c - La Mythistoire barragouyne

Chez Des Autels, la thématique sentimentale ne parvient pas à unifier les divers énoncés englobants pour la bonne raison que le roman ne parle pas beaucoup d’amour. Malgré les déclarations de la fin du «‘ Proeme ’» et de l’» Epilogue », il n’est pas question des ‘«’ ‘ plaintes amoureusement hullées ’» des personnages éponymes, mais de celles des parents de Fanfreluche ainsi que des débuts de Gaudichon dans la vie. De plus, en dépit de l’annonce d’une histoire remarquable, les quatre personnages n’ont aucune destinée particulière : Trigory rencontre Biétrix ‘«’ ‘ un jour de feste, qu’il ne faisoit rien non plus qu’aux jours ouvrant (sic)’ ‘ 736 ’ ‘ ’». Mais ne seraient-ils pas exemplaires dans leur médiocrité même ? Biétrix, par exemple, ‘«’ ‘ culletoit desjà à double quarillon en l’aage de sept ans ’» et l’on connaît les performances de Fanfreluche dans le domaine. En ce cas, la Mythistoire pourrait se rapprocher du roman picaresque, où les personnages connaissent un destin trivial et ne visent pas à satisfaire d’autre exigence que l’assouvissement de la faim. De fait, quoiqu’il n’ait pu s’inspirer ni de La Vida de Lazarillo de Tormes ni de Guzmán de Alfarache, respectivement publiés en 1554 et en 1599, Des Autels a en commun avec les romanciers espagnols l’intérêt qu’il porte aux contingences matérielles de l’existence et le choix d’anti-héros. Cependant, à partir de données similaires à ses homologues, il n’élabore pas une narration picaresque. De fait, Songe-creux ne narre pas sa propre vie malheureuse, mais celle d’autres personnages. Alors qu’Alcofribas lui a montré comment privilégier la forme de l’histoire au détriment de la chronique chevaleresque, il n’utilise pas le caractère testimonial du récit comme une mise à distance de la hauteur des romans de chevalerie. De plus, Des Autels fait choix d’introduire non seulement un, mais deux narrateurs-personnages. Enfin, les quatre protagonistes principaux sont présentés comme appartenant à la noblesse. Or s’il se conforme de loin aux prouesses gigantales de son modèle  plutôt qu’aux romans médiévaux , c’est pour mieux creuser un décalage avec celles-ci. Alors que Fanfreluche nous fait miroiter une généalogie prestigieuse, elle déclare ainsi qu’il n’» y a princesse en tout le territoire de la Creuse, de plus antique race qu[’elle] » puis explique qu’elle descend d’Adam… De même, l’épitaphe de Trigory composée par frère Gribouille déploie des vers seulement pour spécifier qu’il n’y a rien à dire de cet homme 737 . En un mot, la Mythistoire détourne les formes du roman de lignée et du roman d’éducation par le choix de quatre personnages insignifiants. Ce projet démystificateur donne sa cohérence à la diversité des sujets traités.

Notes
736.

Mythistoire barragouyne…, chap. 2, p. 6.

737.

Ibid., chap. 2 pp. 4-5 et chap. 8, p. 39.