraires antiques.
629.

Le « Prologue de l’Auteur » parle de l’ouvrage comme d’» un vray cornucopie de joyeuseté et raillerie » (Tiers livre, p. 352).

630.

Alector, chap. 3, pp. 34-41.

631.

Le personnage met sur pied une entrevue nocturne entre Hélisène et Périon, union dont naîtra Amadis. Les pulsions sexuelles de cette confidente, qui seront en somme réalisées par procuration, sont soulignées avec insistance par Herberay (Le premier livre de Amadis de Gaule, op. cit., t. I, chap. 2, p. 11).

632.

Les Angoysses douloureuses…, partie I, p. 121.

633.

Ibid., partie II, p. 329.

634.

Mythistoire barragouyne…, chap. 4, p. 46.

635.

Pantagruel, chap. 27, pp. 309-310.

636.

Cinquiesme livre, chap. 21, p. 775.