I - Des livres inclassables

Nous avons rappelé plus haut comment le système des genres s’est constitué de l’Antiquité à la Renaissance 676 . Si la triade des archigenres que forment l’épopée, le théâtre et la poésie lyrique est entérinée dans les arts poétiques français, nous avons constaté que des confusions se produisent entre ces formes et leurs subdivisions et que le modèle rhétorique déplace souvent la réflexion sur les ‘«’ ‘ genres d’écrire ’» vers celle des genera dicendi, c’est-à-dire de l’élocution. Au lieu d’en rester à une démarche de type normatif, qui se bornerait à souligner l’écart entre le classement des formes littéraires et la réalité du roman, d’ailleurs inexistante dans ce cadre, nous souhaitons adopter ici l’angle esthétique de la réception. Les études de l’École de Constance ont sensibilisé au rôle du public dans l’actualisation du genre d’une œuvre : en fonction de sa connaissance des précédents ouvrages qui exploitent une thématique similaire ou qui relèvent de la même forme, le lecteur pourra ou non rattacher le livre à la série historique des productions à laquelle il ressortit. Mais plutôt que l’horizon d’attente des hommes du XVIe siècle sur le développement du genre romanesque  il serait hasardeux de vouloir le reconstituer avec justesse , choisissons notre propre vision pour point de départ à l’analyse de l’appartenance générique des huit textes et voyons comment notre catégorisation évolue en fonction des éléments fournis par l’ordre de la lecture. Mais saurons-nous ranger les œuvres dans un seul cadre générique ? Celles-ci ne nous invitent-elles pas précisément à conclure à leur indétermination formelle ?

Notes
676.

Voir partie I, chapitre 2, pp. 95-100.